Nations Unies

CCPR/C/110/D/1890/2009

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

23 avril 2014

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ homme

Communication no 1890/2009

Constatations adoptées par le Comité à sa 110e session(10-28 mars 2014)

Communication présentée par:

Franck Kitenge Baruani (représenté par Anna Copeland, du Centre juridique communautaire SCALES)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

République démocratique du Congo

Date de la communication:

9 juin 2009 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 3 août 2009 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations:

27 mars 2014

Objet:

Arrestation arbitraire et torture; accusation d’espionnage pour un autre pays et d’intention de renverser le Gouvernement

Question(s) de procédure:

Épuisement des recours internes

Question(s) de fond:

Torture et peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; arrestation arbitraire; immixtion arbitraire ou illégale dans la vie privée, la vie de famille ou le domicile

Article(s) du Pacte:

7, 9 et 17

Article(s) du Protocole facultatif:

5 (par. 2 b))

[Annexe]

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatifaux droits civils et politiques (110e session)

concernant la

Communication no1890/2009 *

Présentée par:

Franck Kitenge Baruani (représenté par Anna Copeland, du Centre juridiquecommunautaire SCALES)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

République démocratique du Congo

Date de la communication:

9 juin 2009 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1890/2009présentée au nom de Franck Kitenge Baruani en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Réuni le 27 mars 2014,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est Franck Kitenge Baruani, national de la République démocratique du Congo et résident permanent en Australie au bénéfice d’un visa humanitaire. Il est né le 27 décembre 1972. Il se déclare victime de violations des articles 7, 9 et 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La République démocratique du Congo a adhéré au Protocole facultatif se rapportant au Pacte le 1er novembre 1976. L’auteur est représenté par un conseil, Anna Copeland, du Centre juridique communautaire SCALES.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur est né à Bukavu, dans la province du Sud-Kivu, en République démocratique du Congo. En septembre 1998, un groupe de rebelles est apparu sous la bannière du Rassemblement congolais pour la démocratie, opposant au Gouvernement de Laurent Kabila et qui bénéficiait, semble-t-il, de l’appui des forces rwandaises. Le Rassemblement pour la démocratie recrutait des hommes du Nord-Kivu et du Sud-Kivu par la force. En septembre 1998, l’auteur a été capturé sur le campus universitaire, détenu par le Rassemblement pour la démocratie pendant deux nuits à Bukavu avec 20 autres étudiants puis transféré en bus jusqu’à Gabiro (Rwanda) où il a été placé dans un camp. Pendant ce temps, ses ravisseurs ont tenté de le recruter pour qu’il les aide à renverser Laurent Kabila. Après dix mois au Rwanda, il a été transféré au siège du Rassemblement pour la démocratie à Goma (République démocratique du Congo), où il était censé travailler pour le mouvement. Cependant, l’auteur a réussi à s’échapper et il est retourné à Bukavu. Craignant pour sa vie, il a alors décidé de partir à Lubumbashi, dans la province de Katanga (République démocratique du Congo). À Lubumbashi, l’auteur a reçu un certificat délivré par l’Agence nationale de renseignement et attestant qu’il était déplacé à l’intérieur du pays.

2.2Le 16 avril 2002, alors qu’il terminait un stage, l’auteur a été arrêté par la police spéciale présidentielle, qui l’a accusé d’être un espion du Rwanda et de collaborer à un projet de coup d’État contre le Président Joseph Kabila, fils de Laurent Kabila qui avait été assassiné en janvier 2001. Peu de temps auparavant, la femme de l’auteur avait donné naissance à une petite fille, qui avait à ce moment-là six semaines. Lorsqu’il a été arrêté, l’auteur n’a pas été informé des accusations retenues contre lui ni de l’endroit où on l’emmenait ou du temps qu’il allait passer en détention. Pendant sept jours, il a été déplacé et détenu en différents endroits à Lubumbashi, parce que ses collègues de l’université et des défenseurs des droits de l’homme le cherchaient.

2.3Le 23 avril 2002, l’auteur a été emmené dans les locaux des services de renseignement de l’État partie (Agence nationale de renseignement) à Lubumbashi, où il a été maltraité pendant deux jours. Il a été régulièrement frappé et accusé d’être un «espion». Il a eu les mains et les pieds enchaînés et il a été traîné ainsi d’une cellule à l’autre. Il a craint pour sa vie. Il a été transféré ensuite dans les locaux des services de renseignement de l’État partie à Kinshasa à bord d’un avion présidentiel spécial. Il est resté là-bas six mois.

2.4Dans les locaux des services de renseignement à Kinshasa, l’auteur a été détenu dans deux pièces différentes; il passait la journée dans l’une et il était torturé la nuit dans l’autre. Il a été suspendu la tête en bas sur une machine et constamment frappé sur les organes génitaux, le dos et la tête avec une grosse barre de métal qui envoyait une décharge électrique. Lorsqu’il avait la tête en bas, des agents lui plaçaient sur la langue de grandes pinces métalliques sur lesquelles ils tiraient ensuite en lui demandant d’avouer qu’il avait l’intention de tuer Kabila et de prendre le pouvoir à Kinshasa. Après les passages à tabac dans cette position, la machine le relâchait et il tombait brutalement sur le sol. Il a subi à plusieurs reprises des décharges électriques sur les organes génitaux, qui lui causaient de vives douleurs. Il a reçu également de nombreux coups, coups de pied et coups de poing. Les agents qui le torturaient l’accusaient de se cacher au Rwanda et d’être le chef des forces rwandaises. Ils l’ont également interrogé sur ses études universitaires. Avant de le remettre dans sa cellule, on lui lançait un seau d’eau. Il a aussi été privé d’eau et de nourriture. Pendant sa détention dans les locaux des services de renseignement à Kinshasa, l’auteur n’a eu aucun contact avec sa femme et sa fille et se faisait beaucoup de souci pour elles. À la suite de ces actes de torture, il a fallu lui retirer un testicule.

2.5En juillet 2002, sans notification préalable, l’auteur a été traduit devant la Cour de la sûreté de l’État où il a été informé qu’il était soupçonné d’être un agent de renseignement pour le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda; aucune preuve contre lui n’a toutefois été présentée. Il a été représenté par l’Observatoire national des droits de l’homme, dont il avait rencontré le Président alors qu’il était détenu à Kinshasa. Le même mois, la Cour de la sûreté de l’État a transféré l’auteur à la prison civile de Makala, à Kinshasa, mais sans avoir prononcé de déclaration de culpabilité ni de condamnation.

2.6Le 4 octobre 2002, l’auteur a été libéré de la prison civile de Makala par suite des pressions publiques croissantes exercées par des organisations des droits de l’homme ainsi que ses collègues de l’Université de Lubumbashi. Dans le document de levée d’écrou, il était indiqué que l’auteur avait été emprisonné pour atteinte à la sécurité de l’État, mais l’auteur n’a jamais été condamné pour quelque infraction que ce soit. L’auteur est parti en République du Congo sept jours après avoir été libéré de la prison de Makala parce qu’il craignait pour sa sécurité. Une fois arrivé au Congo, il s’est fait enregistrer auprès du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et a obtenu le statut de réfugié en 2004. Toutefois, il savait que sa sécurité ne pouvait pas être garantie en raison de la proximité des deux pays.

2.7L’auteur a obtenu un visa pour l’Australie par l’intermédiaire du HCR. Il est parti en Australie avec sa famille le 21 août 2007. Depuis son arrivée en Australie, il bénéficie d’un accompagnement en lien avec le traumatisme et les actes de torture qu’il a subis. D’après le thérapeute qui le suit, l’auteur souffre de séquelles à long terme du traumatisme causé par sa détention et les actes de torture qui lui ont été infligés, et notamment de problèmes de sommeil et d’appétit, de douleurs somatiques et de difficultés relationnelles.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que les recours internes disponibles étaient inutiles vu que le Gouvernement était l’auteur des violations dont il avait été victime, lesquelles étaient directement liées au Président et à l’exécutif. Il affirme en outre que du fait des menaces qui pesaient sur sa vie et de la crainte qu’il éprouvait, il n’était pas prudent de demander réparation tant qu’il se trouvait en République démocratique du Congo.

3.2L’auteur affirme que l’État partie a violé son droit de ne pas être soumis à la torture ni à un traitement ou une peine cruels, inhumains ou dégradants, garanti à l’article 7 du Pacte. Il dit que les traitements que lui ont infligés les autorités congolaises pendant sa détention constituent des actes de torture.

3.3L’auteur affirme en outre que l’État partie a violé son droit de ne pas subir d’arrestation ni de détention arbitraire, garanti au paragraphe 1 de l’article 9. Il dit que sa détention n’était pas raisonnable, nécessaire, proportionnée, appropriée ni justifiée et qu’elle était donc arbitraire au sens du paragraphe 1 de l’article 9. Il fait valoir qu’il n’existe aucun motif particulier le concernant en tant qu’individu qui aurait rendu son arrestation et sa détention nécessaires et raisonnables. Pendant sa détention, l’auteur n’a été informé d’aucune accusation retenue contre lui ni d’aucun détail à ce sujet.

3.4L’auteur affirme également que l’État partie a violé son droit de ne pas être soumis à une immixtion arbitraire dans sa vie privée, sa famille ou son domicile, garanti à l’article 17. Il fait valoir que sa détention, qui l’a contraint à être séparé de sa femme et de sa fille qui venait de naître, constitue une immixtion dans sa vie familiale. Cette séparation l’a profondément affecté et a engendré une grande souffrance morale. Selon l’auteur, cette immixtion dans sa vie privée et sa famille était arbitraire en ce sens qu’il a été arrêté sur son lieu de travail, n’a pas été informé des accusations retenues contre lui, n’a pas bénéficié d’un examen judiciaire de sa détention et n’a pas eu droit à une audience en bonne et due forme conforme aux règles d’une procédure équitable. À aucun moment il n’a été tenu compte de sa famille, avec laquelle il n’a pu entrer en contact d’avril à octobre 2002.

Défaut de coopération de l’État partie

4.Le 3 août 2009, le 16 mars 2010, le 20 octobre 2010, le 25 janvier 2011 et le 19 novembre 2013, l’État partie a été prié de présenter au Comité des informations sur la recevabilité et le fond de la communication. Le Comité note qu’il n’a toujours pas reçu les informations demandées. Il regrette que l’État partie n’ait donné aucune information quant à la recevabilité ou au fond des allégations de l’auteur. Il rappelle qu’il ressort implicitement du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif que les États parties doivent examiner de bonne foi toutes les allégations présentées contre eux et fournir au Comité tous les renseignements dont ils disposent. En l’absence de réponse de la part de l’État partie, il convient d’accorder le crédit voulu aux allégations de l’auteur dans la mesure où celles-ci ont été étayées.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

5.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

5.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

5.3Ayant pris note des arguments de l’auteur relatifs à l’épuisement des recours internes et compte tenu du défaut de coopération de l’État partie, le Comité considère que le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ne constitue pas un obstacle à l’examen de la présente communication.

5.4Le Comité prend note des allégations de l’auteur qui affirme qu’il a été maltraité dans les locaux des services de renseignement de l’État partie à Lubumbashi du 23au 25 avril 2002, qu’il a été torturé pendant sa détention dans les locaux des services de renseignement de l’État partie à Kinshasa d’avril à juillet 2002, qu’il a été détenu arbitrairement et que sa détention l’a contraint à être séparé de sa famille, ce qui a engendréune grande souffrance morale. En l’absence de réponse de l’État partie, le Comité considère qu’aux fins de la recevabilité, l’auteur a suffisamment étayé les griefs qu’il tire des articles 7, 9 et 17 du Pacte.

5.5Constatant que rien ne fait obstacle à la recevabilité des griefs formulés par l’auteur au titre des articles 7, 9 et 17 du Pacte, le Comité procède à leur examen quant au fond.

Examen au fond

6.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées.

6.2Le Comité prend note des allégations de l’auteur au titre de l’article 7, à savoir que du 23 au 25 avril 2002, l’auteur a été maltraité dans les locaux des services de renseignement de l’État partie à Lubumbashi par des agents qui l’ont accusé d’être un espion. L’auteur a subi maints passages à tabac et a craint pour sa vie. Le Comité prend note en outre des allégations de l’auteur qui affirme que, pendant les six mois qu’a duré sa détention dans les locaux des services de renseignement de l’État partie à Kinshasa, il a été soumis à diverses formes brutales de torture. Le Comité relève également que l’auteur a été privé de nourriture et d’eau et n’a eu aucun contact avec sa famille. Enfin, il relève que d’après le thérapeute qui le suit, l’auteur souffre des séquelles à long terme du traumatisme qu’ont causé sa détention et les actes de torture qu’il a subis, et qu’il a notamment des problèmes de sommeil et d’appétit, des douleurs somatiques et des difficultés relationnelles.

6.3Le Comité rappelle que l’État partie est tenu d’enquêter de bonne foi sur toutes les allégations de violation du Pacte portées contre lui et de communiquer au Comité les renseignements dont il dispose. Lorsque les allégations sont corroborées par des éléments crédibles apportés par l’auteur et que tout éclaircissement supplémentaire dépend de renseignements que l’État partie est seul à détenir, le Comité peut considérer ces allégations comme suffisamment étayées si l’État partie ne les réfute pas en apportant des preuves et des explications satisfaisantes. En l’absence de toute explication fournie par l’État partie, il convient d’accorder tout le crédit voulu aux allégations de l’auteur.

6.4Compte tenu des informations dont il dispose, et rappelant qu’aucune dérogation aux dispositions de l’article 7 n’est autorisée, même en cas de danger public exceptionnel, le Comité considère que le traitement que les services de renseignement de l’État partie ont infligé à l’auteur dans le but de le contraindre à avouer qu’il avait des liens avec le Gouvernement rwandais et qu’il se préparait à renverser le Gouvernement de la République démocratique du Congo fait apparaître une violation de l’article 7 du Pacte.

6.5Pour ce qui est de l’article 9 du Pacte, le Comité relève que l’auteur a été arrêté le 16 avril 2002 par la police spéciale présidentielle, traduit devant la Cour de la sûreté de l’État en juillet 2002 et mis en détention jusqu’au 4 octobre 2002. Renvoyant au paragraphe 4 de son Observation générale no 8 (1982) sur l’article 9 du Pacte (Droit à la liberté et la sécurité de lapersonne) et à sa jurisprudence, il rappelle qu’il ne faut pas donner au mot «arbitraire» le sens de «contraire à la loi», mais plutôt l’interpréter plus largement du point de vue de ce qui est inapproprié, injuste, non prévisible et non conforme à la légalité. Cela signifie que la mise en détention provisoire doit certes être légale mais doit aussi être raisonnable et nécessaire à tous égards.

6.6Les renseignements dont dispose le Comité suggèrent que l’auteur a été arrêté sans mandat par la police spéciale présidentielle et qu’il a été accusé d’être un espion du Rwanda et de préparer un coup d’État contre le Président. Il ne ressort pas de ces renseignements que des accusations officielles aient été formulées contre l’auteur ni qu’il ait été informé des motifs ou du fondement légal de son arrestation. L’auteur a été détenu du 16 avril 2002 jusqu’en juillet 2002 sans pouvoir consulter un avocat, et il n’a eu aucun contact avec sa famille jusqu’à sa remise en liberté en octobre 2002. Il a été emmené devant la Cour sans notification préalable; aucun élément de preuve n’a été présenté contre lui et il n’a jamais été reconnu coupable d’aucune infraction. En l’absence de toute explication de la part de l’État partie quant au caractère légal, raisonnable et nécessaire de la détention de l’auteur, le Comité considère qu’il y a eu violation du paragraphe 1 de l’article 9.

6.7Le Comité considère en outre que malgré l’accusation d’atteinte à la sécurité publique, le fait qu’aucun chef d’inculpation n’ait été formellement établi et qu’aucune information n’ait été communiquée au sujet des motifs et du fondement légal de l’arrestation de l’auteur fait apparaître une violation du paragraphe 2 de l’article 9.

6.8En outre, renvoyant au paragraphe 2 de son Observation générale no 8 et à sa jurisprudence, le Comité rappelle que si le sens de l’expression «dans le plus court délai» au paragraphe 3 de l’article 9 du Pacte doit être déterminé au cas par cas, le délai en question ne doit pas dépasser quelques jours. Le Comité rappelle également que la durée de la garde à vue avant que l’intéressé ne soit présenté à un juge ne dépasse pas quarante-huit heures. Toute durée supérieure doit être justifiée par des circonstances spéciales pour être compatible avec le paragraphe 3 de l’article 9 du Pacte. Par conséquent, le Comité considère que le délai de trois mois écoulé avant que l’auteur n’ait été présenté à un juge est incompatible avec le critère de célérité énoncé au paragraphe 3 de l’article 9 du Pacte et constitue donc une violation de cette disposition.

6.9Le Comité considère en outre que l’absence de tout élément de preuve présenté à l’appui des accusations retenues contre lui et le fait qu’il ait été gardé en détention sans pouvoir consulter un avocat ni entrer en contact avec sa famille ont empêché l’auteur de contester la légalité de sa détention devant un tribunal et, par conséquent, constituent également une violation du paragraphe 4 de l’article 9.

6.10Ayant constaté une violation des articles 7 et 9 du Pacte, le Comité n’examinera pas le grief de violation de l’article 17 du Pacte.

7.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constate que les informations dont il dispose font apparaître des violations des articles 7 et 9 du Pacte.

8.En vertu du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile consistant notamment: a) à mener une enquête approfondie et diligente sur les allégations de torture et de mauvais traitements formulées par l’auteur; b) à engager des poursuites pénales contre les responsables des violations commises, à les juger et à les condamner; c) à verser à l’auteur une indemnisation suffisante, et à présenter à l’auteur et à sa famille des excuses publiques officielles pour les violations qu’ils ont subies. L’État partie devrait en outre prendre des mesures pour que des violations analogues ne se reproduisent pas.

9.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations dans toutes les langues officielles.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]