Communication présentée par:

Yuriy Bakur (représenté par un conseil, Raman Kislyak)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Bélarus

Date de la communication:

9 juillet 2008 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 29 mars 2010 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations:

15 juillet 2015

Objet:

Liberté d’expression; liberté de réunion

Question(s) de procédure:

Degré de justification des griefs

Question(s) de fond:

Arrestation et détention arbitraires; équité du procès et audition de témoins; liberté d’expression; liberté de réunion

Article(s) du Pacte:

7, 9, 14 (par. 1), 19 (par. 1 et 2) et 21

Article(s) du Protocole facultatif :

2

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (114e session)

concernant la

Communication no 1902/2009 *

Communication p résentée par:

Yuriy Bakur (représenté par un conseil, Raman Kislyak)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Bélarus

Date de la communication:

9 juillet 2008 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 15juillet 2015,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1902/2009 présentée en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit :

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est Yuriy Bakur, de nationalité bélarussienne, né en 1984. Il se déclare victime de violations par le Bélarus des droits qu’il tient des articles 7, 9, 14 (par. 1), 19 (par. 1 et 2) et 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est représenté par un conseil, Raman Kislyak. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Bélarus le 30 décembre 1992.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 19 août 2007, à 15 heures, l’auteur participait à une réunion publique du parti politique dénommé Front populaire du Bélarus (BNF) dans la ville de Brest. La réunion était organisée dans l’immeuble où se trouve le bureau du BNF. Elle visait à permettre aux participants d’interroger un journaliste, militant et écrivain célèbre, Pavel Severints, et de débattre de son nouveau livre. À 16 heures environ, des policiers ont fait irruption dans la salle, ont interrompu la réunion et ont arrêté 28 personnes, dont M. Bakur, l’auteur de la présente communication. M. Bakur a par la suite été inculpé du chef de l’infraction administrative de participation à une réunion non autorisée.

2.2M. Bakur a été libéré le jour même à 23 heures sans avoir reçu de document confirmant sa détention. Il soutient qu’il y a ainsi eu violation du Code de procédure relatif à l’exécution des sanctions administratives parce que la privation de liberté dont il a été victime pendant six heures et 30 minutes n’a pas été officiellement constatée. Il affirme que d’autres participants à la réunion ont été libérés immédiatement sans qu’aucune charge ne soit retenue contre eux.

2.3Le 31 août 2007, l’affaire concernant M. Bakur a été examinée par le tribunal du district de Moscou de la ville de Brest qui, le 4 septembre 2007, a condamné l’auteur à une amende d’un montant de 93 000 roubles bélarussiens.

2.4Le 13 septembre 2007, M. Bakur a fait appel de cette décision devant le tribunal régional de Brest qui a confirmé la décision du tribunal de première instance le 4 octobre 2007.

2.5Le 3 avril 2008, M. Bakur s’est pourvu contre ces décisions, selon la procédure de contrôle de la légalité, devant le Président de la Cour suprême du Bélarus; son pourvoi a été rejeté le 21 mai 2008.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme être victime de violations par le Bélarus des droits qu’il tient des articles 7, 9, 14 (par. 1), 19 (par. 1 et 2) et 21 du Pacte.

3.2Il soutient que son arrestation et sa détention pendant six heures et 30 minutes, le 19 août 2007, n’ont jamais été officiellement enregistrées par les autorités de police. Il affirme également que sa détention a été arbitraire puisqu’elle n’a pas été officiellement consignée, en violation de l’article 9 du Pacte.

3.3Il fait en outre valoir que le traitement auquel il a été soumis aux mains de la police durant sa détention était un traitement dégradant, en violation de l’article 7 du Pacte. Selon lui, le fait que tous les participants à la réunion n’ont pas été inculpés de la même infraction administrative constitue une violation des droits qu’il tient des paragraphes 1 et 2 de l’article 19 du Pacte. Il souligne que la plupart de ceux qui ont été pris pour cible étaient des membres de partis d’opposition ou des militants de l’opposition, dont un journaliste.

3.4L’auteur affirme aussi qu’il a demandé à l’audience que l’organisateur de la réunion soit cité comme témoin et que l’enregistrement vidéo réalisé par la police lors de son intervention soit produit comme preuve, mais que ses demandes ont été rejetées par le tribunal. Il allègue le manque d’indépendance et d’impartialité de son procès et, partant, une violation des droits qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

3.5L’auteur indique qu’il a été condamné pour violation de la loi sur les manifestations collectives; il fait observer que le paragraphe 2 de l’article 3 de cette loi dispose qu’elle ne s’applique pas aux rassemblements publics organisés et encadrés par les syndicats, partis politiques, groupements de travailleurs et organisations religieuses et autres dans leurs locaux respectifs tels que désignés par la loi et dans leurs statuts. Il affirme que la réunion à laquelle il a participé se tenait dans les bureaux du BNF, ce qui peut être attesté par le bail de location de l’immeuble. Le BNF a confirmé qu’il était l’organisateur de la réunion et que celle-ci était ouverte au public.

3.6L’auteur soutient que l’interruption de la réunion par la police, sa détention, puis sa condamnation à une amende administrative ont violé son droit à la liberté de réunion reconnu à l’article 21 du Pacte et son droit de recevoir des informations énoncé au paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte. Il fait valoir que ni la police ni les tribunaux n’ont fourni aucun élément démontrant que l’intervention susmentionnée de la police et les mesures prises par la suite contre lui pouvaient être considérées comme nécessaires dans une société démocratique.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Par une note verbale datée du 1er décembre 2009, l’État partie a contesté la recevabilité de la communication, en faisant valoir que l’auteur n’avait pas épuisé les recours internes disponibles. Il indique qu’en vertu du Code de procédure relatif aux infractions administratives, les décisions devenues exécutoires peuvent faire l’objet, dans les six mois de leur mise à exécution, d’un recours dans le cadre de la procédure de contrôle de la légalité, mais que l’auteur n’a pas exercé ce recours. Il soutient que l’auteur n’a pas non plus exercé son droit de faire contrôler la légalité des décisions en saisissant le Bureau du Procureur. À cet égard, l’État partie signale que sur une période de dix mois en 2009, le Bureau du Procureur a introduit plus de 120 requêtes contre des décisions judiciaires déjà exécutoires dans des affaires administratives, dans lesquelles la Cour suprême a fait droit à la demande de réexamen. Il relève que l’auteur n’a pas introduit de recours contre le refus de la Cour suprême d’examiner sa requête en contrôle de la légalité et qu’il n’a pas fourni d’explications à cet égard. Il fait aussi valoir que la loi sur les manifestations collectives n’est pas contraire aux dispositions du Pacte, et observe que les droits protégés en vertu des articles 19 et 21 du Pacte ne sont pas absolus et que leur jouissance peut faire l’objet de restrictions.

4.2Par une note verbale du 6 avril 2010, l’État partie a présenté ses observations sur le fond. Il affirme que la réunion en question a été organisée sans autorisation préalable des autorités locales dans le bar « Vektor », situé dans le même immeuble que les bureaux du BNF. Il indique aussi que l’interruption de la réunion et l’arrestation des participants par la police, ainsi que la condamnation subséquente de l’auteur à une amende, étaient conformes à la loi bélarussienne applicable et dans l’intérêt de l’ordre public, et visaient à protéger les droits et libertés d’autrui. L’État partie affirme que lorsqu’ils ont mis fin à la réunion, les policiers n’ont pas utilisé la force ni aucun matériel spécial contre les participants, et que ceux qui ont été arrêtés n’ont subi aucune torture ni autre peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant. L’arrestation de l’auteur de la présente communication et des autres participants visait à mettre fin à leur activité illégale, à établir leur identité et à dresser procès-verbal des infractions administratives commises.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Les observations de l’État partie sur le fond ont été communiquées à l’auteur le 22 juillet 2010 afin qu’il les commente. Il a également été rappelé à l’auteur qu’il pouvait présenter des commentaires sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité de la communication. Le 19 février 2013, un second rappel a été adressé à l’auteur afin qu’il présente ses commentaires sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond de la communication. Le 20 janvier 2014, une nouvelle lettre a été adressée à l’auteur pour lui demander de présenter ses commentaires sans plus de retard.

5.2Le 27 mars 2014, l’auteur a réitéré ses griefs initiaux. En ce qui concerne les observations de l’État partie par lesquelles celui-ci conteste la recevabilité de la communication, il fait valoir qu’il a épuisé tous les recours internes disponibles, y compris celui offert par la Cour suprême, et qu’il ne considère pas comme un recours interne utile la procédure de contrôle de la légalité susceptible d’être engagée par le Bureau du Procureur. Il soutient que, conformément à la jurisprudence du Comité, il n’est pas tenu d’épuiser ce recours.

5.3L’auteur relève en outre que les observations de l’État partie sur le fond de la communication ont un caractère général et ne contiennent pas d’arguments précis quant à la raison pour laquelle il a été mis fin à la réunion organisée par le BNF et l’auteur a été accusé d’une infraction administrative et condamné à une amende pour avoir participé à cette réunion.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité note que l’État partie a contesté la recevabilité de la communication au motif que les recours internes n’avaient pas été épuisés, conformément au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, car l’auteur n’avait pas introduit de recours contre la décision de la Cour suprême concernant la procédure de contrôle de la légalité. Le Comité relève aussi que le 3 avril 2008, l’auteur s’est pourvu devant le Président de la Cour suprême dans le cadre de la procédure de contrôle de la légalité, et que son pourvoi a été rejeté le 21 mai 2008. Le Comité prend également note de l’explication de l’auteur, à savoir que dans des cas comme le sien, la procédure de contrôle de la légalité devant la Cour suprême est inefficace.

6.4Renvoyant à sa jurisprudence, le Comité réaffirme que les demandes de contrôle de la légalité de décisions judiciaires devenues exécutoires adressées au Président d’une juridiction et subordonnées au pouvoir discrétionnaire d’un juge constituent un recours extraordinaire, et qu’il incombe à l’État partie de montrer qu’il existe des chances raisonnables que ces demandes constituent un recours utile dans les circonstances de l’espèce. Le Comité réaffirme aussi, en renvoyant à sa jurisprudence, qu’une requête aux fins de contrôle adressée à un organe du parquet, en vue d’obtenir le réexamen de décisions de justice devenues exécutoires, ne constitue pas un recours devant être épuisé aux fins du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif. En conséquence, le Comité considère que les dispositions de cet article ne l’empêchent pas d’examiner la communication.

6.5Le Comité prend note du grief général de l’auteur selon lequel les droits qu’il tient de l’article 7 du Pacte ont été violés en raison de la manière dont il a été traité par la police lors de son arrestation. Le Comité note aussi que selon l’État partie, les policiers n’ont pas utilisé la force ni aucun matériel spécial contre les participants à la réunion et que ceux qui ont été arrêtés n’ont subi aucune torture ni autre peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant. Par conséquent, en l’absence d’informations pertinentes dans le dossier appuyant l’affirmation de l’auteur, le Comité considère que celui-ci n’a pas suffisamment étayé ses griefs au titre de l’article 7 aux fins de la recevabilité. Le Comité conclut en conséquence que cette partie de la communication est irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.6Le Comité note en outre le grief de l’auteur qui affirme que les droits qu’il tient de l’article 14 du Pacte ont été violés en raison du manque d’indépendance et d’impartialité des tribunaux : sa demande tendant à faire entendre un témoin – l’organisateur de la réunion (également détenu à l’époque) – et à inclure parmi les éléments de preuve l’enregistrement vidéo réalisé par la police durant son intervention a été rejetée. Le Comité estime toutefois, en l’absence de toute autre information de l’auteur, que de tels vices de procédure supposés ne suffisent pas à établir, en eux-mêmes, que les tribunaux n’étaient pas indépendants ni impartiaux. Il considère en conséquence cette partie de la communication comme irrecevable, parce qu’insuffisamment étayée, au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.7Enfin, le Comité considère que les autres griefs de l’auteur, qui soulèvent des questions au regard des articles 9 (par. 2), 19 (par. 1 et 2) et 21 du Pacte, ont été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité. Il déclare donc ces griefs recevables et procède à l’examen au fond.

Examen au fond

7.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

7.2Le Comité prend note, tout d’abord, du grief de l’auteur au titre de l’article 9 du Pacte selon lequel sa détention administrative, qui a duré six heures et 30 minutes, n’a jamais été consignée. L’État partie a fait valoir que l’arrestation de l’auteur était licite, et qu’elle visait à mettre fin à la réunion qui n’avait pas été autorisée par les autorités locales, à identifier les participants et à établir un procès-verbal officiel à leur encontre. Le Comité relève que l’État partie n’a pas réfuté le grief spécifique de l’auteur selon lequel son arrestation n’avait pas été consignée. Il rappelle qu’une arrestation ou une détention peut être autorisée par la législation interne et être néanmoins arbitraire. L’adjectif « arbitraire » n’est pas synonyme de « contraire à la loi » mais doit recevoir une interprétation plus large, intégrant le caractère inapproprié, l’injustice, le manque de prévisibilité et le non-respect des garanties judiciaires, ainsi que les principes du caractère raisonnable, de la nécessité et de la proportionnalité. Le Comité note que l’État partie n’a pas démontré le caractère légal, nécessaire et proportionné, aux fins de l’article 9 du Pacte, des motifs de l’arrestation de l’auteur, à savoir la participation à une réunion organisée par un parti politique dans des locaux privés. En particulier, l’État partie n’a pas expliqué pourquoi il était nécessaire de détenir l’auteur après son identification et l’établissement d’un procès-verbal officiel. Le Comité rappelle en outre qu’aucune personne ne doit arbitrairement détenue en raison de l’exercice de sa liberté d’expression. En conséquence, dans les circonstances précédemment décrites et en l’absence de toute autre information pertinente dans le dossier, le Comité considère que les droits que l’auteur tient de l’article 9 du Pacte ont été violés.

7.3Le Comité doit ensuite déterminer si le fait d’empêcher l’auteur de participer à une réunion organisée par un parti politique dans l’immeuble abritant le bureau de ce parti, d’arrêter l’auteur et de le condamner à une amende administrative constitue une violation des droits que l’auteur tient des articles 19 et 21 du Pacte.

7.4À cet égard, le Comité rappelle que le paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte fait obligation aux États parties de garantir le droit à la liberté d’expression, qui comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite ou imprimée. Il renvoie à son observation générale no 34 (2011) sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression, dans laquelle il indique que la liberté d’opinion et la liberté d’expression sont des conditions indispensables au développement complet de l’individu. Elles sont essentielles pour toute société et constituent le fondement de toute société libre et démocratique.

7.5Le Comité note également que le droit de réunion pacifique, garanti par l’article 21 du Pacte, est un droit de l’homme fondamental, qui est essentiel à l’expression publique des points de vue et opinions de chacun et indispensable dans une société démocratique. Ce droit comprend le droit d’organiser une réunion pacifique et d’y participer en vue d’exprimer son soutien à telle ou telle cause ou au contraire sa désapprobation.

7.6Le Comité prend note des griefs de l’auteur, qui affirme qu’il a été arrêté et détenu en raison de sa participation à une réunion organisée par un parti politique, et inculpé d’une infraction administrative. Il note en outre l’argument de l’auteur selon lequel il a été ainsi inculpé pour avoir participé à une réunion organisée par un parti d’opposition, puni pour avoir exprimé des opinions politiques jugées dérangeantes par les autorités et obligé de désavouer la position qu’il avait prise et les vues qu’il avait exprimées. Le Comité doit déterminer si, en empêchant l’auteur de participer à une réunion sous les auspices d’un parti politique, en l’arrêtant et en l’inculpant d’une infraction administrative puis en le condamnant à une amende, l’État partie a restreint de manière injustifiée les droits que l’auteur tient des articles 19 et 21 du Pacte.

7.7Le Comité rappelle que le paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte autorise certaines restrictions, qui doivent toutefois être expressément prévues par la loi et être nécessaires : a) au respect des droits ou de la réputation d’autrui; ou b) à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques. Le Comité fait observer que toute restriction apportée à l’exercice des droits visés au paragraphe 2 de l’article 19 doit répondre aux critères stricts de nécessité et de proportionnalité et être en rapport direct avec l’objectif spécifique qui l’inspire.

7.8Le Comité note de plus que le droit de réunion pacifique consacré à l’article 21 ne peut faire l’objet d’aucune restriction autre que celles imposées conformément à la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sécurité publique, de l’ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et les libertés d’autrui. Lorsqu’ils imposent des restrictions au droit de réunion des particuliers afin de concilier ce droit avec l’intérêt général, les États parties doivent chercher à faciliter l’exercice de ce droit et non s’employer à le restreindre par des moyens qui ne sont pas nécessaires ni proportionnés. L’État partie est donc tenu de justifier la limitation du droit garanti à l’article 21 du Pacte.

7.9Le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui affirme que l’auteur a été arrêté parce qu’il participait à un rassemblement non autorisé, en violation du Code des infractions administratives, et que les mesures prises par la police pour mettre fin à ce rassemblement non autorisé étaient justifiées car ses organisateurs n’avaient pas obtenu d’autorisation préalable. Toutefois, le Comité note également que l’État partie n’a pas démontré que la détention de l’auteur et sa condamnation à une amende, même si elles étaient légales, étaient nécessaires pour réaliser l’une des fins légitimes prévues au paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte. L’État partie n’a pas non plus justifié la nécessité d’obtenir une autorisation pour organiser une réunion dans un lieu privé loué par un parti politique. À ce sujet, le Comité rappelle que c’est à l’État partie qu’il incombe de démontrer que les restrictions imposées étaient nécessaires en l’espèce.

7.10Compte tenu de ce qui précède et comme l’État partie n’a communiqué aucune autre information pertinente pour justifier la restriction au titre du paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte, le Comité conclut que les droits que l’auteur tient du paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte ont été violés. De même, en l’absence de toute information pertinente communiquée par l’État partie pour justifier les restrictions imposées contrairement aux dispositions de l’article 21 du pacte, le Comité conclut que les droits que l’auteur tient de l’article 21 du Pacte ont été violés.

8.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constate que l’État partie a violé les droits que l’auteur tient des articles 9, 19 (par. 2) et 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

9.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à Yuriy Bakur, l’auteur de la présente communication, un recours utile, y compris sous la forme du remboursement du montant de l’amende qu’il a acquittée et des frais de justice qu’il a encourus, ainsi que d’une indemnisation adéquate. Il est également tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas. À cet égard, le Comité rappelle à l’État partie qu’il devrait revoir sa législation, en particulier la loi sur les manifestions collectives du 30 décembre 1997.

10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus par le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est en outre invité à rendre celles-ci publiques et à les faire largement diffuser en biélorusse et en russe dans le pays.