Nations Unies

CRC/C/92/D/126/2020

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

7 février 2023

Original : français

Comité des droits de l ’ enfant

Décision adoptée par le Comité au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, concernant la communication no 126/2020 * , ** , ***

Communication présentée par :

M. F. (représentée par des conseils)

Victime(s) présumée(s) :

W. F., A. F., J. F. et K. F .

État partie :

Suisse

Date de la communication :

12 novembre 2020 (date de la lettre initiale)

Objet :

Expulsion de quatre enfants, ressortissants syriens d’identité kurde, et de leur mère (demandeurs d’asile déboutés) vers la Bulgarie, où ils avaient déjà connu des conditions de vie déplorables, notamment l’absence d’accès aux soins médicaux et à l’éducation

Question(s) de fond :

Intérêt supérieur de l’enfant ; droit à la vie ; prohibition de la torture et des mauvais traitements ; droit à la santé ; droit à l’éducation ; statut de réfugié

Article(s) de la Convention :

3, 6, 19, 22, 23, 24, 26, 27, 28, 37 et 39

1.L’auteure de la communication est M.F., de nationalité syrienne, née en 1995. Ellesoumet la communication au nom de ses quatre enfants : W.F., né en 2009, A.F., né en 2010, J.F., né en 2011, et K.F., né en 2013, tous ressortissants syriens d’identité kurde. Elleaffirme que leur expulsion vers la Bulgarie constituerait une violation par l’État partie des droits qu’ils tiennent des articles3, 6, 19, 22, 23, 24, 26, 27, 28, 37 et 39 de la Convention. L’auteure est représentée par des conseils. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 24juillet 2017.

2.L’auteure est née en République arabe syrienne. À l’âge de 11ans, elle a été mariée de force. Dès le premier jour de leur mariage, son mari l’a battue et violée à plusieurs reprises. Elle a eu ses quatre enfants alors qu’elle était encore adolescente. Début 2017, la famille a décidé de quitter la République arabe syrienne à cause de la guerre. Tous les membres de la famille sont arrivés en Bulgarie durant l’été 2017 et y ont obtenu l’asile le 11août 2017. Ilsont été expulsés du camp où ils se trouvaient sans que quiconque s’assure que les enfants avaient accès à l’éducation et aux soins de santé. Compte tenu de l’absence de possibilités d’emploi et d’aide sociale, ils ont été contraints de mendier de la nourriture dans les rues. Ilsont décidé de quitter la Bulgarie et, le 15novembre 2017, ont demandé l’asile en Allemagne. Le mari de l’auteure continuait à être extrêmement violent, et l’auteure a obtenu des mesures de protection le 16 juillet 2019 et a demandé le divorce. Craignant son mari, l’auteure a décidé de quitter l’Allemagne pour la Suisse.

3.Le 28 mai 2020, l’auteure et ses enfants ont demandé l’asile en Suisse. Le 27 août 2020, le Secrétariat d’État aux migrations a ordonné leur renvoi vers la Bulgarie, où ils avaient déjà été reconnus comme réfugiés. Le 3 septembre 2020, l’auteure a fait appel de la décision du Secrétariat d’État auprès du Tribunal administratif fédéral, qui a rejeté l’appel le18septembre 2020.

4.Conformément à l’article6 du Protocole facultatif, le 18novembre 2020, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son groupe de travail sur les communications, a demandé à l’État partie d’adopter des mesures provisoires en suspendant l’expulsion de l’auteure et de ses quatre enfants vers la Bulgarie dans l’attente de l’examen de son cas par le Comité.

5.Le 4 mars 2021, l’État partie a demandé le classement de la communication, car le Secrétariat d’État aux migrations avait engagé une procédure de réexamen de la demande d’asile de l’auteure et de ses enfants et ceux-ci ne risquaient plus d’être renvoyés en Bulgarie.

6.Le 14avril 2021, l’auteure a soumis des commentaires sur la demande de classement de la communication de l’État partie. Elle a confirmé que les autorités avaient entendu les enfants dans le cadre de la procédure d’asile, qu’ils attendaient une décision sur leur demande d’asile et qu’ils ne risquaient plus d’être renvoyés en Bulgarie.

7.Le 28avril 2021, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son groupe de travail sur les communications, a décidé de suspendre l’examen de la communication.

8.Le 31mai 2022, l’État partie a demandé à nouveau le classement de la communication. Il a indiqué que le 23mai 2022, le Secrétariat d’État aux migrations avait rendu une décision accordant l’asile à l’auteure et à ses enfants, et les reconnaissait comme réfugiés en vertu des articles3 (par. 1 et 2) et 51 (par. 1) de la loi sur l’asile du 26juin 1998. Par conséquent, l’auteure et ses enfants ne risquaient plus d’être renvoyés en Bulgarie.

9.Le 15août 2022, l’auteurea fait savoir qu’elle ne s’opposait pas à la demande de l’État partie visant à ce qu’il soit mis fin à l’examen de la communication, dans la mesure où celle-ci était conforme à la pratique du Comité, tout en faisant observer qu’une décision sur le fond de l’affaire permettrait au Comité de se prononcer sur une importante question de principe − à savoir la légalité du retour en Bulgarie d’enfants demandeurs d’asile vulnérables, avec leur famille − et, partant, de créer un précédent important pour de nombreux autres enfants.

10.Réuni le 25 janvier 2023, le Comité, ayant estimé que les enfants ne risquaient plus d’être renvoyés en Bulgarie, a conclu que la communication était devenue sans objet et décidé de mettre fin à l’examen de la communication no 126/2020, conformément à l’article 26 de son règlement intérieur au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications.