Nations Unies

CCPR/C/117/D/2745/2016

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

30 août 2016

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Décision adoptée par le Comité en vertu du Protocole facultatif, concernant la communication no 2745/2016 * , **

Communication présentée par :

V. R. et N. R. (représentés par Daniel Norrung)

Au nom de :

Les auteurs et leur fils

État partie :

Danemark

Date de la communication :

27 février 2016 (date de la lettre initiale)

Date de la décision :

14 juillet 2016

Objet :

Expulsion vers la République islamique d’Iran

Question(s) de procédure :

Fondement des griefs

Question(s) de fond :

Droit à la vie, torture et peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, liberté de religion

Article(s) du Pacte :

6, 7 et 18

Article(s) du Protocole facultatif :

2

1.1Les auteurs de la communication sont V. R. et N. R., ainsi que leur fils D., tous de nationalité iranienne, nés en 1983, 1984 et 2013, respectivement. Les auteurs ont été priés de quitter le Danemark de leur plein gré dans un délai de quinze jours à compter du 17 août 2015, après avoir été déboutés de leur demande d’asile. Ils affirment que l’État partie porterait atteinte aux droits qui leur sont reconnus aux articles 6, 7 et 18 du Pacte s’ils étaient renvoyés en République islamique d’Iran. Les auteurs sont représentés par un conseil. Le premier Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 23 mars 1976.

1.2Le 3 mars 2016, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a décidé de ne pas demander de mesures provisoires de protection en application de l’article 92 de son règlement intérieur et a considéré qu’il n’avait pas besoin des observations de l’État partie pour se prononcer sur la recevabilité de la communication.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1V. R. et N. R. se sont connus en 2003 en République islamique d’Iran et ont commencé une relation à l’insu de leurs parents.

2.2En 2005, les parents de N. R. lui ont arrangé un mariage avec un autre homme, A. Après ce mariage, les auteurs ont poursuivi leur relation en secret pendant six ans, jusqu’à ce que A. ne les découvre. Les auteurs ont réussi à quitter la République islamique d’Iran et à gagner la Roumanie. À une date non précisée, A. a appris que les auteurs se trouvaient en Roumanie. En Roumanie, à une date non précisée, les auteurs ont été déboutés d’une demande d’asile. A. les croyant en Roumanie, ils ont décidé de retourner en République islamique d’Iran, où ils ont séjourné brièvement.

2.3À une date non précisée en 2012, les auteurs sont allés au Danemark. Dans un « camp de réfugiés », en avril 2012, ils se sont intéressés au christianisme. La prière et les psaumes étaient pour eux une source de paix et de réconfort. À une date non précisée, les auteurs ont été transférés dans un « camp de réfugiés » à Vipperød. Dans cette localité, ils n’ont pas pu se rendre à l’église faute d’argent pour le transport. Après leur transfert dans un « camp de réfugiés » à Jelling (Jutland), ils ont pu y aller presque tous les dimanches. Les auteurs ont été baptisés en juin 2014.

2.4Le 12 avril 2012, les auteurs ont déposé une demande d’asile au Danemark, qui a été rejetée par le Service danois de l’immigration le 19 décembre 2013. À une date non précisée, ils ont fait appel de cette décision devant la Commission danoise de recours des réfugiés. Dans le cadre de la procédure d’appel, ils ont indiqué s’être convertis au christianisme et craindre, de ce fait, de retourner en République islamique d’Iran. Les auteurs précisent qu’ils n’ont pas fait mention de leur conversion au christianisme pendant les étapes initiales de la procédure d’asile parce qu’ils ne pensaient pas que cela aurait une quelconque incidence sur l’issue de leur demande d’asile.

2.5Le 19 septembre 2014, la Commission danoise de recours des réfugiés a rejeté le recours des auteurs, estimant qu’ils ne couraient pas de risques de persécution ou de mauvais traitements en République islamique d’Iran. La Commission a relevé, entre autres, que les auteurs n’avaient évoqué leur conversion au christianisme qu’après la décision défavorable du Service danois de l’immigration et que leur connaissance du christianisme, celle de V. R. en particulier, était générale et superficielle. En conséquence, la Commission ne pouvait admettre que leur conversion soit authentique et qu’ils pratiqueraient leur foi chrétienne en République islamique d’Iran. Le 9 mars 2014, les auteurs ont demandé que leur dossier d’asile soit rouvert en raison de leur conversion, mais la Commission les a déboutés le 17 août 2015 faute de nouveaux éléments significatifs. Les auteurs ont donc été priés de quitter le pays de leur plein gré dans un délai de quinze jours.

Teneur de la plainte

3.Les auteurs soutiennent que leur expulsion vers la République islamique d’Iran constituerait une violation de leurs droits au titre des articles 6, 7 et 18 du Pacte. Ils affirment que leur conversion au christianisme est authentique et que « le seul acte solennel de se convertir les expose à un risque important » d’être soumis à la torture ou à de actes graves de harcèlement. Ils craignent aussi d’être persécutés par A.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

4.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

4.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Il note que les auteurs disent avoir épuisé tous les recours internes et considère que les conditions énoncées au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif sont remplies.

4.3Le Comité relève l’affirmation des auteurs selon laquelle leur renvoi en République islamique d’Iran violerait les droits qu’ils tiennent des articles 6, 7 et 18 du Pacte. Ils font valoir en particulier qu’ils risquent d’être soumis à la torture et à des mauvais traitements à leur retour.

4.4Le Comité renvoie au paragraphe 12 de son observation générale no 31 (2004) sur la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, qui énonce l’obligation des États parties de ne pas extrader, déplacer ou expulser une personne ou la transférer par d’autres moyens de leur territoire s’il existe des motifs sérieux de croire qu’il y a un risque réel de préjudice irréparable, tel que celui envisagé aux articles 6 et 7 du Pacte. Le Comité a en outre établi que le risque devait être personnel et qu’il fallait des motifs sérieux de conclure à l’existence d’un risque réel de préjudice irréparable. Lorsqu’il s’agit d’évaluer l’existence d’un tel risque, tous les faits et circonstances pertinents doivent être pris en considération, notamment la situation générale des droits de l’homme dans le pays d’origine de l’auteur. Le Comité rappelle en outre sa jurisprudence dont il ressort qu’il convient d’accorder un poids important à l’analyse à laquelle a procédé l’État partie concerné et que, d’une manière générale, c’est aux organes des États parties qu’il appartient d’examiner ou d’apprécier les faits et les preuves pour déterminer si un tel risque existe, sauf s’il peut être établi que cette appréciation a été manifestement arbitraire ou a représenté une erreur manifeste ou un déni de justice.

4.5À la lumière de ce qui précède et compte tenu des éléments communiqués par les parties, le Comité relève que les auteurs n’ont pas établi de manière convaincante que la prise de décisions ait été entachée d’irrégularités au moment de leur demande d’asile dans l’État partie, ni suffisamment montré en quoi les décisions de l’État partie étaient manifestement arbitraires ou erronées, ou constituaient un déni de justice. À cet égard, le Comité fait observer que les éléments dont il dispose ne permettent pas d’établir que l’examen par les autorités compétentes de l’État partie du recours des auteurs concernant leur crainte de retourner en République islamique d’Iran et les risques que comporterait ce retour ait été entaché d’irrégularités.

4.6Dans ces circonstances, vu l’absence d’autres informations pertinentes dans le dossier et sans toutefois sous-estimer les préoccupations qui peuvent légitimement être exprimées au sujet de la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, le Comité conclut qu’en l’espèce les auteurs n’ont pas suffisamment étayé leurs griefs aux fins de la recevabilité et, partant, déclare la communication irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

5.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’auteur et à l’État partie.