Nations Unies

CCPR/C/112/D/1773/2008

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

14 janvier 2015

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ homme

Communication no 1773/2008

Constatations adoptées par le Comité à sa 112e session(7‑31 octobre 2014)

Communication présentée par:

Olga Kozulina (représentée par un conseil)

Au nom de:

Le père de l’auteure, Alexander Kozulin

État partie:

Bélarus

Date de la communication:

11 octobre 2007 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 26 mars 2008 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations:

21 octobre 2014

Objet:

Mauvais traitements, arrestation arbitraire; conditions de détention; présomption d’innocence; garanties d’un procès équitable; droits de la défense; liberté de réunion

Question(s) de procédure:

Épuisement des recours internes

Question(s) de fond:

Liberté et sécurité de la personne; conditions de détention; procès équitable; droit de participer à une réunion pacifique

Article(s) du Pacte:

7, 9, 10, 14 (par. 1, 2 et 3 b) à e)) et 21

Article(s) du Protocole facultatif:

5 (par. 2 b))

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titredu paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatifse rapportant au Pacte international relatif aux droitscivils et politiques (112e session)

concernant la

Communication no1773/2008 *

Présentée par:

Olga Kozulina (représentée par un conseil)

Au nom de:

Alexander Kozulin, le père de l’auteure

État partie:

Bélarus

Date de la communication:

11 octobre 2007 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 21 octobre 2014,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1773/2008 présentée par Olga Kozulina en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteure de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5du Protocole facultatif

1.L’auteure de la communication est Olga Kozulina, de nationalité bélarussienne, née en 1980, qui affirme que son père, Alexander Kozulin, de nationalité bélarussienne, né en 1955, est victime d’une violation par le Bélarus des droits qui lui sont garantis aux articles 7, 9 (par. 1 et 3), 10 (par. 1), 14 (par. 1, 2 et 3 b) à e)) et 21 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 30 décembre 1992. L’auteur est représentée par un conseil, Igor Rynkevich.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1M. Kozulin a été recteur de l’Université d’État du Bélarus et vice-ministre de l’éducation. Il a accédé à la présidence du Parti social-démocrate du Bélarus (Gramada) en mars 2005 et s’est présenté à l’élection présidentielle de 2006. Tout au long de sa campagne, il a critiqué ouvertement le régime en place.

2.2Le Centre national de la presse a été informé que M. Kozulin avait l’intention de tenir une conférence de presse et d’annoncer le lancement de sa campagne lorsqu’il a été enregistré en tant que candidat à l’élection présidentielle, le 17 février 2006; il lui a donné son accord oral, mais il s’est ultérieurement rétracté. Un groupe d’individus non identifiés a fermé les portes et a empêché M. Kozulin, venu demander des explications et tenir sa conférence de presse, de pénétrer dans le bâtiment. Une personne a utilisé du gaz lacrymogène contre l’un des partisans de M. Kozulin; M. Kozulin a appréhendé l’agresseur et l’a remis à la police. Or, par la suite, la police a prétendu que cet agresseur − un policier −, ainsi que deux gardes avaient été blessés lors des incidents, et M. Kozulin a été accusé de hooliganisme.

2.3Le 2 mars 2006, M. Kozulin a été appréhendé dans la salle de la Maison des travailleurs des chemins de fer de Minsk alors qu’il s’apprêtait à participer à l’Assemblée du peuple du Bélarus en tant que représentant de son parti. Il a été frappé par plusieurs individus non identifiés; l’un d’eux l’a agrippé par le bras et un autre lui a sauté sur le dos. L’enregistrement vidéo des événements montre un colonel, D. P., en train de s’approcher de M. Kozulin, et des témoins ont déclaré que le colonel en question lui avait administré plusieurs coups de poing et de pied. M. Kozulin a ensuite été brutalement jeté, par quatre ou cinq personnes, dans un fourgon de police qui a tourné dans la ville pendant une heure. Il était coincé entre les sièges, les jambes contre la tête, et suffoquait dans son propre sang. Une fois arrivé au commissariat du district Oktiabr de Minsk, il a compris qu’il avait été appréhendé en fait par l’unité d’élite antiterroriste Almaz. Il est resté là pendant plus de sept heures, jusqu’à ce que la première session de l’Assemblée du peuple du Bélarus se termine, à 17 heures, sans pouvoir entrer en contact avec sa famille avant l’arrivée de son avocat. Battu et exaspéré, il a cogné du poing le portrait du Président qui était accroché au mur et le cadre s’est cassé.

2.4Un examen médico-légal effectué le 3 mars 2006 a montré que M. Kozulin présentait de multiples hématomes à la tête, ainsi que des contusions sur le visage et les mains; il a refusé que les autres parties de son corps soient examinées. Un avocat a porté plainte pour mauvais traitements auprès du Bureau du procureur, plainte qui a été rejetée le 25 avril 2006. Ultérieurement, à l’audience, des membres de l’unité Almaz ont déclaré que M. Kozulin s’était cogné la tête par terre.

2.5Le 25 mars 2006, après avoir participé à une réunion le Jour de la liberté, M. Kozulin se dirigeait avec d’autres personnes vers des locaux de la police en soutien à plusieurs détenus, dont deux de ses neveux, qui avaient été arrêtés lors de manifestations contre la fraude électorale. Ils marchaient pacifiquement sur le trottoir quand des soldats des forces de l’intérieur (relevant du Ministère de l’intérieur) ont employé la force physique, des matraques, des fumigènes et des grenades assourdissantes pour disperser la foule. Plus tard, près de chez lui, M. Kozulin a été violemment frappé par cinq à sept agents masqués et conduit au commissariat du district Zavodsky. Le même jour, le Ministre de l’intérieur a annoncé au cours d’une conférence de presse que M. Kozulin avait causé des troubles à l’ordre public; le Bureau du procureur a publié une déclaration similaire.

2.6Au commissariat du district Zavodsky, on a appelé une ambulance car M. Kozulin se plaignait de douleurs à l’abdomen et à la jambe gauche. Le médecin a constaté un hématome sur le genou gauche et émis le diagnostic suivant: «Hématome dans le bas du dos et sur le bassin». Vers 22 heures, des agents de l’unité Almaz ont conduit M. Kozulin au centre de détention provisoire de Zhodino. Pendant le trajet, il était menotté et a été obligé de rester à genoux; son chapeau déchiré lui recouvrait les yeux; sa tête était maintenue appuyée contre ses genoux ou contre un siège. On l’a frappé plusieurs fois à la tête pour l’empêcher de se relever. Les menottes étaient très serrées et ses mains étaient enflées. Pour l’intimider, des agents ont chargé un pistolet automatique. À l’arrivée, un auxiliaire médical a constaté la présence d’une ecchymose de 2 centimètres sur 2 sur le genou droit et des marques sur les deux mains (causées par les menottes trop serrées).

2.7L’auteure affirme en outre que, d’après un bulletin médical établi lors de son admission dans le centre de détention provisoire, M. Kozulin présentait des traces d’ecchymoses sur le genou droit, le majeur de la main gauche et la face interne du genou gauche; il s’est plaint de douleurs dans la région lombaire. Le 4 avril 2006, il a été examiné par des experts en médecine légale. Il s’est plaint d’avoir été frappé à coups de pied sur tout le corps par des individus masqués lors de son arrestation le 25 mars. Des ecchymoses ont été constatées sur le majeur de la main gauche et sur le genou droit.

2.8Ce n’est que le 26 mars 2006, après dix‑neuf heures de garde à vue au lieu des douze heures autorisées par la loi, qu’un enquêteur a informé la famille et l’avocat de M. Kozulin de l’endroit où il se trouvait et des motifs de son arrestation.

2.9L’auteure fait valoir que la manière dont la police a utilisé la force contre son père était cruelle et illégitime. Le 12 mai 2006, comme suite à la plainte déposée par M. Kozulin le 30 avril 2006 au sujet des événements du 25 mars, un procureur a mené une enquête et interrogé plusieurs des agents qui avaient pris part à son arrestation et à son transfert au poste de police et au centre de détention provisoire, mais a refusé d’ouvrir une procédure pénale. En juillet 2006, le tribunal du district de Moscou de Minsk a confirmé cette décision.

2.10Le 30 mars 2006, un procureur a officiellement accusé M. Kozulin, en rapport avec les événements du 17 février et des 2 et 25 mars 2006, et en vertu des articles 339 et 342 du Code pénal, de hooliganisme et d’organisation de manifestations troublant gravement l’ordre public avec un mépris flagrant pour les demandes légitimes de représentants de l’État ayant conduit à l’interruption du fonctionnement de transports et d’entreprises, ainsi que de participation active à de telles actions. Le 19 mai 2006, l’avocat de M. Kozulin a saisi le Bureau du procureur d’une demande de libération. Le 24 mai 2006, cette demande a été rejetée. Le 22 juin 2006, l’avocat a demandé au tribunal du district de Moscou de Minsk d’annuler la mesure de détention, d’autoriser l’auteure à représenter son père, de convoquer des témoins et d’examiner de nouveaux éléments de preuve. Le 28 juin 2006, le tribunal a rejeté cette demande.

2.11Pendant le procès, M. Kozulin était enfermé dans une cage et pouvait donc difficilement communiquer avec ses avocats. Il a été humilié à maintes reprises tout au long du procès par le juge et par le procureur. Le tribunal a restreint l’accès à la salle d’audience, d’une capacité de 50 places, en raison du grand nombre de personnes désireuses d’assister au procès, alors même qu’une dizaine de policiers en civil occupaient des sièges en tant que membres de la famille des parties lésées. Les avocats de M. Kozulin ont demandé que l’audience se tienne dans une salle plus grande mais cette demande a été rejetée. La requête de M. Kozulin demandant que le procès soit filmé a également été rejetée. Le tribunal a aussi rejeté comme inutiles plusieurs demandes tendant à ce que de nouveaux éléments de preuve soient obtenus, n’a pas répondu à au moins une cinquantaine de requêtes présentées par la défense et a refusé de convoquer des témoins, dont huit fonctionnaires, considérés comme importants pour la défense. Sur les 20 témoins que la défense souhaitait voir comparaître, quatre seulement ont été interrogés à l’audience. Les tribunaux se sont fondés sur les déclarations de témoins et de parties lésées obtenues durant l’enquête préliminaire. Juste avant de prononcer le jugement, le président a ordonné à toutes les personnes présentes de quitter la salle, à l’exception de deux avocats, un procureur, un greffier et quelques policiers. La procédure devant la cour de cassation a été entachée d’irrégularités du même ordre: les juges ont interrompu les déclarations de la défense; M. Kozulin n’a pas été autorisé à assister à l’audience alors que le tribunal ne lui avait pas permis de faire une dernière intervention; la cour a refusé d’admettre comme élément de preuve les enregistrements audio du procès. Tous ces faits, de l’avis de l’auteure, montrent que les tribunaux n’ont été ni objectifs ni impartiaux.

2.12Le 13 juillet 2006, le tribunal du district de Moscou de Minsk a déclaré M. Kozulin coupable en vertu des articles 339 et 342 du Code pénal et l’a condamné à cinq ans et six mois d’emprisonnement. L’appel interjeté par ses avocats a été rejeté par le tribunal de la ville de Minsk le 19 septembre 2006; le jugement a acquis force de chose jugée. Les requêtes introduites au titre de la procédure de contrôle auprès des présidents du tribunal de la ville de Minsk et de la Cour suprême ont été rejetées respectivement le 30 novembre 2006 et le 21 mai 2007. Les recours internes ont donc été épuisés.

2.13Le 21 septembre 2006, M. Kozulin a été transféré dans une colonie pénitentiaire pour purger sa peine. La rapidité de ce transfert l’a empêché de voir ses parents, âgés de 75 ans, à Minsk, alors que ceux-ci avaient obtenu du tribunal, le 19 septembre 2006, l’autorisation de le rencontrer. Le 20 octobre 2006, M. Kozulin a entamé une grève de la faim pour protester contre le régime en place au Bélarus et pour appeler l’attention sur la situation des droits de l’homme dans le pays. Pendant sa grève de la faim, son avocat n’a pas été autorisé à le voir, prétendument à cause de son état de santé, et les tribunaux ou les autorités pénitentiaires ont fait obstacle à la visite de diplomates étrangers. Aucun médecin indépendant, même du Comité international de la Croix‑Rouge, n’a été autorisé à le voir. Les demandes de sa famille tendant à ce qu’il soit examiné par un médecin indépendant ont été ignorées. Il a été examiné une seule fois en dehors du service médical de la prison, dans un hôpital pénitentiaire. À l’issue de sa grève de la faim, les seuls soins qui lui ont été dispensés ont consisté à lui donner davantage de nourriture et il n’a pas été autorisé à recevoir des colis supplémentaires de la part de sa famille.

2.14M. Kozulin a en outre été privé de «contacts sociaux [normaux] avec les autres détenus». Trois détenus avec lesquels il avait quelques contacts ont été transférés dans d’autres colonies pénitentiaires. Les autres détenus avaient peur de lui parler par crainte des conséquences. Il a également fait l’objet de mesures disciplinaires qui ont empêché sa libération anticipée. De plus, il a été humilié pendant sa grève de la faim et ses promenades en plein air ont été limitées; il a aussi été passé à tabac par un gardien en janvier 2007.

Teneur de la plainte

3.1L’auteure affirme qu’il y a eu violation de l’article 7 du fait que son père a été battu par des agents d’une unité d’élite antiterroriste le 2 mars 2006 et en raison des conditions de son transport au poste de police. Les plaintes déposées par son avocat dénonçant l’utilisation de la force à son égard ont été rejetées. À l’audience, les policiers ont fait des déclarations mensongères ou contradictoires. Le 25 mars 2006, après dispersion de la foule, son père a été battu par des agents d’une unité de police spéciale alors qu’il n’opposait aucune résistance. Ces deux épisodes montrent, selon l’auteure, que son père a été victime de torture et de traitement inhumain et dégradant. De ce fait, les droits de son père au titre de l’article 21 du Pacte ont également été violés parce qu’il n’a pas été autorisé à participer à une réunion pacifique tenue le 25 mars 2006, qui n’était pas organisée par lui et qui a été brutalement dispersée par des forces spéciales.

3.2L’arrestation de M. Kozulin, le 25 mars 2006, était illégale; sa famille n’a été informée de son sort qu’au bout de dix‑neuf heures, au lieu des douze heures prescrites par la loi; et son placement ultérieur en détention provisoire était injustifié et a été avalisé par un procureur, en violation des paragraphes 1 et 3 de l’article 9 du Pacte.

3.3L’auteure dénonce une violation de l’article 10 du Pacte du fait de la manière dont son père a été traité en prison, pendant sa grève de la faim et après (voir par. 2.13 et 2.14 ci‑dessus).

3.4L’auteure affirme qu’il y a eu violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte du fait des nombreuses irrégularités qui ont entaché le procès (voir par. 2.12 ci-dessus).

3.5Les droits de M. Kozulin au titre du paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte ont également été violés puisque des agents de l’État ont traité publiquement de criminel juste après son arrestation.

3.6L’auteure dénonce une violation du paragraphe 3 b) de l’article 14 du Pacte en ce que M. Kozulin a été maintenu dans une cage pendant son procès, ce qui l’a empêché de communiquer librement avec son avocat.

3.7L’auteure affirme qu’il y a eu violation du paragraphe 3 d) de l’article 14 du Pacte en ce que le tribunal ne l’a pas autorisée à représenter son père pendant le procès.

3.8L’auteure dénonce une violation du paragraphe 3 e) de l’article 14 du Pacte en ce que le tribunal a refusé la comparution de plusieurs témoins demandés par la défense et n’a donc pas pu examiner tous les éléments de preuve utiles.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1En date du 26 mai 2008, l’État partie a indiqué que, le 13 juillet 2006, le tribunal du district de Moscou de Minsk avait reconnu M. Kozulin coupable d’avoir commis intentionnellement des actes de hooliganisme, troublé gravement l’ordre public, fait preuve ouvertement d’irrespect envers la société, avec recours à la violence et destruction de biens, et opposé une résistance aux agents qui voulaient faire cesser ses actes, cela à deux reprises, et l’a condamné à cinq ans et six mois d’emprisonnement. Le 19 septembre 2006, le tribunal de la ville de Minsk a confirmé cette décision.

4.2Le tribunal a établi que, le 17 février 2006, M. Kozulin a voulu pénétrer, avec d’autres personnes, dans le Hall des congrès de Minsk (où est situé le Centre national de la presse). Il a usé de violence à l’égard de deux personnes et en a insulté une autre. Le 2 mars 2006, il a cassé le portrait encadré du chef de l’État, au Département de l’intérieur du district Oktiabr de Minsk. Le 25 mars 2006, il a organisé des manifestations troublant l’ordre public et y a activement participé, ignorant les appels des autorités à les faire cesser, ce qui a eu pour effet de perturber l’activité d’un centre commercial et de gêner la circulation.

4.3Les allégations de M. Kozulin dénonçant l’illégalité de sa condamnation et de sa privation de liberté ainsi que la motivation politique de la persécution dont il a fait l’objet n’ont pas été confirmées par la justice en première instance ni en appel. La légalité de sa condamnation a été confirmée, dans le cadre de la procédure de contrôle, par le tribunal de la ville de Minsk, la Cour suprême, le parquet de la ville de Minsk et le Bureau du Procureur général.

4.4Les tribunaux ont examiné l’affaire d’une façon objective et impartiale. M. Kozulin a été reconnu coupable d’infractions précises sur la base d’éléments crédibles, sans que soit considérée son implication dans des activités politiques ou sociales. Il ne peut pas être considéré comme un prisonnier politique car il a été condamné pour des actes constituant des infractions par un tribunal compétent établi par la loi. Ses droits procéduraux n’ont fait l’objet d’aucune violation. En tant que personne privée de liberté, il a le droit de recevoir une aide judiciaire et de soumettre à titre individuel des plaintes et des communications. La présente communication, qui a été soumise par sa fille et un avocat, ne peut donc pas être acceptée pour être examinée par le Comité.

4.5En date du 24 juin 2008, l’État partie a ajouté que les allégations de l’auteure concernant les événements du 17 février et des 2 et 25 mars 2006 ainsi que le procès de son père étaient inexactes et dénaturaient les faits. Le tribunal du district de Moscou de Minsk a reconnu M. Kozulin coupable en vertu des articles 339 et 341 du Code pénal. Le jugement du tribunal contient une description des actes incriminés et les éléments sur lesquels se fonde cette conclusion, et donne les raisons pour lesquelles d’autres éléments n’ont pas étéretenus.

4.6L’État partie qualifie de fausses les allégations de l’auteure relatives à la conférence de presse. Le 17 février 2006, M. Kozulin a insisté pour tenir une conférence de presse au Centre national de la presse malgré le refus qui lui avait été opposé. Personne ne l’a provoqué; avec les personnes qui l’accompagnaient, il a usé de la force à l’égard d’un garde. M. Kozulin a personnellement insulté et humilié le garde et l’a bousculé pour que les personnes qui l’accompagnaient puissent pénétrer dans le bâtiment. M. Kozulin a également insulté, humilié et frappé au visage une autre personne, lui infligeant des lésions corporelles, ainsi que l’ont confirmé plusieurs témoins, les conclusions d’un examen médical et un enregistrement vidéo des événements.

4.7Les allégations de M. Kozulin qui a prétendu qu’il avait cassé le portrait du Président, le 2 mars 2006, à cause du traitement dont il faisait l’objet, ont été rejetées par le tribunal. La déposition de deux témoins, le compte rendu de l’examen des lieux et un enregistrement vidéo visionné à l’audience montrent que M. Kozulin, dans un établissement public, en présence de plusieurs agents des forces de l’ordre et sans raison apparente, a tout à coup brisé le cadre en verre. Le tribunal a établi que M. Kozulin, avant cet incident, avait été détenu dans les locaux de la police non pas plus de septheures, comme il l’a prétendu, mais moins de vingt minutes, et qu’aucun acte illégal, quel qu’il soit, n’avait été commis à son égard.

4.8.Le tribunal a conclu à juste titre que les actes commis par M. Kozulin le 27 février et le 2 mars 2006 étaient prémédités et ont gravement troublé l’ordre public, ont témoigné d’un mépris flagrant envers la société, avec recours à la violence et destruction des biens d’autrui, et résistance à une personne cherchant à faire cesser des actes de hooliganisme, commis une seconde fois.

4.9Le tribunal a également établi que le 25 mars 2006, M. Kozulin, qui savait qu’aucune autorisation n’avait été délivrée pour une réunion ou un rassemblement, a appelé les citoyens à se diriger vers le bâtiment où se trouvaient des personnes détenues pour avoir participé à une autre manifestation non autorisée. Il a personnellement montré l’exemple, ignorant les avertissements de la police. Plusieurs personnes ont témoigné à l’audience, et un enregistrement vidéo des événements a montré que la foule marchait derrière lui sur le trottoir et dans la rue, faisant fi des avertissements de la police. La foule hurlait, sifflait, gênant le voisinage et les ouvriers d’une entreprise et empêchant les piétons de circuler. Avenue Dzerzhinsky, la foule, conduite par M. Kozulin, marchait sur la chaussée, bloquant la circulation au mépris des appels de la police l’invitant à dégager la voie. La foule a en outre opposé une résistance aux militaires qui cherchaient à libérer les voies de circulation automobile, blessant 12 d’entre eux. M. Kozulin a personnellement détruit la caméra d’un policier.

4.10Le tribunal a donc conclu à juste titre, au regard de l’article 342 du Code pénal, que M. Kozulin avait organisé et participé activement à des manifestationspubliques troublant gravement l’ordre public, en faisant ouvertement fi des appels légitimes des agents et en perturbant les transports publics et l’activité d’une entreprise. Pour déterminer sa sanction, le tribunal a pris en considération la nature des infractions et le niveau de danger public qu’elles présentaient, les motivations de l’accusé, les conséquences de ses actes (12 personnes blessées le 25 mars 2006), les données relatives à sa personnalité et l’appréciation positive de son employeur, ses travaux scientifiques, et le fait qu’il n’avait pas de casier judiciaire. Dans la mesure où les infractions commises concernent une grave atteinte à l’ordre public en un bref laps de temps, le tribunal a décidé à juste titre que la seule manière de corriger le coupable et de l’empêcher de commettre de nouvelles infractions était de l’isoler de la société.

4.11De l’avis de l’État partie, les allégations de torture et de traitement inhumain/dégradant sont sans fondement et sont réfutées par la teneur des minutes du procès. Les conditions du procès ont été les mêmes pour toutes les parties. Selon la législation relative à la procédure pénale, l’accusé n’a pas besoin de se présenter devant le tribunal dans une tenue particulière. La tenue de M. Kozulin pendant le procès était soignée et de saison. Sa demande tendant à ce qu’on lui procure d’autres vêtements a été rejetée, l’accusé n’étant pas autorisé à recevoir quoi que ce soit à l’audience, y compris de la nourriture; il pouvait recevoir des colis, notamment des vêtements, dans le cadre du centre de détention.

4.12L’administration judiciaire était chargée de procurer de la nourriture à M. Kozulin pendant le procès. À l’audience, M. Kozulin s’est vu proposer de l’eau fraîche en quantité illimitée, mais il a refusé de la boire. Il a de même refusé les aliments chauds qu’on lui a proposés.

4.13M. Kozulin s’est plaint de sa mauvaise santé à l’audience; or les médecins avaient considéré qu’il était en état de subir le procès. En outre, le centre de détention provisoire où il était détenu était doté d’un service médical qui pouvait lui apporter une assistance, mais il n’a jamais sollicité le moindre soin dans ce centre.

4.14Les allégations de l’auteur au titre de l’article 12 du Code de procédure pénale (respect de l’honneur et de la dignité), de l’article 25 de la Constitution (liberté et dignité de la personne) et de l’article 7 du Pacte sont donc sans fondement.

4.15Pendant qu’il purgeait sa peine dans la colonie pénitentiaire no 8, M. Kozulin n’a jamais déposé de plainte auprès du Département d’exécution des peines. Avant cela, du 29 juin au 21 septembre 2006, il était détenu au centre de détention provisoire no 1 de Minsk. Conformément à l’article 12 de la loi régissant la détention, les réponses apportées à ses plaintes ont été signalées à son attention et ont été portées, avec sa signature, à son dossier. Lors de son admission dans le centre de détention, il ne s’est pas plaint de sa santé, et il n’a pas été particulièrement fiché par le service médical. Le 20 juillet 2006, il s’est plaint auprès du service médical de douleurs à la colonne vertébrale et de troubles de la vue, et il a été conduit à l’hôpital pénitentiaire de la colonie no 1 de Minsk pour des examens. On lui a signifié oralement les résultats des examens et il a quitté l’hôpital dans un état de santé satisfaisant. Les spécialistes lui ont recommandé d’éviter de forcer sur sa colonne vertébrale, et de porter des lunettes. Une fois revenu au centre de détention, il n’a jamais sollicité l’assistance du service médical.

4.16M. Kozulin pouvait acheter des objets de première nécessité dans le magasin du centre de détention, notamment de l’eau en quantité illimitée. Des repas chauds lui étaient proposés trois fois par jour. Les 11 et 12 juin 2006, on lui a donné une ration d’aliments secs car il devait se rendre au tribunal.

4.17Le 12 avril 2006, le tribunal du district central de Minsk a confirmé la légalité de l’arrestation, le 25 mars 2006, de M. Kozulin, et établi que ses droits à la défense n’avaient pas été violés. Les griefs concernant son maintien en détention sont, selon l’État partie, également sans fondement. Conformément à l’article 277 du Code de procédure pénale, dès qu’une affaire est portée devant les tribunaux, les juges sont tenus de considérer s’il convient ou non de modifier ou d’annuler la mesure préventive éventuellement prise à l’égard de l’accusé. Lorsque l’affaire pénale concernant M. Kozulin a été portée devant le tribunal, le juge a examiné la demande de libération soumise par son avocat mais a décidé, le 28 juin 2006, de prolonger la détention.

4.18L’allégation selon laquelle le droit de M. Kozulin à la liberté de réunion aurait été violé est, selon l’État partie, fondée sur une description inexacte des incidents survenus le 25 mars 2006. Le tribunal a établi que les actes de M. Kozulin consistaient à avoir organisé des manifestations publiques, en faisant fi ouvertement des avertissements légitimes des autorités, troublant l’ordre public et le fonctionnement des transports ainsi que des entreprises, et à avoir participé activement à ces actions, ce qui constituait une infraction au regard de l’article 342, paragraphe 1, du Code pénal. De telles actions ne sauraient être considérées comme constituant une réunion pacifique, au sens de l’article 21 du Pacte.

4.19En ce qui concerne le refus du tribunal de laisser l’auteure représenter son père, le paragraphe 3 de l’article 44 du Code de procédure pénale dispose que les tribunaux ont le droit, mais non l’obligation, d’autoriser un membre de la famille à représenter l’accusé. M. Kozulin était représenté en justice par deux avocats; sa fille n’était pas avocate. En conséquence, son droit à la défense n’a pas été violé et le refus de laisser sa fille le représenter était légitime. L’État partie rejette également comme non fondées les allégations selon lesquelles le droit de M. Kozulin de préparer sa défense et de communiquer avec ses avocats a été restreint. À l’issue de l’enquête préliminaire, M. Kozulin a pris connaissance, avec ses avocats, de la teneur du dossier pénal et ils ont pu préparer, ensemble ou individuellement, la défense. Cette possibilité leur a également été donnée tout au long du procès, et ils en ont usé sans restriction.

4.20Que ce soit en détention préventive, durant son procès ou pendant les interruptions, M. Kozulin a été placé dans des lieux spécialement réservés aux accusés.

4.21Les allégations de l’auteure concernant le manquement au principe de l’égalité des armes et la violation du droit de M. Kozulin de demander la comparution de témoins, sont, de l’avis de l’État partie, également sans fondement. Le tribunal, comme il y est tenu par la loi, a examiné toutes les demandes des parties et y a apporté des réponses motivées. Tout au long du procès, les parties ont eu les mêmes droits en matière de rétention des preuves. Le tribunal a pris les dispositions nécessaires pour assurer la comparution des parties lésées et des témoins. Conformément au Code de procédure pénale, un procès peut commencer en l’absence d’une partie lésée. Lorsqu’une partie lésée est dans l’impossibilité d’être présente, le tribunal peut demander qu’il soit donné lecture à l’audience de ses dépositions préalables (art. 333 du Code de procédure pénale). Les témoins qui ont comparu à la demande des parties ont été interrogés. Les demandes de comparution de témoins concernant des circonstances étrangères à l’affaire ont été rejetées par le tribunal.

4.22L’État partie rejette les allégations de violation concernant la publicité des débats et le droit de l’accusé à ce que sa cause soit entendue par un tribunal compétent, indépendant et impartial, et il fait observer que le procès s’est tenu au tribunal du district de Moscou de Minsk, dans la salle d’audience la plus vaste, qui compte un grand nombre de places; le procès était public. Tous les diplomates, journalistes et membres de la famille de M. Kozulin pouvaient y assister. D’autres personnes étaient également autorisées à pénétrer dans la salle, sous réserve des places disponibles. Chacun pouvait prendre des notes et réaliser des enregistrements audio. Étant donné l’affluence et pour permettre le bon déroulement des travaux, le président a refusé que l’on prenne des photos et que l’on effectue des enregistrements vidéo. L’article 287, paragraphe 6, du Code de procédure pénale autorise les photos, les films et les enregistrements vidéo sous réserve de l’accord du juge et de l’acceptation des parties. Toutes les demandes ont été dûment examinées par le tribunal; leur grand nombre n’implique pas qu’elles étaient fondées. Les demandes rejetées portaient sur l’établissement de circonstances étrangères au procès, lequel, conformément au paragraphe 1 de l’article 301 du Code de procédure pénale, concerne exclusivement l’accusé et se limite aux chefs d’accusation portés contre lui. Toutes les demandes solidement motivées de M. Kozulin et des autres parties ont été satisfaites.

4.23Le tribunal a expliqué à toutes les parties à la procédure et aux personnes présentes dans la salle d’audience la nécessité de respecter le règlement et les a averties de leur responsabilité au titre de l’article 307 du Code de procédure pénale (mesures relatives à la perturbation de l’audience). Certaines personnes n’en ont pas moins enfreint ce règlement et fait fi des demandes légitimes du président. Elles ont donc reçu l’ordre de quitter la salle.

4.24M. Kozulin a été averti plus de 10 fois (oralement) et quatre fois avec consignation au compte rendu d’audience qu’il risquait d’être invité à quitter la salle s’il ne respectait pas les injonctions du tribunal ou le règlement, notamment s’il faisait des déclarations sans avoir la parole ou tenait des propos insultants à l’égard des juges ou du ministère public. Il a ignoré ces avertissements et a dû sortir à deux reprises. Il a été exclu de la salle à l’issue des délibérations et n’a pas pu faire d’intervention finale avant le prononcé du jugement. Au moment où allait être donnée lecture du jugement, en violation de l’article 365 du Code de procédure pénale, il a refusé de se lever et s’est mis à parler fort, gênant le tribunal. C’est pour cette raison qu’on a dû le faire sortir une seconde fois de la salle et que le jugement a été prononcé en son absence. Comme les personnes présentes parlaient également fort, elles ont aussi été évacuées de la salle par le tribunal. La lecture du jugement s’est donc faite en présence des avocats de M. Kozulin, du procureur et d’un diplomate étranger. L’article 307, paragraphes 1 et 2, du Code de procédure pénale autorise que l’on fasse sortir l’accusé de la salle d’audience et qu’un jugement soit prononcé en son absence. L’accusé doit toutefois se voir remettre un exemplaire du jugement, contre signature, immédiatement après la proclamation du verdict; ce qui a été fait en l’occurrence.

4.25Les allégations de violation de la loi lors de l’examen de l’affaire en cassation sont, selon l’État partie, elles aussi sans fondement. La loi en vigueur n’impose pas la présence de l’accusé lors de l’examen de son pourvoi en cassation. Aucun enregistrement audio officiel n’a été effectué lors des phases du procès, la question n’ayant pas été considérée par le tribunal, et aucun enregistrement n’a donc pu être fourni à la cour de cassation. Un compte rendu d’audience décrivant en détail le déroulement du procès a été rédigé, et les annotations au compte rendu, établies dans les délais prescrits, ont été examinées par le tribunal.

4.26L’allégation selon laquelle M. Kozulin aurait été traité de façon inhumaine à l’audience est sans fondement. Il a été transféré pour purger sa peine dans les délais voulus. La législation en vigueur ne prévoit pas que le tribunal autorise des diplomates étrangers à rendre visite à l’accusé.

4.27Un condamné doit être transféré dans un établissement pénitentiaire dans les dix jours suivant sa condamnation; ce délai a été respecté dans le cas d’espèce. Le fait que M. Kozulin n’ait pas pu voir ses proches auparavant ne constitue pas une violation de la loi.

4.28Dans la colonie pénitentiaire no 3 (région de Vitebsk), M. Kozulin a pu rencontrer son avocat à 24 reprises. Pendant sa grève de la faim, il n’a pas été autorisé à voir son avocat, l’administration pénitentiaire invoquant son état de santé.

4.29M. Kozulin a rencontré le responsable du bureau de l’OSCE au Bélarus le 31 octobre 2006, le 20 décembre 2006 et le 20 avril 2007. Il a rencontré un ambassadeur étranger le 20 avril 2007, et a vu un médecin étranger, à la demande de celui-ci, le 30 janvier 2008.

4.30L’État partie relève que la grève de la faim a duré du 20 octobre au 11 décembre 2006. Le 31 octobre, M. Kozulin a confirmé par écrit qu’il ne voulait pas être admis au service médical de la colonie pénitentiaire. Son état de santé était suivi quotidiennement par les médecins de ce service et des analyses biologiques étaient effectuées régulièrement. On lui a expliqué à plusieurs reprises les conséquences que sa grève de la faim risquaient d’avoir pour lui, mais il a refusé toute aide médicale ou hospitalisation, déclarant que c’est lui qui déciderait de poursuivre ou non sa grève. Le 27 novembre 2006, il a été examiné par une équipe de spécialistes composée du chef du Service médical pénitentiaire, du responsable du service médical de la colonie pénitentiaire no 3 et de deux médecins de la colonie pénitentiaire no 1. Le 29 décembre 2006, il a été transporté à l’hôpital régional de Vitebsk pour subir des examens et des analyses. Ces examens n’ont révélé aucune pathologie rénale, même si les effets de la faim étaient visibles.

4.31M. Kozulin a refusé par écrit, à quatre occasions, de passer un examen médical complet à l’hôpital pénitentiaire de la colonie no 1 de Minsk. Après sa grève de la faim, il a subi régulièrement des examens complets. Compte tenu de la stabilisation de son poids et de ses bilans sanguins, les médecins ont décidé, le 31 mars 2008, de cesser de lui donner un régime spécial. Son état de santé est jugé satisfaisant. Il a reçu sept colis depuis son incarcération.

4.32M. Kozulin n’a pas été placé à l’isolement mais détenu avec 77 autres prisonniers; la colonie est équipée d’un téléviseur, d’un lecteur de DVD et d’un poste de radio. La quasi‑totalité des détenus de la colonie sont libérés avant terme, bénéficiant d’une libération sous caution ou d’un allégement de peine.

4.33M.Kozulin a enfreint 12 fois le règlement pénitentiaire, fait quatre fois l’objet de sanctions disciplinaires et a eu à huit reprises un avertissement. Les sanctions qui lui ont été infligées étaient proportionnées à la gravité des transgressions commises. Le 24 janvier 2008, il a été accusé d’avoir enfreint délibérément le régime d’application des peines; il a refusé de signer un engagement de comportement respectueux de la loi et, dans ces circonstances, l’administration a refusé, le 30 janvier 2008, d’alléger sa peine.

4.34En ce qui concerne les actes illégaux qu’auraient commis des membres des forces de l’ordre et d’autres agents à l’égard de M. Kozulin à l’occasion de l’élection présidentielle et de sa préparation, l’État partie explique qu’en 2006, M. Kozulin et son représentant ont porté plainte à trois reprises. Le 2 mars 2006, l’un de ses représentants s’est plaint auprès du parquet du district de Moscou de Minsk que des individus avaient empêché M. Kozulin de s’enregistrer à la troisième Assemblée du peuple du Bélarus et avaient recouru à la force physique à son égard. Après vérification des faits, il s’avère que, le 2 mars 2006 à 9 heures du matin, M. Kozulin s’est rendu à la Maison des travailleurs des chemins de fer où il était procédé à l’enregistrement des participants à l’Assemblée et a demandé à être enregistré comme délégué. Son enregistrement a été refusé et on lui a expliqué que sa demande n’était pas fondée. En réaction, M. Kozulin, bousculant délibérément les personnes présentes, a voulu chercher querelle à la commission d’enregistrement. Pour l’en empêcher, les agents de l’unité d’élite antiterroriste du Ministère de l’intérieur, Almaz, responsable de la sécurité, ont décidé d’expulser du bâtiment M. Kozulin et les personnes qui l’accompagnaient. Constatant qu’ils refusaient d’obtempérer et face à un acte de désobéissance active, ils ont utilisé la force physique. M. Kozulin a été conduit au Département des affaires intérieures du district Oktiabr de Minsk, où, dans un acte de hooliganisme, il a délibérément cassé le portrait du Président du Bélarus. Une enquête préliminaire pour hooliganisme a été ouverte à l’encontre de M. Kozulin. Compte tenu de ces circonstances, le parquet du district de Moscou de Minsk a rejeté la plainte déposée le 2 mars 2006 par le représentant de M. Kozulin contre l’unité Almaz, faute de corps du délit.

4.35Le 11 mai 2006, l’avocat a saisi le parquet du district Lénine de Minsk, affirmant que la police et les gardes du Hall des congrès de Minsk avaient employé illégalement la force physique et des moyens spéciaux (aérosols de défense) contre M. Kozulin et les personnes l’accompagnant, qui cherchaient à tenir une conférence de presse. Après vérification, il a été établi que le 16 février 2006, le Centre national de la presse avait reçu une requête du comité de soutien à la candidature de M. Kozulin à l’élection présidentielle, demandant à tenir une conférence de presse le 17 février au Hall des congrès de Minsk. Cette demande avait été examinée et rejetée, ce dont les intéressés avaient été dûment avisés. Or, le 17 février 2006 à 16 h 30, M. Kozulin, accompagné d’un groupe de personnes, est entré par la force le Hall des congrès. Ignorant les avertissements des gardes et d’un policier, ils ont refusé d’en sortir. M. Kozulin a personnellement menacé des agents chargés de la protection de l’ordre public et les a humiliés en usant de violence. La police municipale de Minsk a été appelée; elle est intervenue et a recouru légalement à la force contre M. Kozulin et le groupe, en utilisant un aérosol de défense contre une personne. Le 25 avril 2006, le parquet du district Lénine de Minsk a refusé d’ouvrir une procédure pénale contre les gardes et les policiers concernés, faute de corps du délit.

4.36Le 13 avril 2006, M. Kozulin a saisi le parquet du district Zavodsky pour usage de la force à son encontre par la police et l’unité Almaz. Après vérification des faits, il s’avère que le 25 mars 2006, il a organisé une réunion non autorisée et incité les personnes présentes à se diriger vers une administration publique afin de manifester. Ignorant les avertissements des agents, M. Kozulin a conduit le groupe vers l’administration en question. Les participants à cette marche non autorisée ont troublé l’ordre public, perturbé les transports publics, gêné la circulation des piétons et l’activité d’entreprises et désobéi aux agents des forces de l’ordre qui cherchaient à mettre fin à leurs agissements. M. Kozulin, délibérément, a détruit une caméra vidéo dont un policier se servait pour filmer. Vers 16 h 30, M. Kozulin a été appréhendé par des membres de l’unité Almaz et des policiers; il a refusé de se plier à leurs instructions et tenté de frapper des agents, et, par conséquent, de façon légitime, la force physique a été utilisée contre lui. Après son arrestation, il a été conduit au département du Ministère de l’intérieur du district Zavodsky de Minsk pour enquête complémentaire dans le cadre d’une action pénale ouverte le même jour au titre de l’article 342 du Code pénal (organisation d’activités portant gravement atteinte à l’ordre public).

4.37Après vérification des faits, le parquet du district Zavodsky a débouté M. Kozulin de sa plainte le 13 avril 2006. Aucune autre plainte n’a été déposée auprès du parquet, par M. Kozulin ou par ses représentants, concernant les agissements de la police.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie

5.1En date du 8 août 2008, l’auteure fait observer que, le 26 mai 2008, l’État partie n’a fait qu’affirmer que la légalité de la condamnation de M. Kozulin a été examinée dans le cadre d’un pourvoi en cassation et d’une procédure de contrôle.

5.2En ce qui concerne les observations de l’État partie en date du 24 juin 2008, l’auteure explique qu’elles se réfèrent principalement à la teneur du jugement et aux dispositions de la législation interne, sans apporter de documents ni d’arguments nouveaux, et qu’elles dénaturent les faits. Elle réaffirme ses griefs. Selon elle, l’État partie invoque des faits qui n’ont pas été établis par les tribunaux, tels que l’intrusion illégale de son père dans le centre de presse, sa destruction du portrait présidentiel, ou encore ses appels à manifester et la gêne occasionnée de ce fait à la circulation.

5.3L’auteure affirme que l’État partie n’a pas justifié la légalité de l’arrestation et du placement en détention de M. Kozulin, et n’a pas pu réfuter ses allégations selon lesquelles des dispositions restrictives de la législation nationale opéraient des discriminations à l’égard de certains citoyens et les empêchaient d’exercer leur droit de réunion pacifique. Les autorités locales, soutenues par les forces gouvernementales, ne cessent de violer l’article 21 du Pacte.

5.4L’auteure conteste l’affirmation de l’État partie selon laquelle il n’y avait pas de salle d’audience plus grande et soutient que de tels arguments sont souvent utilisés dans les affaires très médiatisées. De plus, le tribunal a justifié son refus d’autoriser les photos et les enregistrements vidéo par le fait que la salle d’audience était comble. Selon l’auteure, un tel argument est contraire aux principes de transparence et de responsabilisation du système judiciaire.

5.5Lors du procès, on a fait sortir le père de l’auteure de la salle d’audience à plusieurs reprises après qu’il eut contesté des déclarations faites par des agents publics. Malgré son statut social et professionnel, il a été contraint de quitter la salle pendant les dernières minutes de son procès.

5.6L’auteure ajoute que son père n’a jamais reçu de soins médicaux qualifiés en prison. L’État partie n’a pas expliqué pourquoi l’administration pénitentiaire avait rejeté toutes ses demandes tendant à ce qu’il soit examiné par des médecins indépendants, par exemple des représentants du Comité international de la Croix-Rouge.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1En date du 14 octobre 2008, l’État partie explique que l’irrégularité de la procédure concernant la présente communication (à savoir le fait que celle‑ci a été soumise par l’auteure et non par M. Kozulin) persiste, et que l’auteure a soumis de nouveaux commentaires sur les observations de l’État partie. Il ajoute que compte tenu de ce manque de sérieux et de respect de la part des auteurs, il n’est pas en mesure de reconnaître la validité et la légitimité tant de la communication que des informations complémentaires soumises.

6.2L’État partie explique que, le 16 août 2008, pour des raisons humanitaires, M. Kozulin a été remis en liberté en vertu d’un décret présidentiel, et soutient que l’auteure a omis d’indiquer ce fait à dessein, dans l’intention de priver le Comité de l’intégralité des informations et de l’empêcher de procéder à un examen objectif de l’affaire. L’auteure continue ainsi de faire pression sur le Comité en soumettant au sujet de l’emprisonnement de M. Kozulin des appréciations subjectives et répondant à des motifs politiques, qui sont étrangères au fond de l’affaire. L’État partie interprète les actions de l’auteure comme constituant un abus du droit de présenter une communication et invite le Comité à déclarer la présente communication irrecevable.

Informations complémentaires communiquées par la victime présumée

7.1Le 24 mars 2009, M. Kozulin a soumis des commentaires sur les observations de l’État partie datées du 14 octobre 2008.

7.2M. Kozulin relève que le fait qu’il a été arrêté le 2 mars 2006 par des agents en civil, sans explication, n’a pas été contesté. Le fait qu’il a été maintenu en garde à vue pendant plus de vingt heures le 25 mars 2006 sans pouvoir entrer en contact avec son avocat ni sa famille n’a pas non plus été réfuté; la légalité de la décision de le maintenir en détention le 25 mars 2006 a été confirmée le 12 avril 2006, c’est-à-dire que le tribunal a avalisé sa détention dix‑huit jours après son arrestation effective.

7.3M. Kozulin fait observer que l’État partie n’a pas prouvé que le rassemblement du 25 mars 2006 n’avait pas été pacifique ou avait porté atteinte à l’ordre public, ni expliqué pourquoi la déclaration faite ce même jour par le Ministre de l’Intérieur, le désignant comme coupable, avait été diffusée sur une chaîne de télévision publique.

7.4M. Kozulin estime que l’État partie n’a pas présenté d’arguments suffisants concernant le fait qu’à l’audience, pendant cinqjours d’été où il faisait très chaud, il avait été privé d’eau fraîche. En outre, le tribunal a rejeté ses requêtes tendant à faire comparaître d’autres témoins.

7.5Enfin, M. Kozulin fait observer que l’État partie n’a pas fait preuve d’une volonté sans faille de lui prodiguer les soins médicaux nécessaires. Durant sa détention, il a souffert d’hyperhémie, de douleurs et d’autres symptômes d’inflammation car il était souvent menotté. De plus, pendant sa grève de la faim, alors que son état de santé s’était détérioré, il n’a pas pu communiquer avec son avocat.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

8.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.3Le Comité prend note tout d’abord de l’objection de l’État partie concernant l’admission de la présente communication pour examen dans la mesure où celle-ci n’a pas été soumise par la victime présumée. Il prend note de l’explication de l’auteure qui a indiqué en soumettant la communication que l’administration pénitentiaire empêchait M. Kozulin d’établir une procuration. Il prend note également du fait que, ultérieurement, M. Kozulin a soumis des commentaires dûment signés sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond de la communication, confirmant ainsi sa volonté de poursuivre l’affaire. Dans ces circonstances, le Comité conclut que les raisons mentionnées ne l’empêchent pas d’examiner la présente communication.

8.4S’agissant du grief formulé au titre de l’article 10 du Pacte, à savoir que la rapidité de son transfert dans la colonie pénitentiaire avait empêché M. Kozulin de voir ses parents, le Comité prend note de l’observation de l’État partie selon laquelle le transfert en question a été effectué dans le délai légal. Le Comité considère que cette partie de la communication n’est pas suffisamment étayée aux fins de la recevabilité et la déclare irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.5En ce qui concerne le grief de l’auteure qui affirme que, en violation du paragraphe 3 b) de l’article 14, elle n’a pas été autorisée à représenter son père en justice, le Comité prend note de l’explication de l’État partie qui a indiqué que son père était représenté par deux avocats professionnels et que ce sont les tribunaux qui décident d’autoriser un membre de la famille de l’accusé de représenter celui-ci. Dans ces circonstances, le Comité considère que cette partie de la communication est irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif car insuffisamment étayée.

8.6Le Comité prend note du grief de l’auteure au titre du paragraphe 3 e) de l’article 14 du Pacte, selon lequel le tribunal a omis de convoquer plusieurs témoins sans donner de précisions à cet égard. Il prend note également de l’explication de l’État partie selon laquelle toutes les demandes des parties ont été examinées par le tribunal et ont donné lieu à des réponses motivées. Dans ces circonstances, le Comité considère que cette partie de la communication n’est pas suffisamment étayée aux fins de la recevabilité et la déclare irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.7Le Comité considère que les autres griefs de l’auteure, au titre des articles 7, 9 (par. 1 et 3), 10, 14 (par. 1, 2 et 3 b)) et 21 du Pacte, ont été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité, les déclare recevables et procède à leur examen quant au fond.

Examen au fond

9.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

9.2L’auteure a affirmé que son père avait été battu et maltraité par des policiers et des agents des forces spéciales les 2 et 26 mars 2006, alors qu’il cherchait à participer, respectivement, à la réunion de l’Assemblée du peuple du Bélarus et à un rassemblement de soutien à des manifestants arrêtés. Elle explique que, le 3 mars 2006, son père a été examiné par un médecin qui a constaté sur son corps plusieurs hématomes. Elle affirme en outre que toutes les plaintes déposées au nom de son père à cet égard ont été rejetées, et que, interrogés à l’audience, les agents ont soutenu qu’il s’était blessé lui-même. Le Comité relève que l’État partie a rejeté les allégations de l’auteure comme étant sans fondement, répondant que la police et les forces spéciales avaient employé la force physique contre M. Kozulin en toute légalité puisqu’il avait refusé de se plier à leurs ordres. L’État partie a également indiqué que ces allégations avaient été examinées par les autorités compétentes, et n’avaient pas été confirmées.

9.3Le Comité rappelle que l’État partie est responsable de la sécurité de toute personne qu’il prive de liberté et que, lorsqu’une personne affirme avoir été blessée en détention, il incombe à l’État partie d’apporter des éléments de preuve pour réfuter ces allégations. En outre, quand une plainte pour mauvais traitements, contraires à l’article 7 du Pacte, a été déposée, tout État partie doit procéder à une enquête rapide et impartiale. Le Comité considère qu’au vu des observations communiquées par l’État partie, des décisions rendues par les tribunaux internes et du caractère limité des informations et documents présentés par l’auteure, notamment le peu de renseignements concernant les investigations menées par l’État partie, le Comité n’est pas en mesure de conclure que les autorités de l’État partie ont infligé à M. Kozulin un traitement contraire à l’article 7 du Pacte, que ce soit le 2 ou le 25 mars 2006.

9.4Pour des raisons similaires, le Comité n’est pas en mesure de conclure que les circonstances de l’arrestation de M. Kozulin constituent une violation du droit de réunion pacifique qu’il tient de l’article 21 du Pacte.

9.5Le Comité prend note des allégations de l’auteure concernant les conditions de détention de M. Kozulin après sa condamnation. Le Comité note également que l’État partie, tout en rejetant certaines de ces allégations, admet que les autorités pénitentiaires n’ont pas permis à M. Kozulin de prendre contact avec son avocat et de subir un examen médical indépendant, comme il l’avait demandé pendant sa grève de la faim qui a duré cinquante‑trois jours, à un moment où il en avait particulièrement besoin. L’État partie soutient qu’un tel refus se justifiait pour raisons de santé, mais ne fournit aucune explication ni élément à l’appui de cet argument. Dans les circonstances particulières de l’espèce, le Comité considère que les autorités pénitentiaires n’ont pas assuré à M. Kozulin un traitement humain et conclut que l’État partie a violé l’article 10 du Pacte.

9.6L’auteure affirme en outre que l’arrestation de M. Kozulin, le 25 mars 2006, était illégale, que sa famille n’a été informée de son sort qu’au bout de dix‑neuf heures alors que le délai légal à cet égard est de douze heures, et que son placement ultérieur en détention provisoire n’était pas justifié et qu’il a été avalisé par un procureur et n’a été confirmé par un juge qu’au bout de dix‑huit jours, en violation des paragraphes 1 et 3 de l’article 9 du Pacte. Le Comité note que l’État partie a expliqué que le tribunal du district central de Minsk avait confirmé, le 12 avril 2006, la légalité de l’arrestation de M. Kozulin intervenue le 25 mars 2006, et a soutenu que ces griefs n’étaient pas fondés.

9.7Le Comité rappelle que la détention avant jugement doit reposer sur une évaluation au cas par cas déterminant qu’elle est raisonnable et nécessaire dans toutes les circonstances, par exemple pour éviter que l’intéressé ne prenne la fuite, ne modifie des preuves ou ne commette une nouvelle infraction, et que les tribunaux doivent étudier la possibilité d’appliquer des mesures de substitution à la détention avant jugement qui rendraient la privation de liberté inutile dans le cas précis. Le Comité constate que l’État partie n’a pas expliqué pourquoi, à la lumière des faits présentés en l’espèce, il était nécessaire de maintenir M. Kozulin en détention avant et pendant son procès. Le Comité note en outre que le placement en détention avant jugement a été imposé le 25 mars 2006 sur décision d’un procureur et n’a été approuvé par un tribunal que le 12 avril 2006. Le Comité rappelle sa jurisprudence constante, qui établit que le paragraphe 3 de l’article 9 du Pacte confère à toute personne inculpée du chef d’une infraction pénale le droit de bénéficier rapidement du contrôle juridictionnel du placement en détention. Un élément inhérent au bon exercice du pouvoir judiciaire est qu’il doit être assuré par une autorité indépendante, objective et impartiale à l’égard des questions à traiter. Le Comité n’est pas convaincu qu’un procureur puisse être considéré comme ayant l’objectivité et l’impartialité institutionnelles nécessaires pour être qualifié d’«autorité habilitée à exercer des fonctions judiciaires» au sens du paragraphe 3 de l’article 9. Il conclut par conséquent que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des paragraphes 1 et 3 de l’article 9 du Pacte.

9.8L’auteure affirme que son père était enfermé dans une cage pendant son procès et qu’il lui était donc difficile de communiquer avec ses avocats à l’audience, et que son droit à la présomption d’innocence a été bafoué parce que le Ministre de l’intérieur l’a désigné comme coupable sur une chaîne de télévision publique juste après son arrestation et que le Bureau du Procureur général a fait une déclaration similaire le même jour. L’État partie n’a pas répondu en détail à ces questions, se contentant de soutenir qu’aucune violation des droits à la défense de M. Kozulin n’avait eu lieu tout au long de la procédure. Le Comité rappelle que, du fait de la présomption d’innocence, qui est indispensable à la protection des droits de l’homme, la charge de la preuve incombe à l’accusation, nul ne peut être présumé coupable tant que l’accusation n’a pas été établie au‑delà de tout doute raisonnable, l’accusé a le bénéfice du doute et les personnes accusées d’avoir commis une infraction pénale ont le droit d’être traitées selon ce principe. Toutes les autorités publiques ont le devoir de s’abstenir de préjuger de l’issue d’un procès, par exemple de s’abstenir de faire des déclarations publiques affirmant la culpabilité de l’accusé. Les défendeurs ne devraient pas normalement être entravés ou enfermés dans des cages pendant les audiences, ni présentés au tribunal d’une manière laissant penser qu’ils peuvent être des criminels dangereux. Les médias devraient éviter de rendre compte des procès d’une façon qui porte atteinte à la présomption d’innocence. Dans ces circonstances, et en l’absence d’autres renseignements utiles dans le dossier, le Comité accorde le crédit voulu aux allégations de l’auteure. Par conséquent, il conclut que les faits dont il est saisi font apparaître une violation du droit à un procès équitable garanti à M. Kozulin au titre des paragraphes 1 et 2 de l’article 14 du Pacte. Étant parvenu à cette conclusion, le Comité décide de ne pas examiner séparément les autres motifs invoqués par l’auteur au titre des paragraphes 1 et 3 b) de l’article 14 du Pacte.

10.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constate que l’État partie a violé les droits que M. Kozulin tient des paragraphes 1 et 3 de l’article 9, de l’article 10, et des paragraphes 1 et 2 de l’article 14 du Pacte.

11.En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’offrir à M. Kozulin un recours utile, notamment sous la forme d’une indemnisation appropriée pour les violations constatées, ainsi que le remboursement de tous les frais de justice encourus. L’État partie est tenu en outre de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas.

12.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations et à les diffuser largement sur son territoire en biélorusse et en russe.

Appendice

[Original: anglais]

Opinion individuelle de Cornelis Flinterman

1.Je souscris entièrement au raisonnement et aux constatations du Comité dans la présente affaire, sauf sur un point important, à savoir lorsque le Comité considère qu’il n’est pas en mesure de conclure que les autorités de l’État partie ont infligé à M. Kozulin un traitement contraire à l’article 7 du Pacte. Cette conclusion est fondée sur les observations de l’État partie, les décisions des tribunaux internes et le caractère limité des informations et documents présentés par l’auteure, notamment le peu de renseignements concernant les investigations menées par l’État partie (voir par. 9.3).

2.Je me permets de ne pas être d’accord avec cette conclusion. Le fait que la police et les forces spéciales de l’État partie ont recouru à la force physique contre M. Kozulin ne donne lieu à aucune contestation entre les parties. L’auteure a décrit avec précision la nature de cette «force physique». Le Comité semble considérer que l’auteure aurait dû lui fournir suffisamment de renseignements au sujet des investigations menées par l’État partie sur cette question. Cela est déraisonnable. Le Comité a maintes fois affirmé que c’était à l’État partie qu’il incombait d’apporter des éléments de preuve pour réfuter les allégations de mauvais traitements infligés à une personne placée en détention. De plus, lorsqu’une plainte pour mauvais traitements, contraires à l’article 7, a été déposée, l’État partie doit faire procéder à une enquête rapide et impartiale.

3.Au paragraphe 9.2, le Comité relève lui-même que l’État partie rejette simplement les allégations de l’auteure comme étant sans fondement et se borne à faire valoir que les autorités ont employé la force physique contre M. Kozulin parce qu’il avait refusé de se plier à leurs ordres. Dans le même paragraphe, le Comité se réfère à l’affirmation de l’État partie selon laquelle les allégations de M. Kozulin ont été vérifiées par les autorités compétentes et n’ont pas été confirmées.

4.Je ne peux considérer que les renseignements et documents présentés permettent de conclure que les autorités de l’État partie ont dûment pris en considération les plaintes pour mauvais traitements que la victime présumée a formulées pendant l’enquête préliminaire et à l’audience. Dans ces circonstances, et en l’absence de toute autre information utile, je conclus que les faits dont le Comité est saisi font apparaître une violation des droits que M. Kozulin tient de l’article 7 du Pacte. Le Comité devrait veiller scrupuleusement à l’exécution des obligations qui incombent aux États parties en vertu de l’article 7 du Pacte.