Nations Unies

CCPR/C/110/D/2155/2012

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

29 avril 2014

Français

Original: anglais

C omité des droits de l ’ homme

Communication no 2155/2012

Constatations adoptées par le Comité à sa 110e session(10-28 mars 2014)

Communication présentée par:

Rolandas Paksas (représenté par un conseil, Stanislovas Tomas)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Lituanie

Date de la communication:

24 juin 2011 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partiele 6 juin 2012

Date de l ’ adoption des constatations:

25 mars 2014

Objet:

Restrictions au droit de participer à la vie publique

Questions de procédure:

Irrecevabilité ratione materiae

Questions de fond:

Droit de prendre part à la vie publique et de voter au cours d’élections libres et régulières

Articles du Pacte:

14 (par. 1 et 2), 15 et 25 a), b) et c)

Articles du Protocole facultatif:

3 et 5 (par. 2 b))

[Annexe]

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titredu paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatifse rapportant au Pacte international relatif aux droitscivils et politiques (110e session)

concernant la

Communication no 2155/2012 *

Présentée par:

Rolandas Paksas (représenté par un conseil, Stanislovas Tomas)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Lituanie

Date de la communication:

24 juin 2011(date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 25 mars 2014,

Ayant achevé l’examen de la communication no 2155/2012 présentée au nom de Rolandas Paksas en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est M. Rolandas Paksas. Il affirme que la Lituanie a violé les droits qu’il tient des paragraphes 1 et 2 de l’article 14, de l’article 15 et de l’article 25 a), b) et c) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. M. Paksas est représenté par Stanislovas Tomas.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur a été élu Président de la République de Lituanie le 5 janvier 2003 à l’issue d’élections démocratiques au suffrage direct. Le 11 avril 2003, par le décret no 40, contresigné par le Ministre de l’intérieur, il a accordé la nationalité lituanienne «à titre exceptionnel» pour services rendus à la Lituanie à un homme d’affaires russe, Jurij Borisov, à qui le prédécesseur de l’auteur, Valdas Adamkus, avait, par décret présidentiel no 1373 (2001), déjà octroyé la médaille de Darius et Girėnas pour les services qu’il aurait rendus au pays en s’employant à glorifier le nom de la Lituanie dans le monde et en contribuant à l’intégration du pays dans la communauté mondiale des États.

2.2Le 6 novembre 2003, le Parlement lituanien (Seimas) a prié la Cour constitutionnelle de se prononcer sur la conformité à la Constitution et à la loi sur la nationalité du décret présidentiel no 40. Selon lui, il semblait que la procédure d’octroi de la nationalité à titre exceptionnel avait été indûment appliquée en l’espèce, M. Borisov n’ayant aucun mérite particulier justifiant qu’il fût traité de manière exceptionnelle, et que l’auteur lui avait accordé la nationalité en remerciement de la contribution financière importante qu’il avait apportée à sa campagne électorale.

2.3L’auteur indique que le 8 décembre 2003, le Vice-Président du Seimas, Gintaras Steponavicius, principal initiateur de la procédure de destitution (impeachment), a rencontré Egidijus Kuris, Président de la Cour constitutionnelle, avec lequel il a discuté de l’octroi de la nationalité à M. Borisov. Le 18 décembre 2003, 86 membres du Seimas ont présenté une proposition visant à engager une procédure de destitution contre l’auteur. Le 23 décembre 2003, le Seimas a créé une commission spéciale chargée d’enquêter sur les allégations relatives au comportement de l’auteur. Le 19 février 2004, la commission spéciale d’enquête a conclu que certains des soupçons pesant sur l’auteur étaient fondés et graves, et a recommandé au Seimas d’engager la procédure de destitution. Le même jour, le Seimas a saisi la Cour constitutionnelle aux fins de déterminer si les actes spécifiques de l’auteur cités par la commission étaient constitutifs d’une violation de la Constitution.

2.4Le 31 mars 2004, la Cour constitutionnelle a adopté la décision no 14/04 concluant à une grave violation de la Constitution et du serment constitutionnel de l’auteur pour trois séries d’actes commis par lui:

a)Le fait d’avoir accordé illégalement la nationalité à M. Borisov par le décret no 40, en remerciement de son appui financier;

b)Le fait d’avoir informé M. Borisov qu’il faisait l’objet d’une enquête des autorités de police et que ses conversations téléphoniques étaient mises sur écoute; et

c)Le fait d’avoir usé de son statut officiel pour influencer les décisions d’une société privée, Žemaitijos keliai Ltd, concernant le transfert d’actions afin de défendre les intérêts de certaines personnes privées proches de lui.

2.5Le 6 avril 2004, le Seimas a voté en faveur de la destitution. L’auteur souhaitait se porter candidat à l’élection présidentielle prévue le 13 juin 2004. Le 22 avril 2004, la Commission électorale centrale a estimé qu’aucun obstacle juridique ne s’opposait à sa candidature. Cependant, le 4 mai 2004, le Seimas a modifié la loi sur les élections présidentielles en y introduisant la disposition suivante: «Quiconque a été démis de son mandat de parlementaire ou d’un autre mandat par le Seimas dans le cadre d’une procédure de destitution ne peut être élu Président de la République pendant une période de cinq années consécutives.». À la suite de cette modification, la Commission électorale centrale a refusé d’enregistrer la candidature de l’auteur. La question a été transmise à la Cour constitutionnelle.

2.6Le 25 mai 2004, la Cour constitutionnelle a considéré (décision no 24/04) que l’interdiction faite à une personne de présenter sa candidature à des élections était conforme à la Constitution mais le fait de limiter cette interdiction dans le temps ne l’était pas. Selon la Cour, il était conforme à l’esprit de la Constitution de prononcer contre l’auteur l’interdiction à vie de se présenter à des élections présidentielles ou législatives ou d’être Premier Ministre, Ministre, juge ou contrôleur d’État. Le 15 septembre 2008, le Seimas a modifié la loi sur l’autonomie locale. L’auteur considère que cette modification lui interdit, en tant que Président destitué, de se présenter à une élection locale.

2.7Le 21 octobre 2004, le Procureur général a clos l’enquête pénale concernant les soupçons d’abus par l’auteur de son mandat de Président pour influencer les décisions de la société Žemaitijos keliai Ltd relatives au transfert de ses actions, en violation de l’article 228 du Code pénal.

2.8Le 13 décembre 2005, la Cour suprême lituanienne a jugé l’auteur non coupable d’avoir informé M. Borisov qu’il faisait l’objet d’une enquête des autorités de police et que ses conversations téléphoniques étaient mises sur écoute.

2.9Le 27 septembre 2004, l’auteur a saisi la Cour européenne des droits de l’homme d’une requête contre la Lituanie. Dans son arrêt du 6 janvier 2011, la Cour a conclu à une violation par la Lituanie de l’article 3 du Protocole no 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et a considéré que l’inéligibilité de l’auteur à un mandat parlementaire était disproportionnée en raison de son caractère définitif et irréversible. Les autres griefs de l’auteur ont été déclarés incompatibles ratione materiae avec la Convention. À la suite de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, le Gouvernement a constitué un groupe de travail chargé d’élaborer des propositions en vue de l’exécution de l’arrêt. Le 31 mai 2011, le groupe de travail a présenté ses conclusions, préconisant de supprimer le caractère irréversible et définitif de l’inéligibilité des personnes démises de leurs fonctions à l’issue d’une procédure de destitution pour violation grave de la Constitution et manquement au serment constitutionnel. Les modifications proposées à la Constitution ont été approuvées par le Gouvernement le 6 juin 2011, mais la Cour constitutionnelle les a déclarées inconstitutionnelles le 5 septembre 2012.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme qu’il y a eu violation des articles 14 (par. 1 et 2), 15 et 25 a), b) et c) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

3.2L’auteur fait valoir que sa communication est recevable pour les raisons suivantes: a) il l’a présentée le 24 juin 2011 et n’a donc pas tardé à saisir le Comité après l’arrêt 34932/04 de la Cour européenne des droits de l’homme, rendu le 6 janvier 2011; b) le droit de se porter candidat à des élections présidentielles n’est pas couvert ratione materiae par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et n’a donc pas été examiné par la Cour européenne.

3.3En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, l’auteur évoque la modification de la loi sur l’autonomie locale adoptée le 15 septembre 2008, qui interdit à un président ayant fait l’objet d’une procédure de destitution de se présenter à des élections locales. Selon l’auteur, un recours interne sur ce point porterait sur la législation générale et ne lui serait pas utile.

3.4L’auteur évoque en outre la décision no 24/04 dans laquelle la Cour constitutionnelle a conclu qu’il était interdit d’organiser un référendum pour déterminer si l’auteur avait violé la Constitution et s’il convenait de revenir sur son inéligibilité à vie, dont l’auteur considère qu’elle constitue une violation de l’alinéa a de l’article 25 du Pacte. L’auteur indique que cette violation était mentionnée dans sa requête devant la Cour européenne des droits de l’homme, mais que celle-ci ne l’a pas examinée.

3.5Sur le fond, l’auteur considère que l’inéligibilité à vie pour des élections présidentielles et locales n’a pas été prévue par la loi, n’est ni objective ni raisonnable, est disproportionnée, et qu’il en résulte une violation des droits qu’il tient des alinéas a et b de l’article 25 du Pacte. À cet égard, l’auteur se réfère à la jurisprudence du Comité dans l’affaire Dissanayake c. Sri Lanka, dans laquelle le Comité a conclu que l’interdiction faite à l’auteur d’exercer ses droits électoraux pendant sept ans pour violation de la Constitution était disproportionnée.

3.6L’auteur fait valoir qu’il n’y a pas eu de procédure équitable et que la condition d’équité procédurale énoncée à l’alinéa c de l’article 25 n’a pas été respectée, eu égard notamment à la rencontre, le 8 décembre 2003, entre le Vice-Président du Seimas et le Président de la Cour constitutionnelle, au cours de laquelle les deux hommes ont discuté de l’octroi de la nationalité à M. Borisov. Le 16 mars 2004, les avocats de l’auteur ont présenté en raison de cette rencontre une requête en récusation du juge Kūris, qui a été cependant rejetée. L’auteur en déduit que le principe d’impartialité objective tel qu’il a été développé dans la jurisprudence du Comité a été enfreint par la Cour constitutionnelle lituanienne.

3.7L’auteur soutient également que la Cour constitutionnelle a fait preuve de partialité à deux égards. Premièrement, le 5 janvier 2004, la Cour constitutionnelle a fait un commentaire sur le discours du Nouvel An prononcé par l’auteur. Deuxièmement, le 16 mars 2004, le Président de la Cour constitutionnelle a indiqué au cours des audiences que la requête en récusation présentée par l’auteur pouvait être rejetée sans qu’il soit besoin de l’examiner.

3.8L’auteur affirme que le Seimas a exercé une pression permanente sur les tribunaux. Il a par exemple publié le 25 mars 2004 une «Déclaration sur les actions du Président Rolandas Paksas», dans laquelle il affirmait que la déclaration de culpabilité de l’auteur par la Cour constitutionnelle n’était «qu’une question de temps» et que, «compte tenu de la durée relativement longue de la procédure de destitution, [le Seimas] propos[ait] au Président de la République Rolandas Paksas de démissionner». Selon l’auteur, le Seimas était certain de l’issue de la procédure de destitution en cours, ce qui constitue une violation du paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte.

3.9L’auteur soutient que la décision no 24/04 de la Cour constitutionnelle lui interdisant à vie de se présenter à des élections et d’exercer un mandat pour lequel il est nécessaire de prêter serment conformément à la Constitution est fondée sur une présomption de culpabilité qui est contraire au paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte, et que cette décision lui a été appliquée rétroactivement en violation de l’article 15 du Pacte.

3.10L’auteur indique que l’interdiction à vie d’exercer les fonctions de Premier Ministre ou de Ministre a été introduite pour la première fois par la décision no 24/04 de la Cour constitutionnelle du 25 mai 2004 et qu’elle a été établie après les actes reprochés à l’auteur mais avant la fin de la procédure de destitution. Le Seimas a modifié la loi sur les élections législatives et la loi sur les élections présidentielles en conséquence.

3.11L’auteur considère que le principe d’objectivité a été enfreint du fait de la violation des règles élémentaires d’équité procédurale et de la discrimination qu’il a subie par rapport à ses opposants politiques. Il reprend les arguments développés à propos de la violation de l’article 14 du Pacte, faisant valoir qu’aucun des deux présidents précédents n’a fait l’objet de restrictions à vie bien qu’ils aient octroyé la nationalité à titre exceptionnel pour services rendus dans des cas qui étaient bien «plus sujets à controverse». Faisant référence à la jurisprudence du Comité, l’auteur considère que la sanction qui lui a été imposée est disproportionnée et constitue une violation de l’article 25 du Pacte.

3.12Dans une autre lettre datée du 9 juin 2012, l’auteur fait valoir que le Comité devrait examiner l’interdiction d’organiser un référendum sur la question de la violation par l’auteur de la Constitution, eu égard à la décision no 24/04 de la Cour constitutionnelle, et la question de savoir s’il convenait d’annuler la décision d’inéligibilité à vie. L’auteur considère que, même si le grief relatif au droit à une procédure équitable a été jugé irrecevable par la Cour européenne des droits de l’homme, il devrait être considéré comme recevable par le Comité conformément à sa propre jurisprudence.

3.13À cet égard, l’auteur considère que la procédure de destitution était de caractère pénal vu qu’elle a été engagée à la suite d’allégations d’infractions pénales. L’auteur fait aussi observer qu’en vertu de l’article 246 du Règlement intérieur du Seimas, en vigueur de février 1999 à novembre 2004, la procédure de destitution devait respecter les «règles et principes fondamentaux de la procédure pénale». L’auteur est en outre d’avis que la procédure de destitution devant la Cour constitutionnelle est une procédure juridictionnelle, puisqu’il a été officiellement accusé par un groupe de parlementaires devant la Cour constitutionnelle et que la conclusion faisant état de l’existence d’une violation a inévitablement conduit à sa destitution. L’auteur en déduit que les articles 14 et 15 sont applicables.

3.14L’auteur soutient que la Cour constitutionnelle a empêché la libre expression de la volonté du peuple en privant celui-ci du droit de voter pour l’auteur, mettant ainsi en danger la démocratie. Il fait observer en outre qu’aucune disposition de la Constitution n’interdit expressément une réélection après une destitution.

3.15L’auteur considère que la décision de la Cour constitutionnelle en date du 5 septembre 2012 équivaut à un refus d’exécuter l’arrêt de la Cour européenne qui exigeait le rétablissement du droit de l’auteur de se présenter à des élections législatives, et constitue une violation de l’article 25 du Pacte.

3.16L’auteur prie donc le Comité de constater des violations des articles 14 (par. 1 et 2), 15 et 25 du Pacte et de rétablir son droit de se porter candidat à des élections présidentielles, législatives et locales, et d’exercer un mandat pour lequel un serment constitutionnel est requis.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1dans des notes verbales datées du 21 septembre 2012 et du 5 décembre 2012, l’État partie a soumis ses observations. Il soutient que la communication doit être déclarée irrecevable et infondée en ce que les allégations de l’auteur sont incompatibles avec les dispositions du Pacte et ne sont pas étayées.

4.2Selon l’État partie, la procédure de destitution est une manière d’invoquer la responsabilité constitutionnelle, et elle ne saurait être assimilée à une procédure disciplinaire contre des fonctionnaires ou à des poursuites pénales. Le but de la procédure de destitution engagée contre l’auteur était de déterminer s’il avait commis de graves violations de la Constitution et avait manqué à son serment constitutionnel. L’État partie considère que cette procédure ne concerne pas des contestations sur les droits et obligations de caractère civil de l’auteur; elle invoque plutôt la responsabilité du chef de l’État au regard de la Constitution. En conséquence, cette procédure se situe hors de la sphère «pénale».

4.3De plus, l’État partie considère comme erroné l’argument de l’auteur selon lequel les graves violations de la Constitution qui ont motivé sa destitution auraient dû être prouvées devant une juridiction pénale. Cette interprétation déforme les dispositions de la Constitution relatives à la procédure de destitution, car les motifs de destitution ne sont pas tous liés à la commission d’une infraction pénale. Selon la Constitution, aucune action pénale ne peut être engagée contre le Président de la République tant qu’il est en fonctions (art. 86 de la Constitution).

4.4L’État partie fait valoir que même après que la Cour constitutionnelle eut conclu qu’il avait manqué à son serment et violé la Constitution, l’auteur gardait la possibilité de démissionner afin de se soustraire à une responsabilité constitutionnelle pleine et entière. La restriction particulière en cause n’est applicable que dans les cas où le Seimas décide de destituer le titulaire d’un mandat à la majorité des trois cinquièmes au moins après une conclusion pertinente de la Cour constitutionnelle. L’État partie constate que l’auteur ne s’est pas prévalu de cette possibilité de démissionner. Il considère que la décision finale du Seimas est le fondement de l’adoption de l’application d’une sanction constitutionnelle, et que l’article 14 du Pacte n’est pas applicable aux procédures devant le Parlement.

4.5L’État partie considère en outre que l’acquittement de l’auteur du chef de divulgation de renseignements classifiés, le 13 décembre 2005, ne saurait modifier la conclusion de la Cour constitutionnelle selon laquelle l’auteur a commis de graves violations de la Constitution. La procédure de destitution ne porte pas sur le bien-fondé de toute accusation en matière pénale ou sur des contestations sur des droits et obligations de caractère civil au sens de l’article 14 du Pacte. Cette partie de la communication devrait donc être déclarée irrecevable ratione materiae en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

4.6Au cas où le Comité serait d’un autre avis, l’État partie soutient que les allégations de l’auteur concernant de prétendues violations des paragraphes 1 et 2 de l’article 14 du Pacte ne sont pas étayées. À cet égard, l’État partie considère que la communication de l’auteur vise à un réexamen de la légalité de la sanction constitutionnelle qui lui a été imposée, et renvoyant à la jurisprudence du Comité, il rappelle qu’«il appartient en principe aux tribunaux des États parties d’apprécier les faits et les éléments de preuve, sauf s’il peut être établi que l’appréciation a été manifestement arbitraire ou a représenté un déni de justice». L’État partie considère que tel n’est certainement pas le cas pour ce qui concerne les griefs de l’auteur. Il rappelle que la législation lituanienne prévoit des garanties qui protègent les personnes visées par une procédure de destitution contre tout traitement arbitraire, puisque les règles de la procédure pénale et les principes d’un procès équitable s’appliquent à cette procédure. Si la décision d’engager une telle procédure et d’appliquer une sanction relève du Seimas, organe politique, c’est à un organe juridictionnel, la Cour constitutionnelle, qu’il revient de décider s’il y a eu violation de la Constitution. Si la Cour ne constate pas de violation, le Seimas ne peut destituer l’intéressé. À cela s’ajoute le fait que lorsque le Seimas conduit une procédure de destitution il est présidé par un juge de la Cour suprême, et qu’il ne peut prononcer une destitution qu’à la majorité des trois cinquièmes de ses membres par une décision motivée. Enfin, l’auteur a été assisté de nombreux conseils, et il a pu présenter ses arguments dans le cadre d’audiences publiques.

4.7L’État partie considère que l’auteur n’a présenté aucun argument motivé concernant le caractère prétendument arbitraire et inéquitable de la procédure. Quant à la prétendue partialité de la Cour constitutionnelle dans sa déclaration publique du 5 janvier 2004 publiée en réaction au discours prononcé par l’auteur le 31 décembre 2003, l’État partie estime que la Cour s’est clairement abstenue de toute polémique politique.

4.8Pour ce qui est des allégations de parti pris découlant de la rencontre entre le Président de la Cour constitutionnelle et le Vice-Président du Seimas, l’État partie affirme qu’elles sont dénuées de fondement puisque la procédure de destitution n’avait pas été engagée à l’époque. L’État partie considère que la jurisprudence du Comité dans l’affaire Dissanayake c. Sri Lanka n’est pas applicable au cas de l’auteur dès lors que les restrictions visées ne résultent pas d’une condamnation et d’une peine arbitraires qui auraient été prononcées à son encontre. De plus, selon l’État partie, les graves violations de la Constitution commises par l’auteur ne sauraient être comparées aux faits reprochés à M. Dissanayake, condamné pour outrage à magistrat. La présente affaire différerait aussi de l’affaire Bandaranayake c. Sri Lankapuisque la restriction imposée aux droits de l’auteur a été la conséquence de sa destitution à l’issue d’une procédure constitutionnelle de destitution (et non d’une mise en cause de sa responsabilité pénale), sans arbitraire d’aucune sorte.

4.9S’agissant du grief que l’auteur tire du paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte, et qui fait état d’une violation présumée de la présomption d’innocence, l’État partie considère que l’auteur déforme la loi lituanienne en mettant la procédure de destitution sur le même plan que des questions de droit pénal ou disciplinaire.

4.10L’État partie considère en outre que, lorsqu’il reproche au Seimas de violer son droit à la présomption d’innocence, l’auteur omet de mentionner que la déclaration lui proposant de démissionner de son mandat présidentiel a été faite après que l’auteur a proposé à M. Borisov de devenir son conseiller officiel le 24 mars 2004 et à la suite de la déclaration prononcée le lendemain à la télévision, dans laquelle l’auteur a présenté des excuses pour cette proposition, qualifiée d’«erreur fatale». L’État partie estime que la déclaration du Seimas était une réponse à la vulnérabilité du Président, attestée par la condamnation de M. Borisov pour violence psychologique à son égard. Il en déduit que les allégations de l’auteur concernant la violation de l’article 14 du Pacte ne sont pas étayées.

4.11Pour ce qui est de la violation présumée de l’article 15 du Pacte en lien avec l’application arbitraire et rétroactive d’une sanction constitutionnelle, l’État partie, renvoyant à la jurisprudence du Comité, rappelle que le paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte interdit l’application rétroactive de lois, mais uniquement en matière pénale. Or les mesures de destitution et d’inéligibilité (en découlant) mettent en cause la responsabilité constitutionnelle du chef de l’État et ne relèvent pas de la sphère «pénale».

4.12Si le Comité devait être d’un avis contraire, l’État partie soutient que les allégations de l’auteur concernant des violations de l’article 15 du Pacte ne sont pas étayées et sont dénuées de fondement. La sanction constitutionnelle n’a pas été appliquée rétroactivement puisqu’elle est entrée en vigueur le jour où l’auteur a été destitué par le Seimas, et les garanties procédurales ont été respectées. L’État partie fait valoir en outre que la restriction adoptée n’était pas imprévisible: dans sa décision du 25 mai 2004, la Cour constitutionnelle a développé plus avant la notion du caractère irréversible d’une sanction constitutionnelle résultant de la procédure de destitution, notion déjà connue depuis la décision de la Cour constitutionnelle en date du 11 mai 1999. Si l’auteur avait des doutes quant aux conséquences de la responsabilité constitutionnelle, il aurait pu solliciter l’interprétation et la révision de cette décision de la Cour Constitutionnelle en application des articles 60 et 61 de la loi sur la Cour constitutionnelle.

4.13De nouvelles modifications de la loi sur les élections au Seimas et de la loi sur les élections présidentielles ont été adoptées en mai et juillet 2004, respectivement, dans le but de préciser les dispositions de la Constitution et d’atténuer la sanction applicable à l’issue d’une procédure de destitution. La Cour constitutionnelle a déclaré ces dispositions inconstitutionnelles. L’État partie soutient que cette décision n’était pas imprévisible pour l’auteur et conclut que le grief de violation de l’article 15 du Pacte doit être considéré comme non étayé et dénué de fondement.

4.14Pour ce qui est de la violation alléguée de l’article 25 du Pacte, l’État partie affirme que la portée et la teneur de la sanction constitutionnelle sont clairement, précisément et étroitement définies puisque l’interdiction porte exclusivement sur le volet passif des droits concernant les élections présidentielles et législatives, et l’exercice de fonctions subordonnées à un serment constitutionnel. Le droit de voter et de prendre part à la conduite des affaires publiques n’est pas restreint, comme le démontrent les activités politiques de l’auteur depuis sa destitution.

4.15S’agissant de la violation présumée du droit de l’auteur de recourir à un référendum, l’État partie fait valoir que la procédure de destitution est clairement réglementée. La destitution ou la révocation d’une personne et l’imposition de sanctions constitutionnelles en découlant ne peuvent être décidées par voie de référendum. L’État partie considère que le grief de l’auteur à cet égard est incompatible ratione materiae avec les dispositions du Pacte et que l’auteur aurait pu recourir à un référendum pour faire modifier les dispositions constitutionnelles pertinentes en vertu de l’article 9 (par. 3) de la Constitution. Il conclut donc que le grief de l’auteur tiré de l’alinéa b de l’article 25 du Pacte est irrecevable et dénué de fondement.

4.16L’État partie affirme en outre que l’auteur n’a jamais été empêché de se présenter aux élections municipales. Il a figuré en tête de liste de son parti politique pour la municipalité de Vilnius lors des élections municipales de février 2007, et a été conseiller municipal de la ville de Vilnius de mars 2007 à juin 2009. De plus, les modifications apportées en 2008 à l’article 22 de la loi sur l’autonomie locale n’affectent pas les droits de l’auteur dans la mesure où le serment prévu pour les nouveaux membres du conseil local diffère du serment constitutionnel. Le grief de l’auteur tiré de l’article 25 du Pacte concernant son inéligibilité aux élections municipales est donc dénué de fondement.

4.17En ce qui concerne l’inéligibilité de l’auteur pour les élections législatives, l’État partie considère que l’auteur ne mentionne pas d’élections particulières pour lesquelles il aurait été empêché d’exercer son droit. Conformément à la jurisprudence du Comité, l’État partie estime que l’auteur ne saurait prétendre être une victime au sens de l’article premier du Protocole facultatif.

4.18Si le Comité devait être d’un avis contraire, l’État partie soutient que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes en ce qui concerne son inéligibilité à un mandat législatif. Si l’auteur avait exprimé son intention de devenir membre du Seimas en octobre 2004 et en octobre 2008 et si la Commission électorale suprême avait refusé d’enregistrer sa candidature, il aurait pu saisir les juridictions administratives en alléguant une atteinte à son droit. Le Comité ne peut donc examiner cette partie de la communication, conformément au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif. Selon l’État partie, cette position est confortée par les récentes réformes adoptées par le Gouvernement à la suite de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme.

4.19L’État partie considère en outre que dans la jeune démocratie lituanienne, il est justifié que la sanction constitutionnelle en vigueur soit maintenue alors même qu’elle pourrait sembler excessive dans un système démocratique bien ancré. Huit années seulement se sont écoulées depuis la destitution de l’auteur et son inéligibilité peut encore être considérée comme raisonnable et proportionnée par rapport aux violations de la Constitution qu’il a commises. Des modifications de la Constitution ont été proposées et approuvées par le Gouvernement le 6 juin 2011 et transmises au Seimas. Il a été décidé d’apporter les modifications voulues à la loi sur les élections au Seimas et il sera procédé très prochainement à la révision des dispositions pertinentes de la Constitution.

4.20Pour ce qui est de la violation présumée de l’alinéa b de l’article 25 du Pacte en lien avec l’inéligibilité à un mandat présidentiel, l’État partie, renvoyant à la jurisprudence du Comité, rappelle que l’exercice du droit de voter et d’être élu ne peut être suspendu ou supprimé que pour des motifs consacrés par la loi et qui soient raisonnables, objectifs et compatibles avec l’objectif de la loi. L’État partie réaffirme que la responsabilité pénale de l’auteur n’a pas été mise en cause, et que seul son droit passif d’être candidat aux élections présidentielles a été restreint. Bien qu’elles aient un caractère irréversible, les restrictions constitutionnelles sont proportionnées à l’objectif poursuivi et à la gravité des violations commises. L’État partie conclut que l’auteur n’a pas suffisamment étayé son grief tiré de l’alinéa b de l’article 25 qui devrait donc être déclaré irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

4.21En ce qui concerne le caractère raisonnable de la restriction constitutionnelle à la possibilité de se présenter aux élections présidentielles, l’État partie réaffirme que cette restriction vise à empêcher une personne qui a commis une grave violation de la Constitution et manqué à son serment constitutionnel d’exercer le mandat prévu dans la Constitution. La restriction constitutionnelle concerne les fonctions mêmes dont l’auteur a été démis. Étant donné que le but de la procédure de destitution est de protéger et de renforcer l’ordre constitutionnel démocratique et la sécurité nationale, cette restriction doit être considérée comme raisonnable. Des restrictions analogues de caractère définitif sont prévues dans la législation d’autres États démocratiques (notamment les voir États‑Unis d’Amérique, la République tchèque, la Slovaquie et la Pologne).

4.22L’État partie souligne de plus que la restriction constitutionnelle à la possibilité de se présenter aux élections présidentielles ne s’applique qu’à des catégories de personnes clairement définies dans la loi et qu’il ne fait aucun doute que l’auteur, en sa qualité d’ex‑Président de la République, appartient à ce groupe. Cette restriction constitutionnelle ne saurait donc être qualifiée de discriminatoire. L’État partie rappelle en outre que, depuis le rétablissement de l’indépendance de la Lituanie, sept procédures analogues ont été engagées à l’encontre d’autres présidents en fonctions. La restriction en cause est libellée en des termes précis; elle s’applique de la même manière à toute personne et a un caractère objectif.

4.23L’État partie met l’accent sur les responsabilités particulières incombant au Président de la République de Lituanie, censé donner l’exemple. Il fait observer que l’auteur ne reconnaît pas encore la gravité et l’importance des violations qui lui sont reprochées et constate que l’auteur attend de la Cour européenne des droits de l’homme et du Comité des droits de l’homme une justification des graves violations qu’il a consciemment commises. Il considère que la restriction imposée est à la mesure de la gravité des faits, et qu’elle n’est ni discriminatoire ni arbitraire.

4.24Pour ce qui est de la violation présumée de l’article 25 du Pacte qui serait liée au fait que l’auteur ne peut devenir juge ni contrôleur de l’État, premier ministre ou ministre, l’État partie estime que l’auteur n’a présenté aucun argument ou élément de preuve. Il réaffirme ses arguments relatifs à l’inapplicabilité ratione materiae de l’article 14 du Pacte et soutient que la présente communication est sans rapport avec le droit de ne pas être révoqué arbitrairement de la fonction publique. L’État partie fait observer aussi que les griefs de l’auteur relatifs à l’impossibilité de devenir juge ou contrôleur d’État sont purement hypothétiques puisqu’il ne remplit pas les conditions requises pour exercer ces fonctions. Il considère donc que l’auteur n’a aucun véritable grief à faire valoir au titre de l’article 25 du Pacte à cet égard et que sa plainte est irrecevable en vertu des articles 1er et 2 du Protocole facultatif. En ce qui concerne le grief de l’auteur relatif à l’impossibilité de devenir ministre ou premier ministre, l’État partie considère que l’auteur ne démontre pas avoir eu véritablement l’intention d’être candidat à ces postes et en avoir été empêché. En conséquence, il ne peut prétendre être une «victime» au sens de l’article premier du Protocole facultatif.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Le 30 novembre et le 22 décembre 2012, l’auteur a présenté ses commentaires sur les observations de l’État partie. Il précise qu’il n’a jamais évoqué la possibilité de nommer comme conseiller présidentiel officiel M. Borisov, mais que celui-ci ne devait être qu’un «conseiller bénévole (non rémunéré)», et que cette nomination n’a en fait jamais eu lieu.

5.2À propos de l’argument de l’État partie selon lequel l’auteur n’a pas eu l’intention, au cours des huit dernières années, de se présenter aux élections présidentielles ni de devenir ministre, l’auteur considère que de telles intentions auraient été vaines puisque les termes de la décision de la Cour constitutionnelle du 25 mars 2004 étaient très clairs. En outre, alors que le parti politique conduit par l’auteur est devenu une composante de la coalition gouvernementale après les élections législatives du 28 octobre 2012, l’auteur n’a pas pu devenir ministre car l’interdiction à vie le concernant était encore en vigueur.

5.3L’auteur soutient que la procédure de destitution appliquée dans son cas avait un caractère pénal puisque les sanctions infligées étaient à la fois dissuasives et punitives. Il en déduit que les articles 14 et 15 du Pacte sont applicables, et que l’État partie n’a opposé aucun argument substantiel à cet égard.

5.4En ce qui concerne la violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, l’auteur estime que l’État partie fait preuve de partialité lorsqu’il tente de justifier la déclaration de la Cour constitutionnelle du 5 janvier 2004 en affirmant que la Cour s’est «abstenue de toute polémique politique», alors qu’elle a effectivement pris part aux «polémiques politiques» par ses déclarations.

5.5L’auteur affirme aussi que l’État partie déforme la réalité lorsqu’il tente de se défendre à propos de la rencontre du Président de la Cour constitutionnelle avec le Vice‑Président du Seimas, et il considère que la pression du Seimas s’est exercée, non pas sur les tribunaux ordinaires, mais sur la Cour constitutionnelle.

5.6Selon l’auteur, l’interdiction à vie d’être éligible et d’exercer les fonctions de ministre n’était justifiée que par une présomption de culpabilité, en violation du paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte. Il considère en outre que la déclaration du Seimas en date du 25 mars 2004, soit avant la décision de la Cour constitutionnelle en date du 31 mars 2014, a été faite en violation du droit à la présomption d’innocence. Il affirme que par son vote d’adoption de la déclaration, le Seimas entendait le punir pour ses opinions politiques.

5.7À propos de l’affirmation de l’État partie selon laquelle il aurait pu saisir la Cour constitutionnelle d’une demande d’interprétation de la sanction lorsqu’il était en fonctions, l’auteur fait observer qu’il ne l’a pas fait parce que l’interdiction n’existait pas à cette époque. En introduisant la sanction en question, l’État partie a violé l’article 15 du Pacte. L’auteur considère en outre que l’article 15 a été violé par sa «condamnation» par la Cour constitutionnelle; en revanche, l’auteur a été acquitté par la Cour suprême du chef de divulgation de secrets d’État, il n’a pas été donné suite à l’accusation d’abus de fonctions en vue d’influencer les décisions de l’entreprise privée Žemaitijos keliai Ltd et l’enquête concernant l’octroi de la nationalité à M. Borisov moyennant de prétendues contreparties financières n’a jamais commencé. L’auteur considère que sa «condamnation» est la conséquence d’une erreur évidente d’appréciation et constitue un déni de justice, ce qui fait apparaître une violation par la constitutionnelle du principe nulla pœna sine lege,

5.8L’auteur fait valoir en outre que l’État partie a violé l’alinéa b de l’article 25 du Pacte par la décision de la Cour constitutionnelle en date du 5 septembre 2012 déclarant inconstitutionnelle la modification, en mars 2012, de la loi sur les élections au Seimas. L’auteur considère que cette décision constitue un refus d’exécuter l’arrêt de la Cour européenne demandant le rétablissement du droit de se présenter aux élections législatives à titre rétroactif.

5.9Pour ce qui est de son droit de devenir ministre, contrôleur d’État ou juge, l’auteur soutient que sa formation universitaire est suffisante pour lui permettre de devenir contrôleur d’État et qu’il peut acquérir les qualifications nécessaires pour devenir juge.

5.10Enfin, l’auteur considère que des «élections» ne sauraient manifestement déclarer une personne innocente, et que l’affirmation de l’État partie à cet égard vise à tromper le Comité. L’auteur considère néanmoins que tant des «élections» qu’un «référendum» peuvent conduire à une modification de la Constitution et que la Cour constitutionnelle a interdit la tenue d’un référendum pour éviter une telle modification.

Observations supplémentaires de l’État partie

6.1Dans une note datée du 15 mars 2013, l’État partie a présenté des observations supplémentaires, en maintenant sa position selon laquelle les griefs de l’auteur quant à des violations présumées des articles 14 (par. 1 et 2), 15 et 23 a), b) et c) sont dénués de fondement.

6.2L’État partie réaffirme que la procédure constitutionnelle de destitution a pour but de protéger la communauté étatique et qu’elle diffère par conséquent d’une procédure pénale.

6.3Selon l’État partie, il a suggéré à l’auteur de saisir la Cour constitutionnelle non pas aux fins d’une interprétation d’une sanction constitutionnelle, mais pour une révision du caractère irréversible de la sanction constitutionnelle en cause.

6.4L’État partie considère que les déclarations de l’auteur concernant l’influence prétendument exercée par le Seimas sur la Cour constitutionnelle reposent sur ses convictions personnelles, puisque dans sa décision du 31 mars 2004, la Cour constitutionnelle ne mentionne pas l’invitation faite par l’auteur à M. Borisov ni la déclaration du Seimas proposant à l’auteur de démissionner de ses fonctions.

6.5L’État partie rappelle que la commission spéciale d’enquête a vu dans les faits reprochés à l’auteur des motifs justifiant l’engagement de la procédure de destitution au Seimas. Il souligne que l’allégation concernant l’irrégularité de l’octroi par l’auteur de la nationalité lituanienne à M. Borisov ne constituait que l’un des motifs de destitution.

6.6Concernant l’affirmation de l’auteur selon laquelle le texte de la Constitution ne comportait aucune disposition expresse interdisant toute réélection après une destitution, l’État partie fait valoir que la doctrine constitutionnelle officielle fait partie de la Constitution. Les propos de l’auteur selon lesquels l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 6 janvier 2011 exigeait le rétablissement de son droit d’être candidat à un mandat parlementaire à titre rétroactif sont trompeurs et inexacts. La Cour constitutionnelle a clairement reconnu l’obligation de supprimer l’incompatibilité entre les dispositions de l’article 3 du Protocole no 1 à la Convention et la Constitution, et une éventuelle révision de la Constitution est envisagée. Enfin, l’État partie souligne que la Cour constitutionnelle n’a pas interdit la tenue d’un référendum dans le but d’empêcher une modification de la restriction en cause. L’exposé de la Cour dans sa décision du 25 mai 2004 concerne exclusivement le caractère définitif et incontestable de sa conclusion à l’égard d’une personne déterminée contre laquelle une procédure de destitution a été engagée. Il ne signifie pas que les dispositions constitutionnelles régissant la procédure de destitution et ses conséquences ne pourraient pas être modifiées par voie de référendum ou dans le cadre de la procédure législative ordinaire.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité doit s’assurer, conformément au paragraphe 2a) de l’article5 du Protocole facultatif, que la même question n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Le Comité constate que la Cour européenne des droits de l’homme, le 6janvier 2011 (requête no34932/04), a considéré que le caractère permanent et irréversible de l’inéligibilité de l’auteur à un mandat parlementaire constituait une violation de son droit de se présenter à des élections législatives. L’auteur conteste la décision ultérieure de la Cour constitutionnelle, en date du 5septembre 2012, qu’il apparente à un refus d’exécuter l’arrêt de la Cour européenne. LeComité fait observer qu’en vertu du paragraphe2 de l’article 46 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’exécution des arrêts définitifs de la Cour européenne des droits de l’homme est surveillée par le Comité des Ministres du Conseil des ministres, et considère que cette question est actuellement examinée devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Enconséquence, le Comité considère que la partie de la communication qui porte sur l’interdiction à vie faite à l’auteur d’exercer un mandat parlementaire est irrecevable en vertu du paragraphe2a) de l’article5 du Protocole facultatif, dans les circonstances actuelles.

7.3Le Comité constate cependant que les autres griefs que l’auteur a formulés devant la Cour européenne des droits de l’homme, en lien avec l’interdiction qui lui avait été faite d’exercer un mandat autre que parlementaire, ont été déclarés incompatibles ratione materiae avec la Convention européenne. Le Comité rappelle que la notion de «la même question» doit être comprise comme visant le même auteur, les mêmes faits et les mêmes droits substantiels. Le Comité note que les alinéas b et c de l’article 25 n’ont pas d’équivalent dans la Convention européenne et ses protocoles pour ce qui concerne l’accès à des fonctions publiques autres que parlementaires, et conclut par conséquent que la communication ne porte pas sur la même question au sens du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif. Le Comité rappelle également que lors de son adhésion au Protocole facultatif, la Lituanie n’a pas émis de réserve au paragraphe 2 a) de l’article 5. En conséquence, le Comité conclut qu’au regard du paragraphe 2 a) de l’article 5, rien ne l’empêche d’examiner les griefs en question.

7.4En ce qui concerne la prétendue interdiction à vie d’être candidat à un mandat local résultant des modifications de la loi sur l’autonomie locale adoptées le 15 septembre 2008, le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel les modifications visées n’affectent pas le droit de l’auteur de se présenter à des élections locales, dans la mesure où le serment prévu pour les nouveaux membres du conseil local diffère du serment constitutionnel que l’auteur est empêché de prononcer. Le Comité considère que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ses griefs relatifs aux élections locales et les déclare irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.5En ce qui concerne l’interdiction faite à l’auteur d’exercer les fonctions de juge ou de contrôleur d’État, le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel l’auteur n’est pas concerné par cette interdiction, dès lors qu’il n’a pas les qualifications nécessaires pour remplir les fonctions en question. Le Comité relève que l’auteur n’a pas de formation juridique et n’a pas démontré qu’il avait pris des mesures concrètes pour obtenir une telle formation dans l’avenir. Le Comité conclut que l’auteur n’a pas montré qu’il pouvait être considéré comme victime d’une violation du Pacte du fait de l’interdiction dont il était frappé. Cette partie de la communication est déclarée irrecevable conformément à l’article premier du Protocole facultatif.

7.6Le Comité note que selon l’auteur, la procédure de destitution à l’examen était liée à des infractions pénales présumées et qu’elle était donc de nature pénale. Il note également que l’auteur affirme qu’il y a eu violation des paragraphes 1 et 2 de l’article 14 du Pacte du fait d’une collusion entre le Président de la Cour constitutionnelle et le membre du Seimas à l’origine de la procédure engagée contre lui, ainsi que des pressions exercées sur la Cour constitutionnelle. Le Comité relève qu’en vertu de la Constitution de la Lituanie, le Président bénéficie d’un statut d’immunité pénale mais peut être destitué et tenu responsable au regard de la Constitution au moyen d’une procédure de destitution, notamment en cas de violation grave de la Constitution ou de manquement au serment constitutionnel et le Seimas est la seule autorité habilitée à décider si la personne visée par la procédure doit être démise de ses fonctions.

7.7Le Comité rappelle que le droit de chacun à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial est garanti dans les procédures visant à décider soit du bien-fondé d’une accusation en matière pénale dirigée contre l’intéressé soit d’une contestation relative à ses droits et obligations de caractère civil. Il rappelle en outre que les droits et obligations de caractère civil ne sont pas en jeu lorsque l’intéressé fait l’objet de mesures qui lui ont été appliquées en sa qualité de personne soumise à un degré de contrôle administratif ou parlementaire qui peut se traduire, par exemple, par une procédure de destitution. Une accusation en matière pénale se rapporte en principe à des actes qui sont réprimés par la loi pénale interne. Dans l’affaire à l’examen, la procédure de destitution a été engagée par le Seimas indépendamment des procédures pénales engagées contre l’auteur.

7.8De même, il ne s’agissait pas, à l’issue de la procédure engagée contre l’auteur, de l’inculper d’un «acte délictueux» et de le «condamner» à ce titre au sens de l’article 15 du Pacte. En conséquence, les griefs que l’auteur tire des articles 14 et 15 du Pacte sont incompatibles ratione materiae avec les dispositions du Pacte et sont irrecevables en vertu du Protocole facultatif.

7.9Pour ce qui est de la violation présumée de l’article 25 en ce qui concerne la procédure de destitution et les restrictions adoptées, le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel l’auteur aurait pu saisir la Cour constitutionnelle d’une demande d’interprétation de sa décision du 11 mai 1999 dans laquelle elle avait affirmé que la sanction constitutionnelle appliquée dans le cadre de la procédure de destitution était «de nature irréversible». Le Comité prend note également de la position de l’État partie qui considère que l’auteur aurait pu démissionner afin de se soustraire à la procédure de destitution et d’en éviter les conséquences. Il prend note enfin de l’argument de l’auteur qui soutient qu’une saisine de la Cour constitutionnelle pour qu’elle donne une interprétation de la décision du 11 mai 1999 aurait été inutile, vu que le sens de l’expression «de nature irréversible» ne fait aucun doute, et qu’en vertu de l’article 107 de la Constitution de la Lituanie, les décisions de la Cour constitutionnelle ont force de loi et sont définitives. À ce sujet, le Comité partage l’analyse de la Cour européenne des droits de l’homme selon laquelle une saisine préalable de la Cour constitutionnelle pour qu’elle précise si la destitution impliquait des restrictions à vie «n’aurait […] pas permis un examen de la situation spécifique de l’auteur [...]. Elle aurait de surcroît nécessité que l’auteur renonce de lui-même à son mandat présidentiel et consente de la sorte à une condition tellement contraignante que le recours en question n’aurait pu, en tout état de cause, être considéré comme “accessible”». Le Comité considère donc que l’auteur a épuisé tous les recours internes disponibles en ce qui concerne les violations présumées de l’article 25 et que les griefs à ce titre sont recevables. Il passe donc à leur examen sur le fond.

Examen au fond

8.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

8.2Concernant les griefs que l’auteur tire de l’article 25 du Pacte, la question dont est saisi le Comité est celle de savoir si la décision d’inéligibilité à vie prise à l’encontre de l’auteur l’empêche de se présenter aux élections présidentielles et d’être premier ministre ou ministre constitue une violation du Pacte.

8.3Le Comité rappelle que l’article 25 du Pacte reconnaît et protège le droit de tout citoyen de prendre part à la direction des affaires publiques, de voter et d’être élu, et le droit d’accéder aux fonctions publiques. Quel que soit le type de constitution ou de gouvernement en place, l’exercice de ce droit par les citoyens ne peut être suspendu ou supprimé que pour des motifs prévus par la loi, qui soient raisonnables et objectifs, et par la mise en œuvre de procédures équitables.

8.4Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la sanction constitutionnelle restreignant les droits de l’auteur est proportionnée à la gravité des violations de la Constitution qu’il a commises. Il prend note également de l’argument de l’auteur selon lequel l’interdiction à vie prononcée à son encontre n’a pas été consacrée par la loi, n’est ni objective ni raisonnable, et est disproportionnée. À cet égard, le Comité prend note des déclarations faites par de l’allusion faite par la Cour constitutionnelle le 5 janvier 2004, insinuant l’idée de la responsabilité de l’auteur avant la fin de la procédure en cause. Le relève également que le 6 avril 2004, lorsque le Seimas a décidé de démettre l’auteur de ses fonctions présidentielles, aucune disposition légale ne prévoyait expressément que cette destitution pouvait entraîner son inéligibilité. En conséquence, le 22 avril 2004, la Commission électorale centrale a autorisé l’auteur à être candidat à l’élection présidentielle de juin 2004. Le 4 mai 2004, cependant, le Seimas a apporté une modification à la loi sur les élections présidentielles interdisant à toute personne démise de ses fonctions à l’issue d’une procédure de destitution de briguer un mandat présidentiel pendant une période de cinq ans. À la suite de cette modification, la Commission électorale centrale a refusé d’enregistrer la candidature de l’auteur. Le 25 mai 2004, la Cour constitutionnelle a estimé que cette interdiction était conforme à la Constitution mais qu’il était inconstitutionnel de la limiter dans le temps, ajoutant qu’elle valait pour tout mandat dont l’exercice est subordonné à un serment constitutionnel. Le 15 juillet 2004, le Seimas a modifié la loi sur les élections en y ajoutant une disposition prévoyant que toute personne démise de fonctions officielles à l’issue d’une procédure de destitution était également inéligible à un mandat parlementaire, et ne pouvait exercer les fonctions de président, premier ministre, ministre, juge ou contrôleur d’État. Compte tenu de ce qui précède, le Comité considère que les restrictions à vie empêchant l’auteur de se présenter à des élections présidentielles et d’être premier ministre ou ministre ont été prononcées à son encontre à l’issue d’une procédure législative très proche dans le temps et en substance de la procédure de destitution dont il a fait l’objet. Dans les circonstances particulières de l’espèce, le Comité considère que les restrictions à vie prononcées contre l’auteur ne satisfaisaient pas aux critères de prévisibilité et d’objectivité requis, constituant par là une restriction déraisonnable au sens des alinéas b et c du Pacte, et qu’il y a donc violation des droits que l’auteur tient de ces dispositions.

9.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, est d’avis que l’État partie a violé les droits que l’auteur tient des alinéas b et c de l’article 25 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques.

10.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile consistant notamment en un réexamen de l’interdiction à vie de se présenter à des élections présidentielles et d’être candidat au poste de premier ministre ou ministre, compte tenu des obligations qui incombent à l’État partie en vertu du Pacte. De plus, l’État partie est tenu de prendre des mesures pour éviter que des violations analogues ne se reproduisent.

11.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures qu’il aura prises pour donner effet aux présentes ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans les langues officielles du pays.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

Appendice

Opinion individuelle (partiellement dissidente)de M. Gerald L. Neuman

Je suis entièrement d’accord avec les conclusions du Comité concernant la recevabilité. En particulier, pour que le Comité puisse s’acquitter de ses fonctions comme il convient, il importe que les requérants qui ont déjà obtenu satisfaction devant la Cour européenne des droits de l’homme ne soient pas autorisés à exposer la même question dans une communication présentée en vertu du Protocole facultatif dans le simple but de solliciter un deuxième avis.

En ce qui concerne le fond, il convient de souligner l’étroitesse de la marge de manœuvre du Comité, qui résulte de la manière inhabituelle dont l’inéligibilité permanente de l’auteur à certains mandats a été prononcée. La décision ne saurait être interprétée comme remettant en question l’interdiction définitive faite aux titulaires d’une charge publique ayant été destitués de se présenter à des élections conformément à des règles de base bien établies. Une grande diversité d’États, par exemple, disposent expressément dans leur constitution que l’inéligibilité est une conséquence possible, voire obligatoire de la destitution.

Bien que la marge de manœuvre soit étroite, je suis en désaccord avec la conclusion que le Comité formule au paragraphe 8.4 de ses constatations, à savoir que, dans les circonstances de l’espèce, les restrictions à vie empêchant l’auteur de se présenter à nouveau aux élections présidentielles, en particulier, constituent une violation de l’article 25 du Pacte.

La destitution est une procédure extraordinaire visant à protéger le processus politique démocratique contre un président qui abuse des pouvoirs liés à sa fonction et qui, sans cela, serait inamovible. Les destitutions sont rares et difficiles. Une destitution n’est pas simplement un vote de non-confiance dans la perspective de nouvelles élections visant à évaluer le soutien populaire dont bénéficie le président. Il est à la fois raisonnable et prévisible qu’un président destitué soit inéligible à jamais à un poste aussi important.

L’inéligibilité permanente après la destitution n’est pas non plus une conséquence disproportionnée lorsqu’il y a eu abus de pouvoir. Le Comité a fait observer que le fait de priver définitivement des personnes ayant été condamnées pour une infraction de la possibilité de participer à la vie politique en tant qu’électeurs peut constituer une violation de l’article 25. Des exigences plus strictes pour les candidats qui cherchent à exercer un grand pouvoir sur les autres peuvent demeurer raisonnables et proportionnées au sens de l’article 25. Si les présidents qui ont achevé avec succès un ou plusieurs mandats peuvent être considérés comme définitivement inéligibles à un mandat supplémentaire afin que puisse être garantie l’existence d’un système politique sain et pluraliste, il ne fait aucun doute que les présidents qui ont été destitués pour abus de pouvoir peuvent eux aussi être inéligibles à vie.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]