Nations Unies

CCPR/C/119/D/2125/2011

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

16 mai 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2125/2011 * , **

Communication présentée par :

Dmitry Tyan (représenté par son épouse, Irina Khan, et par Anara Ibrayeva, du Bureau international du Kazakhstan pour les droits de l’homme et l’état de droit)

Au nom de :

Dmitry Tyan

État partie :

Kazakhstan

Date de la communication :

1er avril 2011 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 97 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 22 décembre 2011 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

16 mars 2017

Objet :

Droit de ne pas être soumis à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants ; arrestation et détention arbitraires ; conditions de détention ; procès équitable

Question(s) de procédure :

Fondement des griefs ; recevabilité ratione temporis

Question(s) de fond :

Torture ; obligation de procéder immédiatement à une enquête impartiale ; arrestation et détention arbitraires ; procès équitable ; représentation en justice ; droit de toute personne d’être présente à son procès

Article(s) du Pacte :

2 (par. 3), 7, 9, 10 et 14

Article(s) du Protocole facultatif :

2 et 5 (par. 2 b))

1.L’auteur de la communication est Dmitry Tyan, de nationalité kazakhe, né en 1972. Il exécute actuellement une peine au centre pénitentiaire UK-161/2, dans la région de Kostanay, au Kazakhstan. Il affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient du paragraphe 3 de l’article 2 et des articles 7, 9, 10 et 14 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 30 septembre 2009. L’auteur est représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 22 octobre 2008, vers 17 heures, l’auteur − qui était propriétaire d’une entreprise de construction à Astana − et son épouse ont reçu une convocation de la police leur ordonnant de se présenter au Département de l’intérieur d’Astana. Ils ont été interrogés en tant que témoins dans l’affaire concernant le meurtre de l’épouse et des trois enfants mineurs d’un homme de leur connaissance, Y., qui avait également une entreprise à Astana. L’interrogatoire a duré jusqu’à 22 h 30. L’auteur a ensuite été transféré dans les locaux du Département de l’intérieur du district d’Almaty, où il a été interrogé jusqu’à 1 h 30 du matin. Pendant cet interrogatoire, cinq policiers l’ont roué de coups et menacé pour le contraindre à avouer sa culpabilité et à témoigner contre l’une de ses connaissances, E., principal suspect dans l’affaire. À 2 h 30 du matin, le 23 octobre 2008, l’auteur a été autorisé à rentrer chez lui.

2.2Le 23 octobre 2008, vers 10 heures, l’auteur et sa femme se sont rendus au siège du Comité de la sécurité nationale, à Astana, où ils ont signalé les mauvais traitements infligés à l’auteur et donné le nom de deux des cinq policiers qui l’avaient torturé. De là, les policiers qui avaient interrogé l’auteur la veille l’ont emmené dans un service où on a prélevé ses empreintes digitales et un échantillon de son ADN. Un policier a passé la nuit dans son appartement pour des raisons de sécurité.

2.3Le 24 octobre 2008, vers 19 heures, l’auteur a été interrogé en tant que suspect parce qu’une empreinte digitale lui appartenant avaient été retrouvée dans la salle de bains des victimes et il aurait eu une dette envers Y. Vers 21 heures, il a été amené sous escorte dans un centre de détention temporaire administré par le Département de l’intérieur d’Astana. Du 24 au 27 octobre 2008, il a été interrogé à de nombreuses reprises en l’absence de son avocat, N., qui avait été engagé par son épouse. Le policier O. venait voir l’auteur plusieurs fois par jour et, chaque fois, il le menaçait et le frappait aux oreilles et à la tête. Le 25 octobre 2008, les policiers ont dit à l’auteur que son avocat avait renoncé à le défendre et que sa femme l’avait quitté. Le même jour, ils lui ont donné des coups dans la poitrine et l’ont obligé à rester debout contre un mur pendant quatre heures. L’auteur a été enfermé plusieurs fois, sans rien à boire ni à manger et sans possibilité d’aller aux toilettes, dans un « verre », c’est-à-dire un espace clos d’une superficie de 50 centimètres carrés dans lequel il est impossible de s’asseoir. L’auteur a demandé à voir un médecin, mais les policiers sont restés sourds à ses demandes, et il n’a pas été examiné avant le 30 octobre 2008, date à laquelle son corps ne présentait plus aucune trace de coups. Du 30 octobre au 21 novembre 2008, période pendant laquelle il n’a pas été soumis à des mauvais traitements, l’auteur a été examiné tous les jours.

2.4Le 25 octobre 2008, l’auteur a été forcé de rédiger des aveux dans lesquels il incriminait E. Le 26 octobre 2008, le tribunal a autorisé son placement en détention pour une durée de dix jours. Le 27 octobre 2008, l’auteur a été forcé de rédiger de nouveaux aveux en présence d’un avocat commis d’office, A. Le 2 novembre 2008, il s’est rétracté et a récusé A. lorsqu’il a reçu la visite d’un nouvel avocat, G., engagé par son épouse.

2.5Le 3 novembre 2008, l’auteur a été mis en accusation pour le meurtre de Y. et de ses enfants. Compte tenu de la gravité des faits reprochés, l’enquêteur − et non le tribunal − a décidé de prolonger sa détention jusqu’au 28 décembre 2008. Les tribunaux ont ensuite ordonné le maintien en détention de l’auteur par des décisions datées des 22 décembre 2008 et 16 janvier 2009. L’intéressé a formé des recours contre chacune de ces décisions et demandé à être libéré sous caution. Les tribunaux l’ont débouté au motif qu’il risquait d’influencer les témoins dans l’affaire ou de se soustraire à l’enquête ou au procès s’il était remis en liberté.

2.6Le 25 novembre 2008, après avoir été transféré au centre de détention provisoire administré par le Ministère de la justice, l’auteur a rédigé deux nouvelles confessions en l’absence de ses avocats. Le 27 novembre 2008, il a fait une déclaration écrite par laquelle il récusait trois de ses quatre avocats, K., S. et N., et demandait à être ramené au centre de détention temporaire administré par la police. Le 6 décembre 2008, l’auteur a reçu la visite de ses avocats et rédigé une déclaration dans laquelle il confirmait souhaiter qu’ils le défendent. Le 12 décembre 2008, en présence de son avocat K., l’auteur est revenu sur les deux confessions qu’il avait faites le 25 novembre 2008.

2.7Le 29 décembre 2008, le Département de l’intérieur a décidé de ne pas engager de poursuites pénales contre les policiers que l’auteur accusait de l’avoir maltraité. Le 9 février 2009, le ministère public d’Astana a ordonné l’ouverture d’une enquête complémentaire, en particulier parce que certains témoins n’avaient pas été retrouvés ni interrogés par les enquêteurs et que diverses mesures (dont la nature n’a pas été précisée) devant également permettre de confirmer ou d’infirmer les allégations de l’auteur n’avaient pas été prises. Le 16 mars 2009, après l’enquête complémentaire, le Département de l’intérieur a de nouveau refusé d’engager des poursuites pénales, rendant une décision strictement identique à celle du 29 décembre 2008. Le recours de l’auteur, soumis au ministère public à une date non précisée, a été rejeté le 27 mai 2009. Le 21 janvier 2010, en réponse à une lettre de l’épouse de l’auteur datée du 30 décembre 2009, le ministère public a déclaré que les allégations selon lesquelles les méthodes utilisées pour enquêter sur l’auteur étaient illégales avaient été examinées en première instance et en appel et que leur bien-fondé n’avait pas été établi.

2.8Du 24 octobre au 30 décembre 2008, l’auteur a été détenu au centre de détention temporaire administré par la police, alors que conformément à la loi, il aurait dû être placé dans un centre de détention provisoire administré par le Ministère de la justice. Il a ensuite été transféré dans un centre de détention provisoire, où il a été détenu du 25 au 27 novembre 2008 puis du 30 décembre 2008 jusqu’à la fin de sa détention provisoire. Du 30 décembre 2008 au 10 mars 2009, il a été détenu à l’isolement. À cette époque, il n’était pas autorisé à recevoir des colis de son épouse.

2.9À de nombreuses occasions entre le 24 octobre 2008 et le 6 janvier 2009, les avocats de l’auteur se sont vus refuser l’accès à leur client. Lorsqu’ils sont parvenus à lui rendre visite, ils n’ont pu lui parler que pendant quelques minutes et en présence de policiers.

2.10Depuis son premier interrogatoire par la police, le 22 octobre 2008, l’auteur n’a cessé d’affirmer qu’il avait un alibi pour le soir du 21 octobre 2008, moment où le meurtre aurait été commis. Cet alibi pouvait être confirmé par neuf témoins, ainsi que par le relevé des appels passés et reçus par l’intéressé sur le téléphone fixe de son domicile et sur son téléphone portable. Toutefois, la police n’a commencé à vérifier l’alibi de l’auteur qu’en janvier 2009.

2.11L’auteur a été déféré au tribunal le 2 mars 2009. Il soutient que de nombreuses violations de ses droits ont été commises au cours de son procès, et notamment que les quatre confessions sur lesquelles il est revenu ont été versées au dossier ; que le président du tribunal lui a interdit de mentionner les tortures infligées par les policiers pendant sa déposition et que, après qu’il l’a quand même fait, ce magistrat a demandé au jury de ne pas tenir compte de ses déclarations à ce sujet ; que l’un de ses avocats, U., n’a pas été autorisé à le représenter à l’audience ; que le tribunal n’a pas tenu compte de son alibi et a fondé sa décision sur des éléments de preuve irrecevables qui avaient été recueillis suivant des méthodes contraires aux règles de procédure et ne suffisaient pas à démontrer sa culpabilité. L’auteur soutient en outre que le principe de l’égalité des armes a été enfreint pendant le procès car ses avocats et lui n’ont été autorisés à présenter aucun élément de preuve. À l’audience, le juge a rejeté 190 questions et 52 requêtes de la défense. Les experts invités par l’auteur ont été entendus par le tribunal en tant que témoins et non en leur qualité d’experts et il n’a pas été tenu compte de leurs déclarations. L’auteur avance de surcroît qu’il a reçu des copies et non les originaux des compte rendus d’audience, que certains lui ont été fournis en retard et seulement après plusieurs réclamations de sa part, et que ses avocats n’ont pas obtenu le délai supplémentaire de trois jours qu’ils avaient demandé pour préparer leur plaidoirie. Le deuxième président du tribunal, N., n’était pas impartial car son fils, policier de la brigade financière, enquêtait sur une affaire dans laquelle la responsabilité de l’auteur était engagée. En outre, c’était N. qui avait examiné, les 30 décembre 2008 et 26 janvier 2009, les recours formés par l’auteur contre les ordonnances de mise en détention provisoire. La demande de récusation du juge soumise par l’auteur a été rejetée. L’auteur soutient que le président du tribunal a exercé des pressions sur la défense et sur le jury et n’a rien fait pour empêcher les proches des victimes de le menacer, et que le jury était composé de 8 femmes et de 2 hommes tous Kazakhs de souche alors qu’il est lui d’origine coréenne.

2.12L’auteur formule nombre de griefs au sujet de l’appréciation que le tribunal a faite des éléments de preuve versés au dossier. Il soutient notamment que le procès-verbal établi sur les lieux du crime a été réécrit le lendemain, que des erreurs techniques ont été commises lors de la collecte des éléments de preuve, et que les experts sont parvenus à des conclusions erronées, en particulier en ce qui concerne la date à laquelle il a laissé son empreinte digitale dans la salle de bains de la victime, les traces d’ADN retrouvées sur un morceau de tissu et l’analyse graphologique de ses quatre confessions. Il avance en outre qu’aucun élément de preuve attestant l’existence de la dette qu’il aurait eue envers Y., censée être le motif du crime, n’a été produit au procès.

2.13Le 16 juin 2009, le tribunal municipal d’Astana a condamné l’auteur à une peine de vingt‑cinq ans de réclusion et à la confiscation de ses biens. Le 30 juin 2009, l’auteur a interjeté appel auprès de la Cour suprême, qui l’a débouté le 10 novembre 2009. Bien qu’il en ait fait la demande par écrit et qu’il ait été représenté par des avocats, l’auteur n’a pas été autorisé à assister à l’audience en appel. Dans l’acte d’appel, l’auteur dénonçait des vices de procédure au stade de l’enquête et de la collecte des éléments de preuve, l’absence d’indépendance du juge N., le fait que le tribunal de première instance n’ait pas demandé l’ouverture d’une enquête sur les circonstances dans lesquelles il avait rédigé ses quatre confessions, et les pressions que la police avait exercées sur lui, en particulier en limitant son droit de recevoir des colis et de s’entretenir avec ses avocats. La Cour a consacré deux heures à l’examen du recours, après quoi elle l’a rejeté sans avoir apprécié ni les faits de la cause ni les éléments de preuve correspondants. Le 16 novembre 2009, l’auteur a saisi la Cour suprême d’une demande de contrôle juridictionnel. À une audience du 5 janvier 2010 dont elle n’avait pas informé l’auteur ni ses avocats, la Cour a décidé de ne pas procéder à un contrôle. Le 5 septembre 2011, l’auteur a de nouveau saisi la Cour suprême d’une demande de contrôle. Le 6 décembre 2011, la Cour a décidé de réduire la peine imposée à l’intéressé d’un an, la ramenant ainsi à vingt-quatre ans de réclusion. À une date non précisée, l’auteur a une nouvelle fois saisi la Cour suprême d’une demande de contrôle juridictionnel, demande dont il a été débouté le 9 décembre 2015. Également à une date non précisée, l’auteur a soumis au tribunal municipal no 2 de Kostanay une requête par laquelle il le priait de réexaminer sa condamnation compte tenu de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2015, du nouveau Code pénal adopté le 3 juillet 2014. Le 18 novembre 2015, le tribunal a réduit sa peine à dix-neuf ans de réclusion.

2.14L’auteur tire grief des conditions dans lesquelles il a été détenu au centre pénitentiaire AK-159/7 de Karaganda du 26 août 2010 au 18 septembre 2010. Il dénonce notamment le surpeuplement dans les dortoirs (qui accueillaient 80 à 90 détenus chacun), l’humidité, les températures glaciales dans les locaux, et l’absence de lumière naturelle, d’éclairage et de ventilation. Il allègue que les détenus devaient nettoyer les égouts et que sa correspondance était censurée et ajoute qu’au centre pénitentiaire UK-161/2 de la région de Kostanay, où il exécute actuellement sa peine, les détenus n’ont aucune possibilité de travailler ou d’exercer quelques activités que ce soit.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur soutient que le fait qu’il ait été torturé par la police, que ses allégations n’aient pas fait l’objet d’une véritable enquête et qu’il n’ait pas disposé d’un recours utile constitue une violation des droits qu’il tient de l’article 7 du Pacte, lu séparément et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2.

3.2L’auteur soutient que le fait que les tribunaux n’aient pas justifié sa détention lorsqu’ils l’ont autorisée et que ce soit l’enquêteur, et non le tribunal, qui ait ordonné son maintien en détention le 3 novembre 2008 constitue une violation des droits qu’il tient de l’article 9 du Pacte, lu séparément et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2.

3.3L’auteur estime en outre que les restrictions du droit de visite de son épouse et de ses avocats et de son droit de recevoir des colis de son épouse pendant sa détention provisoire et son séjour à l’isolement au centre de détention provisoire, ainsi que les conditions de détention auxquelles il a été soumis dans les centres pénitentiaires AK-159/7 et UK-161/2, constituent une violation des droits qu’il tient de l’article 10 du Pacte.

3.4L’auteur soutient que, pendant la procédure, les droits qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, lu séparément et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2, et des paragraphes 2 et 3 b), d), e) et g) de l’article 14 ont été violés.

3.5Enfin, l’auteur avance que le droit qu’il tient du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation prononcées contre lui a été enfreint du fait qu’il n’a pas assisté à l’audience et que la juridiction d’appel n’a pas réexaminé les faits avant de rejeter son recours.

3.6L’auteur demande que ses allégations de torture fassent l’objet d’une véritable enquête et que les responsables des sévices qu’il a subis soient punis, que la décision du tribunal soit réexaminée sans tenir compte des quatre confessions qui lui ont été arrachées par la torture et qu’une réparation pleine et entière lui soit accordée, notamment sous la forme d’une indemnisation et de mesures de réadaptation.

Observations de l’État partie

4.1Dans une note verbale datée du 25 février 2012, l’État partie avance que le Département de l’intérieur a enquêté sur les allégations selon lesquelles l’auteur a subi des mauvais traitements de la part de policiers, mais n’a pas pu les confirmer. La décision du Département de l’intérieur de ne pas engager de poursuites pénales a été confirmée par le ministère public. L’enquête s’est achevée lorsque cette décision a été prise, le 16 mars 2009. Les éléments recueillis pendant l’enquête et les conclusions de celle-ci ont été examinées par le tribunal de première instance.

4.2L’État partie soutient en outre que depuis que l’auteur a été arrêté, le 24 octobre 2008, ses avocats ont été autorisés à lui rendre visite et toutes les mesures relatives à l’enquête ont été prises en leur présence et ont été suivies d’examens médicaux. La détention de l’auteur a été autorisée et prolongée par le tribunal conformément à la législation nationale.

4.3L’État partie fait observer que l’auteur a rédigé quatre confessions, dans lesquelles il incrimine E. et indique qu’il était présent au moment où celui-ci a agressé Y. D’après les conclusions du rapport d’expert no2388/1, du 18 décembre 2008, l’analyse graphologique desdites confessions ne montre pas que l’auteur se trouvait dans un état physique ou mental inhabituel lorsqu’il les a rédigées. L’État partie souligne que le directeur du centre de détention temporaire administré par la police a affirmé qu’aucune pression n’avait été exercée sur l’auteur pendant sa détention et que le droit de visite de ses avocats n’avait pas été limité. Le tribunal a conclu que les éléments de preuve avaient été recueillis par des moyens légaux et les a jugés recevables. Il a fondé sa décision non seulement sur les aveux de l’auteur, mais aussi sur les éléments de preuve recueillis pendant l’enquête, notamment le fait que l’empreinte digitale de l’auteur ait été retrouvée dans la salle de bains des victimes et sur leur voiture et que des traces de l’ADN de l’intéressé ait été détectées sur un mégot de cigarette ramassé dans la cour de la maison des victimes, ainsi que les déclarations de E. et l’existence d’une dette de l’auteur envers Y. L’alibi de l’auteur n’est confirmé que par ses proches et par un ami de son épouse. Le relevé des appels passés et reçus sur téléphone portable de l’intéressé ne montre aucune activité le 21 octobre 2008 après 19 heures.

4.4L’État partie affirme qu’aucune violation des droits de l’auteur n’a été commise au cours de l’enquête et du procès le concernant.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Le 20 avril 2012, l’auteur a présenté des commentaires sur les observations de l’État partie. Au sujet de l’enquête menée sur ses allégations de mauvais traitements, l’auteur fait remarquer que conformément à la législation nationale, la décision d’engager ou non une action au pénal sur la base d’allégations de torture doit être prise par l’organe compétent dans un délai de trois jours, or, en l’espèce, elle a été prise plus de deux mois après le dépôt de la plainte. L’enquête a été menée par la police, qui n’était pas indépendante étant donné que les auteurs présumés des actes allégués étaient des policiers. Contrairement à ce qu’affirme l’État partie, les éléments recueillis dans le cadre de l’enquête et les conclusions de celle-ci n’ont pas été examinés en première instance, le président du tribunal ayant enjoint au jury de ne pas tenir compte des allégations de torture de l’auteur.

5.2Les tribunaux ne se sont pas penchés sur les motifs de la détention de l’auteur et n’ont pas examiné la décision de l’enquêteur de maintenir celui-ci en détention pendant deux mois.

5.3L’expert qui a analysé les quatre confessions rédigées par l’auteur n’a examiné que les confessions elles-mêmes, sans les comparer avec des échantillons d’autres documents écrits de la main de l’auteur. Or, d’après le graphologue K., engagé par l’auteur, l’analyse d’échantillons est essentielle pour déterminer si un document donné a été écrit par une personne mentalement ou physiquement perturbée.

5.4Aucun des éléments de preuve sur lesquels l’État partie s’appuie pour justifier la décision du tribunal ne démontre que l’auteur a participé au meurtre. L’empreinte digitale retrouvée dans la salle de bains date d’août 2008, lorsque l’auteur est allé poser un miroir ; le test d’ADN n’est pas concluant ; et aucun document confirmant l’existence d’une dette de l’auteur envers Y. n’a été produit. Le jugement prononcé est donc fondé sur de simples suppositions. L’État partie s’est abstenu de mentionner le relevé des appels passés et reçus sur le téléphone fixe du domicile de l’auteur, relevé qui confirme l’alibi de ce dernier.

5.5L’auteur conteste le bien-fondé des observations de l’État partie, répétant les arguments formulés dans sa lettre initiale, et maintient que les faits exposés dans sa requête font apparaître des violations du Pacte.

Observations complémentaires des parties

6.Dans une note verbale datée du 30 juin 2016, l’État partie réitère ses précédentes observations et répète que les griefs de l’auteur doivent être déclarés irrecevables pour défaut de fondement au regard des articles 2, 3 et 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.Dans une lettre datée du 30 juillet 2016, l’auteur reprend les principaux arguments exposés dans sa lettre initiale.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner toute plainte formulée dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.3Le Comité relève que l’auteur affirme avoir épuisé tous les recours internes utiles qui lui étaient ouverts. En l’absence de toute objection de l’État partie sur ce point, le Comité estime que les conditions énoncées au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif sont remplies.

8.4Le Comité constate que les faits dont l’auteur l’a saisi sont survenus avant le 30 septembre 2009, date à laquelle le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie. Il fait observer que les violations du Pacte commises avant l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie n’entrent pas dans le champ de sa compétence ratione temporis, sauf si elles perdurent après cette date ou continuent d’avoir des effets qui constituent en eux-mêmes une nouvelle violation du Pacteou la reconnaissance d’une violation antérieure. Compte tenu de ce qui précède, le Comité note que l’auteur avance qu’il a été illégalement placé en détention provisoire, en violation de l’article 9 du Pacte, et qu’il a été mis à l’isolement entre janvier et mars 2009 et a vu restreints son droit de recevoir la visite de sa femme et de ses avocats et son droit de recevoir des colis de sa femme, en violation de l’article 10 du Pacte. Le Comité note également que les procédures internes auxquelles ces griefs ont donné lieu se sont terminées avant l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie, et déclare donc les griefs irrecevables pour défaut de compétence ratione temporis. Pour ce qui est des autres griefs de l’auteur, le Comité relève que les institutions et tribunaux nationaux en ont été saisis après le 30 septembre 2009, dans le cadre des procédures de recours et de contrôle, et les ont été rejetés tout en reconnaissant qu’ils étaient fondés. Le Comité les considère donc recevables au regard de sa compétence ratione temporis.

8.5Le Comité prend note du grief que l’auteur tire de l’article 10 du Pacte concernant les conditions de détention dans les centres pénitentiaires AK-159/7, où il a été détenu en août et septembre 2010, et UK-161/2, où il se trouve depuis septembre 2010. Le Comité fait observer que l’auteur n’a pas fourni suffisamment de renseignements sur les procédures qu’il a engagées devant les tribunaux nationaux pour contester ses conditions de détention, ni suffisamment d’éléments pour étayer ses allégations à ce sujet. En conséquence, le Comité estime que cette partie des griefs que l’auteur tire de l’article 10 du Pacte n’est pas suffisamment étayée aux fins de la recevabilité au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.6Le Comité note que l’auteur met en doute l’indépendance et l’impartialité du juge N. car le fils de celui-ci participait à une enquête que la brigade financière menait sur ses activités et c’était ce juge qui avait examiné les recours qu’il avait formés les 30 décembre 2008 et 26 janvier 2009 pour contester sa détention. Le Comité relève toutefois que l’auteur n’a pas fourni suffisamment d’informations ni d’explications pour étayer l’argument selon lequel le juge a fait preuve de parti pris et manqué à son devoir d’impartialité et d’indépendance, ni suffisamment de documents à l’appui de sa thèse. Le Comité relève également que les autres griefs que l’auteur tire du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, notamment la thèse selon laquelle le président du tribunal a exercé des pressions sur la défense et sur les membres du jury, le tribunal n’a pas protégé l’intéressé contre les menaces dont il faisait l’objet de la part des proches des victimes et la composition du jury n’était pas conforme à la loi, sont de nature générale et n’ont pas été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité. Le Comité déclare donc cette partie de la communication irrecevable au titre de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.7En ce qui concerne les griefs que l’auteur tire du paragraphe 3 b) de l’article 14 du Pacte, le Comité note que l’auteur et son avocat ont reçu les comptes rendus d’audience et ont pu les commenter, quoiqu’avec un certain retard. L’auteur n’a pas indiqué assez précisément à quels documents et témoignages ses avocats et lui-même n’avaient pas eu accès et en quoi, selon lui, le fait de n’avoir pas pu consulter ces pièces a eu des incidences sur l’issue de la procédure. L’auteur n’a pas non plus expliqué pourquoi ses avocats et lui‑même avaient besoin de trois jours supplémentaires pour préparer leur plaidoirie. Faute d’autres informations ou explications utiles dans le dossier, le Comité estime que ce grief n’est pas suffisamment étayé aux fins de la recevabilité au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.8Le Comité note que l’auteur avance que le tribunal de première instance a violé les droits qui lui sont reconnus au paragraphe 3 d) de l’article 14 car son troisième avocat, U., n’a pas été autorisé à le représenter. Le Comité relève à ce propos qu’il ressort des éléments du dossier que, selon le tribunal, accepter que cet avocat intègre l’équipe de la défense aurait prolongé la procédure car l’intéressé était déjà occupé par un autre procès qui devait durer toute la semaine suivante et n’aurait donc pas pu étudier le dossier de l’auteur. Étant donné que le procès durait déjà depuis un mois, le tribunal a décidé de rejeter la demande de l’auteur. Dans ces conditions et compte tenu du fait que l’auteur n’a pas expliqué en quoi le troisième avocat était important pour sa défense, le Comité estime que ce grief n’est pas suffisamment étayé et le déclare irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.9Le Comité note également que l’auteur soutient qu’il a été victime d’une violation du paragraphe 3 d) de l’article 14 du Pacte car ni lui ni ses avocats n’ont assisté à l’audience du 5 janvier 2010 à laquelle la Cour suprême a examiné sa demande de contrôle. Le Comité relève que l’auteur n’a pas fourni de copie de sa requête ni de la décision de la Cour et n’a pas non plus précisé la nature de l’audience ni indiqué si un représentant du ministère public y avait assisté. En l’absence d’autres informations ou explications dans le dossier, le Comité conclut que l’auteur n’a pas suffisamment étayé le grief qu’il tire du paragraphe 3 d) de l’article 14 du Pacte et estime donc que ce grief est irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.10Le Comité prend note des griefs que l’auteur tire du paragraphe 3 e) de l’article 14 du Pacte concernant l’examen des éléments de preuve et à l’interrogatoire des témoins. Il relève en particulier que l’auteur conteste la qualité que le tribunal a reconnue aux experts appelés par la défense et à leur témoignage. Le Comité note que, d’après les pièces du dossier, le juge a déterminé la qualité des témoins et de leurs témoignages conformément au droit interne. Le Comité rappelle qu’il appartient généralement aux tribunaux de l’État partie au Pacte d’apprécier les faits et les éléments de preuve ou l’application de la législation nationale dans un cas donné, sauf s’il peut être établi que l’appréciation a été manifestement arbitraire ou a représenté un déni de justice, ou que le tribunal a d’une quelconque autre façon manqué à son obligation d’indépendance et d’impartialité. En l’espèce, le Comité constate que les éléments dont il est saisi ne permettent pas de conclure que l’examen des éléments de preuve et l’interrogatoire des témoins par le tribunal ont été arbitraires ou ont représenté un déni de justice. Le Comité estime donc que cette partie de la communication n’est pas suffisamment étayée et la déclare irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.11Le Comité estime que l’auteur a suffisamment étayé les griefs qu’il tire de l’article 7 du Pacte, lu séparément et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte, ainsi que les autres griefs qu’il tire des paragraphes 1, 3 d), 3 g) et 5 de l’article 14 du Pacte, et procède à leur examen au fond.

Examen au fond

9.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont communiquées les parties.

9.2Le Comité note que les allégations de torture formulées par l’auteur se rapportent à des événements qui se sont produits le 22 octobre 2008 et du 25 au 27 octobre 2008, lorsque l’intéressé a été interrogé par la police en tant que témoin puis en tant que suspect. Le Comité prend note de l’argument de l’auteur selon lequel il n’a pas pu se faire examiner par un médecin après qu’il a été brutalisé parce qu’il était sous surveillance policière depuis le matin du 23 octobre 2008. Le Comité relève également que, d’après les documents dont il dispose, les 24 et 30 octobre 2008, l’auteur a été examiné par des médecins qui n’ont pas constaté de traces de sévices sur son corps ni reçu de plaintes de sa part. L’auteur n’a pas contesté l’indépendance de ces médecins. Le Comité constate que l’auteur soutient que la plainte qu’il a déposée pour dénoncer les actes de torture auxquels il avait été soumis par des policiers le 22 octobre 2008 n’a pas donné lieu à une véritable enquête. À ce propos, le Comité relève que, le 9 février 2009, le parquet d’Astana a annulé la décision du 29 décembre 2008 par laquelle le Département de l’intérieur avait décidé ne pas engager de poursuites pénales contre les policiers mis en cause par l’auteur, au motif notamment que les enquêteurs n’avaient pas retrouvé ni interrogé plusieurs témoins potentiels dont l’auteur avait donné le nom. Le 16 mars 2009, après une enquête complémentaire, le Département de l’intérieur a de nouveau refusé d’engager des poursuites pénales. Le Comité relève toutefois que la décision rendue par le Département le 16 mars 2009 est identique à celle du 29 décembre 2008 et ne fait pas état d’éventuelles mesures d’enquête supplémentaires. Le Comité prend note de l’argument des autorités kazakhes, qui soutiennent que les allégations de torture formulées par l’auteur et les conclusions de l’enquête menées à leur sujet ont été examinés par le tribunal de première instance, mais relève néanmoins que l’État partie n’a fourni aucun document à l’appui de sa thèse. À la lumière des informations dont il dispose, le Comité constate que le tribunal de première instance n’a pas examiné les allégations de torture de l’auteur et que, de surcroît, il a empêché celui‑ci d’en faire mention devant le jury. En conséquence, le Comité estime que le fait que les allégations de torture de l’auteur n’aient pas donné lieu à une véritable enquête a entraîné une violation des droits que l’intéressé tient du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte, lu conjointement avec l’article 7.

9.3Le Comité note que l’auteur dit avoir été privé du droit de participer à l’audience en appel tenue le 10 novembre 2009. Il relève que l’auteur a demandé l’autorisation d’assister en personne aux débats et que le tribunal n’a fait qu’appliquer le droit interne en rejetant sa demande écrite. Il note en outre que l’auteur était représenté à l’audience en appel par quatre avocats, dont au moins deux le représentaient depuis le début de la procédure. Le Comité estime toutefois que le paragraphe 3 d) de l’article 14 du Pacte s’applique en l’espèce puisque, en appel, le tribunal examine les éléments de fait et de droit relatifs à l’affaire et procède à une nouvelle appréciation de la question de la culpabilité ou de l’innocence. Le Comité rappelle que conformément au paragraphe 3 d) de l’article 14 du Pacte, les personnes accusées d’une infraction pénale ont le droit d’être présentes à leur procès et les procès en l’absence de l’accusé ne peuvent être autorisés que dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice ou lorsque l’accusé, bien qu’informé du procès suffisamment à l’avance, refuse d’exercer son droit d’y assister. Par conséquent, faute d’explications satisfaisantes de l’État partie, le Comité conclut que les faits dont il est saisi font apparaître une violation du paragraphe 3 d) de l’article 14 du Pacte. Partant, le Comité décide de ne pas examiner les griefs que l’auteur tire du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

9.4Le Comité constate que l’auteur dénonce le fait que le tribunal de première instance a autorisé le versement au dossier des aveux qu’il avait faits sous la contrainte. Le Comité constate également que, selon l’État partie, les éléments de preuve examinés par le tribunal ont été obtenus légalement et déclarés admissibles. Il relève que, d’après les informations dont il dispose, le tribunal de première instance n’a pas examiné les moyens par lesquels les policiers ont obtenu les quatre confessions de l’auteur. Rien dans le dossier ne permet de penser que le tribunal a tenu compte du fait que l’auteur a rédigé ces confessions pendant qu’il était détenu sous la garde de la police, et qu’il s’est rétracté dès qu’il a pu s’entretenir avec ses avocats. En conséquence, le Comité conclut que les droits reconnus à l’auteur aux paragraphes 1 et 3 g) de l’article 14 du Pacte ont été violés.

10.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie des droits que l’auteur tient du paragraphe 3 de l’article 2, lu conjointement avec l’article 7 du Pacte, et des paragraphes 1, 3 d) et 3 g) de l’article 14 du Pacte.

11.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile. Il a l’obligation d’accorder pleine réparation aux personnes dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. En conséquence, l’État partie est tenu, notamment : a) de procéder à une véritable enquête approfondie sur les allégations de torture de l’auteur et, si les faits sont établis, de poursuivre, juger et punir les responsables ; b) de réexaminer le jugement rendu contre l’auteur en écartant tous aveux dont la légalité n’a pas été dûment vérifiée ; c) d’indemniser l’auteur du préjudice causé par les violations dont il a été victime. L’État partie est également tenu de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour éviter que des violations analogues ne se reproduisent.

12.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et une réparation exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement.