Nations Unies

CRC/C/92/D/134/2020

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

7 mars 2023

Français

Original : espagnol

Comité des droits de l ’ enfant

Décision adoptée par le Comité au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant uneprocédure de présentation de communications, concernant la communication no 134/2020 * , **

Communication soumise par :

L. H. C. (représentée par Beatriz Aragón Martín, Blanca Gómez Bengoechea et Luis Ignacio Mateo Ramírez)

Victime(s) présumée(s) :

L’auteure

État partie :

Espagne

Date de la communication :

27 décembre 2020 (date de la lettre initiale)

Objet :

Logement de remplacement pour une enfant atteinte d’une maladie pulmonaire qui vit dans un établissement informel sujet à des coupures de courant privant son domicile de l’électricité nécessaire au maintien de son oxygénothérapie et de son traitement nutritionnel

Questions de fond :

Intérêt supérieur de l’enfant ; droits de l’enfant ; droit à la santé ; droit au logement.

Article(s) de la Convention :

3 (par. 1), 4, 6, 12, 24, 27 et 28

1.L’auteure de la communication est L. H. C., de nationalité espagnole, âgée de 3 ans au moment de la présentation de la communication. Elle affirme que l’État partie a violé les droits qu’elle tient des articles 3 (par. 1), 4, 6, 12, 24, 27 et 28 de la Convention. L’auteure est représentée par des conseils. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 14 avril 2014.

2.L’auteure vit à Madrid, à la Cañada Real Galiana, établissement informel où l’électricité a été coupée, ce qui fait qu’il n’y a plus de courant dans son logement depuis octobre 2020. Elle souffre d’une bronchiolite oblitérante, une maladie pulmonaire rare qui provoque un rétrécissement des voies respiratoires pouvant aller jusqu’à leur oblitération complète. L’auteure doit être en permanence sous oxygénothérapie et nécessite un apport nutritionnel nocturne, deux traitements qui sont délivrés au moyen d’appareils électriques.

3.L’auteure a fait une demande de logement d’urgence auprès du conseiller de la mairie de Madrid chargé de la famille, de l’égalité et des services sociaux et de la Directrice générale du département de la Communauté de Madrid chargé de l’enfance, de la famille et de la natalité. Elle a également déposé une plainte collective − qui a été déclarée recevable − auprès du 42e tribunal pénal de Madrid, ainsi qu’une plainte auprès du Bureau du procureur provincial de Madrid. Elle a également sollicité l’intervention du Défenseur du peuple espagnol. Elle ajoute qu’une lettre collective a été soumise par d’autres personnes à plusieurs titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme au nom de 1 812 enfants vivant à la Cañada Real Galiana. Comme suite à cette lettre, le Rapporteur spécial sur le logement convenable en tant qu’élément du droit à un niveau de vie suffisant ainsi que sur le droit à la non-discrimination à cet égard, le Rapporteur spécial sur les droits des personnes handicapées, la Rapporteuse spéciale sur le droit à l’éducation, le Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, la Rapporteuse spéciale sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, le Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités, le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté et le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement ont prié les pouvoirs publics de l’État partie de rétablir la distribution d’électricité à la Cañada Real Galiana, mais aucune réponse n’avait été obtenue à la date de présentation de la communication.

4.Le 30 décembre 2020, agissant par l’intermédiaire de son groupe de travail des communications, le Comité a enregistré la communication et a demandé à l’État partie de prendre des mesures provisoires consistant à fournir à l’auteure les services médicaux et sociaux nécessaires, notamment un logement adapté à ses besoins en matière de santé, sans la séparer de sa famille.

5.Le 31 décembre 2020, l’auteure a informé le Comité que la mairie de Madrid lui avait proposé un logement temporaire, dans un lieu et pour une durée non précisés, consistant en une chambre avec accès à des espaces communs, ce qui la mettait en danger compte tenu de sa maladie et des risques liés à la pandémie de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19). Le 12 janvier 2021, l’auteure a fait savoir qu’elle avait refusé l’offre de la mairie et qu’aucune nouvelle proposition ne lui avait été faite.

6.Le 19 janvier 2021, l’État partie a demandé qu’il soit mis fin à l’examen de la communication au motif que, le 15 janvier 2021, la Communauté de Madrid avait décidé de proposer aux parents de l’auteure un logement social d’urgence, à savoir un appartement avec trois chambres, pour une période de six mois renouvelable une fois.

7.Les 21 et 27 janvier 2021, l’auteure s’est opposée à la demande de l’État partie visant à ce qu’il soit mis fin à l’examen de la communication, faisant valoir que sa famille n’avait pas encore reçu d’offre officielle et adéquate de relogement. Elle a expliqué que, le 18 janvier 2021, ses parents avaient reçu un appel téléphonique d’une agence, dont le nom n’est pas précisé, qui leur avait proposé un logement à Tielmes. Ils avaient refusé l’offre, étant donné que Tielmes se trouve à 50 km de l’hôpital pour enfants de Madrid où l’auteure est suivie et qu’il n’y a pas de centre de santé adapté à proximité. Le 19 janvier 2021, les parents de l’auteure ont reçu un appel téléphonique de l’agence de la mairie chargée du logement social, qui leur a proposé un logement à Madrid, dans le quartier de Carabanchel. Ils ont exprimé leur volonté d’accepter cette offre, mais n’ont reçu aucune offre écrite. Lors de l’appel téléphonique, il leur a été précisé qu’une réunion serait organisée afin de finaliser les détails et de procéder à la signature du contrat de location. Il leur a également été précisé que des réparations devaient être effectuées dans le logement et qu’ils ne pourraient donc pas emménager immédiatement. Le 29 janvier 2021, agissant par l’intermédiaire de son groupe de travail des communications, le Comité a rejeté la demande de l’État partie visant à ce qu’il soit mis fin à la communication et lui a à nouveau demandé de prendre des mesures provisoires.

8.Le 5 février 2021, l’État partie a de nouveau demandé qu’il soit mis fin à l’examen de la communication en indiquant que l’auteure et sa famille avaient signé le contrat de location et reçu les clefs de l’appartement avec trois chambres situé dans le quartier de Carabanchel.

9.Le 11 février 2021, l’auteure a soumis ses commentaires concernant la deuxième demande de l’État partie visant à ce qu’il soit mis fin à l’examen de la communication. Elle a confirmé que sa famille avait emménagé dans le logement susmentionné, que la situation d’urgence avait pris fin et que le risque de préjudice irréparable avait été éliminé. Elle s’est néanmoins opposée à ce qu’il soit mis fin à l’examen de la communication pour les motifs suivants : a) le logement n’avait été attribué à la famille que pour une durée de six mois renouvelable une fois ; b) aucun travailleur social n’avait été affecté au suivi de la famille dans son nouveau lieu de résidence ; c) le nouveau lieu de résidence n’avait pas encore été enregistré officiellement, ce qui empêchait la famille de déposer une demande de réduction de loyer et de demander des prestations sociales qui lui permettraient de financer l’achat du mobilier dont elle avait besoin, l’appartement étant non meublé ; d) du 2 octobre 2020 au 27 janvier 2021, l’auteure n’avait pas reçu de réponse adéquate de la part des autorités ; e) la famille avait été contrainte de quitter son domicile précédent en raison de l’absence d’électricité. Le 21 septembre 2021, agissant par l’intermédiaire de son groupe de travail des communications, le Comité a rejeté la demande de l’État partie visant à ce qu’il soit mis fin à la communication.

10.Le 10 février 2022, l’État partie a de nouveau demandé qu’il soit mis fin à l’examen de la communication. Il a fait savoir que le logement social qui avait été attribué temporairement et à titre d’urgence à la famille de l’auteure le 19 janvier 2021 lui était attribué de manière permanente depuis le 24 janvier 2022 dans le cadre du régime ordinaire, et ce en raison de « besoins particuliers » en application de l’ordonnance no 52/2016 du 31 mai.

11.Le 20 mai 2022, l’auteure a confirmé les informations fournies par l’État partie. Elle a néanmoins demandé au Comité de ne pas mettre fin à l’examen de la communication pour les motifs suivants : a) il avait été remédié à la situation, mais les violations alléguées n’avaient pas fait l’objet d’une reconnaissance de la part des pouvoirs publics et n’avaient pas donné lieu à réparation ; b) plus de cinq cents jours plus tard, le courant n’avait toujours pas été rétabli à la Cañada Real Galiana, ce qui signifiait que plus de 1 800 enfants vivaient sans électricité, ce qui constituait une violation structurelle des droits qui n’avait pas pris fin avec le relogement de l’auteure.

12.Réuni le 25 janvier 2023, ayant examiné la demande de l’État partie visant à ce qu’il soit mis fin à l’examen de la communication, le Comité constate que la famille de l’auteure s’est vu attribuer un logement social permanent qui répond aux besoins de l’auteure en matière de santé et que les conditions de logement de l’intéressée ne mettent plus sa santé en péril. Le Comité est d’avis que, même si elle ne constitue pas en soi une réparation complète des violations alléguées de la Convention, l’attribution à l’auteure d’un logement social permanent et adéquat rend la présente communication sans objet. En ce qui concerne l’allégation générale concernant d’autres enfants de la Cañada Real, il note qu’elle n’entre pas dans le cadre de la présente communication. Par conséquent, il considère que la communication no 134/2020 est devenue sans objet et décide de mettre fin à son examen, conformément à l’article 26 de son règlement intérieur au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications.