Nations Unies

CRC/C/92/D/110/2020

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

1er mars 2023

Original : français

Comité des droits de l’enfant

Constatations adoptées par le Comité au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, concernant la communication no 110/2020 * , **

Communication présentée par :

K.K.(représentée par un conseil, Vadim Drozdov)

Victime ( s ) présumée ( s ):

L’auteure

État partie :

Suisse

Date de la communication :

16 janvier 2020 (date de la lettre initiale)

Date des constatations :

25 janvier 2023

Objet :

Expulsion vers la Géorgie ; accès aux soins médicaux

Question ( s ) de procédure :

Défaut de fondement des griefs ; justiciabilité des droits consacrés par la Convention

Question ( s ) de fond :

Intérêt supérieur de l’enfant ; droit à la santé ; torture et mauvais traitements

Article(s) de la Convention :

3, 12, 19 (par. 1), 24 (par. 1), 37 (al. a)) et 39

Article ( s ) du Protocole facultatif :

7 (al. f))

1.1L’auteure de la communication est K. K., de nationalité géorgienne, née le 11 juin 2006. Elle a déposé une demande d’asile en Suisse, mais sa requête a été rejetée. Elle fait l’objet d’une décision de renvoi vers la Géorgie et soutient que son renvoi constituerait une violation par l’État partie des articles 3, 12, 19 (par. 1), 24 (par. 1), 37 (al. a)) et 39 de la Convention. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 24 juillet 2017. L’auteure est représentée par un conseil.

1.2Le 21 janvier 2020, conformément à l’article 6 du Protocole facultatif, le groupe de travail des communications, agissant au nom du Comité, a demandé à l’État partie de prendre des mesures provisoires tendant à suspendre le renvoi de l’auteure vers la Géorgie tant que la communication serait à l’examen par le Comité. Le 24 janvier 2020, l’État partie a informé le Comité de la suspension de l’exécution du renvoi.

Rappel des faits présentés par l ’ auteure

2.1Les parents de l’auteure ont vécu en concubinat à Tbilissi à partir de décembre 2004. À la naissance de l’auteure, sa mère a souffert d’un problème de disques intervertébraux, puis de problèmes psychiques ayant nécessité des soins médicaux. Après avoir contracté des crédits bancaires pour financer ses traitements médicaux, la mère a quitté la Géorgie seule en 2011 pour l’Italie, où elle a travaillé comme aide-soignante pour personnes âgées pour pouvoir rembourser ses dettes. Depuis, l’auteure vivait en Géorgie avec son père et sa grand‑mère paternelle et, jusqu’en mai 2017, elle communiquait avec sa mère uniquement par une plateforme de messagerie instantanée et d’appels via Internet.

2.2Après le départ de la mère de l’auteure, la situation du père s’est détériorée. Il s’est mis à consommer de l’alcool et de la drogue et est devenu violent : il insultait sa mère et sa fille, et détruisait des meubles et d’autres objets de la maison. Après un certain temps, le père de l’auteure est devenu trafiquant de drogue et s’est endetté auprès d’autres criminels. Comme il se cachait, les criminels l’ont cherché à la maison à plusieurs reprises et n’ont pas hésité à agresser l’auteure en lui tirant les cheveux.

2.3Quand l’auteure avait environ 8 ans, des trafiquants de drogue sont venus deux fois à la maison pour chercher son père, qui se cachait. Quand ils sont partis, l’auteure et sa grand-mère ont commencé à le chercher, et l’ont trouvé dans la grange, debout sur une chaise, avec une corde, prêt à se pendre. Elles ont commencé à crier et le père est rentré dans la maison. L’auteure a appelé sa mère et, pendant la conversation, son père s’est mis à crier et à frapper sa propre mère en exigeant les clés de la voiture, car il voulait se tuer en voiture. Pendant la bagarre, le père a cassé le bras de sa mère. Après cet incident, le père a perdu le contact avec sa propre mère. L’auteure a alors déménagé chez sa grand-mère maternelle, dans un autre village, mais les trafiquants de drogue ont continué à chercher son père, y compris dans ce nouvel endroit.

2.4À une date non précisée en 2017, l’auteure a rejoint sa mère en Italie. En mai 2017, le père les a rejointes. Après deux mois, ils ont toutefois décidé de partir en Suisse, car ils avaient constaté que beaucoup de Géorgiens vivaient en Italie et ils craignaient d’être découverts par les trafiquants de drogue qui cherchaient le père de l’auteure.

2.5Le 20 juillet 2017, la famille a déposé une demande d’asile en Suisse. Les parents de l’auteure ont été entendus le 2 août et le 20 novembre 2017. Une évaluation psychologique de la mère, en date du 26 octobre 2017, attestait qu’elle avait souffert d’un trouble de l’adaptation avec humeur dépressive et anxiété et qu’elle présentait des symptômes du syndrome de stress post-traumatique. Une évaluation psychologique de l’auteure, en date du 2 novembre 2017, attestait qu’elle souffrait de troubles aigus dus au stress et de troubles du sommeil, qu’elle s’inquiétait pour la santé de sa mère et qu’elle avait perdu l’appétit en réaction à des changements importants et à la situation familiale.

2.6Le 9 février 2018, le Secrétariat d’État aux migrations a rejeté la demande d’asile déposée par l’auteure et ses parents puisqu’ils n’avaient pas établi − ou au moins rendu vraisemblable − l’existence de motifs de persécution au sens de la loi sur l’asile. Il leur a dénié la qualité de réfugié et a prononcé leur renvoi de Suisse, en jugeant qu’il n’y avait pas d’obstacles à l’éloignement liés à la santé des membres de la famille et au bien-être de l’auteure.

2.7Le 19 mars 2018, l’auteure et ses parents ont interjeté recours contre la décision du Secrétariat d’État aux migrations, arguant qu’elle devait être annulée et demandant le renvoi de l’affaire pour un nouvel examen et une audition personnelle de l’auteure. La famille a fourni des informations sur la persécution du père qui n’avaient pas été divulguées auparavant. Ils ont indiqué que le père avait commis une tentative de suicide le 19 avril 2018 − probablement en réaction à la décision négative concernant la demande d’asile − et qu’il avait dû être hospitalisé. Ils ont également produit un rapport médical du 30 avril 2018 − établi à la suite d’un rendez-vous demandé par l’auteure après la tentative de suicide de son père − émanant des Services psychiatriques des enfants et de la jeunesse de Burgdorf, chargés du suivi de l’auteure depuis le 9 avril 2018. Selon le rapport, l’auteure souffrait de toute évidence du syndrome de stress post-traumatique avec des souvenirs pressants d’événements traumatiques, des cauchemars, de la nervosité, des flashbacks, des tensions physiques, des difficultés de concentration et des émotions négatives persistantes.

2.8Le 28 mai 2018, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours et confirmé la décision attaquée. Le Tribunal a notamment relevé que les motivations de la demande d’asile ne coïncidaient pas avec les affirmations des intéressés lors de leurs auditions personnelles. Le départ de Géorgie n’aurait notamment plus été motivé par les dettes, mais plutôt par les menaces qu’auraient proférées des tiers à l’égard de la famille. Le manque de crédibilité des déclarations des parents n’était aucunement dissipé par les documents qu’ils avaient présentés, y compris le rapport médical du 30 avril 2018 : alors que l’évaluation psychologique du 2 novembre 2017 soulignait que l’auteure donnait l’impression d’être dans un état sain et de grande stabilité compte tenu des circonstances, le rapport du 30 avril 2018 diagnostiquait un « dérangement post-traumatique » sans donner d’explications sur les raisons pouvant justifier une telle divergence d’appréciation. En procédant par appréciation anticipée des preuves, le Tribunal a considéré qu’il pouvait être renoncé à une nouvelle audition personnelle de l’auteure. Retenant que les prétendues menaces de tiers ne constituaient pas un motif valable d’asile, le Tribunal a examiné ensuite si le renvoi des parents et de l’auteure en Géorgie était licite, c’est-à-dire s’il n’était pas contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international.

2.9À ce titre, le Tribunal a vérifié notamment si le renvoi serait conforme à l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et à l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme), à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et de la pratique du Comité contre la torture. Le Tribunal a conclu, au vu des déclarations des intéressés et des pièces au dossier, qu’il n’existait aucun indice selon lequel ils courraient un risque réel d’être exposés à des actes de torture ou à des traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi en Géorgie. La situation générale des droits de l’homme en Géorgie ne faisait pas non plus obstacle à un tel renvoi.

2.10Le Tribunal a vérifié enfin si le renvoi était raisonnablement exigible, ce qui n’est pas le cas si le renvoi met concrètement les intéressés en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale. Dans ce contexte, le Tribunal a examiné de façon circonstanciée si l’intérêt supérieur de l’auteure avait fait l’objet d’une considération primordiale en se référant expressément à l’article 3 de la Convention. Il a évalué la situation médicale de l’auteure au vu des rapports psychiatriques du 2 novembre 2017 et du 30 avril 2018 et analysé le fonctionnement du système de santé en Géorgie en se référant à des informations en provenance de différentes sources, y compris de l’Organisation mondiale de la Santé. Il a indiqué que les problèmes médicaux de l’auteure et de ses parents n’étaient pas d’une gravité telle qu’ils connaîtraient une urgence médicale en cas de retour en Géorgie, où ils seraient en mesure de recevoir le traitement nécessaire. Le Tribunal a conclu que le renvoi de l’auteure n’emporterait aucune violation des normes internationales relatives aux droits de l’homme, en particulier l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.

2.11Le 18 juin 2018, les médecins qui suivaient l’auteure ont préparé une déclaration sur les divergences entre les rapports d’évaluation psychologique préparés en novembre 2017 et en avril 2018. Ils ont indiqué, entre autres, qu’en cas de retour de la famille en Géorgie, il serait au moins nécessaire de veiller à ce qu’un spécialiste accompagne l’auteure afin d’aider ses parents à créer un espace de développement approprié pour elle, puisque leur stress affecterait négativement l’auteure. Dans un rapport périodique du 25 juin 2018 concernant l’auteure, les médecins ont exprimé des doutes quant aux capacités des parents d’assurer la sécurité et la protection émotionnelle de leur fille. Une évaluation psychologique du père, en date du 6 juillet 2018, attestait un trouble de l’adaptation avec humeur dépressive, une dépendance à des substances psychoactives et une tendance à l’automutilation intentionnelle.

2.12Le 13 juillet 2018, la famille a soumis au Secrétariat d’État aux migrations une demande de réexamen, en considérant que le bien-être de l’auteure ne serait pas assuré en Géorgie. Ils ont aussi demandé que l’auteure soit entendue personnellement sur ses motifs d’asile ainsi que sur d’éventuels obstacles à son renvoi au motif qu’à l’âge de 12 ans, elle n’était pas en mesure de s’exprimer sur ces points par écrit. Par décision du 2 août 2018, le Secrétariat a rejeté cette demande de réexamen. Une évaluation psychologique du père en date du 27 août 2018 − mise à jour le 19 décembre 2018 − attestait un syndrome de stress post-traumatique et une dépression majeure avec symptômes psychotiques.

2.13Le 8 novembre 2018, le Tribunal administratif fédéral a admis le recours de la famille contre la décision du Secrétariat d’État aux migrations et annulé celle-ci. À l’appui de sa décision, le Tribunal a principalement pris en considération l’intérêt supérieur de l’auteure et a constaté que les deux nouveaux rapports médicaux datant des 18 et 25 juin 2018 faisaient état d’une détérioration évidente de son état de santé, sans que le Secrétariat ne les ait suffisamment pris en compte dans son analyse. L’affaire a été renvoyée au Secrétariat d’État aux migrations pour que celui-ci établisse l’ensemble des faits pertinents et procède à une nouvelle évaluation, tout en octroyant le droit d’être entendu aux intéressés.

2.14Après avoir repris l’instruction du dossier, le Secrétariat d’État aux migrations a demandé aux médecins qui suivaient l’auteure de soumettre une évaluation psychologique de celle-ci. Dans cette évaluation, datée du 17 décembre 2018, les médecins expliquaient qu’ils avaient essayé en vain d’analyser les perspectives de retour avec les parents, puisque la simple mention d’un retour générait panique et désespoir. Pour les médecins, cette panique des parents − associée aux tentatives précédentes et à la présence de troubles psychiques − pourrait augmenter la probabilité que l’un d’entre eux se suicide. À long terme, les troubles psychiques des parents pourraient augmenter le risque de suicide de l’auteure. Pour les médecins, le lien affectif entre les parents et l’auteure était important pour son bien-être.

2.15Dans une évaluation psychologique du père en date du 12 avril 2019, préparée à la demande du Secrétariat d’État aux migrations, les médecins ont attesté qu’il continuait à souffrir du syndrome de stress post-traumatique et d’une dépression majeure avec symptômes psychotiques. Dans une évaluation psychologique de l’auteure en date du 22 mai 2019, effectuée à la demande du Secrétariat d’État aux migrations, les médecins ont actualisé son évaluation psychologique du 17 décembre 2018 et ont constaté qu’elle souffrait toujours d’un trouble de l’adaptation avec un sentiment de détresse, de déficience émotionnelle, de rumination, d’inquiétude exagérée, d’absence de joie, de chagrin, de peur et de somatisation, et d’un syndrome de stress post-traumatique. Les médecins ont indiqué également dans le rapport que l’auteure peut difficilement se distancer des peurs et des tensions psychologiques de ses parents et que le développement de son autonomie est inhibé.

2.16Le 28 août 2019, le Secrétariat d’État aux migrations a rejeté à nouveau la demande de réexamen en précisant que les deux rapports médicaux les plus récents ne changeaient pas l’appréciation portée par le Tribunal administratif fédéral dans son premier arrêt sur les troubles psychiques dont souffre l’auteure et sur les possibilités de traitement qui existent en Géorgie. Le fait que les intéressés ressentent une pression psychique plus forte à l’approche d’un renvoi n’est pas inhabituel et les risques éventuels qui y sont associés peuvent être gérés avec une préparation minutieuse du retour et un traitement médicamenteux approprié. Les difficultés psychiques rencontrées par l’auteure sont principalement liées aux problèmes de santé dont ses parents se plaignent. Ils sont donc liés à la situation prévalant à l’intérieur de la cellule familiale, de sorte qu’une amélioration de la santé des parents apparaît décisive pour alléger le poids reposant sur les épaules de l’auteure.

2.17Selon un rapport du 9 septembre 2019, le 4 septembre 2019, le père a été admis dans un hôpital après avoir fait une tentative de suicide par intoxication médicamenteuse. Une évaluation psychologique de la mère datée du 13 septembre 2019 attestait qu’elle était extrêmement stressée mentalement. Toujours en septembre 2019, l’auteure a fait une tentative de suicide par intoxication médicamenteuse.

2.18L’auteure et ses parents ont déposé le 27 septembre 2019 un recours auprès du Tribunal administratif fédéral en produisant les nouveaux rapports médicaux et en sollicitant une audition de l’auteure. Le 25 octobre 2019, la mère a été informée qu’elle était enceinte et qu’elle devrait accoucher le 18 avril 2020. Le 20 novembre 2019, le père a quitté l’hôpital après sa tentative de suicide, tout en souffrant d’un syndrome de stress post-traumatique, de trouble d’adaptation avec humeur dépressive et de dépendance à des substances psychoactives. Une évaluation psychologique de l’auteure, en date du 21 novembre 2019, a confirmé ses idées suicidaires, son syndrome de stress post-traumatique et ses troubles du sommeil. Le médecin a déconseillé son renvoi en Géorgie puisqu’une interruption de son traitement ou une réduction dans son intensité aurait des conséquences néfastes pour l’auteure et pourrait augmenter le risque de suicide, alors que rester en Suisse lui donnerait un peu de stabilité.

2.19Le 6 décembre 2019, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours, ouvrant ainsi la voie à l’exécution du renvoi. Dans son arrêt, le Tribunal s’est à nouveau penché sur les conséquences du renvoi de l’auteure du point de vue de son intérêt supérieur. Ce faisant, le Tribunal s’est fondé sur les rapports médicaux les plus récents, en prenant en compte la lourde charge psychosociale ainsi que le soupçon de syndrome de stress post-traumatique diagnostiqués chez l’auteure et en s’exprimant à nouveau sur le fonctionnement général du système de santé en Géorgie. Il a ainsi retenu qu’un traitement psychiatrique de l’auteure et de ses parents était possible en Géorgie et qu’il convenait d’admettre que les intéressés pouvaient accéder aux soins nécessaires dans leur pays. Les membres de la famille avaient reçu un traitement médical en Géorgie avant de quitter le pays, il n’y avait donc aucune raison apparente pour que le traitement ne puisse pas leur être proposé à l’avenir. Le fait que le traitement dans leur pays d’origine n’atteint pas les standards suisses ne constitue pas une raison pour que le renvoi soit déraisonnable. Le Tribunal a ensuite noté que le fardeau psychosocial qui pèse sur l’auteure est susceptible d’être principalement dû au comportement de ses parents − puisque les motifs invoqués pour l’asile ne s’étaient pas révélés crédibles − et du statut de séjour précaire en Suisse. Le renvoi de Suisse permettrait de clarifier la situation de la famille et, après le retour en Géorgie, la charge psychologique pesant sur l’auteure diminuerait. Dans ces conditions, le Tribunal a jugé qu’un retour en Géorgie était souhaitable dans les circonstances et que le fait de rester en Suisse n’était pas nécessairement dans l’intérêt supérieur de l’auteure. D’ailleurs, le Tribunal a exprimé son étonnement sur le fait que presque tous les rapports médicaux indiquent expressément que les problèmes psychologiques sont liés à la perspective de devoir retourner en Géorgie.

2.20Quant à la demande d’audition de l’auteure, le Tribunal a jugé que l’argument présenté n’était pas crédible puisqu’elle pouvait très bien raconter son histoire et ses craintes à son thérapeute − qui aurait pu les enregistrer − en supposant qu’elle aurait plus de confiance en son thérapeute qu’elle connaît qu’en des inconnus lors d’une audience. Le Tribunal a ensuite considéré qu’une fois la famille rentrée en Géorgie, il devait être possible pour les parents de stabiliser leur situation et de reprendre une activité professionnelle, surtout la mère. L’entourage familial des intéressés − en particulier la présence des deux grands-mères de l’auteure − était aussi de nature à contribuer de manière positive au bien-être de l’enfant ainsi qu’à une stabilisation des intéressés. Ce point de vue est corroboré par les commentaires de son conseil légal, en date du 25 avril 2019, selon lesquels, compte tenu d’une certaine stabilisation, il n’était pas nécessaire de placer l’auteure auprès de membres de sa famille habitant en Suisse ni d’envisager une mesure de l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte. Le Tribunal a relevé que compte tenu de la période relativement courte pendant laquelle l’auteure avait vécu en Suisse et de son âge, on ne pouvait pas retenir qu’il y avait eu un déracinement de son environnement social en Géorgie. Un retour en Géorgie apparaissait donc comme indiqué pour le bien de l’enfant. Quant à la tentative de suicide de l’auteure, elle était bien entendu inquiétante en soi, mais pouvait être prise en compte et gérée en mettant en place des mesures appropriées d’accompagnement dans le cadre du retour.

Teneur de la plainte

3.1L’auteure allègue que son renvoi en Géorgie violerait les articles 3, 19 (par. 1), 24 (par. 1), 37 (al. a)) et 39 de la Convention car, dans son pays d’origine, elle n’aurait pas accès à un traitement adéquat pour sa maladie mentale. En outre, son renvoi serait exécuté sans que l’État partie obtienne des garanties individuelles et suffisantes d’accès à un traitement psychiatrique approprié et à des services d’aide à l’enfance.

3.2En citant les principes généraux pertinents mentionnés par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Savran c . Danemark, l’auteure affirme qu’il existe des preuves médicales abondantes et cohérentes attestant du déclin de sa santé mentale, au moins dans les deux dernières années, y compris une tentative de suicide en septembre 2019. Depuis son enfance, elle a été privée de la présence physique de sa mère et a été témoin du déclin de son père. En conséquence, si l’auteure ne recevait pas un traitement psychiatrique approprié en Géorgie, elle serait exposée à une dégradation grave, rapide et irréversible de son état de santé, entraînant une souffrance intense et, éventuellement, une nouvelle tentative de suicide. Ainsi, les articles 3, 19 (par. 1), 24 (par. 1), 37 (al. a)) et 39 de la Convention s’appliquent à sa situation.

3.3Selon l’auteure, il ressort d’informations récentes crédibles sur son pays d’origine qu’il n’existe pas de conditions adéquatespour son traitement en Géorgie. Un rapport de la Fondation internationale Curatio a mis en évidence un certain nombre de lacunesdans le système de traitement psychiatrique géorgien: ressources financières et humaines limitées, répartition insuffisante des ressources, base d’information limitée, lacunes dans la gestion et le contrôle, et interactions insuffisantes entre les différents programmes d’État. Le traitement en milieu hospitalier est un problème important pour le développement desservices ambulatoires.S’ajoute une pénurie de lits dans les hôpitaux et de personnel qualifié, des coûts élevés pour les patients et une qualité médiocre des traitements. Sur la base de ces informations, l’auteure conclut qu’en cas de renvoi en Géorgie, il existe un risque réel qu’elle ne puisse pas bénéficier d’un traitement adéquat.

3.4L’auteure soutient que les autorités de l’État partie n’ont pas considéré d’une manière suffisante si ses parents pourront supporter le coût de son traitement, mais ont seulement affirmé qu’en Géorgie, les personnes qui ne peuvent pas se permettre de payer un traitement peuvent bénéficier deces services gratuitement. L’auteure rappelle que sa mère a dû contracter un prêt auprès d’une banque pour couvrir le traitement de sesproblèmes de dos. En outre, ses parents étant eux-mêmes malades, il n’est pas évident qu’ils puissent travailler.

3.5L’auteure fait valoir que les autorités de l’État partie n’ont pas considéré d’une manière suffisante si elle pourrait recevoir le traitement nécessaire en Géorgie étant donné qu’avant son départ elle vivait dans un village qui ne dispose probablement d’aucune installation pour assurer son traitement, alors que le rapport médical du 18 juin 2018 indique qu’en cas de retour, un spécialiste doit accompagner l’auteure. Les rapports médicaux indiquent également que ses parents souffrent de maladies mentales, ce qui fait qu’ils ne sont pas en mesure d’assurer son bien-être.

3.6Le père de l’auteure n’ayant plus vécu en Géorgie depuis trois ans et sa mère depuis neuf ans, un retour pourrait les obliger à faire des ajustements non désirés, ce qui pourrait déclencher de nouvelles tentatives de suicide, en particulier du père, qui en a déjà fait au moins quatre. En outre, puisque la Géorgie bénéficie du régime d’exemption de visa pour l’espace Schengen, les parents pourraient tenter d’obtenir l’asile dans un autre pays européen, ce qui prolongerait la situation migratoire incertaine de la famille et leur ferait vraisemblablement encore plus de tort.

3.7L’auteure précise que sa grand-mère paternelle a rompu toute relation avec la famille depuis que son fils lui a cassé le bras. Quant à sa grand-mère maternelle, elle est malade et doit prendre soin de son mari. Pendant leur périple à l’étranger, l’auteure et ses parents n’ont plus eu de contact avec les autres membres de la famille ni leurs amis en Géorgie. Il est donc peu probable que l’auteure puisse bénéficier de soutien de leur part.

3.8Enfin, en l’absence de garanties de la part des autorités géorgiennes pour une prise en charge de l’auteure par les services de protection du bien-être de l’enfant, on ne peut pas supposer que l’auteure serait prise en charge. En outre, sa mère sera probablement opposée au placement de l’auteure. En conclusion, au cas où elles souhaiteraient procéder à l’exécution du renvoi, les autorités de l’État partie doivent obtenir des autorités géorgiennes des assurances individuelles et suffisantes selon lesquelles l’auteure aurait accès à un traitement psychiatrique approprié ainsi qu’à des mesures de soutien de la part des services de protection de l’enfant.En l’absence de telles assurances, son renvoi de Suisse constituerait une violation des articles 3, 19 (par. 1), 24 (par. 1), 37 (al. a)) et 39 de la Convention.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Dans ses observations du 21 septembre 2020, pour ce qui est de la nature juridique de l’article 3 de la Convention, l’État partie estime qu’il convient de distinguer les dispositions de la Convention qui bénéficient d’une applicabilité directe et dont la violation peut être alléguée, de celles qui n’en bénéficient pas. Sont directement applicables les dispositions qui sont inconditionnelles et suffisamment claires et précises pour s’appliquer comme telles dans un cas d’espèce. D’autres dispositions contiennent des « programmes généraux » qui laissent aux États parties une importante marge de manœuvre. De tels programmes sont souvent formulés sous forme de reconnaissance d’un « droit » de l’enfant. Cependant, savoir si ces « droits » peuvent fonder une prétention justiciable à l’encontre des autorités est avant tout une question de droit national.

4.2À cet égard, la jurisprudence du Tribunal fédéral suisse s’est en général montrée restrictive quant à l’admission de l’applicabilité directe de la Convention. Alors que le Tribunal a reconnu l’applicabilité directe de l’article 37 (al. a)) de la Convention, tel n’est pas le cas des articles 3 (par. 1), 19 (par. 1), 24 (par. 1) et 39 de la Convention. Parmi ces dispositions figurent par ailleurs de nombreux droits économiques, sociaux ou culturels qui, comme le Tribunal fédéral l’a relevé à maintes reprises, ne s’adressent pas aux particuliers, mais au législateur. Toutefois, si le Comité devait considérer ces dispositions comme étant directement applicables, l’État partie considère qu’elles n’ont pas été violées dans le cas d’espèce, à l’instar de l’article 37 (al. a)) de la Convention.

4.3L’État partie fait valoir que la communication est irrecevable au titre de l’article 7 (al. f)) du Protocole facultatif. Si cinq dispositions de la Convention sont effectivement brièvement mentionnées par l’auteure, la motivation développée n’explique nullement en quoi les différentes obligations contenues dans chacune de ces dispositions auraient été violées par l’État partie. Seule une argumentation globale est présentée par l’auteure, qui est pourtant représentée par un mandataire professionnel dans le cadre de cette procédure. Or, la motivation donnée semble pour l’essentiel se référer à une prétendue violation de l’article 37 (al. a)) de la Convention dans la mesure où l’exécution du renvoi serait, selon l’auteure, constitutive d’un traitement cruel, inhumain ou dégradant à la lumière, notamment, de l’interprétation donnée par la Cour européenne des droits de l’homme de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. L’État partie estime toutefois qu’il n’est guère possible d’identifier avec un minimum de précision les griefs de l’auteure en lien avec les articles 3, 19 (par. 1), 24 (par. 1) et 39 de la Convention.

4.4En ce qui concerne le grief de violation de l’article 37 (al. a)) de la Convention, l’État partie souligne que l’auteure entend pour l’essentiel remettre en cause le rejet de la demande d’asile et son renvoi par les autorités nationales au terme d’une procédure ayant amené le Secrétariat d’État aux migrations à se prononcer par trois décisions − dont deux sur demande de reconsidération − puis le Tribunal administratif fédéral à effectuer un contrôle judiciaire au moyen de trois arrêts. La situation de l’auteure − y compris son état de santé − a ainsi fait l’objet d’un examen approfondi, dans le cadre duquel l’ensemble de ses griefs ont été examinés par les autorités nationales. Bien que l’auteure ne se soit jamais expressément référée à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, à l’article 3 de la Convention contre la torture ou encore à l’article 37 de la Convention relative aux droits de l’enfant, le Tribunal fédéral a néanmoins examiné de façon circonstanciée l’admissibilité d’un renvoi au regard de ces dispositions et du principe de non-refoulement.

4.5Au vu de ce qui précède, la communication apparaît insuffisamment motivée pour l’ensemble des griefs formulés par l’auteure puisqu’elle ne répond pas aux exigences minimales de motivation fixées par le Protocole facultatif. De plus, la communication apparaît manifestement mal fondée en ce qui concerne le grief de violation de l’article 37 (al. a)) de la Convention.

4.6Sur le fond, l’État partie considère que l’auteure n’a pas démontré une violation des articles 19, 24 (par. 1) et 39 de la Convention. Pour ce qui est de l’article 3 (par. 1) de la Convention, l’État partie soutient que le Tribunal administratif fédéral a apprécié les intérêts en jeu en tenant suffisamment compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il a notamment pris en compte son âge, sa situation familiale, son état de santé et la possibilité qu’elle puisse être suivie médicalement en Géorgie, mais aussi la brève durée de son séjour en Suisse ou encore le fait que l’auteure n’a pas subi de déracinement par rapport à son environnement en Géorgie, pays dans lequel vivent encore des membres de sa famille qui pourront la soutenir.

4.7S’agissant de l’article 37 (al. a)) de la Convention, l’État partie rappelle que l’arrêt Paposhvili c . Belgique de la Cour européenne des droits de l’homme représente, à ce jour, l’état de la jurisprudence relative à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme concernant le renvoi des étrangers gravement malades, ainsi que le seuil de gravité élevé qui s’applique. Un abaissement du seuil de gravité requis pour l’application de l’article 3 de la Convention européenne reviendrait à faire peser sur les États une charge trop lourde en leur faisant obligation de pallier les disparités entre leur système de soins et le niveau de traitement existant dans le pays tiers en fournissant des soins de santé gratuits et illimités à tous les étrangers dépourvus du droit de demeurer sur son territoire. L’État partie est d’avis que pour qu’un renvoi d’un enfant gravement malade donne lieu à un problème sous l’angle de l’article 37 (al. a)) de la Convention, il convient également d’appliquer un seuil élevé.

4.8En l’espèce, durant toute la procédure de demande d’asile, l’état de santé de l’auteure a fait l’objet d’une attention constante de la part des autorités suisses. Ainsi, de nombreux rapports médicaux ont été commandés pour évaluer ses troubles psychiques. Les rapports médicaux produits par l’auteure et ses parents ont également été dûment pris en compte par le Secrétariat d’État aux migrations et ont fait l’objet, à chaque fois, d’une évaluation dans le cadre des décisions qui ont été prises. De son côté, le Tribunal administratif fédéral a examiné de façon approfondie, dans plusieurs arrêts, l’ensemble des implications pour l’auteure d’un renvoi en Géorgie avec ses parents. Le Tribunal a mené à chaque fois cet examen avec célérité, en accordant une importance décisive au bien de l’enfant et en prenant en compte l’ensemble des circonstances du cas d’espèce.

4.9Ainsi, dans son premier arrêt, en date du 28 mai 2018, le Tribunal administratif fédéral a examiné en détail la situation sous l’angle du bien de l’enfant, alors âgée de 11 ans. Il s’est penché sur deux rapports d’examen psychiatrique datant du 2 novembre 2017 et du 30 avril 2018, a pris en compte l’état de fait et le diagnostic posés dans ces rapports et a procédé à une appréciation des besoins de l’auteure pour la poursuite de ses traitements. Il ressort de ces rapports médicaux que c’est avant tout la situation très lourde au sein du noyau familial − en particulier les disputes entre le père et la mère de l’auteure et les tentatives de suicide de celui-ci − qui se répercute négativement sur la santé de l’auteure. Dans la foulée, le Tribunal a analysé longuement le système de santé tel qu’il existe en Géorgie et a estimé, en se fondant sur plusieurs sources − parmi lesquelles l’Organisation mondiale de la Santé −, que ce système fonctionnait et qu’il avait fait de grands progrès. Ce faisant, le Tribunal a souligné que les troubles post-traumatiques pouvaient être traités en Géorgie et que l’accès au système de santé était également garanti pour les personnes vivant sous le seuil de pauvreté grâce à un programme d’aide sociale développé dans ce pays depuis 2006, programme qui inclut d’ailleurs une assurance-maladie gratuite pour les personnes concernées. Le Tribunal a, en outre, retenu que selon la Coalition géorgienne pour la santé mentale, il existe différentes organisations dans ce pays qui s’engagent en faveur de la réadaptation psychosociale des personnes et, en particulier, des enfants et de leurs proches.

4.10Dans son second arrêt, en date du 8 novembre 2018, annulant la décision du Secrétariat d’État aux migrations de refuser la reconsidération de sa décision initiale, le Tribunal administratif fédéral a à nouveau placé le bien de l’enfant au centre de son analyse. Il s’est ainsi fondé sur deux nouveaux rapports médicaux, du 18 et du 25 juin 2018, pour conclure à une détérioration sensible de l’état de santé de l’auteure et a invité le Secrétariat d’État aux migrations à prendre en considération ces éléments médicaux et à effectuer une nouvelle évaluation de la situation.

4.11Enfin, dans son troisième et dernier arrêt, rendu le 6 décembre 2019, le Tribunal administratif fédéral a pris acte du fait que le Secrétariat d’État aux migrations avait établi de façon correcte et complète la situation sous l’angle médical, l’ensemble des rapports médicaux ayant été pris en compte dans son analyse. Le Tribunal s’est par ailleurs, une fois encore, longuement interrogé sur la question de l’admissibilité et de l’impact d’un renvoi de l’auteure vers la Géorgie sous l’angle du bien de l’enfant. Pour ce faire, le Tribunal s’est fondé sur plusieurs nouveaux rapports médicaux relatifs à l’état de santé de l’auteure et soulignant le contexte familial perturbé, notamment le rapport du 17 décembre 2018, celui du 22 mai 2019 et celui du 9 septembre 2019 faisant état d’une nouvelle tentative de suicide du père et de son hospitalisation en milieu psychiatrique. Le Tribunal a pris en compte le fait que ces rapports établissaient l’existence d’une charge psychosociale sévère et faisaient état d’un soupçon d’un syndrome de stress post-traumatique chez l’auteure. Relevant que la charge psychosociale sévère de l’auteure résultait en premier lieu du comportement de ses parents ainsi que de l’incertitude liée à leur séjour en Suisse et à la date du retour en Géorgie, le Tribunal s’est à nouveau référé à l’état du système de santé en Géorgie. Il en a conclu que l’auteure, de même que ses parents, pouvaient parfaitement suivre un traitement psychiatrique en Géorgie et que rien n’indiquait qu’ils ne pourraient pas avoir accès à un tel traitement dans leur pays.

4.12Il résulte de ce qui précède que l’état de santé de l’auteure, qui est largement conditionné par le contexte familial très chargé et les troubles dont souffrent ses parents, a fait l’objet de tous les éclaircissements nécessaires : tant le Secrétariat d’État aux migrations que le Tribunal administratif fédéral ont examiné en détail les très nombreux rapports médicaux qui ont été produits au cours de la procédure. La détérioration régulière de l’état de santé de l’auteure, mise en lumière par sa tentative tragique de suicide, n’est d’ailleurs pas contestée et a aussi été prise en compte par le Secrétariat d’État aux migrations et le Tribunal administratif fédéral. Dans leurs décisions, les autorités suisses ont cependant largement expliqué et démontré, en se fondant sur des constatations médico-sociales ressortant des différents rapports, que les problèmes psychiques de l’auteure et de ses parents étaient principalement liés à la perspective de devoir quitter la Suisse. Les autorités ont cependant considéré que lorsqu’ils seraient rentrés en Géorgie, leur situation se stabiliserait puisque l’incertitude liée au départ, source de grande angoisse, ne serait plus présente. Le Tribunal administratif fédéral a, en particulier, souligné qu’on pouvait attendre notamment de la mère qu’elle reprenne une activité lucrative en Géorgie, ce qui ne pourrait que contribuer à la stabilisation de la situation de la famille. L’État partie rappelle à cet égard que la mère de l’auteure a travaillé de très nombreuses années en Géorgie, puis en Italie et qu’elle ne bénéficie d’aucune prestation de l’assurance-invalidité en Suisse.

4.13Ainsi que cela ressort de façon constante des décisions rendues par les autorités suisses et sans sous-estimer en aucune manière la situation difficile de l’auteure, l’État partie est d’avis que les troubles psychiques dont elle souffre ne représentent pas un risque réel de déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé de nature à entraîner des souffrances intenses ou une réduction significative de son espérance de vie. Son pronostic vital n’est fort heureusement pas engagé. Autrement dit, il ne fait pas de doute que l’état de santé de l’auteure n’atteint pas le seuil élevé requis pour que l’on doive se prononcer sur l’existence et l’accessibilité de traitements adéquats dans le pays de renvoi. La gravité de ses troubles ne saurait notamment être comparée à celle du requérant Paposhvili, qui souffrait d’une leucémie lymphoïde chronique pour laquelle son pronostic vital était engagé.

4.14Bien que le seuil de gravité requis au titre de l’article 37 (al. a)) de la Convention ne soit pas atteint pour que la question de l’accès à un traitement médical approprié devienne pertinente, l’État partie précise que l’auteure et ses parents n’ont pas réussi à apporter des éléments suffisants démontrant qu’en cas de retour en Géorgie, ils n’auraient pas la possibilité d’accéder au traitement psychiatrique et au suivi dont ils ont tous les trois besoin, notamment car ils n’auraient pas les moyens de les payer. Le fait que l’État géorgien ne prendrait pas en charge, selon eux, les frais de traitement de certaines maladies, comme les troubles de l’anxiété ou les troubles obsessionnels-compulsifs, n’est à cet égard pas pertinent. En effet, les principaux troubles dont souffre l’auteure selon les rapports médicaux − charge psychosociale sévère et syndrome de stress post-traumatique − n’appartiennent pas à une catégorie dont il apparaît que le remboursement serait exclu. De plus, le fait que la mère de l’auteure allègue avoir dû payer elle-même en 2006 les traitements médicaux pour ses problèmes de dos ne permet nullement d’infirmer le constat selon lequel aujourd’hui les traitements médicaux sont, dans une large mesure, gratuits pour les personnes se trouvant dans le besoin. Outre le programme précité d’aide sociale introduit en 2006, il convient aussi de mentionner le programme « Universal Health Care Program » (UHCP) financé par l’État géorgien et dont l’introduction, en 2013, a permis d’améliorer l’accès de la population aux soins. Les prestations médicales non prises en charge par ce programme peuvent d’ailleurs bénéficier d’un financement de la part d’un organisme étatique, la « Referral Service Commission », destiné à compléter les prestations de la caisse-maladie publique « Universal Health Care » (UHC). Cela permet aux autorités de répondre de façon relativement flexible aux besoins de la population, par exemple lorsque le remboursement de l’État ne suffit pas pour couvrir les frais d’une thérapie particulièrement onéreuse.

4.15Quant à l’entourage familial en Géorgie et le soutien de la part des autorités locales, l’État partie fait valoir que les deux grands-mères de l’auteure constituent des personnes de référence et tant le Secrétariat d’État aux migrations que le Tribunal administratif fédéral ont considéré qu’il serait positif, pour le bien de l’enfant, que celle-ci puisse renouer avec elles. Les difficultés de santé de l’une et l’attitude de l’autre, qui serait brouillée avec le père de l’auteure, ne sont pas de nature à exclure toute possibilité de soutien affectif, présentiel ou même matériel contrairement à ce que soutient l’auteure. La mère de l’auteure a du reste elle‑même confirmé, lors de sa première audition par le Secrétariat d’État aux migrations, qu’elle avait gardé des contacts avec ses parents et, notamment, avec sa mère qui exerçait le métier d’enseignante dans le village de Khorkheli.

4.16Les autorités suisses ont, par ailleurs, tenu compte de l’âge et de la durée de séjour relativement courte de l’auteure en Suisse, dont il découle qu’elle n’avait pas véritablement eu à subir un déracinement par rapport à son environnement d’origine en Géorgie. Le Tribunal administratif fédéral a enfin considéré que la tentative de suicide de l’auteure était à prendre au sérieux, de sorte que des mesures d’accompagnement appropriées devaient être mises en place pour s’assurer que le retour se passe le mieux possible. Selon l’État partie, de telles mesures d’accompagnement ne sauraient toutefois aller, comme le demande l’auteure, jusqu’à ce qu’un spécialiste l’accompagne une fois la famille rentrée en Géorgie et soutienne les parents dans la mise en place d’un cadre approprié pour son développement. Les autorités suisses peuvent sans doute faciliter l’organisation pratique du retour et la prise de contacts sur place, mais elles ne sauraient se substituer aux autorités géorgiennes responsables en matière de santé, d’aide sociale ou encore de protection de l’enfance.

4.17L’État partie reconnaît que l’état de santé des parents et le contexte familial affectent négativement l’état de santé mentale de l’auteure. Il note que cela n’est plus contesté par l’auteure. De ce point de vue, une amélioration de son état de santé serait favorisée par un contexte moins chargé au sein du noyau familial, ce que les autorités géorgiennes peuvent contribuer à obtenir une fois la famille rentrée dans ce pays. Quant aux allégations selon lesquelles la mère de l’auteure serait susceptible de s’opposer à une éventuelle intervention des autorités géorgiennes de protection de l’enfant au cas où une telle intervention serait jugée nécessaire, l’État partie considère qu’elles relèvent de la pure spéculation et qu’elles ne reposent sur aucun élément concret. Du reste, on ne voit nullement en quoi une telle résistance de la mère à l’égard des autorités de protection de l’enfant serait plus problématique en Géorgie qu’en Suisse. Il convient encore de préciser que les autorités suisses compétentes en matière de protection de l’enfant ont parfaitement connaissance de la situation de la famille mais qu’elles n’ont, à ce jour, pas considéré qu’il était nécessaire d’ordonner des mesures de protection de l’auteure ni, a fortiori, d’ordonner son placement. L’État partie relève, en outre, que la mandataire de l’auteure et de ses parents a elle-même reconnu devant le Tribunal administratif fédéral que ni un placement de l’auteure dans une famille ni le prononcé d’une mesure de l’autorité de protection de l’enfant à son égard ne se justifiaient. Enfin, il n’y a aucune raison de penser que si les autorités géorgiennes de protection de l’enfant voyaient à l’avenir un besoin d’agir et d’ordonner des mesures de protection de l’auteure, elles s’y refuseraient. Il n’appartient pas, par conséquent, aux autorités suisses de rechercher des garanties à cet égard, ce d’autant que la disponibilité et l’accessibilité des traitements psychiatriques en Géorgie ont été suffisamment établies.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie

5.1Dans ses commentaires du 15 avril 2021, l’auteure commence par une mise à jour sur son état de santé et celui de ses parents, tout en notant que son père a été victime d’un viol en Géorgie et que ni l’auteure ni sa mère n’en savaient rien puisqu’il ne l’avait jamais mentionné. Elle rappelle ensuite que le Comité a déjà eu l’occasion de rejeter l’argument de l’État partie sur l’applicabilité de certaines provisions de la Convention. Elle considère également que ses griefs sont recevables puisque tous les articles invoqués ont trait à ses allégations de violation de son droit à la protection de sa santé physique et mentale en cas de renvoi en Géorgie.

5.2Sur le fond, l’auteure soutient que l’État partie a violé l’article 3 de la Convention puisque ses autorités n’ont pas pris en compte l’intérêt supérieur de l’enfant de se voir accordée des garanties suffisantes quant à son bien-être après le renvoi. Elle considère que les autorités suisses ont interprété de façon arbitraire les rapports médicaux puisque lui permettre de rester en Suisse avec sa famille pourrait alléger le fardeau psychologique qui pèse sur elle et sa famille. En outre, les autorités suisses n’ont pas tenu compte des tendances suicidaires de son père, du fait que ses grands-parents ne peuvent pas lui accorder assistance et ne lui ont pas donné la possibilité de s’exprimer oralement afin de raconter : comment elle avait vécu avec ses grand-mères et leurs relations avec ses parents ; pourquoi elle ne veut pas retourner en Géorgie ; et la mesure dans laquelle elle est affectée par la condition de ses parents.

5.3S’agissant de l’article 19 (par. 1) de la Convention, l’auteure avance que les autorités géorgiennes ne sont pas en mesure de lui fournir le traitement dont elle a besoin et que ses parents ne pourront pas lui fournir une assistance adéquate puisqu’eux-mêmes ont des maladies physiques et psychiques.

5.4Quant à l’applicabilité de l’article 39 de la Convention, l’auteure réaffirme qu’elle est victime de négligence parentale et victime de torture ou de toute autre forme de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de la part de la mafia géorgienne. L’État partie a donc une obligation de prendre toutes les mesures appropriées pour faciliter sa réadaptation physique et psychologique et sa réinsertion sociale.

5.5Pour l’auteure, l’étendue de l’article 37 (al. a)) de la Convention est moins restrictive que l’approche de la Cour européenne des droits de l’homme, qui n’a d’ailleurs jamais appliqué son test développé dans l’affaire Paposhvili dans des affaires concernant des enfants. Le Comité ne devrait donc pas appliquer ce test restrictif. Ensuite, l’auteure fait valoir que même si la Géorgie dispose d’un programme d’état pour la santé mentale qui englobe des services de consultation et d’hospitalisation qui sont gratuits pour tous les groupes d’âge, la région de Kakheti, où se trouve le village de sa grand-mère, connaît plusieurs problèmes : absence d’hôpitaux psychiatriques ; services ambulatoires limités ; et financement insuffisant.

5.6Enfin, l’auteure soulève une nouvelle violation des articles 3 et 12 de la Convention, tirée d’une atteinte à son droit d’être entendue. Elle affirme que le fait qu’elle soulève ce nouveau grief seulement à ce stade de la procédure, et non pas dans sa communication initiale, ne devrait pas affecter son admissibilité. L’auteure soutient que le fait de ne pas avoir tenu une audience distincte avec elle a eu pour conséquence que son expérience traumatique dans son pays d’origine n’a pas été prise en considération et constitue une violation de ses droits au titre des articles 3 et 12 de la Convention.

Observations complémentaires des parties

L’État partie

6.1Le 26 janvier 2022, l’État partie a soumis des observations complémentairesquant à l’allégation de l’auteure selon laquelle son père avait subi un viol en Géorgie en 2017. Il rappelle que, dans le cadre de la procédure d’asile, les allégations concernant les actes de violence dont le père de l’auteure aurait été victime avaient été considérées comme n’étant pas crédibles. Par ailleurs, il est notoire que le traitement médical des problèmes psychiques invoqués est possible en Géorgie et qu’il est disponible pour l’ensemble de la population.

6.2Concernant l’affirmation de l’auteure selon laquelle elle ne pourrait pas bénéficier en Géorgie du traitement médical dont elle a besoin et que son intérêt supérieur serait ainsi mis en péril puisque l’infrastructure en matière de psychiatrie de l’enfance est insuffisante dans son pays,l’État partie clarifie qu’il existe à Tbilissi des possibilités de traitement psychiatrique et psychologique de l’enfant aussi bien en mode ambulatoire que stationnaire. L’existence du « Programme du Gouvernement géorgien pour le traitement de maladies psychiques par des thérapies ambulatoires assurées par des psychiatres, des thérapeutes ou des neurologues » est largement connue et référencée.

L’auteure

7.Le 8 septembre 2022, l’auteure complète les informations sur l’état de santé de ses parents, qui demeure toujours inquiétant. Elle conteste ensuite l’allégation de l’État partie sur les possibilités de traitement en Géorgie en affirmant que l’État partie n’aborde pas la question de la disponibilité et de l’accessibilité des traitements médicaux nécessaires dans la région dont est originaire l’auteure − Kakheti. En outre, la réponse ne fait pas de commentaires sur la mise en œuvre pratique du programme d’État pour la santé mentale en Géorgie, et plus particulièrement dans la région de Kakheti.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 20 de son règlement intérieur au titre du Protocole facultatif, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

8.2Le Comité note l’argument de l’État partie selon lequel, parmi les griefs de l’auteure, seul l’article 37 (al. a)) de la Convention est directement applicable. À cet égard, le Comité rappelle que la Convention reconnaît l’interdépendance et l’égale importance de tous les droits (civils, politiques, économiques, sociaux et culturels) qui permettent à tous les enfants de développer leurs aptitudes mentales et physiques, leur personnalité et leur talent dans toute la mesure possible. Il rappelle également que l’intérêt supérieur de l’enfant, consacré à l’article 3 de la Convention, représente un triple concept qui est à la fois un droit de fond, un principe juridique interprétatif et une règle de procédure. Le Comité note qu’aux termes de l’article 5 (par. 1 a)) du Protocole facultatif, les communications individuelles peuvent être présentées contre un État partie à la Convention par des particuliers ou des groupes de particuliers ou au nom de particuliers ou de groupes de particuliers qui affirment être victimes d’une violation par cet État partie de l’un quelconque des droits énoncés dans la Convention. De ce fait, il estime que rien dans l’article 5 (par. 1 a)) du Protocole facultatif ne permet de conclure à une approche limitée aux droits dont la violation peut être invoquée dans la procédure d’examen de communications individuelles. Le Comité rappelle également qu’il a eu l’occasion de se prononcer sur des violations prétendues des articles invoqués dans le cadre du mécanisme de communications individuelles.

8.3Le Comité relève que l’auteure a soulevé pour la première fois une violation de l’article 12 de la Convention seulement dans ses commentaires sur les observations de l’État partie, et que celle-ci ne faisait donc pas partie des arguments auxquels l’État partie avait été invité à répondre relativement à la recevabilité et au fond de l’affaire. L’auteure n’a pas montré pourquoi elle n’avait pas pu avancer ce grief à un stade antérieur de la procédure. Par conséquent, le Comité déclare ce grief irrecevable en application de l’article 7 (al. f)) du Protocole facultatif.

8.4Le Comité note l’argument de l’État partie selon lequel les griefs de l’auteure fondés sur les articles 3, 19 (par. 1), 24 (par. 1) et 39 de la Convention sont manifestement mal fondés ou insuffisamment motivés. Le Comité observe que l’auteure n’a pas justifié dans quelle mesure l’État partie n’aurait pas pris de mesures pour la protéger contre la violence de la part de ses parents, question qui n’aurait pas non plus été soulevée devant la juridiction interne. Il observe également que l’auteure n’aurait pas étayé dans quelle mesure l’État partie aurait manqué à son obligation d’assurer sa réinsertion en tant qu’enfant victime de tel violence ou abus. Par conséquent, le Comité déclare les griefs de l’auteure fondés sur les articles 19 (par. 1) et 39 de la Convention irrecevables en vertu de l’article 7 (al. e) et f)) du Protocole facultatif. Le Comité considère toutefois que la communication soulève des questions de fond au regard des articles 3, 24 et 37 (al. a)) de la Convention concernant la possibilité de l’auteure d’avoir accès en Géorgie au traitement nécessaire eu égard à son état de santé. En conséquence, il la déclare recevable et procède à l’examen du fond.

Examen au fond

9.1Conformément à l’article 10 (par. 1) du Protocole facultatif, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

9.2Le Comité note le grief de l’auteure selon lequel la décision des autorités de l’État partie de la renvoyer en Géorgie a violé ses droits en vertu des articles 3, 24 (par. 1)et 37 (al.a)) de la Convention parce que le Tribunal administratif fédéral n’a pas examiné correctement la question de savoir si l’auteure aurait accès à un traitement adéquat pour sa maladie mentale en Géorgie et que son renvoi serait exécuté sans que l’État partie obtienne des garanties individuelles et suffisantes d’accès à un traitement psychiatrique approprié et à des services d’aide à l’enfance. Le Comité note que l’État partie conteste les allégations de l’auteure et fait valoir que ses autorités ont respecté les droits des enfants énoncés dans la Convention.

9.3Le Comité rappelle que les États sont tenus de ne pas renvoyer un enfant dans un pays s’il y a des motifs sérieux de croire que cet enfant sera exposé à un risque réel de dommage irréparable, comme ceux, non exclusivement, envisagés dans les articles 6 (par. 1) et 37 de la Convention. Le risque de violation grave devrait être apprécié eu égard à l’âge et au sexe de l’intéressé. Le risque de violation grave devrait par ailleurs être évalué conformément au principe de précaution et, lorsqu’il existe des doutes raisonnables quant au fait que l’État de destination puisse protéger l’enfant contre ce risque, les États parties devraient s’abstenir d’expulser l’enfant. L’intérêt supérieur de l’enfant devrait être une considération primordiale dans les décisions concernant l’expulsion d’un enfant et ces décisions devraient donner l’assurance − selon une procédure prévoyant des garanties appropriées − que l’enfant sera en sécurité, sera correctement pris en charge et jouira de ses droits.

9.4Le Comité rappelle également qu’il appartient généralement aux autorités nationales d’examiner les faits et les éléments de preuve, ainsi que d’interpréter et d’appliquer la loi nationale, à moins que l’appréciation faite par ces autorités ait été manifestement arbitraire ou ait constitué un déni de justice. Il n’appartient donc pas au Comité de se substituer aux autorités nationales dans l’interprétation de la loi nationale et l’appréciation des faits et des preuves, mais de vérifier l’absence de caractère arbitraire ou de déni de justice dans l’appréciation des autorités, et de s’assurer que l’intérêt supérieur des enfants a été une considération primordiale dans cette appréciation. Le Comité rappelle en outre que le principe du non-refoulement ne confère pas un droit à rester dans un pays sur la seule base d’une possible différence entre l’État d’origine et l’État d’asile en matière de services de santé, ou pour poursuivre un traitement médical dans l’État d’asile, sauf si ce traitement est essentiel pour la vie et le bon développement de l’enfant et ne serait pas disponible et accessible dans l’État de renvoi.

9.5Dans le cas d’espèce, le Comité note que, dans son jugement du 6 décembre 2019, le Tribunal administratif fédéral a pris en considération les rapports médicaux les plus récents concernant la santé mentale de l’auteure et de ses parents. Il a examiné l’accès et la disponibilité d’un traitement psychiatrique pour l’auteure et ses parents dans le pays d’origine et s’est penché sur le fonctionnement général du système de santé en Géorgie.À cet égard, il a relevé que les problèmes médicaux de l’auteure et de ses parents n’étaient pas d’une gravité telle qu’ils connaîtraient une urgence médicale en cas de retour en Géorgie, où ils seraient en mesure de recevoir le traitement nécessaire.Le Tribunal a également examiné les conséquences du renvoi del’auteure sur son environnement socialet personnel et sur son développement mental, et a observé que, selon les rapports médicaux, ses difficultés psychologiques pouvaient être traitées dans un environnement stable qui pouvait être construit par les parents.Le Comité considère que, compte tenu des informations figurant dans le dossier, il ne peut pas conclure que cette évaluation était manifestement arbitraire ou équivalente à un déni de justice, ni que l’intérêt supérieur de l’auteure en tant qu’enfant n’était pas une considération primordiale dans cette évaluation, dans le sens de l’article 3 de la Convention.

9.6Quant aux griefs de l’auteure fondés sur les articles 24 (par. 1) et 37 (al. a)) de la Convention, le Comité rappelle que le principe du non-refoulement ne confère pas un droit à rester dans un pays sur la seule base d’une possible différence entre l’État d’origine et l’État d’asile en matière de services de santé, ou pour poursuivre un traitement médical dans l’État d’asile, sauf si ce traitement est essentiel pour la vie et le bon développement de l’enfant et ne serait pas disponible et accessible dans l’État de renvoi. En l’espèce, le Comité observe que, sur la base des informations figurant dans le dossier, le traitement psychiatrique de l’auteure est disponible et accessible en Géorgie. Ainsi, le Comité conclut que le renvoi de l’auteure en Géorgie ne créerait pas d’obstacles à ce qu’elle ait accès au traitement dont elle a besoin et ne constituerait pas une violation de la part de l’État partie de ses droits au titre des articles 24 (par. 1) et 37 (al. a)) de la Convention. Le Comité est convaincu que l’État partie prendra des mesures adéquates pour faciliter la continuité du traitement médical de la famille pendant son transfert et à son arrivée en Géorgie, en coopération avec les autorités géorgiennes.

10.Le Comité, agissant en vertu de l’article 10 (par. 5) du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi ne font pas apparaître de violation des articles 3, 24 (par. 1) ou 37 (al. a)) de la Convention.