Comité des droits de l ’ enfant
Décision adoptée par le Comité au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, concernant la communication no102/2019*, **, ***
Communication présentée par : |
M. M. (représenté par un conseil, ImmacolataIglioRezzonico) |
Victime(s) présumée(s) : |
L’auteur |
État partie : |
Suisse |
Date de la communication : |
23 octobre 2019 (date de la lettre initiale) |
Objet : |
Expulsion vers l’Ukraine d’un ressortissant ukrainien (aujourd’hui adulte) arrivé en Suisse à l’âge de 15 ans avec ses parents, demandeurs d’asile déboutés |
Question(s) de procédure : |
Irrecevabilité ratione temporis |
Article(s) de la Convention : |
2, 3, 6, 12, 13, 14, 19, 22, 24, 29 et 39 |
Article(s) du Protocole facultatif : |
6 et 7 (al. g)) |
1.L’auteur de la communication est M. M., ressortissant ukrainien, né le 19 juin 1999. Il affirme que son expulsion vers l’Ukraine constituerait une violation de ses droits en vertu des articles 2, 3, 6, 12, 13, 14, 19, 22, 24, 29 et 39 de la Convention. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 24 juillet 2017.
2.En janvier 2015, l’auteur, domicilié à Marioupol, en Ukraine, a quitté son pays avec ses parents et est arrivé en Suisse. Le 20 janvier 2015, l’auteur et ses parents ont déposé une demande d’asile en Suisse. L’auteur a affirmé devant les autorités nationales qu’en cas de renvoi en Ukraine, il serait en danger en raison de ses convictions religieuses (religion des Témoins de Jéhovah) − il a affirmé avoir été menacé et battu par le passé dans son école − et en raison de la situation de conflit en cours dans son pays. Par décision du 30 juin 2017, le Secrétariat d’État aux migrations a rejeté la demande d’asile déposée par l’auteur et ses parents et a ordonné leur renvoi de Suisse. Le 28 juillet 2017, l’auteur et ses parents ont interjeté appel de cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral. Par décision du 12avril 2019, le Tribunal administratif fédéral a confirmé la décision du Secrétariat d’État aux migrations.
3.Conformément à l’article 6 du Protocole facultatif, le 24 octobre 2019, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Groupe de travail sur les communications, a rejeté la demande de mesures provisoires de l’auteur, à savoir la suspension de son renvoi en Ukraine tant que son cas serait à l’examen par le Comité.
4.Le 20 décembre 2019, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité de la communication et a demandé au Comité d’examiner la recevabilité de la plainte séparément du fond. L’État partie a affirmé que la communication devait être considérée comme irrecevable ratione temporis en vertu de l’article 7 g) du Protocole facultatif, car tous les faits présentés dans la communication, qui ont fait l’objet de la décision du Secrétariat d’État aux migrations du 30 juin 2017, ont eu lieu avant le 24 juillet 2017, date d’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour la Suisse. L’État partie a également souligné qu’au 30 juin 2017, date de la décision du Secrétariat d’État aux migrations, l’auteur était déjà adulte.
5.Le 19 mai 2020, l’auteur a présenté ses commentaires sur la recevabilité de la communication. L’auteur a manifesté ne pas être d’accord avec la demande de l’État partie d’examiner la recevabilité de la plainte séparément du fond. Il a fait valoir que la communication était recevable ratione temporis car les violations alléguées avaient continué après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif. Il a souligné que le Tribunal administratif fédéral avait rendu sa décision le 12 avril 2019, soit après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie.
6.Le 25 octobre 2021, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Groupe de travail sur les communications, a décidé d’accéder à la demande de l’État partie d’examiner la recevabilité de la communication séparément du fond.
7.Le 2 mai 2022, l’État partie a demandé au Comité de mettre fin à l’examen de la communication. L’État partie a indiqué que, le 27 avril 2022, le Secrétariat d’État aux migrations avait accordé l’admission provisoire à l’auteur. L’État partie a indiqué que le statut de l’admission provisoire était régi par le chapitre 11 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration (RS 142.20 − Loi fédérale sur les étrangers et l’intégration (LEI) du 16 décembre 2005). Aux termes de l’article 83, paragraphe 4, de cette loi, l’exécution de la décision ne peut être raisonnablement exigée si le renvoi ou l’expulsion de l’étranger vers son pays d’origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale. L’État partie a indiqué que malgré son libellé, et même si le Secrétariat d’État aux migrations vérifie périodiquement si l’étranger remplit les conditions de l’admission provisoire, un tel statut ne peut être levé que si un changement politique radical se produit dans le pays d’origine, c’est‑à-dire un changement de régime durable qui conduirait à une élimination certaine du risque encouru par la personne admise provisoirement. Dans le cas où l’admission provisoire est levée, l’étranger peut accéder aux voies de recours internes pour faire appel de cette décision.
8.Le 13 juillet 2022, l’auteur a fait valoir que lorsque le Secrétariat d’État aux migrations avait rendu la décision d’admission provisoire, le 27 avril 2022, l’auteur disposait déjà d’un permis régulier, obtenu par son mariage avec une citoyenne suisse. L’auteur a déclaré qu’en tout état de cause, la décision d’admission provisoire n’effaçait pas le fait que l’État partie avait violé ses droits au titre de la Convention dans le cadre de la procédure d’asile. Par conséquent, l’auteur a demandé que la communication soit maintenue.
9.Réuni le 25 janvier 2023, le Comité, ayant considéré que l’auteur ne risquait plus d’être expulsé vers l’Ukraine, a conclu que la communication était devenue sans objet et a décidé de mettre fin à l’examen de la communication no 102/2019, conformément à l’article 26 de son règlement intérieur au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications.