Communication présentée par :

Akhliman Avyaz Ogly Zeynalov (représenté par un conseil, Javanshir Islam Ogly Suleymanov)

Au nom de :

L’auteur

État partie :

Estonie

Date de la communication :

28 septembre 2009 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97, communiquée à l’État partie le 12 avril 2011 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

4 novembre 2015

Objet :

Les tribunaux de l’État partie n’ont pas permis à l’intéressé d’être représenté par le conseil de son choix tout au long de la procédure pénale et ne lui ont pas accordé le temps et les facilités nécessaires à la préparation de sa défense

Question(s) de procédure :

Recevabilité ratione personae, épuisement des recours internes, recevabilité – autre procédure, caractère accessoire de l’article 2 du Pacte

Question(s) de fond :

Conseil, défense, temps et facilités nécessaires

Article(s) du Pacte :

2 et 14

Article(s) du Protocole facultatif :

1, 2 et 5 (par. 2 a) et b))

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (115e session)

concernant la

Communication no 2040/2011 *

Présentée par :

Akhliman Avyaz Ogly Zeynalov (représenté par un conseil, Javanshir Islam Ogly Suleymanov)

Au nom de :

L’auteur

État partie :

Estonie

Date de la communication :

28 septembre 2009 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 4 novembre 2015,

Ayant achevé l’examen de la communication no 2040/2011, présentée en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit :

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est Akhliman Avyaz Ogly Zeynalov, de nationalité azerbaïdjanaise, né le 10 octobre 1979. Il se déclare victime de violations par l’Estonie des droits qu’il tient des articles 2 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’Estonie le 21 janvier 1992. L’auteur est représenté par un conseil, Javanshir Islam Ogly Suleymanov.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 3 décembre 2007, l’auteur a été arrêté parce qu’il était soupçonné de trafic de stupéfiants. Le 18 novembre 2008, l’affaire a été renvoyée au tribunal et la date de la première audience a été fixée au 20 avril 2009. En novembre 2008, M. Suleymanov, qui est avocat en Azerbaïdjan, a été admis par le tribunal du comté de Harju en tant qu’avocat chargé de la défense de l’auteur dans le procès pénal.

2.2Le 4 juin 2009, suite à une requête du procureur, le tribunal a annulé la décision par laquelle il avait accepté M. Suleymanov comme avocat de la défense, au motif que : a) l’avocat avait assisté aux audiences jusqu’au 8 mai 2009 mais ne s’était pas présenté aux audiences suivantes, ce qui avait entraîné plusieurs renvois; b) par deux fois, le tribunal avait été obligé de désigner d’autres défenseurs et de leur accorder le temps nécessaire pour prendre connaissance du dossier; c) l’avocat avait fait savoir par voie de requêtes que les dates des audiences ne lui convenaient pas parce qu’il s’occupait d’autres causes; d) il avait indiqué dans une lettre qu’il prévoyait de participer au procès mais il ne s’était pas présenté le 21 mai 2009; e) le même jour, il avait répondu à un appel téléphonique, ce qui montrait qu’il n’était pas très occupé; f) il avait présenté la preuve qu’il devait participer à une audience à la Cour suprême d’Azerbaïdjan le 27 mai 2009, mais cette date ne coïncidait avec aucune des audiences prévues en Estonie; g) il n’avait pas produit de preuve montrant qu’il était engagé ailleurs aux dates des audiences prévues à Tallinn. Le tribunal a conclu que l’auteur avait délibérément abusé des dispositions de l’article 270 du Code de procédure pénale estonien, qui oblige le tribunal à renvoyer l’audience si l’avocat de la défense n’est pas présent, et que son comportement était contraire aux intérêts de l’accusé et constituait un outrage au tribunal.

2.3L’auteur fait valoir que la décision du tribunal ne correspond pas à la réalité ni à la législation estonienne. Il affirme que le 30 décembre 2008 le tribunal du comté de Harju a rendu une décision indiquant que les audiences se tiendraient les 8, 9, 13, 20, 21, 22, 23 et 24 avril 2009. M. Suleymanov a donc organisé son emploi du temps de façon à pouvoir être présent à ces dates. Le 24 avril 2009, M. Suleymanov a appris que le tribunal avait prévu de tenir de nouvelles audiences les 7, 8, 18, 21, 22, 25 et 26 mai et les 3 et 4 juin 2009. Le tribunal avait discuté de ces dates en estonien avec les autres parties au procès mais n’avait pas consulté l’auteur ni M. Suleymanov. Celui-ci a informé le tribunal qu’il pourrait assister aux audiences des 8 et 9 mai, mais qu’ensuite il ne serait disponible qu’en juillet 2009 parce qu’il devait participer à des procès et des conférences dans d’autres pays. Il a également souligné que l’accusation et le tribunal lui avaient fait tenir un volume important de documents qu’il lui fallait traduire et dont il devait prendre connaissance pour assurer correctement la défense de l’auteur. Le 28 avril 2009, M. Suleymanov a demandé par écrit au tribunal de lui accorder le temps nécessaire pour examiner les pièces de l’affaire et que le procès reprenne le 22 juillet 2009. Le 7 mai 2009 l’auteur a refusé les services de son défenseur estonien M. Sillar. Le 8 mai 2009, le tribunal a rejeté la requête visant à ce que le procès reprenne en juillet et a commis d’office un avocat estonien à la défense de l’auteur, contre la volonté de celui-ci. L’auteur fait valoir que les retards dans le procès étaient dus non pas à l’absence de M. Suleymanov mais à la décision du tribunal qui a refusé que le procès reprenne en juillet 2009 et a renvoyé les audiences d’abord à septembre 2009, puis à novembre et décembre 2009. L’auteur fait observer que, sur une période de cent quatre-vingts jours, le tribunal n’avait prévu que 15 audiences et il note qu’il se trouvait en détention depuis le 3 décembre 2007.

2.4Le 11 juin 2009, M. Suleymanov a fait appel de la décision rendue le 4 juin 2009 par le tribunal du comté de Harju auprès de la Cour d’appel régionale de Tallinn. Le 25 juin 2009, celle-ci a décidé de ne pas examiner le recours. Le 7 juillet 2009, M. Suleymanov a présenté à la Cour suprême d’Estonie, conjointement avec un avocat estonien, un recours qui a été rejeté le 27 août 2009 au motif que seul un avocat estonien était habilité à former ce type de recours. M. Suleymanov s’est rendu à la Cour suprême le 28 août 2009 pour déposer une copie du recours portant la signature de son confrère estonien. Après de longues recherches, le greffier de la Cour a retrouvé le mémoire de recours original, mais la décision du 27 août 2009 est restée en vigueur. Les plaintes déposées par la suite sont restées infructueuses. L’auteur affirme qu’il a épuisé tous les recours internes disponibles et utiles.

2.5L’auteur affirme en outre que d’autres violations du droit à la défense ont été commises : a) le tribunal du comté de Harju a refusé de fournir des traductions en russe ou en azéri de documents rédigés en estonien ce qui a obligé l’auteur à payer un interprète de la police de sécurité pour qu’il traduise des pièces; b) le tribunal a refusé de transmettre à l’auteur certains documents liés au procès au motif que les documents avaient déjà été donnés à son avocat; c) après avoir écarté M. Suleymanov de la défense, le tribunal a refusé de l’autoriser à remettre à l’auteur les pièces de l’affaire qu’il détenait; d) dans sa réponse à l’une des requêtes de M. Suleymanov, le tribunal a déclaré que la santé mentale de l’individu qui l’avait écrite devrait faire l’objet d’une évaluation. En outre, pendant le procès, le tribunal a utilisé quatre versions différentes de l’acte d’accusation; la version utilisée par le tribunal et le ministère public n’était pas la même que celles qui avaient été données au défenseur russophone et à l’auteur. Lorsque M. Suleymanov a soulevé la question devant le tribunal, celui-ci a répondu que le problème relevait du ministère public; ce dernier l’a alors menacé, indiquant que, s’il continuait à se plaindre, son attitude serait considérée comme un trouble à l’ordre public.

2.6La communication a été soumise au Comité par M. Suleymanov, qui a expliqué qu’il agissait avec le consentement et à la demande de l’auteur, qui n’avait pas la possibilité de signer la communication et de donner mandat à M. Suleymanov puisque celui-ci n’avait pas été autorisé à le voir après la décision rendue le 4 juin 2009 par le tribunal du comté de Harju.

Teneur de la plainte

3.L’auteur fait valoir que l’État partie a violé le droit de communiquer avec le conseil de son choix qu’il tient de l’article 14 du Pacte. Il fait également valoir que le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense a été violé, notamment pour les raisons suivantes : a) le tribunal du comté de Harju a refusé de lui remettre copies des pièces de l’affaire, arguant qu’il avait un avocat; b) le tribunal a refusé d’autoriser M. Suleymanov à s’entretenir avec son client et à lui remettre les pièces qui étaient toujours en sa possession après qu’il avait été écarté de l’affaire; c) la teneur de l’acte d’accusation que le tribunal et le ministère public avaient utilisé était différente de celle du document remis au défenseur russophone de l’auteur.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans ses observations du 14 juin 2011, l’État partie objecte que la communication est irrecevable en vertu de l’article 96 b) du règlement intérieur du Comité, qui prévoit qu’une communication doit normalement être présentée par le particulier lui-même ou par son représentant. Il relève que la personne qui soumet la communication a affirmé avoir conclu avec l’auteur un contrat visant à assurer sa défense mais n’a pas produit de copie du prétendu contrat ni de mandat l’autorisant à représenter l’auteur devant le Comité. Il soutient en outre que les allégations de ladite personne, qui affirme que l’auteur n’était pas autorisé à lui écrire ou à lui remettre un mandat, étaient fausses et avancées de mauvaise foi car, conformément à l’article 143, paragraphe 4, du Code de procédure pénale, les restrictions au droit de communiquer par courrier ou par téléphone ne sont jamais étendues aux communications avec les avocats de la défense, de sorte qu’à l’époque, l’auteur pouvait communiquer librement avec son défenseur. L’État partie conclut que l’auteur aurait pu présenter lui-même la communication mais qu’il ne l’a pas fait et n’a pas non plus autorisé quiconque à le faire.

4.2De plus l’État partie maintient que les intérêts de l’auteur ont été protégés pendant toute la procédure judiciaire estonienne car l’intéressé avait des avocats. Il ajoute que quand la communication a été envoyée, M. Suleymanov n’était pas considéré comme le représentant légal de l’auteur devant les tribunaux puisque l’autorisation qui lui avait été accordée le 4 juin 2009 avait été retirée et pendant le reste de la procédure plusieurs avocats désignés par l’État avaient assuré la représentation de l’auteur. L’État partie considère que la communication constitue un abus du droit de présenter des communications, en ce que M. Suleymanov met l’accent sur le fait qu’il n’était pas en mesure de défendre lui-même l’accusé sans préciser les faits pour lesquels le droit à la défense aurait été violé. L’État partie fait valoir que les droits de l’avocat de la défense ne sont pas protégés par le Pacte s’ils ne sont pas rattachés aux droits procéduraux de l’accusé.

4.3L’État partie objecte aussi que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif parce que conformément au Code de procédure pénale une décision de justice qui ne peut pas être contestée par voie d’appel peut néanmoins être contestée par un appel ou un pourvoi en cassation formé contre le jugement du tribunal. Quand la communication a été envoyée (29 septembre 2009), aucun jugement n’avait été rendu dans la procédure pénale engagée contre l’auteur.

4.4L’État partie objecte également que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 e) de l’article 5 du Protocole facultatif parce que l’auteur a déclaré qu’il avait l’intention de présenter une communication au Comité contre la torture à raison des actes de torture qu’il avait subis. L’État partie note qu’à la date de la rédaction de ses observations il n’avait pas reçu de communication à ce sujet mais il tient à souligner qu’il existe un risque d’« examen simultané de la même question ». Il note en outre que, selon les informations qu’il a reçues du greffe de la Cour européenne des droits de l’homme, deux requêtes ont été déposées au cours de la procédure judiciaire et une autre après la décision finale dans l’affaire concernant l’auteur. Il précise qu’à la date de la rédaction de ses observations, aucune décision concernant la recevabilité de l’affaire soumise à la Cour européenne n’avait été rendue et que la requête ne lui avait pas été transmise. L’État partie conclut que la même affaire est actuellement examinée par la Cour européenne des droits de l’homme et par le Comité contre la torture.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une lettre du 24 août 2011 l’auteur signale que le 15 octobre 2008 sa mère a engagé M. Suleymanov pour le représenter dans la procédure devant le tribunal du comté de Harju. Le 31 juillet et le 18 septembre 2009, respectivement, la mère et l’épouse de l’auteur ont donné pouvoir à M. Suleymanov, par un mandat valable jusqu’en 2014, de représenter leurs intérêts devant toutes les institutions publiques, notamment les organes azerbaïdjanais et estoniens, et devant la Cour européenne des droits de l’homme et d’autres organisations internationales. Le 6 août 2009, la mère de l’auteur a signé un autre contrat avec M. Suleymanov pour qu’il assure la défense de son fils en première instance, en appel et en cassation devant les tribunaux estoniens. Le 10 août 2009, l’auteur a donné à M. Suleymanov pouvoir pour représenter ses intérêts devant la Cour européenne des droits de l’homme. Le 1er avril 2010, à la demande de l’auteur, ses proches ont signé un contrat supplémentaire avec M. Suleymanov pour qu’il assure sa défense devant la Cour d’appel de Tallinn. À la même date, l’épouse de l’auteur a signé un contrat avec M. Suleymanov pour qu’il défende ses intérêts devant la Cour d’appel de Tallinn. M. Suleymanov maintient que l’auteur peut confirmer qu’il a « pouvoir pour assurer sa défense y compris pour soumettre une plainte et assurer sa représentation devant le Comité des droits de l’homme ».

5.2L’auteur conteste en outre l’argument de l’État partie qui affirme qu’il aurait pu signer la communication ou un mandat étant donné qu’il lui était impossible de voir M. Suleymanov depuis le 25 août 2009, jour où les gardiens de la prison de Tallinn avaient opposé à l’avocat une interdiction écrite de s’entretenir avec l’auteur. Cette interdiction renvoyait à la décision rendue le 4 juin 2009 par le tribunal du comté de Harju et à des instructions verbales du procureur. L’auteur explique ensuite qu’il a reconnu M. Suleymanov comme son seul défenseur et qu’il a refusé les services d’avocats estoniens.

5.3L’auteur conteste aussi l’argument de l’État partie qui affirme qu’il n’a pas épuisé tous les recours disponibles et précise de nouveau que ses recours contre la décision rendue le 4 juin 2009 par le tribunal du comté de Harju avaient été rejetés par la Cour d’appel de Tallinn le 25 juin et par la Cour suprême d’Estonie le 27 août 2009 (voir par. 2.4). Il ajoute que M. Suleymanov avait aussi soulevé la question de son éviction de la procédure dans l’appel interjeté contre la décision rendue le 31 mars 2010 par le tribunal du comté de Harju contre l’auteur mais ce tribunal a jugé le 16 avril 2010 que l’appel ne devait pas être examiné parce que M. Suleymanov n’était pas autorisé à prendre part au procès. La Cour d’appel de Tallinn n’a pas non plus examiné l’appel interjeté contre cette décision et a spécifié, le 29 avril 2010, que M. Suleymanov n’était pas partie à la procédure. M. Suleymanov a présenté d’autres requêtes afin d’être autorisé à participer à la procédure en appel en qualité de défenseur, les 3 et 11 mai 2010. Ces requêtes ont été rejetées le 11 mai 2010 et par décision du 2 août 2010 la Cour suprême a déclaré irrecevable le recours formé contre ce rejet.

5.4L’auteur souligne que la requête déposée en son nom auprès de la Cour européenne des droits de l’homme le 4 février 2009 avait été rejetée le 16 avril 2009 pour non-épuisement des recours internes. Une deuxième requête déposée le 21 août 2009 avait également été rejetée par une décision du 13 octobre 2009, pour le même motif. Le 13 mai 2011, une nouvelle requête dénonçant des violations des droits de l’auteur avait été adressée à la Cour européenne. À la date de l’envoi de la communication au Comité des droits de l’homme, cette requête n’avait pas été examinée. L’auteur affirme que, après qu’il les a prévenus qu’une communication était pendante devant le Comité des droits de l’homme, ses représentants devant la Cour européenne des droits de l’homme ont supprimé de leurs griefs toutes les questions « relatives aux violations des droits à une protection ». La possibilité que la même question soit examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement international était donc exclue.

5.5L’auteur donne des détails sur les divergences entre les versions estonienne et russe de l’acte d’accusation. Il appelle aussi en outre l’attention sur de nombreuses contradictions et imprécisions dans la description des faits figurant dans l’acte d’accusation et fait valoir que le manque de clarté des chefs retenus constitue une violation de l’article 14 du Pacte. Il ajoute que l’accusation a modifié les chefs d’inculpation le 20 janvier 2010 mais ne lui a pas soumis le nouvel acte d’accusation, en violation de l’article 268, paragraphe 2, du Code de procédure pénale. Le tribunal du comté de Harju n’a pas tenu d’audience préliminaire comme l’exige la loi. À l’audience suivante du procès, le procureur a présenté un document de deux pages intitulé « modification des chefs »; le contenu du document aggravait notablement la situation de l’auteur, mais le procureur n’a pas précisé quelles parties de l’acte d’accusation initial devaient être remplacées par les nouveaux chefs.

5.6L’auteur affirme en outre que le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires pour préparer sa défense a été violé de nombreuses fois. Les seuls documents dont une version russe lui a été remise étaient l’acte d’accusation et le jugement, mais les traductions étaient mauvaises. L’auteur a dû traduire lui-même tous les autres documents. Malgré plusieurs demandes, l’auteur n’a pas bénéficié des services d’un interprète. Le 4 septembre 2009, M. Suleymanov ayant demandé à être autorisé à remettre à l’auteur les pièces du dossier en sa possession, le tribunal du comté de Harju a rendu une décision par laquelle il refusait l’autorisation et indiquait que les pièces du dossier avaient été remises à l’avocat, qui avait signé à réception et qui devait veiller à ce que personne d’autre ne puisse y avoir accès. Le tribunal ajoutait que la loi en vigueur ne prévoyait pas que l’accusé devait avoir accès aux pièces du dossier, d’autant que l’auteur était accusé d’une infraction pour laquelle la présence d’un avocat au procès était obligatoire, conformément à l’article 45 du Code de procédure pénale. La demande de l’auteur, qui souhaitait assurer seul sa défense, ne pouvait donc pas être prise en considération. M. Suleymanov enregistrait les audiences de première instance avec un dictaphone; le 17 novembre 2009, le service de sécurité de la salle d’audience a confisqué son dictaphone sur instruction du juge; le 19 novembre 2009, le tribunal a rendu une décision indiquant qu’il n’était pas permis d’enregistrer les audiences parce que les enregistrements étaient utilisés pour demander des corrections des procès-verbaux d’audience. Le 30 novembre 2009, l’auteur a fait appel de cette décision mais il a été débouté. L’auteur affirme en outre que pendant différentes périodes de la procédure préalable et du procès, il a été représenté par des avocats qui représentaient aussi d’autres inculpés, alors qu’il existait un conflit d’intérêts manifeste entre les clients accusés.

5.7L’auteur réaffirme que la décision du 4 juin 2009 par laquelle le tribunal du comté de Harju a retiré à M. Suleymanov l’autorisation de participer à la procédure avait violé le droit à la défense. Il réaffirme que la participation de M. Suleymanov était essentielle parce que l’auteur ne parlait pas estonien et parlait mal russe, et avait donc besoin que les chefs d’accusation et la procédure lui soient expliqués dans sa langue. Depuis le début du procès, l’auteur avait été défendu par M. Suleymanov et un avocat estonien, M. Sillar. Le 7 mai 2009, il a fait savoir qu’il ne voulait plus être défendu par M. Sillar, parce que celui-ci sabotait sa défense. À la demande du procureur, le tribunal a désigné un autre avocat, M. Kull. Le 21 mai 2009, le tribunal a rejeté la demande de l’avocat nouvellement nommé qui souhaitait que le procès soit ajourné d’un mois afin qu’il puisse prendre connaissance du dossier. À ce sujet, l’auteur affirme que l’avocat s’est déporté, faisant valoir que le droit de l’accusé à la défense serait violé puisqu’il ne pouvait pas prendre connaissance du dossier. Le tribunal a accepté ce retrait et a nommé un autre avocat, M. Ladva. Celui-ci n’avait que des notions rudimentaires de russe et l’accusé, qui ne maîtrisait pas non plus le russe, a déclaré à plusieurs reprises qu’il ne pouvait pas être défendu par M. Ladva, car ils ne se comprenaient pas mutuellement. L’auteur fait valoir que M. Ladva lui-même a déclaré à la fin du procès qu’il n’avait pas pu assurer efficacement la défense parce qu’il n’avait pas eu le temps nécessaire ni la possibilité d’étudier le dossier. D’avril à juin 2010, l’auteur a demandé à être défendu par deux autres avocats azerbaïdjanais dans le procès en appel, mais la Cour d’appel de Tallinn a rejeté sa demande le 8 juin 2010 au motif que les copies des diplômes présentées par les avocats étaient de mauvaise qualité. Le 11 août 2010, la Cour d’appel de Tallinn a rendu une autre décision rejetant la demande des avocats azerbaïdjanais d’agir en tant que défenseurs de l’accusé, au motif qu’ils n’avaient pas pris part au procès et que l’intéressé avait déjà un défenseur.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

6.1Dans une note du 10 octobre 2011, l’État partie a demandé au Comité de déclarer la communication irrecevable en vertu de l’article 3 et du paragraphe 2 a) et b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

6.2L’État partie fait aussi valoir qu’il n’y a aucun élément montrant que le droit de soumettre des plaintes avait été restreint et que tout au long du procès, l’auteur avait présenté plusieurs demandes et requêtes directement et par l’intermédiaire de son avocat. Il maintient que toute plainte présentée sans mandat par M. Suleymanov doit être déclarée irrecevable. Il souligne aussi que, selon la communication, une requête présentée en son nom était pendante devant la Cour européenne des droits de l’homme et que la communication devant le Comité devrait donc être déclarée irrecevable car la même question est en cours d’examen par une autre instance internationale de règlement.

6.3L’État partie expose en détail les chefs d’accusation retenus contre l’auteur. Celui-ci a été arrêté le 3 décembre 2007. D’après un résumé de la procédure préalable au procès, il est de langue maternelle azérie, parle couramment russe et estonien et a demandé qu’un interprète en russe soit présent pendant le procès. Le 28 septembre et le 14 octobre 2008, il a déposé des demandes manuscrites de libération sous caution rédigées en estonien; le 5 décembre 2008, il a déposé une demande manuscrite de remise en liberté rédigée en russe. Le 18 novembre 2008, sur le fondement d’une requête de l’auteur, M. Suleymanov a été autorisé à participer à la procédure pénale en qualité d’avocat de la défense. Parallèlement, l’auteur était représenté par un membre de l’Association du barreau d’Estonie, M. Sillar, qui a participé activement à la procédure.

6.4À l’audience du 24 avril 2009, M. Suleymanov a déclaré qu’il pouvait prendre parti aux audiences jusqu’au 8 mai, puis en juillet 2009, compte tenu de ses autres engagements. Le tribunal du comté de Harju a décidé que le procès pourrait se poursuivre sans M. Suleymanov puisque l’auteur avait deux avocats. Le 7 mai 2009, M. Suleymanov a présenté une plainte au tribunal du comté de Harju, affirmant qu’il n’avait pas été tenu compte de son avis pour fixer les dates des futures audiences et qu’il y avait eu atteinte au droit de son client à la défense. Le même jour, à l’audience, M. Sillar a annoncé qu’il ne représentait plus l’accusé. M. Suleymanov a demandé que le procès soit reporté au 23 juillet 2009. Le procureur a demandé qu’un autre avocat estonien soit commis à l’auteur. Le 8 mai 2009, le tribunal a refusé d’ajourner le procès et a demandé à l’Association du barreau d’Estonie de désigner un autre avocat estonien pour représenter l’auteur afin de garantir son droit à la défense.

6.5Le 20 mai 2009, M.Kull, l’avocat qui venait d’être nommé, a demandé l’ajournement du procès au mois d’août ou septembre afin d’étudier le dossier. Il a participé à une audience le 21 mai 2009 et a réitéré sa demande. Conformément à l’article 273, paragraphe 4, du Code de procédure pénale, qui dispose que si un avocat n’a pas pris connaissance d’une affaire le tribunal peut reporter le procès jusqu’à dix jours, le tribunal a ordonné l’ajournement de l’audience au 26 mai 2009. Après cette décision, M. Kull a déclaré qu’il se considérait comme écarté de la défense, parce que agir en qualité d’avocat serait violer le droit à la défense. Le procureur a demandé qu’un autre avocat soit désigné. Le tribunal a renvoyé le procès au 3 juin 2009 et a demandé à l’Association du barreau d’Estonie de désigner un autre avocat estonien pour représenter l’auteur. À l’audience du 3 juin 2009, un assistant de l’avocat M. Ladva a informé le tribunal que celui-ci avait été désigné pour représenter l’auteur et demandait le report du procès au 2 septembre 2009. La 4 juin 2009, suite à une requête du procureur, le tribunal du comté de Harju a retiré à M. Suleymanov l’autorisation de participer au procès en qualité d’avocat de la défense. Il a conclu que le droit à la défense était garanti, parce qu’un membre de l’Association du barreau d’Estonie parlant la langue employée dans la procédure avait été désigné pour le représenter, et connaissait la procédure pénale. Dans une décision distincte, le tribunal a rejeté la demande de renvoi faite par le nouvel avocat.

6.6M. Ladva et M. Suleymanov ont tous les deux fait appel de la décision de révoquer l’autorisation donnée à M. Suleymanov de participer au procès. Dans une décision datée du 25 juin 2009, la Cour d’appel de Tallinn a jugé les recours irrecevables en vertu de l’article 385, paragraphe 16, du Code de procédure pénale, qui dispose qu’il ne peut être fait appel d’une décision rendue au cours d’une procédure judiciaire au sujet d’une requête déposée par une partie à la procédure en question. En l’espèce, la décision avait été rendue suite à une requête du procureur, qui était partie à l’instance. M. Suleymanov a contesté cette décision devant la Cour suprême qui a déclaré elle aussi le recours irrecevable, considérant que M. Suleymanov n’était pas habilité à présenter un pourvoi en cassation.

6.7Après l’entrée en application de la décision rendue le 4 juin 2009 par le tribunal du comté de Harju, la défense de l’auteur a été assurée par M. Ladva. Par deux fois, celui-ci a été remplacé par un autre avocat. Le 31 mars 2010, le tribunal a rendu un jugement reconnaissant l’auteur coupable de plusieurs infractions et l’a condamné à un emprisonnement de quatorze ans et six mois. Des recours ont été formés séparément par M. Ladva, (le 29 avril 2010), M. Sillar, (le 27 avril 2010), M. Suleymanov (les 14, 15 et 16 avril 2010) et l’auteur lui-même (le 21 avril 2010). En date du 16 avril 2010, le tribunal du comté de Harju a déclaré irrecevables les recours formés les 14, 15 et 16 avril par M. Suleymanov, parce que celui-ci n’était pas partie à la procédure. Le 3 mai 2010, M. Suleymanov a déposé une nouvelle demande d’autorisation pour participer à la procédure en qualité d’avocat contractuel de l’auteur. La Cour d’appel de Tallinn a rejeté la demande en affirmant de nouveau que l’autorisation de participer avait été retirée parce que les actes de l’avocat étaient contraires aux intérêts de l’accusé et irrespectueux envers les autres parties à la procédure, et en outre parce qu’il n’avait pas été capable de s’acquitter des obligations qu’il avait contractées, avait laissé l’auteur sans défense et avait provoqué l’ajournement répété du procès. La décision était définitive et non susceptible d’appel.

6.8Néanmoins M. Suleymanov a tenté de former un recours devant la Cour suprême, qui a jugé le recours irrecevable et a précisé qu’il était possible qu’une personne ne soit pas autorisée à participer à une procédure judiciaire car dans le cas contraire on pourrait aboutir à une situation où l’accusé n’a pas de défenseur efficace. La Cour suprême a considéré qu’un tribunal pouvait estimer dans un premier temps qu’un avocat était compétent, mais qu’au cours du procès il pouvait se révéler qu’en fait l’avocat n’avait pas les connaissances ou les compétences nécessaires pour assurer une défense efficace, de sorte que le tribunal devait avoir la possibilité d’écarter l’avocat incompétent du procès.

6.9Dans le contexte de l’appel interjeté contre le jugement, la Cour d’appel de Tallinn, dans une décision rendue le 12 octobre 2010, a partiellement annulé le jugement du 31 mars 2010 mais n’a pas modifié la partie concernant l’auteur. L’État partie fait valoir que dans son arrêt la Cour a examiné la question du retrait de M. Suleymanov et a considéré que cette mesure ne constituait pas une violation du droit de l’auteur à la défense. La Cour a conclu qu’il ne faisait aucun doute que M. Suleymanov s’était révélé incompétent comme avocat de la défense et que son exclusion était justifiée. Elle a aussi noté que le choix de l’avocat était un droit de tout accusé, mais l’État pouvait et même devait évaluer s’il était réalisable et efficace de le satisfaire. L’État partie souligne également que la Cour d’appel avait examiné la question du droit à la défense et qu’elle était le mieux placée pour apprécier les circonstances de l’espèce.

6.10L’État partie ajoute que, dans le pourvoi en cassation contre l’arrêt rendu par la Cour d’appel le 12 octobre, des questions relatives au droit à la défense avaient été soulevées. Le 17 janvier 2011, la Cour suprême a rejeté le pourvoi (présenté par M. Ladva) au motif qu’il était manifestement dénué de fondement.

6.11L’État partie réaffirme que M. Suleymanov ne s’est pas présenté à une audience, que d’autres audiences ont dû être reportées à cause de lui parce qu’il affirmait qu’il ne pourrait pas participer au procès après le 8 mai 2009, et que ces faits ont entraîné à deux reprises la nomination d’un nouveau conseil. Selon le tribunal du comté de Harju, l’auteur a « sciemment et délibérément » utilisé le caractère contraignant de l’article 270, paragraphe 2, du Code de procédure pénale, qui dispose que le tribunal est tenu d’ajourner la procédure si l’avocat de la défense n’est pas présent. L’État partie renvoie aussi à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a estimé que l’État devait garantir à la personne l’assistance d’un avocat qui soit non pas théorique ou illusoire, mais concrète et effective.

6.12L’État partie réaffirme que l’auteur a bénéficié de l’assistance d’un avocat pendant toute la procédure. Il souligne que les organes d’enquête, le ministère public et les tribunaux ont l’obligation de donner aux suspects et aux accusés une possibilité réelle de se défendre. Il renvoie à la jurisprudence de la Cour suprême qui a établi que la question du droit à la défense n’était pas uniquement une question de relation entre la personne qui est défendue et son avocat. Il renvoie également à la jurisprudence de la Cour européenne, qui a conclu que les États ont le choix des moyens propres à permettre à leur système judiciaire de garantir le droit à la défense et que la tâche de la Cour consiste à déterminer si le moyen utilisé est compatible avec les garanties d’un procès équitable.

6.13L’État partie affirme en outre que les décisions et jugements du tribunal ont été traduits en russe à l’intention de l’accusé, qu’il n’y avait eu que quelques erreurs mineures dans la traduction en russe de l’acte d’accusation, qui avaient été corrigées, et que le tribunal n’avait pas employé d’expressions insultantes à l’égard de l’auteur.

6.14Dans une lettre du 7 décembre 2011, l’État partie affirme en outre que les références faites par M. Suleymanov aux contrats conclus entre lui et la mère et l’épouse de l’auteur ne sont pas pertinentes car l’objet de ces contrats était la représentation de leurs intérêts et non des intérêts de l’auteur. De plus, en vertu de la loi relative à l’Association du barreau d’Estonie, étant donné que l’auteur est un majeur doté de la capacité juridique, des tiers ne peuvent conclure en son nom des contrats visant à lui assurer l’assistance d’un avocat juridique qu’avec son autorisation expresse. Aucune preuve montrant que l’auteur avait autorisé sa mère et son épouse à engager M. Suleymanov comme défenseur devant les tribunaux estoniens n’avait été apportée et donc les références aux mandats donnés à l’auteur par d’autres personnes que M. Zeynalov sont dénuées de pertinence.

6.15En ce qui concerne l’argument de l’auteur qui prétend que M. Suleymanov n’a pas été autorisé à communiquer avec lui, l’État partie rappelle que, conformément à l’article 143, paragraphe 4, du Code de procédure pénale, les restrictions au droit de correspondre ou d’utiliser le téléphone ne sont jamais étendues aux communications avec l’avocat de la défense et que par conséquent l’auteur pouvait à l’époque prendre contact librement avec l’avocat de la défense.

6.16L’État partie réaffirme en outre que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif parce que l’auteur n’a pas épuisé les voies de recours internes.

6.17L’État partie fait observer qu’à une audience tenue le 1er janvier 2010, le procureur avait reconnu qu’il y avait effectivement deux versions différentes de l’acte d’accusation, mais avait expliqué que ces différences étaient dues à des erreurs de traduction qui avaient été corrigées, et que « les points modifiés ne concernaient pas Zeynalov ». Il soutient en outre que, conformément à l’article 268, paragraphe 2, du Code de procédure pénale, l’accusation peut modifier les chefs d’accusation dans une procédure pénale jusqu’à ce que le tribunal en ait achevé l’examen. Un nouvel acte d’accusation ne doit être établi que si les chefs sont complétés ou sensiblement modifiés, ce qui n’était pas le cas et ce point a été clarifié par le tribunal le 20 janvier 2010. L’État partie maintient qu’il n’y a pas eu de violation des droits de l’auteur, dont le droit d’être informé dans le plus court délai et en détail, dans une langue qu’il comprenait, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre lui a été dûment garanti.

6.18L’État partie affirme que les faits rapportés au sujet de la nomination et la récusation de l’avocat de la défense, M. Kull, n’étaient pas pertinents puisqu’il avait garanti à l’auteur une défense efficace tout au long de la procédure pénale.

6.19L’État partie ajoute que, lorsqu’il a désigné un avocat de l’Association du barreau d’Estonie pour représenter l’auteur, il a agi en totale conformité avec le paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte. Affirmer que l’auteur a refusé les services de M. Sillar parce que celui-ci s’opposait à toutes les requêtes de son client et sabotait la défense est sans fondement.

6.20En ce qui concerne le droit de se faire assister gratuitement par un interprète, l’État partie se réfère aux articles 10, paragraphe 2, et 161, paragraphes 1 et 6, du Code de procédure pénale et réaffirme que, au début du procès, l’auteur a prétendu « maîtriser le russe »; pendant la procédure préalable au procès, il a déclaré « maîtriser le russe et l’estonien » et il a demandé un interprète russe. Il a bénéficié des services de cet interprète tout au long de la procédure.

Nouveaux commentaires de l’auteur

7.1Par lettre du 31 mars 2012, l’auteur a réaffirmé ses arguments concernant la recevabilité de la communication (voir par. 5.1 à 5.4). Il maintient que ses parents ont conclu un contrat avec M. Suleymanov pour défendre ses intérêts et sa cause. Il joint un mandat signé par lui-même et daté du 29 février 2012, qui indique notamment qu’il confirme qu’il a autorisé M. Suleymanov à présenter au Comité des droits de l’homme la communication datée du 28 septembre 2009 et que les autorités estoniennes l’avaient empêché de lui donner mandat et de signer personnellement cette communication.

7.2L’auteur rappelle qu’il ne parle pas estonien et ne maîtrise pas assez le russe pour se défendre seul dans un procès pénal. Après que M. Suleymanov a été écarté de la procédure, l’auteur a demandé un interprète azéri, mais le tribunal a rejeté la demande le 7 septembre 2009. De plus, les demandes faites au tribunal pour obtenir la traduction de documents ou un service d’interprétation pour les débats ont également été rejetées, le 30 septembre 2009 et le 19 novembre 2009. Le 13 novembre 2009, le tribunal a rejeté la requête de l’auteur qui souhaitait être autorisé à déposer en azéri. L’auteur a aussi expressément demandé les services d’un interprète azéri pendant la procédure d’appel, mais il n’a pas été fait droit à cette demande. L’auteur rappelle qu’il y a de sérieuses différences entre la version russe de l’acte d’accusation et l’original; par exemple il manque la dernière page où figure la liste des témoins et il y a des informations contradictoires concernant les quantités de stupéfiants dont le trafic était imputé à l’accusé. L’auteur conteste ensuite les faits et les preuves présentés par l’accusation.

7.3L’auteur réitère ses griefs de violations du droit à la défense (voir par. 5.6 et 5.7). Il conteste l’argument de l’État partie qui prétend que M. Suleymanov a délibérément manqué des audiences afin de prolonger le procès et signale que l’avocat a présenté 99 pages de documents attestant qu’il avait d’autres engagements (participation à des procès, conférences, enseignement) entre le 8 mai et le 22 juillet 2009, ce qui l’empêchait légitimement d’assister aux audiences en Estonie. Il souligne que le tribunal a retiré à M. Suleymanov l’autorisation de participer au procès, au motif d’éviter de retarder la procédure jusqu’en juillet, puis a programmé les audiences pour septembre 2009. L’auteur conteste également l’argument de l’État partie selon lequel M. Suleymanov a été irrespectueux à l’égard des autres parties au procès et fait valoir que, au contraire, c’est M. Suleymanov qui avait été insulté par le tribunal. L’auteur rappelle également que, pendant la procédure d’appel, il avait demandé que deux autres avocats azerbaïdjanais assurent sa défense mais que la Cour d’appel de Tallinn a rejeté sa demande, le 8 juin 2010, au motif que les avocats avaient présenté des copies de leurs diplômes qui étaient de mauvaise qualité. Le 11 août 2010, la Cour d’appel de Tallinn a rendu une autre décision rejetant cette demande, au motif que ces avocats n’étaient pas parties à la procédure et que l’auteur avait déjà un défenseur.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui affirme que la communication doit être déclarée irrecevable ratione personae, parce que M. Suleymanov n’a pas apporté la preuve que l’auteur l’avait autorisé à présenter une communication au Comité. À ce sujet, il relève que le 31 mars 2012 l’auteur a fait tenir un mandat portant sa signature et daté du 29 février 2012. Le Comité considère donc que l’article premier du Protocole facultatif ne l’empêche pas d’examiner la présente communication.

8.3Le Comité note l’argument de l’État partie qui affirme que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, parce que l’auteur a déclaré qu’il avait l’intention de présenter une communication au Comité contre la torture en raison des actes de torture qu’il avait subis, et parce que ses représentants avaient déposé trois requêtes à la Cour européenne des droits de l’homme. Le Comité constate toutefois qu’aucune communication n’a été adressée au Comité contre la torture par l’auteur ou en son nom et que les requêtes présentées à la Cour européenne ont été jugées irrecevables et rejetées le 16 avril 2009 (requête no 11815/09), le 13 octobre 2009 (requête no 48410/09) et le 20 février 2014 (requête no 22046/11). Il rappelle sa jurisprudence et souligne que c’est seulement lorsque la même question est en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement qu’il n’est pas compétent pour examiner une communication en vertu du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif. En conséquence, le Comité considère que les dispositions de ce paragraphe ne l’empêchent pas d’examiner la communication.

8.4Le Comité note l’argument de l’État partie pour qui la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif étant donné que, selon le Code de procédure pénale, une décision de justice qui ne peut pas être contestée par voie d’appel peut néanmoins l’être par un appel ou un pourvoi en cassation formé contre le jugement du tribunal. Le Comité relève toutefois que, dans l’appel interjeté en date du 21 avril 2010 auprès de la Cour d’appel de Tallinn contre le jugement rendu le 31 mars 2010 par le tribunal du comté de Harju, l’auteur a soulevé la question du retrait de l’autorisation de M. Suleymanov et la question du manque de temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. L’auteur a aussi soulevé ces questions dans le pourvoi en cassation déposé à la Cour suprême d’Estonie contre l’arrêt rendu le 12 octobre 2010 par la Cour d’appel de Tallinn, pourvoi qui a été rejeté le 17 janvier 2011, pour défaut manifeste de fondement. En conséquence, le Comité considère que les dispositions du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ne l’empêchent pas d’examiner la communication.

8.5Le Comité prend note du grief de l’auteur qui affirme que le fait d’écarter du procès pénal l’avocat choisi par l’auteur constitue une violation de l’article 2 du Pacte. Il rappelle sa jurisprudence à ce sujet et réaffirme que les dispositions de l’article 2 du Pacte, qui énoncent des obligations générales à l’intention des États parties, ne peuvent être invoquées isolément dans une communication soumise en vertu du Protocole facultatif. Il estime donc que les griefs de l’auteur à cet égard sont irrecevables en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

8.6Le Comité considère que les autres griefs de violation de l’article 14 du Pacte ont été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et il procède à leur examen quant au fond.

Examen au fond

9.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

9.2Le Comité prend note du grief de l’auteur qui affirme qu’il y a eu violation du droit de disposer du temps et des facilités nécessaires pour préparer sa défense, parce que les seuls documents en russe qui lui ont été remis étaient l’acte d’accusation et le jugement et que les traductions étaient de mauvaise qualité, et parce que malgré plusieurs demandes, il n’a pas pu bénéficier des services d’un interprète dans sa langue maternelle. Le Comité fait observer que l’exigence d’un procès équitable ne signifie pas que les États parties ont l’obligation de mettre les services d’un interprète à la disposition d’une personne dont la langue maternelle n’est pas la langue officielle du tribunal, si l’intéressé est par ailleurs en mesure de comprendre la langue employée à l’audience et de s’exprimer suffisamment dans cette langue. C’est seulement si l’accusé ou les témoins ont des difficultés à comprendre la langue du tribunal ou à s’exprimer dans cette langue qu’il est obligatoire d’assurer les services d’un interprète.

9.3Le Comité note aussi l’argument de l’État partie qui affirme que M. Zeynalov maîtrisait le russe et l’estonien, que, pendant la procédure préalable au procès, il avait demandé les services d’un interprète en langue russe et qu’il en avait bénéficié tout au long de la procédure et qu’il avait présenté plusieurs fois des requêtes manuscrites rédigées en estonien et en russe. Dans ce contexte, le Comité note que la notion de procès équitable énoncée au paragraphe 1 de l’article 14, lu conjointement avec le paragraphe 3 f) de l’article 14, ne signifie pas que l’accusé doit avoir la possibilité de s’exprimer dans la langue qu’il parle normalement ou qu’il parle avec le plus de facilité. Un accusé dont la langue maternelle n’est pas la même que la langue officielle du tribunal n’a, en principe, pas le droit de se faire assister gratuitement d’un interprète s’il connaît suffisamment bien la langue du tribunal pour se défendre efficacement. En l’espèce, il ressort des décisions du tribunal du comté de Harju et de la Cour d’appel de Tallinn que l’accusé maîtrisait suffisamment la langue employée aux audiences, et que les tribunaux n’avaient pas à se demander s’il serait préférable que l’accusé s’exprime dans une autre langue que celle employée aux audiences. Dans les circonstances de l’espèce, le Comité estime que les informations dont il est saisi ne montrent pas que le droit de l’auteur de se faire assister gratuitement d’un interprète si l’accusé ne parle pas ou ne comprend pas la langue employée à l’audience tel que garanti par le paragraphe 3 f) de l’article 14 du Pacte, a été violé.

9.4Le Comité note le grief de l’auteur qui affirme que l’État partie a violé le droit de communiquer avec un avocat de son choix, prévu à l’article 14 du Pacte, en retirant à M. Suleymanov l’autorisation de participer à la procédure alors qu’il était l’avocat choisi par l’auteur. Il note également l’argument de l’État partie qui objecte que l’autorisation de participer à la procédure en tant que conseil a été retirée parce que le tribunal a considéré que M. Suleymanov s’était révélé un défenseur incompétent et que son retrait était dans l’intérêt de l’accusé. Cette conclusion était fondée principalement sur le fait que M. Suleymanov avait demandé le report du procès en raison d’autres engagements et parce qu’il aurait été irrespectueux envers d’autres parties au procès. Le Comité relève en outre que l’État partie fait valoir que le droit à la défense a été garanti puisque, après le retrait de M. Suleymanov, un membre de l’Association du barreau d’Estonie avait été désigné pour défendre l’auteur et que cet avocat parlait la langue employée aux audiences et connaissait la procédure pénale.

9.5Le Comité relève que d’après l’évaluation du tribunal, M. Suleymanov remplissait les conditions de formation pour agir en qualité d’avocat et que l’État partie n’a pas montré en quoi l’avocat avait été irrespectueux envers les autres participants au procès. Le Comité fait observer que l’auteur était accusé d’infractions graves et risquait d’être condamné à une très lourde peine de prison. Il note l’argument de l’auteur qui affirme qu’il a demandé en 2010 à être défendu en appel par deux autres avocats azerbaïdjanais mais que la Cour d’appel de Tallinn a rejeté sa demande, ce que l’État partie n’a pas contesté.

9.6Le Comité rappelle que le droit à la défense dans un procès pénal est un droit fondamental qui suppose pour l’accusé le droit d’être jugé en sa présence et d’avoir l’assistance d’un défenseur de son choix. Il rappelle également que l’intérêt de la justice peut nécessiter la commission d’office d’un avocat contre le gré de l’accusé, en particulier si l’accusé fait de manière persistante gravement obstruction au bon déroulement du procès. Cependant, une telle restriction doit servir un but objectif et suffisamment important et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour protéger les intérêts de la justice. L’État partie a certes expliqué pourquoi le tribunal du comté de Harju avait demandé à l’Association du barreau d’Estonie de désigner un autre avocat estonien pour représenter l’auteur mais il n’a pas avancé de raisons suffisamment convaincantes pour justifier la nécessité, dictée par l’intérêt de la justice, d’écarter totalement M. Suleymanov de la défense de l’auteur et pour expliquer en quoi le maintien de cet avocat dans l’équipe de la défense aurait porté atteinte aux intérêts de la justice. De plus l’État partie n’a pas montré qu’il avait pris des mesures pour permettre d’une autre manière à l’auteur d’être défendu par le conseil de son choix, et n’a pas justifié par des motifs convaincants sa décision d’empêcher les deux avocats azerbaïdjanais choisis par l’auteur de se joindre à l’équipe de la défense dans la procédure d’appel. En conséquence le Comité conclut que les faits de l’espèce font apparaître une violation du droit à l’assistance du défenseur de son choix, garanti au paragraphe 3 d) de l’article 14 du Pacte.

10.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des droits que l’auteur tient du paragraphe 3 d) de l’article 14 du Pacte.

11.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à la victime un recours utile. Cette disposition impose d’assurer une réparation complète aux individus dont les droits consacrés par le Pacte ont été violés. En conséquence l’État partie est notamment tenu d’accorder à l’auteur une indemnisation appropriée. Il est également tenu de prendre des mesures pour empêcher que des violations analogues ne se reproduisent.

12.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques, à les faire traduire en estonien et à les diffuser largement en estonien et en russe sur son territoire.

Appendice I

Opinion individuelle (concordante) de Sir Nigel Rodley

1.J’approuve les constatations du Comité dans la présente affaire, seulement sur le motif que l’État partie n’a pas suffisamment expliqué pourquoi il avait été nécessaire d’écarter M. Suleymanov de l’équipe des défenseurs de l’auteur. Cela n’implique pas que les États parties sont tenus de reconnaître les diplômes d’un avocat membre du barreau d’un autre pays. Toutefois, une fois que les diplômes sont reconnus, rien ne peut justifier d’établir une distinction entre les différents avocats de la défense d’une même personne.

2.De même, rien ne justifie que les procédures du système judiciaire soient perturbées par des exigences déraisonnables visant à tenir compte des besoins particuliers d’un avocat d’un autre pays. Normalement, face à ces demandes, la réponse appropriée aurait été de les rejeter et non pas d’écarter l’avocat.

Appendice II

Opinion individuelle (dissidente) de Dheerujlall Seetulsingh

1.Les faits de l’affaire ne font pas apparaître une violation du paragraphe 3 d) de l’article 14 du Pacte, qui consacre le droit fondamental, mais non absolu, d’être assisté par un conseil de son choix.

Première instance

2.L’auteur a été arrêté en décembre 2007 et des poursuites ont été ouvertes en Estonie en novembre 2008 contre lui-même et d’autres « participants » ou complices pour trafic de stupéfiants. Étant d’origine azerbaïdjanaise, l’auteur a choisi un avocat de son pays, M. Suleymanov, pour assurer sa défense, et le tribunal estonien a accepté ce choix. M. Suleymanov, qui représente aussi l’auteur devant le Comité, s’est présenté au procès ouvert le 8 avril 2009 et a continué à y participer pendant sept jours, jusqu’au 24 avril. Le tribunal a décidé que le procès continuerait pendant six jours en mai 2009, puis pendant deux jours en juin 2009. Seuls les deux premiers jours (7 et 8 mai) convenaient pour M. Suleymanov, qui s’est présenté le 8 mai et a demandé que le procès reprenne le 22 juillet 2009. L’auteur avait également un avocat estonien mais le 7 mai il a refusé ses services. Le tribunal a rejeté la demande de M. Suleymanov – ce qui a fait l’objet de plusieurs appels, tous rejetés – et a désigné un autre avocat pour assurer la défense de l’auteur.

3.Les motifs invoqués par l’État partie pour justifier ce refus sont que les actes de M. Suleymanov étaient contraires aux intérêts de l’accusé et irrespectueux à l’égard des autres parties au procès, qu’il ne s’était pas acquitté des obligations qu’il avait contractées et avait provoqué l’ajournement répété des audiences de l’affaire. D’après la communication, M. Suleymanov était très occupé dans son pays et devait participer à des procès et à des conférences dans d’autres États. L’État partie affirme que l’avocat n’a pas été en mesure de donner des preuves solides de ses engagements ailleurs. L’auteur n’a pas contesté cette affirmation.

Deuxième instance

4.L’auteur a affirmé que, devant les juridictions d’appel, après sa condamnation le 14 mars 2010, il n’a pas eu le droit de choisir deux avocats azerbaïdjanais pour le représenter en appel. La comparution de ces deux avocats a été refusée au motif : a) qu’ils avaient produit des copies de mauvaise qualité de leurs diplômes, ce qui ne leur permettait pas d’être enregistrés au greffe du tribunal estonien; b) que l’auteur avait déjà un défenseur qui avait déposé le mémoire d’appel; et c) que les avocats n’étaient pas parties à la procédure.

5.L’auteur était représenté par un avocat estonien qui avait déposé le mémoire d’appel. Il n’a pas montré de façon convaincante au Comité quel préjudice il a subi du fait du rejet de sa demande et quels avantages additionnels la participation des avocats azerbaïdjanais lui aurait apportés. Il ne suffit pas d’affirmer simplement l’existence du droit d’être représenté par le conseil de son choix. Comme la majorité des membres du Comité l’a relevé au paragraphe 9.6 des constatations, les deux avocats avaient seulement l’intention de se joindre à l’équipe de la défense.

6.Les principes en l’espèce sont les suivants :

a)Au début de la procédure l’auteur avait été autorisé à se faire représenter par le conseil de son choix. Une fois qu’un avocat a été engagé pour représenter un individu, il doit se rendre disponible pour les audiences du tribunal de façon à défendre les intérêts de son client et il doit apporter des raisons valables pour justifier toute absence ultérieure. La participation à des conférences ne peut pas avoir la priorité sur des audiences judiciaires. Par le passé le Comité a eu à connaître d’affaires dans lesquelles dès le début de la procédure un inculpé n’avait pas été autorisé à engager le conseil de son choix ou dans lesquelles le conseil était imposé à l’intéressé;

b)Au procès comparaissaient deux autres personnes (coïnculpés) et leurs avocats acceptaient de se présenter aux dates d’audience fixées par le tribunal. Celui-ci ne pouvait pas laisser un conseil imposer sa volonté au détriment des intérêts des autres inculpés dans l’affaire et retenir les dates qui arrangeaient un conseil plutôt que les dates acceptées par les autres. Si le tribunal devait se soumettre aux exigences de chaque conseil, le procès risquerait d’avoir une durée excessive, au détriment de tous les inculpés et, spécialement dans la présente affaire, au détriment de l’auteur lui-même qui était en détention depuis décembre 2007;

c)Non seulement il faut préserver les intérêts des parties défenderesses, mais il faut également trouver un juste équilibre entre l’avantage pour l’inculpé de choisir son conseil et la convenance des témoins, autant pour l’accusation que pour la défense;

d)Le tribunal ne peut pas modifier son calendrier des audiences en fonction de l’emploi du temps du conseil. La gestion des affaires est désormais une préoccupation majeure pour l’administration judiciaire, qui est souvent critiquée pour ses retards systémiques. Tout tribunal a un rôle chargé et d’autres affaires à traiter. Les affaires déjà inscrites au rôle ne peuvent pas être déplacées pour satisfaire les exigences d’une partie défenderesse et de son conseil dans une affaire particulière, car cela pénaliserait les autres défendeurs;

e)Il appartient aussi aux juridictions d’appel d’apprécier si l’auteur a subi un préjudice du fait que le conseil de son choix lui a été « dénié » en cours de procédure. Les tribunaux ont l’obligation d’évaluer les questions de faisabilité et d’efficacité quand un accusé insiste pour être représenté par le conseil de son choix, si cela pose des problèmes, et elles sont le mieux placées pour ce faire.

7.Dans sa présentation de l’affaire au Comité, M. Suleymanov donne l’impression qu’il invoque un droit absolu d’être le conseil de l’auteur. La position qu’il avait prise entravait le bon déroulement du procès et ne servait pas les intérêts de la justice. Le tribunal s’est vu obligé d’écarter totalement M. Suleymanov car il prétendait être le conseil principal, allant jusqu’à imposer les dates des audiences suivantes. Si le tribunal l’avait laissé rester dans l’équipe de la défense, aucun autre conseil n’aurait pu assumer la direction de la défense. Enfin, les griefs de l’auteur qui dit avoir subi un préjudice parce qu’il n’a pas bénéficié du temps et des facilités nécessaires pour préparer sa défense et avait des difficultés avec la langue employée aux audiences, ont été totalement rejetés dans les constatations de la majorité du Comité, aux paragraphes 9.2 et 9.3. Par conséquent, il n’a pas été montré que l’exclusion de M. Suleymanov a porté atteinte au droit de l’auteur à un procès équitable.