Nations Unies

CCPR/C/117/D/2462/2014

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

17 novembre 2016

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2462/2014 * , **

Communication p résentée par :

M. K. H. (représenté par un conseil, Helle Holm Thomsen)

Au nom de :

L’auteur

État partie :

Danemark

Date de la communication :

26 septembre 2014 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application des articles 92 et 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 29 septembre 2014 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

12 juillet 2016

Objet :

Expulsion vers le Bangladesh

Question ( s ) de procédure :

Fondement des griefs

Question ( s ) de fond :

Risque de torture et de mauvais traitements

Article(s) du Pacte :

7

Articles du Protocole facultatif :

2 et 5 (par. 2 b)

1.1L’auteur de la communication est K. H., de nationalité bangladaise, appartenant au groupe ethnique bengali et de confession musulmane ; il serait né le 21 décembre 1994. La demande d’asile qu’il a présentée au Danemark a été rejetée et il est menacé d’expulsion. Il affirme qu’en le renvoyant au Bangladesh, le Danemark violerait les droits qu’il tient de l’article 7 du Pacte. La police a pris contact avec lui à plusieurs reprises et lui a demandé de coopérer pour faciliter son renvoi. L’expulsion de l’auteur était imminente au moment où la lettre initiale a été soumise. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 23 mars 1976. L’auteur est représenté par un conseil, Helle Holm Thomsen.

1.2Au moment de l’enregistrement de la communication, le 29 septembre 2014, le Comité, en application de l’article 92 de son règlement intérieur et par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a demandé à l’État partie de ne pas expulser l’auteur vers le Bangladesh tant que la communication serait à l’examen, indiquant qu’il pourrait reconsidérer l’opportunité de maintenir cette demande lorsqu’il aurait reçu les observations de l’État partie. Le 29 septembre 2014, la Commission de recours des réfugiés a suspendu jusqu’à nouvel ordre le délai fixé pour le départ de l’auteur du Danemark, conformément à la demande du Comité. Le 30 mars 2015, l’État partie a demandé au Comité de reconsidérer sa demande de mesures provisoires en l’espèce. Le 4 juin 2015, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial, a décidé de rejeter la demande de levée des mesures provisoires. Le 26 février 2016, l’État partie a de nouveau demandé au Comité de reconsidérer sa demande de mesures provisoires. Le même jour, le Comité, par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial, a rejeté la nouvelle demande.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1De juillet 2010 à juillet 2011, l’auteur a entretenu une relation homosexuelle avec un ami d’enfance. Ils ont été surpris un soir dans une rizière et ont été amenés devant un conseil de village. Ils ont été battus et torturés ; ils ont notamment été pendus à un arbre, on a versé sur eux de l’eau brûlante et on les a frappés sur la plante des pieds. L’auteur a été banni de sa famille et de son village et on a menacé de le tuer s’il revenait. Il s’est d’abord rendu à Rangpur, où il a été reconnu par un villageois. Il est alors parti pour Dhaka et, le 5 janvier 2012, il s’est rendu en Inde, d’où il est parti pour rejoindre l’Europe. Le 3 février 2012, il est arrivé au Danemark sans documents de voyage valides et a demandé l’asile.

2.2Le 15 février 2012, la police a interrogé l’auteur sur son identité et sur son itinéraire. L’auteur a expliqué qu’il était né le 21 décembre 1994 à Rangalisbosh, dans la région de Nagashre, et qu’il était allé à l’école jusqu’en neuvième année, mais n’avait pas achevé sa scolarité en raison de sa situation personnelle. Le 17 février 2012, l’auteur a soumis une demande d’asile au Danemark, affirmant qu’il avait quitté son pays d’origine parce que les habitants de son village avaient découvert qu’il était homosexuel et qu’il avait peur d’être tué s’il rentrait au Bangladesh. L’auteur n’a fait partie d’aucune association ou organisation politique ou religieuse, et n’avait aucune activité politique. La police a estimé qu’il avait plus de 18 ans en raison de son apparence physique, même s’il a affirmé être mineur. Le 7 mars 2012, le service de médecine légale de la police danoise a effectué un examen visant à déterminer son âge et estimé qu’il avait 19 ans ou plus. Le service a toutefois indiqué qu’il y avait une « certaine probabilité » que l’auteur n’ait pas plus de 17 ans. Le 11 avril 2012, l’auteur a été interrogé par la police. Il a maintenu ses explications quant à son âge sur la base des informations que lui avaient toujours données ses parents. Le 4 juin 2012, les services danois de l’immigration ont décidé de considérer que l’auteur n’était pas mineur. Ils ont fixé sa date de naissance au 21 décembre 1992 et modifié sa demande en conséquence.

2.3Le 31 juillet 2012, lors d’un entretien avec les services danois de l’immigration, l’auteur a évoqué sa relation homosexuelle avec un ami et soutenu qu’il avait 17 ans. Le 28 août 2012, les services de l’immigration ont rejeté la demande d’asile au motif qu’il n’était pas crédible, son récit comportant des incohérences. À une date non précisée, l’auteur a présenté un recours auprès de la Commission de recours des réfugiés, affirmant que les renseignements qu’il avait fournis étaient exacts, qu’il risquait d’être persécuté par la communauté locale, et qu’il ne serait pas en mesure de demander à être protégé au Bangladesh, où l’homosexualité est illégale. Il a également fait valoir qu’on ne pouvait l’obliger à cacher son homosexualité pour éviter les persécutions, et que, en tant que membre d’un groupe social particulier exposé à la persécution, il avait besoin d’une protection conformément au paragraphe 2 de la section A de l’article premier de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Le 4 décembre 2012, la Commission de recours a confirmé le rejet de la demande d’asile de l’auteur au motif que ses déclarations n’étaient pas crédibles.

2.4Le 12 avril 2013, l’auteur a demandé à la Commission de recours des réfugiés de rouvrir la procédure d’asile et a présenté de nouveaux documents à l’appui de sa demande : un article de presse selon lequel sa mère se serait suicidée en raison de problèmes liés à l’homosexualité de son fils et une copie de son acte de naissance, indiquant qu’il était né le 21 décembre 1994. À ce sujet, l’auteur indique que son âge n’a pas fait l’objet d’une réévaluation après qu’il a transmis son acte de naissance et que la Commission de recours n’a pas tenu compte du fait qu’il était mineur au moment de la procédure d’asile initiale. Il indique aussi qu’il est difficile pour un mineur qui a grandi dans un pays où l’homosexualité est source de stigmatisation et de honte de parler ouvertement et en détail des motifs de sa demande d’asile lorsqu’ils sont liés à son orientation sexuelle. Le 4 mars 2014, une organisation non gouvernementale, LGBT Asylum, a faitune déclaration confirmant que l’auteur était un de ses membres depuis octobre 2013 et qu’il participait à ses réunions. Le 19 septembre 2014, la Commission de recours a refusé de rouvrir la procédure d’asile et confirmé sa décision du 4 décembre 2012, sans examiner les nouveaux documents soumis par l’auteur. Elle a estimé qu’il n’était pas plausible que l’auteur risque d’être persécuté uniquement à cause de son homosexualité parce que, même si l’homosexualité est illégale au Bangladesh, la législation qui la réprime n’est pas appliquée. L’auteur affirme que la Commission de recours aurait dû suivre la procédure appliquée dans d’autres pays. À cet égard, il renvoie à la jurisprudence de la Cour suprême du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord concernant la façon de déterminer si un demandeur d’asile est homosexuel et si, dans l’hypothèse où il serait renvoyé dans son pays d’origine, il serait exposé à un risque de persécution ou de mauvais traitements qui lui donnerait droit à l’asile.

2.5Dans le cadre de la procédure d’asile, l’auteur a indiqué que les autorités de son pays d’origine n’étaient pas à même de le protéger contre les habitants de son village. Il a fait savoir qu’il ne connaissait pas la loi mais qu’il était convaincu que l’homosexualité était inacceptable d’un point de vue religieux et social. Il avait aussi peur de mourir de faim, s’il était renvoyé dans son pays d’origine, où il n’aurait ni logement ni vêtements.

2.6Les décisions de la Commission de recours n’étant pas susceptibles d’appel devant les tribunaux danois, l’auteur affirme avoir épuisé tous les recours internes utiles et disponibles.

2.7L’auteur n’a pas soumis sa communication à une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme qu’en le renvoyant au Bangladesh l’État partie l’exposerait à un risque de torture ou d’autres formes de traitement inhumain ou dégradant, en violation de l’article 7 du Pacte, en raison du risque de persécution auquel il serait soumis à cause de son homosexualité.

3.2L’auteur soumet des rapports sur l’homosexualité au Bangladesh, selon lesquels, l’homosexualité étant illégale dans ce pays, la police se sent autorisée à menacer les homosexuels en permanence et à les soumettre à des actes de discrimination et de violence.

3.3L’auteur considère qu’il ne pourrait pas éviter les persécutions en dissimulant son orientation sexuelle, puisque ce serait incompatible avec les droits qu’il tient des dispositions du Pacte. Enfin, il affirme que les autorités de l’État partie, notamment la police et les services de l’immigration, n’ont pas pris en considération le fait qu’il était mineur lorsqu’ils l’ont interrogé la première fois.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 30 mars 2015, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication et a prié le Comité de lever les mesures provisoires. Il estime que la communication devrait être déclarée irrecevable, l’auteur n’ayant pas démontré que ses griefs étaient à première vue fondés. À cet égard, l’État partie fait valoir que l’auteur n’a pas démontré qu’il y avait des motifs sérieux de croire qu’il risquerait d’être soumis à la torture ou à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants s’il était renvoyé au Bangladesh. L’État partie estime également que l’auteur n’a pas donné de précisions sur sa situation personnelle et que la Commission de recours des réfugiés a minutieusement examiné la crédibilité de l’auteur, les informations disponibles et la situation personnelle de l’auteur. Il considère que les autorités nationales sont les mieux à même d’évaluer les faits et leur crédibilité dans le cadre des demandes d’asile. Il soutient aussi que la procédure d’asile qui a été suivie respecte totalement les garanties d’une procédure régulière.

4.2L’État partie fait également valoir que, si le Comité considérait les griefs de l’auteur recevables, il devrait estimer qu’ils ne sont pas étayés car l’auteur n’a pas démontré que son expulsion vers le Bangladesh constituerait une violation de l’article 7 du Pacte. À cet égard, l’État partie indique que la Commission considère généralement que les conditions d’obtention d’un permis de séjour au titre du paragraphe 1 de l’article 7 de la loi sur les étrangers sont remplies lorsque le demandeur d’asile a une crainte fondée de faire personnellement l’objet d’une persécution particulière d’une certaine gravité s’il était renvoyé dans son pays d’origine. Si elle estime que les déclarations d’un demandeur d’asile quant à son appartenance ethnique, à sa religion, à ses opinions politiques ou à son appartenance à un groupe social particulier peuvent être considérées comme des faits établis mais que ses activités ou les mesures prises à son encontre dans son pays d’origine ne constituent pas des motifs suffisants pour que son cas relève du paragraphe 2 de la section A de l’article premier de la Convention relative au statut des réfugiés, la Commission de recours rejette la demande de permis de séjour au titre de l’article 7 de la loi sur les étrangers.

4.3L’État partie fait observer que, selon la jurisprudence de la Commission de recours des réfugiés, les homosexuels sont considérés comme appartenant à un groupe social particulier et peuvent, dans certains cas, relever du champ d’application de la Convention relative au statut des réfugiés. En l’espèce, la Commission de recours des réfugiés a tenu compte des informations fournies par l’auteur sur les persécutions qu’il aurait subies avant de quitter son pays d’origine et s’est fondée sur l’évaluation de la situation qui serait la sienne s’il y était renvoyé. Dans la décision du 4 décembre 2012, les membres de la Commission ont, dans leur majorité, estimé que les allégations de l’auteur n’étaient pas crédibles et que son récit semblait avoir été inventé pour l’occasion. La Commission a trouvé étrange que le requérant n’ait pas lui-même contacté sa mère, qui avait rassemblé des objets d’une valeur approximative de 600 000 taka, somme qui avait été versée à l’agent qui a organisé le départ de l’auteur. L’auteur aurait pris contact avec cet agent par l’intermédiaire d’une personne rencontrée par hasard. La Commission de recours a aussi considéré suspect qu’il ait osé, à plusieurs reprises, avoir des relations sexuelles avec un ami dans une rizière. Enfin, elle a estimé que ses déclarations étaient contradictoires : il a indiqué aux services de l’immigration qu’il était assis dans un café de Rangpour quand un villageois l’a reconnu, tandis qu’à la Commission de recours il a dit avoir été reconnu par un villageois qui se trouvait dans un salon de thé, alors que lui-même était dans la rue. Se fondant sur une évaluation générale, la majorité des membres de la Commission de recours ont estimé que l’auteur n’avait pas rendu crédibles les motifs de sa demande d’asile. Elle a conclu que l’auteur ne serait pas exposé à un risque réel d’être persécuté au sens du paragraphe 1 de l’article 7 de la loi sur les étrangers, ni d’être soumis à des mauvais traitements au sens du paragraphe 2 du même article de la loi, s’il rentrait dans son pays d’origine. Pour ces raisons, la Commission de recours a confirmé la décision des services de l’immigration.

4.4Le 12 avril 2013, l’auteur a demandé la réouverture de la procédure d’asile. Pour motiver sa demande, il a déclaré qu’il ressortait de la décision de la Commission de recours que celle-ci n’avait pas tenu compte de son homosexualité. L’auteur a affirmé qu’il risquait d’être persécuté pour la simple raison de son orientation sexuelle, qu’il ait eu une relation homosexuelle ou non. Il a aussi contesté l’appréciation de sa crédibilité, arguant du fait que, dans une rizière, la végétation peut être suffisamment haute pour qu’on puisse s’y cacher. Le 19 septembre 2014, la Commission de recours a rendu son avis sur trois documents soumis par l’auteur (annexes A, B et C de la demande de réouverture de la procédure d’asile), qui ont également été transmis au Comité ; elle a conclu qu’aucune nouvelle information rendant probable le risque de persécution en cas de renvoi au Bangladesh ou étayant les déclarations de l’auteur n’avait été produite. L’État partie fait observer que l’auteur n’a fourni au Comité aucune nouvelle information qui justifierait une révision de l’évaluation à laquelle ont procédé les autorités de l’État partie. Il indique également que ce n’est pas parce que des déclarations sont cohérentes qu’elles sont nécessairement vraies et que les déclarations ne peuvent pas systématiquement être considérées comme établissant des faits lorsque leur teneur est peu probable et ne paraît pas correspondre à une expérience personnelle.

4.5À ce sujet, l’État partie fait observer que, grâce à son niveau d’instruction et à ses aptitudes personnelles, l’auteur a pu répéter le même récit plusieurs fois sans divergences majeures. Il indique également que l’allégation de l’auteur selon laquelle les services de l’immigration et la Commission de recours ont fondé leur décision sur son homosexualité est suspecte, car il n’est indiqué dans aucune décision que l’on peut considérer que l’auteur est homosexuel. L’État partie fait observer que l’auteur a indiqué à plusieurs reprises que sa relation homosexuelle avec son ami Tuhin avait été découverte, qu’il avait alors été maltraité et persécuté avant qu’il parte, et qu’il craignait de subir de nouveau des traitements relevant du champ d’application de l’article 7 de la loi sur les étrangers s’il était renvoyé au Bangladesh. Dans sa décision du 4 décembre 2012, la Commission de recours a estimé que l’auteur n’avait pas montré qu’il était probable qu’il ait été maltraité et persécuté avant son départ comme il l’avait déclaré. Par conséquent, elle a considéré que son récit était peu probable et apparemment fabriqué. Dans sa décision du 19 septembre 2014, elle a conclu que les raisons données par l’auteur pour justifier le risque qu’il courrait d’être persécuté s’il était renvoyé au Bangladesh étaient étroitement liées à ces événements et qu’aucune autre raison n’avait été avancée. Par conséquent, elle a conclu que l’auteur n’avait pas démontré que sa possible homosexualité avait entraîné un différend avec les autorités ou des particuliers au Bangladesh qui justifierait qu’il obtienne l’asile.

4.6Au contraire, l’État partie considère comme un fait établi que l’auteur n’a pas subi de persécution, de mauvais traitements ou de traitements analogues avant de quitter son pays, puisqu’il a pu vivre au Bangladesh en tant qu’homosexuel jusqu’à son départ en 2011-2012, sans avoir maille à partir avec les autorités de l’État partie ou avec des particuliers. L’État partie fait sienne l’évaluation de la Commission de recours des réfugiés, qui estime qu’une simple référence aux informations générales disponibles sur la situation des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres au Bangladesh ne suffit pas à démontrer que l’auteur risquerait d’être persécuté ou maltraité s’il était renvoyé au Bangladesh. Dans sa décision du 19 septembre 2014, la Commission de recours a noté que la situation des homosexuels au Bangladesh s’était considérablement améliorée ces dernières années et que, si l’article 377 du Code pénal réprimait l’homosexualité, cette disposition n’était pas appliquée dans la pratique. L’État partie note également que de nombreux réseaux de soutien aux hommes homosexuels se sont créés dans le pays. En ce qui concerne l’appartenance de l’auteur à LGBT Asylum, la Commission de recours n’a pas pu en tenir compte dans sa décision du 4 décembre 2012 étant donné que, comme l’a indiqué l’auteur lui-même et comme l’atteste la lettre de l’association, l’auteur n’est devenu membre qu’en octobre 2013.

4.7L’État partie prend note de l’article tiré du Daily Banglar Manush du 24 mars 2013, que l’auteur a obtenu par des amis d’un ami et communiqué à la Commission de recours le 12 avril 2013. D’après cet article, une femme âgée nommée Rokeya Begum s’est pendue le 22 mars 2012 dans le village de Rangarlirbosh. Pendant l’enquête, on aurait découvert que deux garçons, dont l’auteur, avaient eu une relation homosexuelle en juillet 2011, qu’ils avaient été arrêtés et amenés devant un membre du conseil du village et qu’ils avaient passé la nuit les mains attachées dans le dos. L’article indiquait également que les garçons avaient été bannis du village et que l’un d’entre eux était revenu deux mois plus tard pour voir sa sœur. Il avait alors été capturé et torturé ; ses organes génitaux avaient été coupés et il en était mort. L’article indiquait aussi que la famille de l’auteur menait maintenant une vie recluse en raison de l’homosexualité de l’auteur et que le père était mort d’une crise cardiaque le 2 mars 2012. La Commission de recours a estimé qu’elle ne pouvait pas vérifier l’authenticité de l’article de presse, compte tenu de sa date de parution, du flou entourant ses sources au Bangladesh et de la façon dont l’auteur se l’était procuré, à savoir par l’intermédiaire d’amis en Arabie saoudite. La Commission a aussi estimé que les informations contenues dans l’article n’étaient pas crédibles, compte tenu de la quantité de détails précis, qui correspondaient exactement aux déclarations faites par l’auteur pour motiver sa demande d’asile. L’article paraissait donc inventé, d’autant que les faux documents sont monnaie courante au Bangladesh, d’après les informations fournies par le Ministère des affaires étrangères de l’État partie. À cet égard, bien que le bureau de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture au Bangladesh ait confirmé l’existence d’un journal portant ce nom, la Commission de recours n’a pas jugé nécessaire de faire vérifier l’authenticité de l’article. Compte tenu de ces informations, l’État partie ne saurait considérer que le document soumis par l’auteur a une valeur probante.

4.8L’État partie note que l’auteur n’a pas démontré pourquoi il considère que les observations concernant son âge entraînent une violation de l’article 7 du Pacte. Il fait valoir que les services danois de l’immigration sont l’autorité chargée de déterminer l’âge des demandeurs d’asile lorsque cela est nécessaire. Le service de médecine légale a examiné l’auteur et estimé qu’il avait 19 ans ou plus. Le 4 juillet 2012, les services de l’immigration ont décidé de fixer la date de naissance de l’auteur au 21 décembre 1992. L’auteur a fait appel de cette décision auprès du Ministère de la justice, qui a confirmé la décision le 9 mars 2015. La Commission de recours a aussi estimé que l’auteur avait la capacité d’agir et la maturité nécessaire pour participer à la procédure d’asile. L’État partie indique en outre que, dans les cas où le demandeur d’asile fait référence à sa sexualité ou à son identité de genre, la Commission de recours évalue si l’intéressé est dans une situation de vulnérabilité particulière, en s’appuyant sur les lignes directrices du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). L’État partie trouve étrange que l’auteur n’ait pas expliqué comment il avait obtenu son acte de naissance supposé, délivré le 18 février 2013, alors que ses parents étaient décédés presque un an plus tôt et que, selon ses propres dires, il n’avait eu aucun contact avec sa famille depuis son départ du Bangladesh. À cet égard, l’État partie ajoute que l’auteur n’a pas divulgué l’identité de la personne qui aurait demandé la délivrance de ce document, ni précisé sur quelle base celui-ci avait été délivré.

4.9L’État partie soutient que l’auteur est simplement en désaccord avec l’appréciation de sa crédibilité et de la documentation de référence qu’a faite la Commission de recours des réfugiés. Il estime que l’auteur n’a pas mis en évidence la moindre irrégularité dans le processus de prise de décisions ni dans l’appréciation des facteurs de risque par la Commission de recours. L’État partie estime par conséquent que l’auteur cherche en réalité à obtenir du Comité qu’il agisse comme un organe d’appel et procède à un nouvel examen des éléments de fait invoqués à l’appui de sa demande d’asile. Il soutient en outre que le Comité doit accorder un poids considérable aux conclusions de la Commission de recours, qui est la mieux placée pour évaluer les circonstances factuelles dans le cas de l’auteur. Il estime qu’il n’y a aucune raison de mettre en cause ou de rejeter l’appréciation faite par la Commission de recours dans le cas de l’auteur et soutient par conséquent que le renvoi de l’auteur au Bangladesh ne constituerait pas une violation de l’article 7 du Pacte.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Le 29 mai 2015, l’auteur a soumis au Comité ses commentaires sur les observations de l’État partie. Il affirme qu’il a donné suffisamment d’informations pour montrer que, en tant qu’homosexuel, il risquerait d’être soumis à des traitements constituant une violation de l’article 7 du Pacte s’il était renvoyé au Bangladesh. Il soutient que sa communication devrait être déclarée recevable, ses griefs ayant été suffisamment étayés et tous les recours internes disponibles ayant été épuisés, et que la demande de levée des mesures de protection devrait être rejetée.

5.2Sur le fond, l’auteur affirme que l’État partie a mal apprécié son âge et ne lui a pas fourni l’assistance à laquelle il avait droit en tant que mineur tout au long de la procédure d’asile (comme la désignation d’un tuteur légal). Il indique également que l’État partie n’a pas tenu compte du fait qu’il était mineur dans son appréciation des faits et de sa crédibilité.

5.3L’auteur estime que la même attention devrait être portée au fait qu’il est un jeune homosexuel qui a été ostracisé par la communauté locale et par sa famille peu avant son arrivée au Danemark. Sa situation de vulnérabilité, qui justifie sa demande d’asile, est due à son jeune âge et au fait que l’homosexualité est stigmatisée dans sa société, dans sa famille et dans sa religion. La Commission de recours des réfugiés n’a pas tenu compte de la situation particulière et de la vulnérabilité de l’auteur. Celui-ci indique également que l’État partie s’est trompé en concluant, le 19 septembre 2014, que l’article de presse qu’il avait fourni était un faux : il indique qu’il a en sa possession un exemplaire authentique du journal, qui existe depuis 2005 et figure, en tant que journal régional, sur la liste publiée sur le site Web de la base de données sur les médias du Bangladesh (Bangladesh Digital Media Database). L’auteur soutient par conséquent que l’État partie n’a pas procédé à une évaluation approfondie des faits et des documents dans le cadre du processus de prise de décisions.

5.4L’auteur indique en outre que, dans sa première décision, la Commission de recours des réfugiés n’a pas examiné la question de savoir si le fait d’être homosexuel constituerait, en soi, un risque de persécution en cas de renvoi au Bangladesh. De plus, dans sa deuxième décision, la Commission de recours a laissé entendre que la situation des homosexuels au Bangladesh s’était améliorée, en dépit des informations générales qu’il avait soumises et qui indiquaient le contraire. L’auteur affirme enfin que l’unique incohérence que la Commission de recours a trouvée dans son récit, concernant sa présence dans le café, est vraisemblablement le fruit d’une erreur d’interprétation et ne saurait justifier le rejet de sa déclaration.

5.5L’auteur conteste aussi les conclusions de la Commission de recours selon lesquelles la situation des homosexuels s’est considérablement améliorée ces dernières années au Bangladesh. Il souligne que le rapport sur les droits de l’homme du Département d’État des États-Unis (2013) et le rapport d’information sur le pays d’origine consacré au Bangladesh du Ministère de l’intérieur du Royaume-Uni (2013) n’offrent pas d’éléments permettant de tirer de telles conclusions. Il indique également que, même si l’article 377 du Code pénal n’est pas appliqué dans la pratique, cette disposition est toujours utilisée par la police, tout comme l’article 54 du Code de procédure pénale, pour menacer et harceler les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres. L’utilisation de l’article 54 ne donne pas lieu à une incrimination ou à des poursuites, mais plutôt à des abus tels que l’extorsion ou les agressions physiques, pour lesquels les victimes n’osent pas porter plainte. Enfin, l’auteur renvoie à la jurisprudence du Comité dans M. I. c. Suède,affaire dans laquelle le Comité a estimé que l’expulsion de l’auteure, qui était homosexuelle, vers le Bangladesh constituerait une violation de l’article 7 du Pacte.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Le 26 février 2016, l’État partie a présenté une observation complémentaire. Il soutient que l’auteur n’a pas démontré à première vue que sa communication était recevable au regard de l’article 7 du Pacte, et que la communication devrait être déclarée irrecevable.

6.2L’État partie maintient que, même si le Comité devait déclarer la communication recevable, aucun motif sérieux ne donne à penser que le renvoi de l’auteur au Bangladesh constituerait une violation de l’article 7 du Pacte. Il affirme de nouveau qu’il n’y a pas de raison de mettre en doute et encore moins d’écarter la conclusion à laquelle la Commission de recours est parvenue dans ses décisions du 4 décembre 2012 et du 19 septembre 2014. Il appelle en outre l’attention sur la jurisprudence du Comité, dont il ressort qu’il convient d’accorder un poids important à l’analyse qu’a faite l’État partie de l’affaire, sauf s’il peut être établi que cette appréciation a été « manifestement arbitraire » ou a représenté « un déni de justice ». L’État partie estime que l’auteur n’explique pas en quoi cette appréciation aurait été arbitraire ou aurait constitué un déni de justice dans son cas. Il rappelle qu’il appartient généralement aux organes des États parties d’examiner les faits et les éléments de preuve dans un cas d’espèce afin de déterminer l’existence d’un risque. Il indique en outre que, même si l’âge de l’auteur avait été estimé à moins de 18 ans, la Commission de recours a procédé aux évaluations nécessaires pour conclure que l’auteur avait la capacité pour agir et la maturité nécessaire pour participer à la procédure d’asile. L’État partie soutient que la Commission de recours a tenu compte des particularités culturelles, de l’âge, de la maturité et de l’orientation sexuelle déclarée de l’auteur.

6.3L’État partie conteste la référence faite par l’auteur aux constatations du Comité dans l’affaire M. I. c. Suède au motif que cette affaire diffère de l’affaire à l’examen sur plusieurs points essentiels. Dans l’affaire M. I. c. Suède, l’orientation sexuelle de l’auteure et le viol qu’elle disait avoir subi de la part de policiers bangladais pendant sa garde à vue n’étaient pas contestés par l’État partie, et les autorités de l’État partie avaient considéré comme un fait établi que l’auteure avait subi des mauvais traitements dans son pays d’origine. Dans le cas présent, les autorités de l’État partie ont procédé à un examen approfondi des déclarations de l’auteur et des documents qu’il a fournis (voir les décisions de la Commission de recours en date du 4 décembre 2012 et du 19 septembre 2014), et la Commission de recours a écarté des éléments cruciaux des déclarations de l’auteur qu’elle a jugés non crédibles et inventés. En conséquence, la Commission de recours estime que les déclarations de l’auteur concernant les motifs de sa demande d’asile ne peuvent pas être considérées comme établissant un fait. Dans l’appendice joint, le Ministère danois des affaires étrangères confirme qu’il est fait mention du Daily Banglar Manush sur le portail d’information du Gouvernement bangladais et qu’il s’agit d’un journal local essentiellement fondé sur des informations de première main. Toutefois, dans sa décision du 19 septembre 2014, la Commission de recours a uniquement examiné la question de savoir si l’article soumis par l’auteur était un faux, fabriqué pour l’occasion et non si le journal en question existait. L’État partie estime que la publication de l’article dans le Daily Banglar Manush doit être considérée comme un fait, mais que cette publication n’exposerait pas l’auteur à un degré de persécution ou de maltraitance tel que cela justifierait qu’il obtienne l’asile, en raison de la diffusion restreinte du journal en question.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3Le Comité rappelle en outre sa jurisprudence et réaffirme que l’auteur d’une communication doit exercer tous les recours internes pour satisfaire à l’obligation énoncée au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, pour autant que ces recours paraissent utiles dans son cas particulier et lui soient ouverts de facto. Le Comité note que l’auteur affirme qu’il a épuisé tous les recours internes disponibles puisque les décisions de la Commission de recours des réfugiés ne sont pas susceptibles d’appel. Le Comité note aussi que l’État partie n’a pas contesté les affirmations de l’auteur à ce sujet.

7.4Le Comité note également que l’État partie considère que le grief que l’auteur tire de l’article 7 du Pacte doit être déclaré irrecevable faute de fondement. Le Comité considère toutefois que l’auteur a produit suffisamment d’informations détaillées et de preuves documentaires aux fins de la recevabilité. En l’absence d’autres obstacles à la recevabilité, le Comité déclare la communication recevable et procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

8.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

8.2Le Comité prend note du grief de l’auteur, qui affirme que son renvoi au Bangladesh l’exposerait à un risque de torture et de persécution en raison de son homosexualité. À ce sujet, le Comité note que l’auteur a, selon ses déclarations, entretenu de juillet 2010 à juillet 2011 une relation homosexuelle avec un ami, qu’ils ont été surpris dans une rizière et ont été amenés devant un conseil de village, puis battus et torturés. Le Comité note également que l’auteur a été banni de sa famille et de son village, qu’on a menacé de le tuer si jamais il revenait au village et que, lorsque le partenaire de l’auteur est retourné au village pour voir sa sœur, il a subi des actes de torture et il en est mort. Le Comité note en outre que, selon les informations fournies par l’auteur : a) la législation bangladaise interdit les actes homosexuels et les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres ne sont pas protégées par les autorités ; b) la police utilise cette législation pour exercer des discriminations et des violences à l’égard des homosexuels ; c) la loi est utilisée comme une menace constante même si elle n’est pas systématiquement appliquée.

8.3Le Comité note en outre que l’auteur soutient que, dans le cadre du processus de prise de décisions, les autorités de l’État partie n’ont pas accordé le poids voulu aux éléments de preuve qu’il avait fournis. En particulier, le Comité note que, lorsque l’auteur a présenté un acte de naissance indiquant qu’il était né le 21 décembre 1994 et était donc âgé de 17 ans à son arrivée au Danemark, l’État partie a mis en doute la crédibilité de l’auteur, mais n’a pas pris d’autre disposition pour vérifier l’exactitude de l’information qu’il avait fournie quant à son âge réel. Le Comité note également que, lorsque l’auteur a produit la copie d’un article publié dans le Daily Banglar Manush qui faisait référence aux événements survenus après que sa relation homosexuelle avait été découverte, l’État partie a tout d’abord contesté l’existence du journal mentionné, puis l’authenticité de l’article. Selon l’auteur, l’État partie n’a pas procédé à une évaluation approfondie des faits et des documents qu’il avait présentés. Il soutient que, dans sa première décision, la Commission de recours n’a pas examiné la question de savoir si le fait d’être homosexuel résulterait en un risque de persécution et que, dans sa deuxième décision, elle a laissé entendre que la situation des homosexuels au Bangladesh s’était améliorée, en dépit des informations générales indiquant le contraire qu’il avait soumises.

8.4Le Comité note également que, selon l’État partie, les informations fournies par l’auteur ne lui permettaient pas de conclure que ce dernier courrait le risque d’être persécuté s’il était renvoyé au Bangladesh, même à supposer qu’il soit homosexuel, que l’article 377 du Code pénal de 1860 qui criminalise les actes homosexuels n’est pas appliqué dans la pratique et que la situation des homosexuels au Bangladesh s’est considérablement améliorée ces dernières années.

8.5Le Comité rappelle son observation générale no 31 (2004) sur la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, dans laquelle il renvoie à l’obligation des États de ne pas extrader, déplacer ou expulser une personne ou la transférer par d’autres moyens de leur territoire s’il existe des motifs sérieux de croire qu’il y a un risque réel de préjudice irréparable, tel que celui envisagé à l’article 7 du Pacte. Le Comité a également établi que ce risque devait être personnel et qu’il fallait des motifs sérieux de conclure à l’existence d’un risque réel de dommage irréparable. C’est pourquoi tous les faits et circonstances pertinents doivent être pris en considération, y compris la situation des droits de l’homme dans le pays d’origine de l’auteur.

8.6Le Comité rappelle en outre sa jurisprudence, dont il ressort qu’il convient d’accorder un poids important à l’appréciation faite par l’État partie, sauf s’il peut être établi que cette appréciation a été manifestement arbitraire ou a représenté un déni de justice, et que, d’une manière générale, c’est aux organes des États parties au Pacte qu’il appartient d’examiner ou d’apprécier les faits et les preuves en vue d’établir l’existence d’un tel risque.

8.7Concernant la présente communication, le Comité note que l’État partie a estimé que l’auteur avait plus de 18 ans, alors que le service de médecine légale avait conclu qu’il y avait une « certaine probabilité » que l’auteur n’ait pas plus de 17 ans. Le Comité prend note en outre des arguments de l’État partie selon lesquels l’âge de l’auteur a correctement été évalué par les services de l’immigration et que cette évaluation a été confirmée par le Ministère de la justice, que la Commission de recours des réfugiés a évalué la capacité d’agir de l’auteur alors qu’il avait plus de 18 ans, et que la vulnérabilité de l’auteur a été dûment appréciée, conformément aux lignes directrices pertinentes du HCR. Le Comité relève que l’État partie n’a pas mis en cause l’authenticité de l’acte de naissance présenté par l’auteur, mais la façon dont il avait été obtenu. Dans ce contexte, l’État partie n’a pas considéré l’auteur comme mineur, ne lui a apporté aucune des formes d’assistance auxquelles il avait droit en tant que mineur pendant la procédure d’asile et n’a pas pris en compte l’éventualité qu’il soit un mineur susceptible d’être exposé à un risque personnel lorsqu’il a examiné la question de savoir si son renvoi au Bangladesh constituerait une violation de l’article 7 du Pacte. Le Comité estime que ces omissions constituent un vice de procédure dans l’examen de la demande d’asile de l’auteur.

8.8Le Comité relève par ailleurs que les services danois de l’immigration et la Commission de recours des réfugiés ont conclu que l’homosexualité de l’auteur était sujette à caution et qu’il n’avait pas apporté la preuve que son homosexualité alléguée lui ferait courir un risque s’il était renvoyé au Bangladesh. Le Comité relève également que, pour parvenir à cette conclusion, l’État partie s’est fondé sur l’appréciation de la crédibilité de l’auteur tout au long de la procédure, sans évaluer plus avant les déclarations qui lui étaient soumises. Le Comité note en particulier que, dans sa décision du 4 décembre 2012, la Commission de recours des réfugiés n’a pas expliqué pour quelles raisons elle refusait de tenir compte du fait que l’auteur se définissait comme homosexuel et de ses déclarations selon lesquelles il courrait un risque réel de subir des violences ou des persécutions s’il était renvoyé au Bangladesh. De surcroît, puisque les services de l’immigration et la Commission de recours des réfugiés ont considéré que l’homosexualité de l’auteur était sujette à caution, ils n’ont pas tenu compte de ses déclarations selon lesquelles : a) lui et son partenaire avaient été torturés et chassés de leur village quand leur relation homosexuelle avait été découverte ; b) il avait été averti qu’il serait tué s’il tentait de revenir dans le village et dans sa famille ; c) son partenaire avait été torturé lorsqu’il avait tenté de revenir au village pour une visite, et en était mort ; et d) on ne pouvait attendre aucune protection de la part des autorités nationales contre cette forme de répression de l’homosexualité qui était largement pratiquée au Bangladesh. De même, l’État partie n’a pas pris en compte les informations fournies par l’auteur selon lesquelles l’homosexualité est stigmatisée au Bangladesh et demeure un crime en vertu de l’article 377 du Code pénal, ce qui en soi constitue un obstacle pour enquêter sur les actes de persécution à l’égard des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres et sanctionner leurs auteurs. En outre, le Comité relève que l’auteur est musulman et que, à ce jour, les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres au Bangladesh sont encore fréquemment victimes de menaces de violences, en particulier après les déclarations publiques homophobes faites par des responsables islamiques. Au vu de ce qui précède, le Comité considère que l’État partie, lorsqu’il a évalué le risque auquel était exposé l’auteur, n’a pas pris adéquatement en compte sa version des faits, les documents qu’il a fournis ainsi que les informations générales disponibles sur les risques encourus par les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres au Bangladesh, ce qui l’a amené à écarter de façon arbitraire ses affirmations. Dans ces conditions, le Comité considère que l’expulsion de l’auteur vers le Bangladesh constituerait une violation de l’article 7 du Pacte.

9.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constate que le renvoi de l’auteur au Bangladesh, s’il est effectué, constituerait une violation des droits que lui garantit l’article 7 du Pacte.

10.Conformément au paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte, selon lequel les États parties s’engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le Pacte, l’État partie est tenu d’examiner la requête de l’auteur au regard de ses obligations en vertu du Pacte et des présentes constatations. L’État partie est également prié de ne pas expulser l’auteur tant que sa demande d’asile sera à l’examen.

11.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus par le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les constatations du Comité.