Nations Unies

CCPR/C/116/D/2229/2012

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

17 novembre 2016

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2229/2012 * , ** , ***

Communication présentée par :

Nasir (représenté par la Human Rights Clinic du Kingsford Legal Centre, Université de Nouvelle-Galles du Sud)

Au nom de :

L’auteur

État partie :

Australie

Date de la communication :

24 octobre 2012 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 11 décembre 2012 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

29 mars 2016

Objet :

Détentionetcondamnationpourtraficdemigrants

Question(s) de procédure :

Non-épuisement des recours internes ; griefs non étayés ; qualité de victime

Question(s) de fond :

Détention arbitraire ; procès équitable ; immixtion arbitraire ou illégale dans la famille et protection de la famille

Article(s) du Pacte :

9 (par. 1, 3 et 4), 10 (par. 1), 14 (par. 1, 3 c) et 5), 17 (par. 1) et 23 (par. 1)

Article(s) du Protocole facultatif  :

1, 2 et 5 (par. 2 b))

1.L’auteur de la communication est Nasir, de nationalité indonésienne. Il affirme être victime d’une violation par l’Australie des droits qu’il tient des articles 9 (par. 1, 3 et 4), 10 (par. 1), 14 (par. 1, 3 c) et 5), 17 (par. 1) et 23 (par. 1) du Pacte. Il est représenté par un conseil. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 25 décembre 1991.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur est né dans la province de Riau, à Sumatra (Indonésie), en 1970, et il n’a fréquenté que l’école primaire. Il était pêcheur en Indonésie et gagnait moins de 2 dollars des États-Unis par jour alors qu’il avait à charge sa femme et ses deux filles. Ce revenu ne suffisait pas toujours à satisfaire les besoins élémentaires de la famille. Au début de 2010, l’auteur a été abordé dans la rue par un homme qui lui a proposé une somme équivalente à 731 dollars des États-Unis pour travailler comme cuisinier sur un bateau, ce qu’il a accepté. Le 28 février 2010, il a quitté l’Indonésie à bord d’un bateau transportant 49 personnes, soit 46 demandeurs d’asile afghans et 3 membres d’équipage indonésiens. Son travail consistait à faire la cuisine et, à une occasion, il a aussi piloté le bateau la nuit.

2.2Le 10 mars 2010, les autorités australiennes ont intercepté le bateau dans les eaux australiennes et ont conduit l’auteur au Centre de détention et de traitement des migrants de l’île Christmas, où il a été détenu une semaine avant d’être transféré au Centre de détention pour migrants de Darwin, dans le Territoire du Nord.

2.3Le 6 mai 2010, le Procureur général a émis un « titre de séjour aux fins de la justice pénale » contre l’auteur. Il n’y a pas de limite à la durée pendant laquelle une personne peut être retenue en Australie en vertu d’un tel titre − et placée en détention migratoire − aux fins d’enquêtes et de poursuites concernant des infractions pénales. Il n’existe pas de tribunal ni d’organisme administratif habilité à examiner la procédure de détention ou le bien-fondé de la détention en vertu d’un titre de séjour aux fins de la justice pénale à aucun stade de la procédure, et il ne semble pas que ces titres fassent l’objet d’une procédure interne systématique d’examen administratif.

2.4L’auteur a été détenu pendant cent quarante-six jours sans inculpation. Pendant cette période, il n’a pas été informé des motifs et de la durée de sa détention ni de la possibilité de prendre contact avec le consulat indonésien. Il avait des contacts très limités avec sa femme à cause du coût élevé des appels téléphoniques. Il a bénéficié pour la première fois des services de l’Aide juridique du Queensland le 29 juin 2010, après avoir été détenu pendant cent dix jours. Conformément à la loi australienne de 1958 sur l’immigration (Commonwealth), les étrangers peuvent être détenus indéfiniment sans inculpation dans les centres de détention des services de l’immigration aux fins d’enquêtes et de poursuites concernant des infractions pénales, sans possibilité d’examen par les autorités judiciaires ni de contrôle administratif du bien-fondé de ces placements en détention.

2.5Le 3 août 2010, l’auteur a été accusé d’« infraction aggravée de trafic de migrants » conformément à l’article 232A de la loi sur l’immigration et, le lendemain, il a été transféré dans un établissement pénitentiaire. Le 5 août 2010, il a comparu en première instance devant le tribunal de Brisbane et a été placé en détention provisoire. Le 2 décembre 2011, la Cour suprême du Queensland l’a reconnu coupable et l’a condamné à la peine minimale obligatoire de cinq ans d’emprisonnement, dont une période de trois ans sans possibilité de demander une libération conditionnelle, en application de l’article 233C de la loi sur l’immigration. L’auteur a contesté sa condamnation devant la cour d’appel du Queensland, qui a refusé de l’autoriser à faire appel le 13 septembre 2012.

2.6L’auteur affirme qu’il a épuisé tous les recours utiles à sa disposition. Il n’a pas la possibilité de faire appel directement, car une fois qu’une personne a été reconnue coupable en vertu de la loi sur l’immigration, aucun tribunal ne peut réduire la durée de la peine en deçà du minimum obligatoire. Une contestation de la constitutionnalité des dispositions relatives aux peines obligatoires n’aurait quasi aucune chance d’aboutir, car la Haute Cour d’Australie a déjà confirmé le pouvoir qu’a le législateur d’établir des peines obligatoires. Dans l’affaire Palling v. Corfield , elle a dit que l’existence d’une peine obligatoire pour une infraction à la législation du Commonwealth n’était pas contraire aux prérogatives du pouvoir judiciaire et ne portait pas atteinte à la séparation des pouvoirs. En outre, il n’y a pas de voies de recours utiles permettant de contester la légalité de la détention sans inculpation en vertu de la loi sur l’immigration, car la Haute Cour a jugé que les tribunaux ne sont pas compétents pour réviser ou annuler une décision de maintenir une personne dans un centre de détention des services de l’immigration rendue par les autorités en application de la loi sur l’immigration. Le régime législatif de la détention obligatoire en vertu de la loi sur l’immigration a été contesté en vain à plusieurs reprises devant la Haute Cour. En outre, l’article 474 de la loi sur l’immigration prévoit que les décisions administratives prononcées en vertu de cette loi sont définitives et non susceptibles d’appel. La Haute Cour a jugé que l’article 474 ne s’applique pas dans les cas où un décideur a commis une « erreur de compétence », mais tel n’est pas le cas en l’espèce.

2.7Pendant toute la durée de sa détention, l’auteur a souffert d’une importante détresse émotionnelle due à l’inquiétude qu’il nourrissait pour sa famille en Indonésie. On lui a prescrit des somnifères mais il n’a bénéficié d’aucun soutien psychologique. À la suite de sa détention prolongée, sa femme s’est remariée parce qu’il ne pouvait plus la soutenir financièrement, et ses filles sont allées habiter chez leur grand-mère qui n’a pas le téléphone, de sorte que l’auteur n’avait aucune possibilité de les contacter directement. Les petites sommes d’argent qu’il prélevait sur ce qu’il gagnait en prison et leur envoyait ne suffisaient pas à couvrir leurs frais de subsistance de base.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que sa détention pendant cent quarante-six jours sans inculpation en vertu d’un régime législatif autorisant une détention illimitée constitue une violation du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte car une telle durée était inutile aux fins de l’enquête et des poursuites concernant l’infraction et a eu une incidence déraisonnable sur lui et sur sa famille. Sa détention était en outre arbitraire puisqu’il a été privé des garanties consistant à être traduit dans le plus court délai devant un juge, à bénéficier de l’assistance d’un avocat, à être jugé sans retard et à avoir la possibilité de contester la légalité de sa détention. L’auteur fait observer que, par le passé, le Comité a considéré que la détention obligatoire des demandeurs d’asile par l’Australie en vertu de la loi sur l’immigration soulevait des questions au regard de l’article 9.

3.2L’auteur affirme que sa détention pendant cent quarante-six jours sans inculpation et sans possibilité de demander un contrôle par une autorité judiciaire constitue aussi une violation des paragraphes 3 et 4 de l’article 9 du Pacte. Le fait qu’il n’a pas eu accès à un conseil pendant les trois mois et demi initiaux de sa détention constitue en outre une violation du paragraphe 4 de l’article 9. Avant d’être inculpé d’une infraction le 3 août 2010, l’auteur n’a pas été informé du motif ni de la durée de sa détention et n’a pas eu accès au consulat indonésien.

3.3Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable que l’auteur tient du paragraphe 3 de l’article 9 et du paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte a également été violé parce que l’auteur a été détenu pendant vingt et un mois avant d’être condamné alors que les faits de la cause étaient relativement simples et typiques. Un tel retard n’était donc pas justifié.

3.4Les droits que l’auteur tient du paragraphe 1 de l’article 9 ont aussi été violés par l’imposition d’une peine minimale obligatoire, qui était disproportionnée, inappropriée et injuste à la lumière de sa situation personnelle. La politique d’imposition d’une peine minimale obligatoire en vertu de la loi sur l’immigration punit tous les membres de l’équipage du bateau de la même manière, quelle que soit leur culpabilité. L’auteur n’était que l’assistant de l’équipage, dont il était le cuisinier. Il savait très peu de choses sur l’entreprise et n’a pas participé à l’organisation du voyage, pas plus qu’il n’a incité des tiers à entreprendre ce voyage. La loi australienne sur l’immigration ne fait pas de distinction entre les organisateurs du voyage et les membres d’équipage et ne permet pas de tenir compte de circonstances atténuantes ou d’autres considérations de proportionnalité dans la détermination de la peine.

3.5L’auteuraffirmequeledroitàunprocèséquitable,qu’iltientduparagraphe1del’article14duPacte,aétévioléparcequelajugedufondn’apaspuexercerunjugementindépendantdansladéterminationdesapeineet,enconséquence,aimposéunepeinedisproportionnée.Lapeineobligatoireimposéeestfondamentalementincompatibleavecledroitàunprocèséquitabledevantuntribunalindépendantetimpartialparcequelapeineestprescriteparlelégislateuretlejugedufondestprivédetoutpouvoirdiscrétionnaire.Iln’aététenucompted’aucunecirconstanceatténuanteetunepeined’emprisonnementexcessiveetdisproportionnéeneluiauraitpasétéinfligées’iln’yavaiteucetteobligationlégale.

3.6La peine obligatoire fait disparaître le pouvoir discrétionnaire de déterminer la peine et empêche la cour d’appel de modifier celle-ci si la peine minimale obligatoire a été imposée, ce qui rend sans objet tout réexamen de la condamnation par une autorité judiciaire, en violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

3.7L’auteur fait valoir que les contacts très limités qu’il a eus avec sa famille parce qu’il était détenu et n’avait pas les moyens de payer des appels téléphoniques coûteux, ajoutés à la privation de revenus et de soutien affectif qu’a subie sa famille, constituaient une violation du droit d’être traité avec humanité et dans le respect de la dignité humaine qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte.

3.8Enfin, l’auteur invoque une violation du paragraphe 1 de l’article 17 et du paragraphe 1 de l’article 23 du Pacte parce que, pendant toute la durée de sa détention, sa famille a été privée de soutien financier et affectif. Sa femme s’est remariée et il avait des contacts très limités avec ses filles, qui n’avaient aucun moyen de subsistance. Alors qu’il était la principale source de revenus de la famille, l’auteur n’avait pu lui envoyer qu’environ 150 dollars australiens au total au cours des deux ans et demi qu’avait duré sa détention, au moment où il avait soumis sa communication.

3.9L’auteur prie le Comité de demander à l’État partie : a) de le remettre en liberté et de le renvoyer en Indonésie ; b) de l’indemniser pour le préjudice qu’il a subi du fait des violations des droits qu’il tient du Pacte, notamment la perte de liberté, la souffrance morale endurée pendant sa détention prolongée et arbitraire, la fin de son mariage et le préjudice subi par ceux dont il a la charge, et la perte de revenus ; c) de prendre des mesures pour favoriser son rétablissement physique et psychologique, sa réadaptation et sa réinsertion à son retour en Indonésie ; d) de lui faire des excuses publiques. L’État partie devrait aussi être prié de modifier ses lois sur l’immigration, en particulier, d’abroger les dispositions de la loi sur l’immigration relatives aux peines obligatoires et de modifier les dispositions pertinentes de cette loi pour prévoir une limite à la durée de la détention sans inculpation des étrangers soupçonnés d’être impliqués dans des infractions pénales, et d’établir des mécanismes appropriés garantissant un examen de la détention, la possibilité de contester la légalité de la détention devant les tribunaux et l’accès aux services d’un avocat à tous les stades de la détention. L’État partie devrait aussi mettre en œuvre des politiques pour garantir que des violations similaires ne se reproduisent pas, notamment en veillant à ce que les étrangers détenus pour des motifs liés à des infractions en rapport avec le trafic de migrants bénéficient immédiatement de l’assistance d’un conseil, de services d’interprétation et d’une aide pour prendre contact avec leur consulat et leur famille.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Dans une lettre datée du 28 janvier 2014, l’État partie présente ses observations sur la recevabilité et le fond de la communication. Il informe aussi le Comité que, le 8 mars 2013, l’auteur a été remis en liberté à l’expiration de la période de trois ans pendant laquelle il ne pouvait pas demander de libération conditionnelle et que, le même jour, il a été expulsé d’Australie par le Ministère de l’immigration et de la protection des frontières et renvoyé en Indonésie.

Recevabilité

4.2L’État partie affirme qu’il existe un recours interne pour les griefs que l’auteur tire du paragraphe 1 de l’article 9 et des paragraphes 1 et 5 de l’article 14 du Pacte, concernant sa détention et la peine minimale obligatoire, puisque l’auteur aurait pu contester la constitutionnalité des dispositions législatives en question. Une affaire récemment soumise à la Haute Cour (Magaming v. the Queen) montre que cette voie était ouverte à l’auteur. L’affaire en question concernait un individu reconnu coupable d’avoir organisé ou facilité l’arrivée en Australie d’un groupe d’étrangers en situation irrégulière et condamné à la peine minimale obligatoire. L’intéressé considérait que cette peine minimale obligatoire violait la Constitution car elle conférait indûment un pouvoir judiciaire à la branche exécutive du Gouvernement en supprimant une partie de la fonction de la décision judiciaire ; en outre, la séparation constitutionnelle des pouvoirs emportait une garantie de liberté qui était violée par le fait que les tribunaux ne pouvaient pas éviter de prononcer des peines arbitraires et inconsidérées. Ces affirmations sont très proches des allégations de l’auteur concernant des violations des dispositions susmentionnées du Pacte. Même si la contestation de la constitutionnalité n’a pas abouti dans l’affaire Magaming, le fait que la Haute Cour a accordé une autorisation spéciale pour entendre cette affaire montre qu’il y avait une question à trancher et qu’il existait un recours utile.

4.3Pour ce qui est du grief qu’il tire du paragraphe 4 de l’article 9, l’auteur aurait pu former un recours en habeas corpus devant la Cour fédérale d’Australie ou la Haute Cour concernant la légalité de sa détention provisoire et la Cour aurait ordonné sa libération si elle avait conclu à l’illégalité de sa détention. L’État partie conteste l’affirmation de l’auteur selon qui un tribunal ne peut pas ordonner la libération d’une personne détenue en vertu d’un titre de séjour aux fins de la justice pénale si l’intéressé forme un recours en habeas corpus. Il soutient qu’un tribunal peut ordonner la libération d’une personne détenue en vertu d’un titre de séjour aux fins de la justice pénale dès lors que la détention est illégale. Quant à l’argument de l’auteur, qui affirme qu’il était inutile de demander le contrôle judiciaire du titre de séjour aux fins de la justice pénale délivré contre lui parce que les tribunaux ne peuvent effectuer de contrôles que pour des motifs d’erreur de compétence, l’État partie indique que ce motif est fréquemment invoqué, et souvent avec succès, pour obtenir un contrôle par une autorité judiciaire. Pour satisfaire à la condition de l’épuisement des voies de recours, l’auteur était tenu, nonobstant les doutes exprimés dans ses observations, de demander un contrôle par une autorité judiciaire.

4.4En ce qui concerne les griefs soumis par l’auteur au nom de sa famille au titre des articles 10, 17 (par. 1) et 23 du Pacte, relatifs au préjudice subi par sa famille en Indonésie en conséquence de sa détention, l’État partie affirme qu’ils sont irrecevables ratione loci en vertu de l’article premier du Protocole facultatif, parce que sa famille n’est et n’était pas sous la juridiction de l’Australie. Ce point ne relève donc pas des obligations qui incombent à l’État partie en vertu du Pacte. En outre, l’autorisation de l’épouse ou des filles de l’auteur de présenter la communication en leur nom ne figure pas dans le dossier et l’auteur n’a pas indiqué pourquoi les intéressées ne seraient pas en mesure de donner cette autorisation.

4.5Quant aux griefs tirés du paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte en ce qui concerne l’auteur, ils sont irrecevables faute d’être étayés. L’auteur n’a fourni aucune preuve indiquant que son traitement en détention ait été plus humiliant ou dégradant que la détention elle-même eu égard à sa situation particulière.

Fond

4.6La détention provisoire de l’auteur était au départ nécessaire aux fins des services de l’immigration en vertu de la loi sur l’immigration, et par la suite aux fins de la justice pénale. Dès son arrivée à l’île Christmas le 13 mars 2010 et jusqu’à son expulsion d’Australie le 8 mars 2013, l’auteur était en détention conformément à la loi sur l’immigration. À compter de la date à laquelle il a été inculpé d’une infraction pénale et placé en détention provisoire jusqu’à son départ d’Australie, il était aussi en détention pénale et détenu dans un établissement pénitentiaire.

4.7Pourqu’uneviolationduparagraphe1del’article9duPactesoitconstatée,l’auteurdoitprouverquesaprivationdelibertéétaitillégale,cequ’ilfautentendrecommecontraireauxloisnationales,ouétaitautrementarbitraire,cequiestétablilorsquelescirconstancesdeladétentionnesontpasraisonnablesetnécessaires,oupasproportionnellesaubutrecherché.

4.8L’État partie fait valoir à propos des griefs que l’auteur tire du paragraphe 1 de l’article 9 que sa détention du 13 mars au 4 août 2010 n’était pas illégale, car elle était conforme aux dispositions de la loi sur l’immigration. Quant à son caractère arbitraire, le Comité a confirmé que la détention obligatoire des personnes arrivées sans visa n’est pas arbitraire en soi. En outre, il ne ressort nullement de la jurisprudence du Comité qu’une durée particulière de détention pourrait être considérée en soi comme arbitraire. Le critère déterminant n’est pas la durée de la détention, mais la question de savoir si celle-ci est justifiée. Le placement de l’auteur en détention était nécessaire pendant toute cette période car il n’avait pas de visa valide pour entrer ou rester en Australie. Une fois émis le titre de séjour aux fins de la justice pénale, le 6 mai 2010, la poursuite de la détention de l’auteur était nécessaire conformément à la loi sur l’immigration parce qu’il s’agissait d’un étranger en situation irrégulière et qu’il ne pouvait pas être expulsé d’Australie tant que le titre était en vigueur, car il devait se trouver dans le pays aux fins de l’administration de la justice pénale. Comme indiqué ci-dessus, des mécanismes de réexamen étaient disponibles dans le cadre de la détention de l’auteur.

4.9La détention de l’auteur au sein du système de justice pénale, du 4 août 2010 jusqu’au début de son procès, le 21 novembre 2011, était elle aussi légale et non arbitraire. L’auteur a été placé en détention provisoire par un tribunal le 5 août 2010 et a été inculpé d’une infraction pénale le lendemain. Cette détention était nécessaire pour permettre au système de justice pénale de traiter l’affaire, et elle était placée sous la surveillance et le contrôle du tribunal à tout moment.

4.10En ce qui concerne la détention de l’auteur à la suite de sa peine privative de liberté, l’État partie fait valoir que la peine minimale obligatoire prévue pour l’infraction consistant à organiser ou à faciliter l’entrée de plus de cinq étrangers en Australie est justifiée au regard du paragraphe 1 de l’article 9 et que la détention de l’auteur pendant la durée minimale obligatoire imposée est justifiée et nécessaire, dans les circonstances de l’espèce, pour atteindre les objectifs légitimes consistant à punir l’auteur, à décourager la commission à l’avenir de telles infractions, qui comportent des risques graves pour la vie des demandeurs d’asile, et à garantir que les tribunaux appliquent de manière cohérente des peines proportionnelles à la gravité de l’infraction. La condamnation de l’auteur était le résultat d’une procédure judiciaire appropriée dans laquelle il était représenté par un conseil et sa situation individuelle a été examinée. Il a été tenu compte de la détention provisoire de l’auteur dans la condamnation, ce qui montre que sa situation particulière a été prise en considération.

4.11Encequiconcernelegriefquel’auteurtireduparagraphe3del’article9duPacteconcernantsondroitd’êtretraduitdanslepluscourtdélaidevantunjuge,l’Étatpartieneconsidèrepasquel’auteurétaitarrêtéoudétenuduchefd’uneinfractionpénalelorsqu’ilétaitendétention.LetitredeséjourauxfinsdelajusticepénaleneconstituaitpaslefondementdesadétentionetsoninterrogatoireparlaPolicefédéraleaustraliennele29juin2010n’apasmodifiélecaractèredeladétentiondel’auteur.Celui-ciaétémaintenuendétentionparcequ’iln’avaitpasdevisavalable.Danslamesureoùladétentiondel’auteuraétéprolongéeàcausedelanécessitédemeneruneenquêtepénale,letempsqu’aprislaPolicefédéralepourmenercetteenquêteétaitraisonnable.S’ilavaitétéenAustralielégalement,l’auteurn’auraitpasétéplacéendétentionpendantl’enquêtedelaPolicefédérale.

4.12Le4août2010,l’auteuraétéconduitaudépôtdeBrisbaneetinculpéet,lelendemain,ilacomparudevantunmagistratetaétéplacéendétentionprovisoire.Iladoncététraduitdevantunjugedanslepluscourtdélaiaprèsavoirétéinculpéd’uneinfractionpénale.

4.13Il s’est écoulé quinze mois et dix-neuf jours entre l’inculpation de l’auteur et son procès, qui s’est tenu le 23 novembre 2011, période de temps pendant laquelle l’affaire a été traitée activement et qui est justifiée dans les circonstances de l’espèce. En conséquence, les allégations de l’auteur relatives à la durée de sa détention provisoire sont sans fondement.

4.14En ce qui concerne le grief de violation du paragraphe 4 de l’article 9, au titre duquel l’auteur affirme que son droit de contester la légalité de sa détention n’a pas été respecté pendant qu’il était en détention, l’État partie affirme que cette allégation est sans fondement. Selon lui, le terme « légalité » figurant au paragraphe 4 de l’article 9 doit être interprété comme signifiant « légal au regard du droit interne », et rien dans le Pacte n’indique qu’il faut entendre par ce terme « licite au regard du droit international » ou « non arbitraire ». En outre, comme indiqué dans les observations de l’État partie concernant l’épuisement des recours internes, l’auteur avait accès au contrôle de la légalité de sa détention par les autorités judiciaires et un tribunal aurait pu ordonner sa libération si cette détention n’avait pas été conforme à la loi.

4.15Alors que l’auteur affirme qu’on lui a refusé l’accès à un conseil jusqu’au 29 juin 2010, il a, contrairement à ses allégations, été informé qu’il pouvait prendre contact avec des conseils à un stade précoce de sa détention et a signé un avis rédigé dans sa langue qui comprenait une déclaration à cet effet.

4.16Quantauxgriefsquel’auteurtireduparagraphe1del’article10,ilssontirrecevableset,àtitresubsidiaire,sansfondement.Pendantsonséjourdansuncentrededétention,l’auteurpouvaitprendrecontactaveclesmembresdesafamilleouleconsulatindonésienàtoutmomentetaétédûmentinformédecettepossibilité.Onl’aaidéàprendrecontactavecsafamilleàsonarrivéeàl’îleChristmas.Ilapuacheterdescartesdetéléphone,notammentenparticipantauxprogrammesetactivitésdisponiblesdanslecentre.PendantsonséjourdanslesétablissementsdesservicespénitentiairesduQueensland,ilavaitaccèsautéléphoneetàdesservicespostauxcommetouslesautresdétenus.

4.17L’auteur a pu passer des appels téléphoniques à destination de l’Indonésie grâce aux revenus et allocations qu’il a perçus en prison. Les dossiers des services pénitentiaires du Queensland montrent qu’il a passé au total 135 appels à destination de l’Indonésie. Il semblerait que la raison de sa difficulté à communiquer avec ses filles n’est pas liée à sa situation en Australie, mais au fait qu’il ne pouvait avoir des nouvelles qu’en téléphonant à une personne qui vivait dans une ville située à trois heures de chez elles. Il existait des mécanismes de plainte dans l’établissement, mais l’auteur n’y a pas eu recours au sujet de sa possibilité de communiquer avec sa famille, son conseil ou d’autres personnes de son choix, ou de recevoir des visites.

4.18L’auteur a été informé qu’il pouvait prendre contact avec le consulat indonésien lorsqu’il a été placé en détention et de nouveau lors de son interrogatoire par la Police fédérale le 29 juin 2010. Il a indiqué à la police qu’il ne souhaitait pas prendre contact avec le consulat parce qu’il avait déjà parlé à un représentant.

4.19En ce qui concerne le grief de l’auteur qui affirme que la peine minimale obligatoire qui lui a été imposée est contraire au paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, l’État partie fait valoir qu’il n’y a eu aucune atteinte à l’indépendance ou à l’impartialité du pouvoir judiciaire dans le cas de l’auteur et que ces allégations sont sans fondement. Le tribunal conserve son pouvoir discrétionnaire de condamner les personnes reconnues coupables de l’infraction en question à une peine comprise entre la peine minimale obligatoire de cinq ans d’emprisonnement (dont trois ans sans possibilité de libération conditionnelle) et le maximum légal de vingt ans. En outre, lorsqu’il exerce ce pouvoir discrétionnaire, il doit tenir compte de la situation particulière de la personne conformément aux critères énoncés à l’article 16A (par. 1 et 2) de la loi de 1914 sur les infractions. Le législateur joue son rôle légitime lorsqu’il adopte des lois instaurant des infractions pénales, y compris l’échelle des peines qui peuvent être appliquées, et prévoit des critères minimaux en matière de preuve, telles que des présomptions obligatoires. Du moment que l’influence que le pouvoir législatif a sur le pouvoir judiciaire discrétionnaire ne porte pas atteinte à l’élément essentiel de l’indépendance, à savoir le fait que les juges sont libres de se faire une opinion sur les faits et le droit sans subir d’influence ou de pression politiques extérieures, l’État partie considère que ce type de législation n’est pas contraire au droit d’une personne à ce que sa cause soit entendue par un tribunal ou une cour de justice indépendants.

4.20En ce qui concerne le grief tiré du paragraphe 3 c) de l’article 14, concernant le droit qu’a l’auteur à être jugé sans retard, l’État partie affirme qu’il est sans fondement pour les raisons indiquées dans ses observations concernant le paragraphe 3 de l’article 9. Il ajoute que neuf mois et onze jours se sont écoulés entre la décision de première instance, rendue le 2 décembre 2011, et la décision de rejeter l’appel (13 septembre 2012), et que cette période de temps ne saurait être considérée comme déraisonnable. En outre, un examen de la procédure judiciaire confirme qu’il n’y a pas eu de retards excessifs dans cette affaire.

4.21En ce qui concerne le grief que l’auteur tire du paragraphe 5 de l’article 14, l’État partie fait valoir qu’il est dénué de fondement. La cour d’appel du Queensland a examiné le point de savoir si les preuves étaient suffisantes pour établir au-delà de tout doute raisonnable l’un des éléments de l’infraction, à savoir si l’auteur ne s’était pas soucié de savoir si les passagers avaient légalement le droit de venir en Australie. La cour a examiné le dossier du procès et a déterminé si, à partir de l’ensemble des éléments, le jury pouvait avoir été convaincu au-delà de tout doute raisonnable que l’auteur était coupable. Les aspects factuel et juridique de l’affaire ont donc été réexaminés, comme le prévoit le paragraphe 5 de l’article 14. L’auteur a choisi de ne pas exercer l’autre voie de recours qui lui était ouverte devant la Haute Cour.

4.22En ce qui concerne les griefs que l’auteur tire des articles 17 (par. 1) et 23, l’État partie affirme qu’ils sont sans fondement. Il est inévitable que les détenus soient séparés de leur famille en raison de leur emprisonnement, et comme cette séparation est un élément de punition ordinaire et nécessaire pour les auteurs d’infractions pénales, elle ne constitue pas une immixtion arbitraire dans la vie de famille. Les éventuelles difficultés découlant du fait que la famille d’une personne réside dans un autre pays ne relèvent pas de la compétence des autorités australiennes et échappent à leur contrôle. De même, alors que l’auteur affirme qu’il a souffert à la suite du remariage de sa femme, il s’agit d’une affaire privée et sans rapport avec le grief invoqué.

4.23Le paragraphe 1 de l’article 23 ne prévoit pas que l’Australie doive exempter les condamnés d’exécuter des peines imposées légalement, telles qu’une peine d’emprisonnement, au motif que cela risque d’avoir des incidences sur leurs relations familiales dans un pays étranger. Ce sont des affaires privées qui n’ont aucun rapport avec les obligations et la compétence de l’Australie.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une lettre datée du 24 novembre 2014, l’auteur a présenté ses observations sur la recevabilité et le fond.

Recevabilité

5.2Encequiconcernelesobservationsdel’Étatpartiequiaffirmequ’ilexistaitunrecoursinternepourlesgriefsquel’auteurtireduparagraphe1del’article9etdesparagraphes1et5del’article14duPacte,s’agissantdesadétentionetdelapeineminimaleobligatoire,l’auteurfaitvaloirquel’appeldevantlaHauteCourn’offraitaucuneperspectiveraisonnabledesuccès.Aumomentoùilaétédéboutéparlacourd’appelpénaleduQueensland,l’autorisationspécialen’avaitpasencoreétéaccordéedansl’affaireMagamingetilressortaitdel’ensembledelajurisprudencesurlaquestiondespeinesminimalesobligatoiresqu’unecontestationdelaconstitutionnalitén’auraitpasabouti.Depuisplusdesoixanteans,laHauteCouraconstammentconfirmélavaliditéconstitutionnelledespeinesminimalesobligatoiresetdécidédenepasaccorderd’autorisationspécialedefaireappeldanscetyped’affaires.Entoutétatdecause,enrejetantlacontestationdelaconstitutionnalitédelaloisurl’immigration,ladécisionMagamingaseulementconfirméquel’auteurn’avaitaucuneperspectiveraisonnabled’aboutir.Enoutre,l’appelinterjetéparl’auteurdevantlacourd’appelduQueenslandaétérejetéle13septembre2012etlapériodependantlaquelleilnepouvaitpasdemanderdelibérationconditionnelledevaitexpirerle8mars2013.Parconséquent,toutedécisionéventuelledelaHauteCourauraitétérendueunefoissapeineexécutéeetauraitdoncétéinutile.

5.3L’affirmationdel’Étatpartie,selonquil’auteurauraitpusolliciteruneordonnanced’habeas corpuspourungrieftiréduparagraphe4del’article9encequiconcernesadétentionprovisoire,estdénuéedefondement.Untelrecoursconsisteraitàobtenirqu’untribunalconcluequeladétentiondel’auteurestsansfondementetqu’elleétaitillégaleauregarddelalégislationinterne.Or,l’auteurn’apasprétenduquesadétentionétaitillégaledanslepays,maisqu’elleétaitarbitraireenvertuduPacte.Iln’yapasdefondementconstitutionneloud’autrefondementdanslaloiaustraliennequipermettraitdecontesterunedétentionaumotifdesoncaractèrearbitrairesiladétentionestparailleursautoriséeparlalégislationnationale.Ilauraitétéinutiledesolliciteruneordonnanced’habeas corpus.

5.4Subsidiairement, l’auteur a fait valoir que l’Australie avait montré qu’elle n’était pas disposée à remédier à ces violations, ce qui rend la règle de l’épuisement des recours inapplicable.

5.5En ce qui concerne les griefs qu’il tire des articles 10, 17 et 23 du Pacte, l’auteur fait observer qu’il ne les a pas soumis au nom de sa famille, mais qu’il a affirmé que les droits qu’il tient de ces dispositions avaient été violés. Le fait que sa famille vive en dehors du territoire australien ne fait pas disparaître l’obligation qu’a l’État partie de respecter ses droits en vertu des articles invoqués puisque lui-même était sous la juridiction de l’État partie. En outre, à aucun moment l’auteur n’a prétendu soumettre une plainte au nom de sa famille. Ses griefs portent sur une violation de son propre droit à la protection de sa famille.

5.6L’auteur fait valoir que les griefs qu’il tire du paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte ont été suffisamment étayés par les éléments qu’il a fournis pour prouver qu’il n’a eu aucun contact avec ses enfants pendant toute la durée de sa détention en Australie. Le nombre d’appels téléphoniques qu’il a passés en Indonésie ne prouve pas que ces appels aient abouti ou aient été suffisants.

Fond

5.7Encequiconcernelesgriefsqu’iltireduparagraphe1del’article9,l’auteursoutientquesadétentionobligatoire,quoiquelégaleselonledroitinterne,aétéarbitrairefautedesatisfaireauxcritèresderationalité,denécessitéetdeproportionnalité.Ilaétédétenuenvertudel’applicationd’une«règleobligatoirepourunevastecatégorie»etnondel’examendesasituationpersonnelle,contrairementauxexigencesduComité.Letitredeséjourauxfinsdelajusticepénale,quiaétéémisprèsdedeuxmoisaprèssonplacementinitialendétention,etl’interrogatoiredelapolicenepeuventpasêtreconsidéréscommedespreuvesqu’ilaététenucomptedesasituationpersonnelle.Enoutre,aucunmoyenmoinscontraignantd’obtenirlemêmerésultat,telquel’obligationdeseprésenter,n’aétéenvisagéetlalégalitédeladétentiondel’auteurn’apasfaitl’objetd’unréexamenpériodique.

5.8En ce qui concerne la peine minimale obligatoire, l’auteur fait observer que le caractère arbitraire d’une peine ne signifie pas que celle-ci est « contraire à la loi », mais qu’il doit être interprété de façon plus large en tenant compte d’éléments tels que le caractère inapproprié et l’injustice. Sa peine n’a été ni raisonnable ni proportionnée au regard de sa situation personnelle, de la gravité de l’infraction et de l’objectif consistant à le punir et à le dissuader. L’article 232A de la loi sur l’immigration incrimine diverses activités et catégories de personnes, dont les organisateurs de l’ensemble de l’opération visant à faire entrer des étrangers en Australie, et les cuisiniers et les matelots dont le degré de complicité est minimum, sinon nul, dans les actes commis et qui acceptent souvent une offre d’emploi sans avoir d’autre information quant au but du voyage. Selon la réponse du Bureau du Procureur général à une enquête sur l’abrogation des peines minimales obligatoires, datée du 22 février 2012, seules cinq des 228 condamnations prononcées au titre de cette infraction visaient des organisateurs de trafic de migrants. L’auteur soutient que la peine prononcée contre lui était manifestement déraisonnable, disproportionnée et injuste dans les circonstances de l’espèce car elle ne répondait pas à l’objectif consistant à punir, réinsérer et dissuader, comme indiqué par la juge de première instance. La dissuasion générale n’est pas pertinente lorsque l’on examine si une peine est disproportionnée et, dans le cas de l’auteur, l’effet dissuasif de son incarcération était négligeable, comme l’a noté la juge de première instance.

5.9En ce qui concerne les griefs tirés du paragraphe 3 de l’article 9, l’auteur soutient que son placement en détention entre le 10 mars 2010 et sa comparution devant un tribunal le 5 août 2010 avait pour objet l’administration de la justice pénale et que cette durée de cent quarante-neuf jours a constitué en soi une violation des dispositions du paragraphe 3 de l’article 9 du Pacte. Conformément à l’article 159A de la loi de 1992 relative aux sanctions et aux peines, la détention provisoire ne peut être considérée comme faisant partie de la peine finalement prononcée que si « l’auteur de l’infraction a été maintenu en détention dans le cadre de la procédure engagée à raison de l’infraction et pour aucune autre raison ». Subsidiairement, le titre de séjour aux fins de la justice pénale émis le 6 mai 2010 indique que le seul objet de sa présence en Australie à compter de cette date était l’administration de la justice pénale. À ce titre, l’auteur avait le droit à ce moment d’être traduit rapidement devant un juge, ce qui ne s’est pas produit pendant encore quatre-vingt-douze jours. Le respect de ce droit était particulièrement important étant donné que l’auteur ne pouvait pas contester le titre de séjour aux fins de la justice pénale, car celui-ci résultait d’une « décision protégée par une clause privative » en vertu de l’article 474 de la loi sur l’immigration et ne pouvait donc pas être contesté ni annulé.

5.10En outre, les vingt mois qui se sont écoulés entre son placement en détention et l’ouverture du procès le 23 novembre 2011 ne sauraient être considérés comme une période de temps raisonnable, même en tenant compte des petits retards causés par ses conseils. Subsidiairement, si sa détention à des fins pénales était réputée débuter le 6 mai 2010, les dix-huit mois écoulés avant l’ouverture du procès étaient tout aussi déraisonnables. Lorsqu’une personne a été détenue pendant tout le laps de temps entre son inculpation et son procès, la violation du paragraphe 3 de l’article 9 s’accompagne d’une violation du paragraphe 3 c) de l’article 14.

5.11En ce qui concerne les griefs qu’il tire du paragraphe 4 de l’article 9, l’auteur réaffirme que tout éventuel contrôle par une autorité judiciaire aurait été limité à la question de la légalité de sa détention, qui n’est pas contestée ici, et qu’il aurait été impossible de soulever la question du caractère arbitraire de sa détention.

5.12En ce qui concerne le grief tiré du paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte, l’auteur a noté que l’État partie n’avait pas tenu compte de sa situation personnelle, notamment des difficultés et des coûts liés au fait de passer des appels en Indonésie, afin de garantir son droit de communiquer avec sa famille. Bien qu’il ait reçu une assistance pour appeler sa famille le 19 mars 2010 à son arrivée à l’île Christmas, il a dû payer tous les appels suivants malgré leur coût prohibitif. Il devait mettre en balance son obligation de soutenir financièrement sa famille avec ce qu’il gagnait en prison et ses efforts pour maintenir le contact avec elle. L’État partie aurait dû lui donner un accès spécial à des moyens de communication pour lui permettre de communiquer avec sa famille à moindre coût et à intervalles réguliers. En outre, l’auteur ignorait qu’il pouvait avoir recours à des mécanismes de plainte en prison. La possibilité d’avoir recours à ces mécanismes doit être examinée à la lumière de son incapacité à parler ou lire l’anglais.

5.13En ce qui concerne les griefs tirés du paragraphe 1 de l’article 14, l’auteur reconnaît que les peines minimales obligatoires ne constituent pas en elles-mêmes des violations de ces dispositions. Toutefois, les peines minimales obligatoires mentionnées dans la présente communication constituent une violation parce qu’elles sont tellement disproportionnées que, dans de nombreux cas, elles privent le tribunal du pouvoir d’imposer une peine proportionnelle, ce qui est incompatible avec les fonctions d’un système judiciaire indépendant et impartial.

5.14L’auteur maintient le grief qu’il tire du paragraphe 5 de l’article 14. Un appel n’aurait pas pu donner lieu à une réduction de la peine au-delà de ce qui avait déjà été accordé, même si la juge de première instance avait reconnu que la peine était disproportionnée.

5.15L’auteur maintient aussi ses griefs tirés des articles 17 et 23 du Pacte. Les conditions de détention, notamment les mécanismes permettant aux détenus d’être en contact avec leur famille, doivent être adaptés de manière appropriée pour permettre aux étrangers de maintenir leur droit à la vie de famille. Les dispositions habituelles en matière de téléphone ou de courrier sont peut-être suffisantes pour les détenus australiens, mais pas pour les étrangers. L’État partie ne peut pas se prévaloir de ses intérêts légitimes pour justifier des violations des articles 17 et 23. Il devrait au contraire prendre dûment en considération les incidences qu’a le fait de séparer une personne de sa famille.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la plainte est recevable en vertu du Protocole facultatif.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3LeComitéprendnotedel’argumentdel’Étatpartie,quiaffirmequelesrecoursinternesn’ontpasétéépuisésencequiconcernelegriefdel’auteurselonlequellapeineminimaleobligatoireconstituaituneviolationdesarticles9(par.1)et14(par.1et5)duPacte,parcequel’auteurauraitpucontesterlaconstitutionalitédesdispositionslégislativesenquestion.L’auteurnoteàcetégardquelacontestationdelaconstitutionalitédelapeineminimaleobligatoiren’avaitaucuneperspectiveraisonnabled’aboutircomptetenudelajurisprudenceconstantedelaHauteCourquiaconfirmélavaliditédespeinesminimalesobligatoireslorsqu’ilaétédéboutédesonappeldevantlacourpénaled’appelduQueensland.Enoutre,cettejurisprudenceaétéconfirméedansl’affaireMagaming.Àlalumièredecettejurisprudence,leComitéconclutqu’unecontestationdevantlaHauteCourn’avaiteneffetpasderéelleschancesd’aboutiretconsidèrequ’iln’yaaucunobstacleàcequ’ildéclarelaplainterecevableauregardduparagraphe2b)del’article5duProtocolefacultatif.

6.4L’État partie fait aussi valoir que les recours internes n’ont pas été épuisés en ce qui concerne le grief de l’auteur qui affirme que sa détention provisoire pendant cent quarante-six jours sans accès à un contrôle par une autorité judiciaire a constitué une violation du paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte, car l’auteur aurait pu former un recours en habeas corpus devant la Cour fédérale d’Australie ou devant la Haute Cour pour contester la légalité de sa détention. L’auteur note à ce sujet que ce recours consisterait à obtenir qu’un tribunal conclue que sa détention était illégale en vertu de la législation interne, que la question n’est pas celle de la légalité de la détention en vertu de la législation interne, mais celle de savoir si cette détention était ou non arbitraire, et qu’il n’y a pas de fondement légal en Australie qui permettrait de contester le caractère arbitraire de cette détention. Le Comité considère que l’État partie n’a pas démontré que l’auteur disposait d’un recours utile pour contester le caractère arbitraire de sa détention. En conséquence, le Comité conclut qu’au regard du paragraphe 2 b) de l’article 5, rien ne l’empêche d’examiner ce grief sur le fond.

6.5En ce qui concerne le grief de l’auteur qui affirme que les conditions de détention en Australie, en particulier les difficultés à maintenir un contact téléphonique régulier avec sa famille en Indonésie, ont violé les droits qu’il tient des articles 10 (par. 1), 17 (par. 1) et 23 (par. 1) du Pacte, le Comité convient qu’il importe que les personnes privées de liberté puissent communiquer régulièrement avec leur famille, comme le reconnaît l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus. Il considère cependant que le fait que l’auteur n’a pas été en mesure de garder le contact avec sa famille résultait dans une large mesure de circonstances non imputables à l’État partie, comme le fait que les filles de l’auteur vivaient dans un village où l’accès au téléphone était très limité. En outre, cette absence de contact résultait aussi pour partie de circonstances inhérentes à l’emprisonnement. En conséquence, le Comité considère que ce grief n’a pas été suffisamment étayé aux fins de la recevabilité et le déclare irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.6Encequiconcernelegriefdel’auteurquiaffirmequelapeineobligatoireaconstituéuneviolationdesdroitsqu’iltientdesparagraphes1et5del’article14parcequelesjugesnepouvaientpasexercerunjugementindépendantdansladéterminationdelapeine,leComitéprendnotedel’argumentdel’Étatpartiequiaffirmequelelégislateurjouesonrôlelégitimelorsqu’iladoptedesloisinstaurantdesinfractionspénales,ycomprisl’échelledespeinesapplicables,etquelesjugessontlibresdesefaireuneopinionsurlesfaitsetledroitsanssubird’influenceoudepressionpolitiquesextérieures.LeComitérappellequelagarantied’indépendanceportesurl’indépendanceeffectivedesjuridictionsdetouteinterventionpolitiquedel’exécutifetdulégislatifetqu’ilestnécessairedeprotégerlesmagistratscontrelesconflitsd’intérêtsetlesactesd’intimidation.LeComiténotequelecaractèreobligatoired’uneloin’estpasensoiuneatteinteàl’indépendancedelajustice.Ilnoteégalementquel’auteurneprétendpasquel’exécutifoulelégislatifontexercéunequelconqueinfluenceoupressionpolitiquesextérieures,niquelajugedufondaétévictimed’actesd’intimidationlorsqu’ilaétécondamnéàlapeineminimaledecinqannéesd’emprisonnementassortied’unepériodedetroisanssanspossibilitédedemanderunemiseenlibertéconditionnelle,enapplicationdel’article233Cdelaloisurl’immigration.LeComitéconsidèredèslorsquecegriefn’apasétésuffisammentétayéauxfinsdelarecevabilitéetledéclareirrecevableenvertudel’article2duProtocolefacultatif.

6.7Compte tenu de ce qui précède, le Comité déclare la communication recevable en ce qui concerne les griefs tirés des paragraphes 1, 3 et 4 de l’article 9 et du paragraphe 3 c) de l’article 14 du Pacte.

Examen au fond

7.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

Griefs de l’auteur relatifs à sa détention sans inculpation

7.2Le Comité prend note du grief de l’auteur qui affirme que sa détention pendant cent quarante-six jours sans inculpation, sans être présenté à un juge et sans possibilité de demander un contrôle par les autorités judiciaires, ainsi que le fait qu’il n’a pas pu bénéficier de l’assistance d’un avocat pendant cent dix jours, constituent une violation des droits qu’il tient des paragraphes 1, 3 et 4 de l’article 9 du Pacte. L’État partie fait valoir que l’auteur avait dû être placé en détention pendant toute cette période parce qu’il n’avait pas de visa valide pour entrer ou rester en Australie. En outre, une fois que le titre de séjour aux fins de la justice pénale a été émis le 6 mai 2010, l’auteur ne pouvait plus être expulsé d’Australie parce qu’il était tenu de se trouver dans le pays pour l’administration de la justice pénale.

7.3Le Comité rappelle que, si la détention d’un individu pendant une procédure aux fins de contrôle de l’immigration n’est pas en soi arbitraire, elle doit être justifiée, raisonnable, nécessaire et proportionnée compte tenu de toutes les circonstances, et la mesure doit être réévaluée si elle se poursuit. Il rappelle en outre que, en vertu du paragraphe 4 de l’article 9, quiconque se trouve privé de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue sans délai sur la légalité de sa détention, et que le jugement devrait avoir lieu le plus rapidement possible.

7.4Dans la présente affaire, le Comité note que l’auteur a été maintenu en détention obligatoire pendant près de cinq mois, du 13 mars au 4 août de 2010, sans que des charges lui aient été officiellement signifiées. L’État partie n’a pas expliqué pourquoi il a fallu près de cinq mois pour inculper l’auteur. Le Comité note en outre que, pendant cette période, l’auteur a été privé des garanties juridiques lui permettant de dénoncer le caractère arbitraire de sa détention. En ce qui concerne l’argument de l’État partie qui fait valoir que le terme « légalité » figurant au paragraphe 4 de l’article 9 doit être interprété comme signifiant « légal au regard du droit interne », le Comité renvoie à sa jurisprudence constante et réaffirme que l’examen judiciaire de la légalité de la détention au sens du paragraphe 4 de l’article 9 ne doit pas consister uniquement à vérifier si la détention est compatible avec le droit national mais doit inclure la possibilité d’ordonner la libération du détenu si sa détention est déclarée incompatible avec les dispositions du Pacte, en particulier celles du paragraphe 1 de l’article 9. Pour toutes ces raisons et en l’absence d’explications complémentaires de l’État partie, le Comité conclut que la détention de l’auteur pendant cette période n’était pas justifiée mais arbitraire, en violation du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte, et qu’elle ne pouvait pas être contestée devant un tribunal, en violation du paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte.

7.5En ce qui concerne le grief que l’auteur tire du paragraphe 3 de l’article 9, au motif qu’il n’a pas été traduit dans le plus court délai devant un juge, le Comité prend note de l’assertion de l’État partie qui fait valoir que l’auteur n’a pas été arrêté ou placé en détention du chef d’une infraction pénale lorsqu’il était en détention, que le titre de séjour aux fins de la justice pénale ne constituait pas le fondement de sa détention, que son interrogatoire par la Police fédérale australienne le 29 juin 2010 n’a pas modifié le caractère de sa détention et que, dans la mesure où sa privation de liberté a été prolongée en raison de la nécessité de mener une enquête pénale, le temps qu’a pris la Police fédérale pour mener cette enquête était raisonnable. Cependant, le Comité rappelle que l’exigence selon laquelle toute personne arrêtée ou détenue du chef d’une infraction pénale doit être traduite dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires, prévue au paragraphe 3 de l’article 9, s’applique même avant que les charges aient été officiellement signifiées, dès lors que l’intéressé a été arrêté ou est détenu sur la base de soupçons concernant sa participation à une activité criminelle. Le Comité relève à ce sujet que, en vertu de l’article 147 de la loi australienne de 1958 sur l’immigration, le Procureur général peut, s’il estime qu’un étranger en situation irrégulière doit rester en Australie temporairement aux fins de l’administration de la justice pénale en rapport avec une infraction, émettre un titre de séjour aux fins de la justice pénale. À la lumière de ce qui précède, le Comité estime qu’à compter du 6 mai 2010, date à laquelle le titre de séjour aux fins de la justice pénale a été émis, l’auteur a été maintenu en détention aux fins de l’administration de la justice pénale sans être traduit dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires. Pour ces raisons, le Comité conclut que les droits que l’auteur tient du paragraphe 3 de l’article 9 ont été violés.

Grief relatif à la durée de la procédure

7.6Le Comité prend note du grief de l’auteur qui affirme que son droit d’être jugé dans un délai raisonnable et sans retard excessif, qu’il tient du paragraphe 3 de l’article 9 et du paragraphe 3 c) de l’article 14 du Pacte, a été violé parce que le laps de temps de quinze mois qui s’est écoulé à compter du moment où il a été inculpé − ou vingt et un mois à compter du moment où il a été placé en détention − n’était pas justifié dans les circonstances de l’espèce. L’État partie a fait valoir que cette période était raisonnable et qu’elle se justifiait par la nécessité de laisser le temps voulu aux autorités chargées de l’enquête pénale et des poursuites judiciaires et que l’affaire avait été traitée activement. Il a aussi souligné, sans être contesté par l’auteur, qu’une partie des retards judiciaires avaient été causés par les conseils de l’auteur qui n’étaient pas disponibles à la date initialement proposée pour le procès et jusqu’au 21 novembre 2011, date à laquelle le procès s’est ouvert. Le Comité considère que les informations figurant dans le dossier ne permettent pas de conclure que la période de temps écoulée avant que l’auteur soit jugé était déraisonnable dans les circonstances de l’espèce ou que la procédure judiciaire avait souffert de retards excessifs. Il conclut donc que les faits dont il est saisi ne font pas apparaître de violation du paragraphe 3 de l’article 9 ni du paragraphe 3 c) de l’article 14 du Pacte, s’agissant de cette partie de la communication.

Griefs relatifs à la peine minimale obligatoire

7.7En ce qui concerne les griefs de l’auteur relatifs à la peine minimale obligatoire prévue par la loi sur l’immigration, le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui soutient que la condamnation de l’auteur à la peine minimale obligatoire était nécessaire pour atteindre l’objectif légitime consistant à le punir et que la peine minimale obligatoire était nécessaire en tant que mesure générale de dissuasion visant à combattre le trafic de migrants et pour veiller à ce que les tribunaux appliquent systématiquement des peines proportionnelles à la gravité de l’infraction. Il prend également note de l’argument de l’État partie qui affirme que l’infraction aggravée de trafic de migrants dont l’auteur a été reconnu coupable comporte des risques graves pour la vie des demandeurs d’asile et que la peine minimale est à la mesure de la gravité de l’infraction. L’auteur a fait valoir, pour sa part, que la peine de cinq ans d’emprisonnement, dont une période de trois ans sans possibilité de libération conditionnelle,qui lui avait été imposée était manifestement déraisonnable, disproportionnée et injuste compte tenu des circonstances de l’espèce. Le Comité rappelle que l’article 9 reconnaît expressément qu’un individu peut être arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale, que le Pacte admet une diversité de régimes de condamnation pénale et qu’il faut que la durée de la peine soit administrée conformément à la législation interne. Il rappelle aussi que le fait de prononcer une peine draconienne pour des infractions mineures sans explication suffisante ni garantie indépendante de procédure, est arbitraire. Dans le cas d’espèce, il note que l’auteur a été jugé et reconnu coupable de l’infraction aggravée de trafic de migrants par la Cour suprême du Queensland. L’auteur a été condamné à la peine minimale obligatoire prévue pour cette infraction, soit cinq ans d’emprisonnement (dont trois ans sans possibilité de libération conditionnelle). La peine maximale prévue par la loi est de vingt ans de prison. Le Comité prend également note de l’affirmation, non contestée, de l’État partie qui indique qu’il a été tenu compte dans la peine de la période de détention provisoire effectuée par l’auteur et que le 8 mars 2013, celui-ci a été libéré de prison à l’expiration de la période de trois ans pendant laquelle il ne pouvait pas demander de libération conditionnelle. Dans ces circonstances, et étant donné que la condamnation de l’auteur résultait d’une procédure judiciaire appropriée dans laquelle l’intéressé était représenté par un conseil, le Comité n’est pas en mesure de conclure que la durée de la détention pénale était arbitraire, et il conclut donc que ces faits ne font pas apparaître de violation du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte.

8.Le Comité, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie des paragraphes 1, 3 et 4 de l’article 9 du Pacte.

9.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile. À cette fin, il doit accorder pleine réparation aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. En conséquence, l’État partie a l’obligation, entre autres, d’indemniser l’auteur de manière appropriée. Il est en outre tenu de prendre des mesures pour que des violations analogues ne se reproduisent pas.

10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’il a été établi qu’une violation a eu lieu, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement.

Annexe I

Opinion jointe (partiellement dissidente) des membres du Comité Olivier de Frouville, Victor Rodriguez-Rescia et Fabian OmarSalvioli

1.Nous sommes en désaccord avec la conclusion à laquelle arrive le Comité quant à l’absence de violation, dans cette affaire, du paragraphe 1 de l’article 9, du fait de l’application à l’auteur de la peine minimale obligatoire prévue l’article 236B de la loi australienne sur l’immigration de 1958 (§ 7.7. des constatations). Cet article oblige les tribunaux à prononcer une peine d’au moins cinq ans d’emprisonnement, dont une période de trois ans sans possibilité de demander une libération conditionnelle, pour toute personne condamnée pour infraction aggravée de trafic de migrants, prévue par l’article 233B de la même loi, que cette personne ait « organisé » ou bien « facilité » l’entrée ou la venue en Australie d’un groupe de plus de cinq personnes. Comme l’indique la note de bas de page no 5 des présentes constatations, la juge qui a prononcé la peine minimale de cinq ans d’emprisonnement a clairement exprimé sa préoccupation au regard du fait que l’article 236B l’obligeait à ne pas tenir compte des circonstances atténuantes dont l’auteur aurait dû bénéficier. De même, la note no 17 reprend les termes de la juge de première instance, qui souligne sans ambiguïté le caractère injuste, disproportionné et non nécessaire de la peine que la loi l’a contrainte à prononcer : « Vous avez déjà été emprisonné pendant six cent trente-deux jours, durant lesquels votre famille a été laissée dans la misère. La peine d’emprisonnement n’est donc pas nécessaire pour vous dissuader davantage que cela n’a déjà fait [sic]. (…) Je considère que vous avez déjà été puni de manière appropriée. Cela étant, je suis obligée de vous infliger une peine d’emprisonnement supplémentaire pour m’acquitter de l’obligation que m’impose la loi. »

2.Dans ses observations finales relatives aux troisième et quatrième rapports périodiques de l’Australie, le Comité s’était prononcé sur une législation à l’époque applicable en Australie occidentale et dans le Territoire du Nord et prévoyant le même type de peine minimale obligatoire. Il avait constaté que « dans des bien des cas », cette législation aboutissait « à imposer des peines sans rapport avec la gravité des infractions commises », paraissait « incompatible avec les mesures prises par l’Etat partie pour réduire le nombre disproportionné d’autochtones aux prises avec la justice » et posait « de graves questions au regard de divers articles du Pacte ». Il invitait par ailleurs instamment l’Etat partie à « reconsidérer la législation sur l’emprisonnement obligatoire afin de garantir que tous les droits énoncés dans le Pacte soient respectés. »

3.La question de la compatibilité de la peine minimale obligatoire avec le Pacte a également été soulevée sur le plan national. Comme le rappelle l’auteur dans sa communication, le 8 février 2012, la sénateur Sarah Hanson-Young a présenté au parlement australien une proposition de loi visant à l’abolition des peines minimales obligatoires. Une enquête a été lancée par le parlement au sujet des amendements proposés et de nombreuses organisations ou experts indépendants, en réponse, ont appuyé l’abolition des peines minimales obligatoires, citant bien souvent le Pacte à l’appui de leur argumentation, et notamment ses articles 9 et 14. En août 2012, un panel d’experts nommé par le gouvernement a recommandé notamment de restituer aux tribunaux le droit de déterminer librement les peines pour les membres d’équipage des navires participant au trafic de migrants. Par la suite, toujours en 2012, le procureur général d’Australie (Australian Attorney General) a publié des directives à l’intention du directeur des poursuites (Commonwealth Director of Public Prosecutions) pour faire en sorte que les membres de l’équipage de navires participant au trafic de migrants, mais ne portant qu’une responsabilité mineure dans le trafic, soient poursuivis sur la base d’infractions différentes que celles étant de nature à emporter l’infliction d’une peine minimale obligatoire : seuls pouvaient désormais être accusés de l’infraction de « trafic aggravé de migrants » les récidivistes, les capitaines de bateaux ou les personnes ayant participé à des trafics ayant entraîné la mort de personnes. M. Nasir ayant été condamné avant la publication de la directive, il n’a pas pu en bénéficier.

4.Il est normal et même souhaitable que le législateur fixe le quantum des peines applicables en relation avec chaque infraction considérée, de manière à ne pas laisser celles-ci à la libre appréciation de juge, ce qui risquerait d’entraîner une violation du principe de légalité des peines et des discriminations entre les justiciables. Généralement, le législateur donnera un éventail de peine et/ou indiquera la peine maximale applicable pour telle infraction. Cependant, de telles prescriptions ne privent pas totalement le juge de sa liberté d’appréciation dans la détermination du montant de la peine, ceci notamment afin de prendre en compte un certain nombre de facteurs, notamment les circonstances personnelles à l’accusé, à savoir les circonstances atténuantes ou encore des garanties d’insertion ou de réinsertion. Ainsi, dans la loi australienne sur la migration de 1958, l’infraction de trafic de migrant (art. 233A) – contrairement à l’infraction de trafic aggravé pour laquelle l’auteur a été condamnée (art. 233C), est punissable de 10 années d’emprisonnement, ce qui s’entend d’une peine maximale mais laisse la possibilité au juge de prononcer une peine inférieure. Par la suite, la directive a été révoquée le 4 mars 2014 mais la législation n’a pas été modifiée.

5.Un certain nombre de pays ont toutefois choisi d’instituer des peines minimales obligatoires s’agissant de certaines infractions ou en cas de récidive de la commission d’une infraction donnée. Dans ce cas, le juge se voit prescrire non seulement une peine maximale, mais également une peine en dessous de laquelle il ne peut pas descendre. Une telle technique n’est pas en soi contraire à l’article 9 du Pacte, à condition toutefois qu’elle n’ait pas pour résultat d’obliger le juge à prononcer des peines manifestement disproportionnées au regard des faits qui sont reprochés à l’accusé. Cela peut être le cas lorsque la peine est automatiquement attribuée sur la base de la reconnaissance de culpabilité, quelle que soit par ailleurs le degré de responsabilité de l’auteur dans la commission ou la participation à la commission de l’infraction, et lorsque le juge ne peut faire jouer aucune exception lui permettant de prononcer une peine différente de la peine minimale prescrite. Comme l’indique les auteurs dans leurs communications, plusieurs cours suprêmes dans le monde ont été conduites à sanctionner ce type de régime qui conduit de toute évidence à des résultats injustes et dont les effets dissuasifs n’ont par ailleurs jamais été prouvés. Il est intéressant également de noter à ce stade que les lois en vigueur en Australie occidentale et dans le Territoire du Nord qui avaient été critiquées notamment par le Comité dans ses observations finales de 2000 ont été abrogées en 2001.

6.Or en l’espèce, la loi sur la base de laquelle l’auteur a été condamné présente des vices semblables. Même si le juge garde la liberté d’appliquer une peine supérieure (jusqu’à 20 ans), il doit au minimum attribuer une peine de cinq ans de prison, dont trois années « incompressibles » (c’est à dire durant lesquelles il est impossible de demander une libération conditionnelle). La peine minimale s’applique quel que soit le degré de responsabilité de l’auteur (en l’occurrence simple cuisinier du navire, un élément de fait qui n’est pas contesté par l’Etat partie). Enfin la seule exception prévue concerne les personnes qui avaient moins de 18 ans au moment de la commission des faits, ce qui constitue un élément objectif et ne permet pas la prise en compte, par exemple, de certaines circonstances atténuantes ou du rôle mineur joué par l’accusé dans la commission de l’infraction.

7.Comme l’avait déclaré le Comité en 2000, une telle loi pose « de graves questions au regard de divers articles du Pacte ». Le Pacte ne contient pas de manière explicite les principes d’invidualisation, de proportionnalité et de nécessité des peines pénales mais le Comité a clairement établi que de tels principes étaient inhérents, en matière de privation de liberté, à l’article 9 du Pacte et à l’interdiction générale de toute détention arbitraire. Selon le Comité, « [l’]adjectif “arbitraire” n’est pas synonyme de “contraire à la loi” mais doit recevoir une interprétation plus large, intégrant le caractère inapproprié, l’injustice, le manque de prévisibilité et le non-respect des garanties judiciaires, ainsi que les principes du caractère raisonnable, de la nécessité et de la proportionnalité. »

8.Sous cet angle, on peut dire que le fait pour un juge de prononcer une peine d’emprisonnement manifestement disproportionnée par rapport aux faits qui sont reprochés à l’accusé conduit à soumettre celui-ci à une détention arbitraire, à tout le moins pour toute la période qui excède la période d’emprisonnement que le juge aurait prononcée s’il n’avait pas été contraint de prononcer une peine minimale. En l’espèce, nous ne croyons pas, comme le Comité, qu’une telle loi soulève des questions au regard des paragraphes 1 et 5 de l’article 14 du Pacte. A cet égard, je me rallie au raisonnement du Comité s’agissant du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte au paragraphe 6.6 de ses constatations. Le Comité aurait cependant dû également répondre aux arguments de l’auteur concernant le paragraphe 5 du même article : à cet égard, le droit de toute personne de faire appel de sa condamnation n’est pas atteint dans sa substance, à tout le moins si le juge d’appel est en mesure, dans ces circonstances, de modifier la qualification des faits et par conséquent de faire échapper l’accusé à la peine minimale obligatoire. Cette question des pouvoirs du juge d’appel n’a pas été clairement abordée par les parties et en tout état de cause le grief semblait insuffisamment étayé par l’auteur. Par ailleurs, le principe d’une peine obligatoire, lorsque celle-ci comporte une part incompressible, est également susceptible de soulever des questions au regard du paragraphe 3 de l’article 10. Les auteurs n’ont pas soulevé ce grief, probablement en raison du caractère relativement modéré de la peine en l’espèce, mais c’est un problème qu’il faut garder à l’esprit.

9.La violation du Pacte, en l’espèce, n’est pas directement le fait du juge, mais trouve son origine dans la législation elle-même qui est en soi contraire à l’article 9§1 du Pacte. Outre la libération de l’auteur et l’octroi d’une pleine réparation en vertu de l’article 9§5, le paragraphe 2 de l’article 2 fait obligation à l’Etat partie de modifier sa législation nationale afin de la rendre conforme aux exigences du Pacte. Le fait que des « directives » soient émises par le procureur général n’est pas une mesure suffisante pour mettre fin à la violation, tant que la législation reste elle-même en vigueur.

Annexe II

Individual opinion of Committee member Sarah Cleveland (partly dissenting)

1.I concur in the Committee’s findings of violations of article 9 relating to the author’s mandatory immigration detention. Like my colleagues Mr. de Frouville and those joining him, I disagree with the Committee’s conclusion with respect to the mandatory minimum sentence that was imposed on the author, and write separately to elaborate on why application of section 232A of the Australian Migration Act of 1958 violated article 9(1) and raises potential concerns under article 14(1) of the Covenant.

2.The Committee has long recognized that mandatory death sentences impose a sentence “based solely upon the category of crime for which the offender is found guilty, without regard to the defendant’s personal circumstances or the circumstances of the particular offense”. Such sentences thus can deprive a court of the ability to adequately take into account the culpability of a particular defendant in imposing sentence. For these reasons, the Committee consistently has found mandatory death sentences to be arbitrary under article 6(1) of the Covenant.

3.While the death penalty unquestionably raises special concerns, concerns regarding inappropriate constraint on judicial discretion, the inability to take into account individual circumstances, and the resulting risk of disproportionate sentences, potentially can arise with any mandatory sentencing scheme and thus could give rise to violations of the Covenant. For example, a mandatory sentence that is imposed which fails to account for individual circumstances and is disproportionate given the facts of the particular case could be arbitrary or unlawful, contrary to article 9(1). It potentially could also deny the defendant the right to a fair trial before an “independent and impartial tribunal” under article 14(1). The Committee accordingly repeatedly has expressed concerns regarding certain mandatory minimum sentences outside of the death penalty context, including specifically with respect to Australia.

4.There is no question in this case that the author was charged and convicted with the “aggravated offense of people smuggling” as defined under Australian law. Nor is there any question that people smuggling involves serious risks to the lives of asylum seekers, as the State party contends. The question in this case instead is whether the author’s particular conduct rendered him sufficiently culpable to make the five-year mandatory minimum sentence imposed on him manifestly disproportionate to the severity of his crime. More generally, the case raises the question whether the “aggravated offense of people smuggling” sweeps too broadly and thus captures a spectrum of conduct at the lower end that renders the five-year mandatory minimum arbitrary.

5.The author was convicted under then-section 232A(1) of the Australian Migration Act for the crime of “Organising bringing groups (5+) of non-citizens into Australia”. That statute and its successor does not apply only to “organisers”, however. Instead, aggravated people smuggling is committed by any person “who organises or facilitates” bringing to Australia five or more persons, reckless as to whether they are lawfully entitled to come to Australia. Because the presence of five or more persons is considered an “aggravating” element, the mandatory minimum sentence of five years (three years non-parole) under then-section 233C applies. In other words, the statute does not require the defendant to be an organizer, or in any way to have planned to bring aliens unlawfully into Australia.

6.Like the vast majority of people who have been prosecuted under this regime, the author was a crew member, not an organizer. As the trial court found, he was a subsistence fisherman in Indonesia and his family’s sole breadwinner. He accepted a job to work as a cook on a boat and steered the boat at night on one occasion. He was found guilty of facilitating the bringing to Australia of a group of five or more people, reckless as to whether they had a lawful right to come to Australia.

7.The trial judge found that the author was not in charge of the boat and was performing relatively menial roles on the boat, and that the 632 days he had already served in prison was adequate to deter future violations by him and otherwise was reasonable and proportionate given the author’s case. (Footnote 17) Nevertheless, under section 233C of the Migration Act, she was required to impose a sentence that was nearly 300 per cent the length of the sentence she considered appropriate. The fact that the captain of the ship was alsosentenced to the five-year mandatory minimum confirms that the author’s sentence was manifestly disproportionate and that the conduct captured by the mandatory minimum sweeps too broadly.

8.The trial judge who sentenced the author made clear her view that the mandatory minimum sentence was disproportionate to his role and deprived her of the discretion to adequately take into account the author’s level of contribution and his particular circumstances, including the personal circumstances that she otherwise would have been required to consider under Australian law. (Footnote 5) Australian law also barred the appellate court from evaluating the propriety of the mandatory minimum sentence in light of these issues.

9.The State party contends that mandatory minimum penalties apply to a very limited number of serious, aggravated people smuggling offences in the Migration Act, and that that the mandatory minimums are necessary to appropriately punish perpetrators and deter future criminal behaviour (para. 4.10). But the State’s submissions provided no evidence that the law actually serves these purposes as applied to this author in particular or to ordinary boat crew in general, as the trial court also noted. And there is voluminous evidence to the contrary.

10.Indeed, all three branches of the Australian government have recognized that the goals of proportionality and deterrence are not served by application of the mandatory minimum sentence to menial boat crew. The trial court herself expressed scepticism that the sentence would have any general deterrent effect, stating “it is clear that those people who employ men like you will just move to another village because they regard you as completely expendable and people in small villages without newspapers or the means of modern communication are most unlikely to hear of a sentence imposed in an Australian court.” (Footnote 18) As the author noted in his communication, numerous other members of the judiciary have criticized the mandatory minimum as requiring them to impose excessive sentences in such cases.

11.In 2012 the Australian Parliament considered a bill to repeal the mandatory minimum sentences for aggravated people smuggling. After receiving extensive evidence regarding the excessive and disproportionate nature of these sentences as applied to boat crew, the Senate Committee recommended that the State party review the operation of the mandatory minimum penalties and in particular, to consider distinguishing between organizers and boat crew in sentencing and giving judges discretion to impose lesser sentences when warranted, to ensure compliance with Australia’s international human rights obligations.

12.The government publicly stated that it supported this recommendation and took steps to implement it. The fact that those steps were later revoked by a subsequent government does not detract from the extensive record on which the Senate Committee and the previous government relied establishing that that boat crew members “often have limited culpability and mitigating circumstances, which make the application of the mandatory minimum sentences inappropriate and unjust.”

13.The facts of this case, and the supporting record regarding section 232A and its successor make clear that the threshold of conduct for “aggravated” people smuggling subject to the mandatory minimum is inappropriately low, and that the broad range of conduct that the statute encompasses, including menial facilitation by first time boat crew, means the statute will inevitably require imposition of sentences in some cases that are so manifestly disproportionate, unreasonable and unnecessary as to be arbitrary under Article 9(1).

14.Legislatures have a vital role in setting maximum sentences and prescribing sentencing principles, including the power to set mandatory minimum sentences, and judges ordinarily must sentence accordingly. However it is ultimately the responsibility of the judiciary, and not the role of the legislative or executive branches of government, to pronounce individual sentences on individual offenders, taking the particular facts and personal circumstances into account. Mandatory minimum sentences may restrict judicial discretion when giving effect to this quintessentially judicial task, and when they do so in a manner that requires the court to impose an excessively disproportionate punishment, such as a manifestly unjust sentence, they may give rise to an unfair trial. For the reasons stated above with respect to article 9, the sentencing regime at issue thus may also implicate a defendant’s right to a fair trial under article 14(1).

Annexe III

Individual opinion of Committee member Sir Nigel Rodley (concurring)

I voted with the majority against finding the mandatory sentence incompatible with the Covenant with much uncertainty. The sentence was clearly unfair in the case of the author, but respect is due to a State party’s aim of discouraging all types of complicity in people smuggling. Under the circumstances of the present case, the sentence cried out for the application of executive clemency or mercy, the non-resort to which did the State party no credit. Having read the persuasive dissents of Mr. de Frouville, Mr. Salvioli and Mr. Rodríguez-Rescia and of Ms. Cleveland, I am not sure that in a similar case, absent the humane exercise of clemency, I would vote the same way.