Nations Unies

CCPR/C/119/D/2259/2013

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

16 mai 2017

Original : français

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2259/2013 * , * *

Communication présentée par:

Malika El Boathi (représentée par Nassera Dutour du Collectif des familles de disparu(e)s en Algérie)

Au nom de:

L’auteure et Brahim El Boathi (fils de l’auteure)

État partie:

Algérie

Date de la communication:

5 avril 2013 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise en application des articles 92 et 97 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 14 juin 2013 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations:

17 mars 2017

Objet:

Disparition forcée

Question(s) de procédure:

Épuisement des recours internes

Question(s) de fond:

Droit à un recours utile ; interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants ; droit à la liberté et à la sécurité de la personne ; respect de la dignité inhérente à la personne humaine ; reconnaissance de la personnalité juridique

Article(s) du Pacte :

2 (par. 2 et 3), 6, 7, 9, 10 et 16

1.1L’auteure de la communication est Malika El Boathi, de nationalité algérienne. Elle fait valoir que son fils, Brahim El Boathi, né le 3 avril 1965, de nationalité algérienne également, est victime d’une disparition forcée imputable à l’État partie, en violation des articles 2 (par. 2 et 3), 6, 7, 9, 10 et 16 du Pacte. L’auteure soutient, quant à elle, être victime de violations des articles 2 (par. 2) et 7 lu conjointement avec l’article 2 (par. 3) du Pacte. Elle est représentée par Nassera Dutour du Collectif des familles de disparu(e)s en Algérie.

Rappel des faits tels que présentés par l’auteure

2.1Brahim El Boathi, né le 3 avril 1965, était marié et père de deux enfants. Il était engagé comme militaire à la caserne de Bouzareah. Le 17 janvier 1994, il a pris le bus de la place des Martyrs pour se rendre à son travail. Il a été arrêté à un barrage de police au niveau de la cité de Climat de France, dans la commune d’Oued Koriche située dans la daïra de Bab el Oued, dans la wilaya d’Alger. Sa famille ne l’a plus jamais revu.

2.2Le 19 janvier 1994, Malika El Boathi (ci-après l’auteure) a entamé des procédures de recherche de son fils, infructueuses, dans les commissariats aux alentours du lieu de sa disparition. L’auteure s’est rendue au tribunal de Baïnem, à Alger, où elle a été reçue par le Procureur et l’a informé de la disparition de son fils. Ce dernier a appelé différents commissariats de la wilaya d’Alger. Au commissariat d’Oued Koriche, le Procureur a parlé avec un officier, A. Z., qui lui a confirmé qu’il avait lui-même arrêté Brahim El Boathi. Sur les conseils du Procureur et dotée d’une lettre signée de ce dernier, l’auteure s’est rendue au commissariat d’Oued Koriche où elle a rencontré A. Z. qui, à la découverte de son identité, a manifesté des signes de violence à son égard. Calmé par la lettre du Procureur, A. Z. a reconnu avoir arrêté Brahim El Boathi et a affirmé l’avoir tué. A. Z. a refusé de fournir le certificat de décès réclamé par l’auteure, affirmant que c’était impossible.

2.3Sur les conseils du Procureur du tribunal de Baïnem, l’auteure est retournée au commissariat d’Oued Koriche pour voir A. Z. et demander à voir les photos de son fils mort. A. Z. a affirmé à l’auteure que les photos se trouvaient au commissariat central et lui a demandé de revenir le lendemain. Le lendemain, de retour au commissariat d’Oued Koriche, A. Z. lui a montré 26 photos de personnes décédées, portant toutes des traces de torture, et a ordonné à l’auteure d’identifier son fils. L’auteure n’a pas reconnu son fils sur lesdites photos. Quinze jours plus tard, A. Z. a convoqué l’auteure aux fins de lui donner le numéro de la tombe de son fils au cimetière d’El Alia où elle a alors construit une tombe au nom de son fils. Quelques jours plus tard, A. Z. a rappelé l’auteure pour l’informer que la personne enterrée dans la tombe indiquée n’était en fait pas son fils.

2.4L’auteure a saisi le Procureur du tribunal d’Hammamet qui l’a convoquée pour lui indiquer que l’affaire de son fils était réglée, sans plus de précisions, et que la police viendrait lui expliquer les événements entourant la mort de son fils. Face au silence de la police, l’auteure est retournée au commissariat d’Oued Koriche, accompagnée de son petit-fils, où elle a été insultée par des policiers cagoulés et s’est enfuie.

2.5Le 2 mai 2000, le tribunal d’Abbane Ramdane à Alger a refusé de délivrer un jugement de disparition, impliquant une reconnaissance implicite par les autorités de ce que Brahim El Boathi était toujours vivant. Toutefois, avant comme après le procès, l’auteure n’a cessé de recevoir des informations contradictoires sur le statut de son fils. Ainsi, elle a été convoquée en 1999 au commissariat du 5e arrondissement où le commissaire a affirmé que Brahim El Boathi n’était pas mort, tout en refusant de diffuser son lieu de détention. Le 5 octobre 2000, le lieutenant de la gendarmerie de Bab el Oued reconnaissait quant à lui que Brahim El Boathi avait disparu dans d’obscures circonstances. L’épouse de Brahim El Boathi a exprimé son accord pour une indemnisation. Depuis, l’auteure ainsi que l’épouse de Brahim El Boathi ont effectué de multiples démarches non juridictionnelles et juridictionnelles pour obtenir des renseignements sur les circonstances de la disparition. L’épouse de Brahim El Boathi a été intimidée et a subi des maltraitances à de multiples reprises par la police et la sécurité militaire dans le cadre de ses démarches pour retrouver son époux.

2.6En ce qui concerne les démarches non juridictionnelles, l’épouse a ainsi : a) lancé un avis de recherche (2000) ; b) envoyé une plainte à l’Observatoire national des droits de l’homme (2001) ; et c) adressé une lettre à la Présidente de l’association SOS Disparu(e)s (2002). L’auteure a quant à elle adressé : a) une plainte au Ministre de la justice qu’elle a fait suivre au Président de la République française en vue de sa visite en Algérie (2002) ; b) une lettre au Chef du Gouvernement (2003) ; c) une requête au Président de la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l’homme aux fins de réfuter les résultats des enquêtes menées par cette instance (2003) ; d) une plainte au Président de la même institution (2004) ; e) une plainte au Président de la République, au Chef du Gouvernement et aux Ministres de la justice et de l’intérieur (2006) ; f) une requête au chef de la brigade de la gendarmerie d’El Achour (2007) ; g) une plainte au Président de la République, au Ministre de la justice, au Ministre de l’intérieur, au chef de la première région militaire de la wilaya de Blida et au conseiller aux droits de l’homme auprès du Président de la République (2007) ; h) une demande d’intervention au chef de délégation du Comité international de la Croix-Rouge (2007) ; et i) une nouvelle demande d’intervention au Ministre de la justice et au Président de la République (2009). Certaines autorités ont accusé réception de ces requêtes mais se sont contentées de renvoyer l’auteure vers les tribunaux ou vers des démarches de demande d’indemnisation. La Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l’homme a quant à elle effectué une enquête dont les résultats ont été catégoriquement réfutés par l’auteure.

2.7En ce qui concerne les démarches juridictionnelles, la famille El Boathi a demandé l’ouverture d’une enquête dès la disparition de Brahim El Boathi, et l’épouse de Brahim El Boathi a été convoquée les 20 février 1995 et 26 septembre 1999 par la police de Bab El Oued. Après la décision du tribunal de Bab El Oued et de la chambre d’accusation d’Alger du 2 mai 2000 en appel de prononcer le non-lieu de l’affaire, l’auteure a adressé une plainte au Procureur de la République le 1er octobre 2003 et une plainte au Procureur de la République près le tribunal d’Alger le 14 juin 2006. L’auteure a également envoyé une plainte au Président du tribunal de Baïnem de la wilaya d’Alger le 31 octobre 2007 et une demande d’intervention au Procureur de la République de Hussein Dey le 28 janvier 2009.

2.8L’auteure a été convoquée à plusieurs reprises par la police et la gendarmerie ainsi que par les Procureurs de la République près le tribunal de Cheraga et de Bab el Oued. Elle a reçu des informations contradictoires, les autorités affirmant parfois que son fils était recherché par les services de sécurité tandis que d’autres autorités affirmaient le contraire. Certaines autorités n’ont pas même accusé réception de ses plaintes. Le Procureur près le tribunal de Cheraga a ordonné une enquête qui a été effectuée par la police d’Oued Koriche en 2011, selon laquelle Brahim El Boathi aurait été recherché mais jamais arrêté par les services de sécurité.

2.9Le cas de Brahim El Boathi a également été soumis au Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires en décembre 2007.

Teneur de la plainte

3.1L’auteure allègue que son fils est victime d’une disparition forcée imputable à l’État partie telle que définie par l’article 2 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. L’auteure estime que la disparition forcée de son fils depuis le 17 janvier 1994 constitue a) une violation des articles 2 (par. 2), 2 (par. 3), 6, 7, 9, 10 et 16 du Pacte à l’égard de Brahim El Boathi et b) une violation de l’article 2 (par. 2) et de l’article 7 lu conjointement avec l’article 2 (par. 3) du Pacte à l’égard de l’auteure et de sa famille.

3.2L’auteure estime que l’ordonnance no 06-01 du 27 février 2006 portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale constitue un manquement à l’obligation générale consacrée à l’article 2 (par. 2) du Pacte en ce sens que ladite disposition implique également une obligation négative pour les États de ne pas adopter de mesures contraires au Pacte. En adoptant l’ordonnance no 06-01, l’État partie aurait donc pris une mesure d’ordre législatif privant d’effets les droits reconnus dans le Pacte et particulièrement le droit d’avoir accès à un recours effectif contre des violations des droits de l’homme. L’auteure allègue qu’elle-même comme son fils ont été victimes de cette disposition législative et que l’article 2 (par. 2) du Pacte a été concrètement violé en l’espèce.

3.3En rappelant que toutes les voies de recours internes, tant auprès des autorités judiciaires qu’administratives, ont été épuisées, sans aucun résultat ou enquête réelle menée, l’auteure allègue qu’en vertu de l’article 2 (par. 3) l’État partie avait l’obligation de protéger son fils, Brahim El Boathi, des violations de ses droits par les agents de l’État. En se référant à la jurisprudence du Comité, elle affirme également que l’absence d’enquête sur des violations présumées peut en soi donner lieu à une violation distincte du Pacte et que la simple négation de l’implication des services de sécurité ne saurait entraîner le respect de l’article 2 (par. 3). L’auteure allègue que son fils a été privé d’exercer son droit de recours utile contre les agents de l’État et que l’article 2 (par. 3) du Pacte a été violé.

3.4En dépit de la décision impliquant une reconnaissance implicite par les autorités de ce que Brahim El Boathi était toujours vivant, l’auteure souligne que les informations contradictoires sur le statut de son fils depuis son arrestation en 1994 ainsi que son absence prolongée laissent à penser que Brahim El Boathi a perdu la vie. La détention au secret constitue qui plus est aux yeux de l’auteure un risque élevé d’atteinte au droit à la vie en ce sens que les détenus comme les geôliers échappent à tout contrôle. En estimant que la jurisprudence du Comité a évolué dans le cadre des disparitions forcées et que désormais ce dernier reconnaît la responsabilité de l’État pour violation du droit à la vie dans certains cas où la mort de la victime n’a pas été établie, l’auteure allègue que l’État partie a failli à son obligation de protéger le droit à la vie de son fils et que l’article 6 du Pacte a été violé.

3.5En rappelant les circonstances entourant la disparition de son fils, impliquant l’absence totale d’informations sur sa détention, son incarcération et son état de santé et l’absence de communication avec sa famille et le monde extérieur, l’auteure affirme que Brahim El Boathi a été soumis à une forme de traitement inhumain ou dégradant. Elle rappelle également qu’une détention arbitraire prolongée augmente le risque de torture et de traitements inhumains ou dégradants. Se référant à la jurisprudence du Comité, l’auteure souligne également que l’angoisse, l’incertitude et la détresse provoquées par la disparition de Brahim El Boathi et les informations contradictoires reçues depuis constituent une forme de traitement inhumain ou dégradant pour la famille. L’intéressée allègue que l’État partie est responsable d’une violation de l’article 7 à l’égard de Brahim El Boathi et d’une violation de l’article 7 lu conjointement avec l’article 2 (par. 3) du Pacte à son égard ainsi qu’à l’égard de sa famille.

3.6Rappelant que Brahim El Boathi a été détenu au secret sans avoir accès à un avocat et sans être informé des motifs de son arrestation ou des charges retenues contre lui, que sa détention n’a pas été mentionnée dans les registres de garde à vue et qu’il n’y a aucune trace officielle de sa localisation ou de son sort, l’auteure affirme que son fils a été privé de son droit à la liberté et à la sécurité et que les enquêtes n’ont pas eu le caractère efficace et effectif requis. L’intéressée allègue que l’État partie est responsable d’une violation de l’article 9 du Pacte à l’égard de Brahim El Boathi.

3.7Eu égard au fait que la disparition forcée s’accompagne bien souvent d’une violation des droits les plus élémentaires de la personne privée de liberté, l’auteure estime que l’État partie, du fait de la disparition et de l’absence d’enquête sérieuse, est responsable d’une violation de l’article 10 du Pacte à l’égard de Brahim El Boathi.

3.8En rappelant que les autorités algériennes n’ont jamais fourni d’informations claires sur le sort de Brahim El Boathi et qu’elles l’ont détenu sans le reconnaître, l’auteure affirme que l’État partie a traité Brahim El Boathi comme un objet et que sa dignité et personnalité juridique ont été bafouées. L’intéressée allègue qu’en soustrayant son fils à la protection de la loi, les autorités algériennes l’ont privé de son droit à la reconnaissance de sa personnalité juridique et sont donc responsables d’une violation de l’article 16 du Pacte.

3.9L’auteure demande au Comité d’ordonner à l’État partie a) de constater que l’Algérie a violé les articles 2 (par. 2), 2 (par. 3), 6, 7, 9, 10 et 16 du Pacte à l’égard de Brahim El Boathi et les articles 2 (par. 2) et 7 lu conjointement avec l’article 2 (par. 3) à l’égard de l’auteure et de sa famille ; b) de retrouver Brahim El Boathi ; c) de déferrer les auteurs de cette disparition forcée devant les autorités civiles compétentes pour qu’ils fassent l’objet de poursuites ; d) d’offrir à Brahim El Boathi, s’il est encore en vie, ainsi qu’à sa famille une réparation adéquate, effective et rapide du préjudice subi incluant une indemnisation appropriée et proportionnée à la gravité de l’espèce, une réadaptation pleine et entière et des garanties de non-répétition.

Observations de l’État partie

4.1Le 4 mai 2015, l’État partie a contesté la recevabilité de toutes les communications couvrant la période de 1993 à 1998 en soumettant une copie de son Mémorandum de référence.

4.2L’État partie considère que les communications qui mettent en cause la responsabilité d’agents de l’État ou d’autres personnes agissant sous l’autorité des pouvoirs publics dans la survenance de cas de disparition forcée pendant la période de 1993 à 1998 doivent être examinées « selon une approche globale ». Il considère que les communications de ce genre devraient être replacées dans le contexte plus général de la situation sociopolitique et des conditions de sécurité dans le pays à une période où le Gouvernement s’employait à lutter contre une forme de terrorisme dont l’objectif était de provoquer « l’effondrement de l’État républicain ». C’est dans ce contexte, et conformément aux articles 87 et 91 de la Constitution, que le Gouvernement algérien a pris des mesures de sauvegarde et notifié la proclamation de l’état d’urgence au Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies, conformément au paragraphe 3 de l’article 4 du Pacte.

4.3L’État partie souligne que, dans certaines zones où proliférait l’habitat informel, les civils avaient du mal à distinguer les actions de groupes terroristes de celles des forces de l’ordre, auxquelles ils attribuaient souvent les disparitions forcées. D’après l’État partie, un nombre important de disparitions forcées devait être considéré dans ce contexte. La notion générique de personne disparue en Algérie durant la période considérée renvoie en réalité à six cas de figure distincts. Le premier est celui de personnes déclarées disparues par leurs proches alors qu’elles étaient entrées dans la clandestinité de leur propre chef pour rejoindre les groupes armés, en demandant à leur famille de déclarer qu’elles avaient été arrêtées par les services de sécurité pour « brouiller les pistes » et éviter le « harcèlement » par la police. Le deuxième cas concerne les personnes signalées comme disparues suite à leur arrestation par les services de sécurité, mais qui ont en fait profité de leur libération pour entrer dans la clandestinité. Le troisième cas concerne des personnes qui ont été enlevées par des groupes armés qui, parce qu’ils ne sont pas identifiés ou ont agi en usurpant l’uniforme ou les documents d’identification de policiers ou de militaires, ont été assimilés à tort à des agents des forces armées ou des services de sécurité. Le quatrième cas de figure concerne les personnes recherchées par leur famille qui ont pris l’initiative d’abandonner leurs proches, et parfois même de quitter le pays, en raison de problèmes personnels ou de litiges familiaux. Le cinquième cas est celui de personnes signalées comme disparues par leur famille et qui étaient, en fait, des terroristes recherchés qui ont été tués et enterrés dans le maquis à la suite de combats entre factions, de querelles doctrinales ou de conflits autour des butins de guerre entre groupes armés rivaux. L’État partie évoque enfin un sixième cas de figure qui concerne les personnes portées disparues qui vivent sur le territoire national ou à l’étranger sous une fausse identité, obtenue grâce à un réseau de falsification de documents.

4.4L’État partie souligne également que c’est en considération de la diversité et de la complexité des situations couvertes par la notion générique de disparition que le législateur algérien, à la suite du référendum populaire sur la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, a décidé d’adopter une politique d’appui pour « la prise en charge du dramatique dossier des disparus ». La question des disparus est traitée dans un cadre global à travers la prise en charge de toutes les personnes disparues dans le contexte de la « tragédie nationale », un soutien pour toutes les victimes afin qu’elles puissent surmonter cette épreuve et l’octroi d’un droit à réparation pour toutes les victimes de disparition et leurs ayants droit. L’État partie souligne qu’il s’agit d’une réponse propre à la situation de la nation algérienne à laquelle la nation a globalement adhéré. Le bilan statistique de l’application des dispositions exécutoires de l’ordonnance no 06-01 du 27 février 2006 et des textes subséquents relatifs au traitement de la question des disparus dans la Charte pour la paix et la réconciliation nationale atteste d’une adhésion apportée par plus de 85 % des parents de victimes ou leurs ayants droit.

4.5L’État partie souligne ensuite la nature, les fondements et le contenu de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale et de ses textes d’application. Loin des clichés et jugements lapidaires selon lesquels la Charte serait un obstacle à la procédure visant à établir la vérité et exercer la justice, la Charte constitue le mécanisme national interne de traitement et de sortie de crise soumis à l’approbation du peuple et adopté par référendum. L’État partie expose d’abord les origines et les caractéristiques principales de la crise algérienne pour évaluer l’impact de la mise en œuvre de la Charte. La Charte intervient dans le contexte de la crise politico-sécuritaire qui a secoué le pays, qualifiée de « Grande Fitna », concept historico-religieux qui renvoie à la profonde discorde au sein de la communauté de l’Islam après le décès du prophète. Le préambule de la Charte suggère que la « Grande Fitna », qui a tenté de « dévier l’évolution de l’Algérie de son cours naturel », est constitutive d’une « agression criminelle qui a visé à remettre en cause l’État national lui-même », entraînant une « tragédie nationale » qui a coûté au peuple « un terrible et lourd tribut de sang » par le fait d’un « terrorisme barbare » agissant « en contradiction avec les authentiques valeurs de l’islam et les traditions musulmanes de paix, de tolérance et de solidarité ». L’ordonnance et ses quatre décrets d’application visent à répondre à cette « Grande Fitna » et à prévenir la répétition des faits par des mesures politiques, juridiques et socioéconomiques. L’ordonnance d’application prévoit des mesures d’ordre juridique entraînant une extinction de l’action publique et une commutation ou remise de peine pour toute personne coupable d’actes de terrorisme ou bénéficiant des dispositions relatives à la discorde civile, à l’exception de celles qui ont commis, comme auteurs ou complices, des actes de massacre collectif, des viols ou des attentats à l’explosif dans des lieux publics. Cette ordonnance prévoit également une procédure de déclaration judiciaire de décès, qui ouvre droit à une indemnisation des ayants droit des disparus en qualité de victimes de la « tragédie nationale ». En outre, des mesures d’ordre socioéconomique ont été mises en place, parmi lesquelles des aides à la réinsertion professionnelle et le versement d’indemnités à toutes les personnes ayant la qualité de victimes de la « tragédie nationale ». Enfin, l’ordonnance prévoit des mesures politiques telles que l’interdiction d’exercer une activité politique à toute personne ayant contribué dans le passé à la « tragédie nationale » en instrumentalisant la religion, et dispose qu’aucune poursuite ne peut être engagée, à titre individuel ou collectif, à l’encontre des éléments des forces de défense et de sécurité de la République, toutes composantes confondues, pour des actions menées en vue de la protection des personnes et des biens, de la sauvegarde de la nation et de la préservation des institutions de la République.

4.6En sus de la création du fonds d’indemnisation pour toutes les victimes de la « tragédie nationale », le peuple souverain d’Algérie a, selon l’État partie, accepté d’engager une démarche de réconciliation nationale, seul moyen de cicatriser les plaies générées. L’État partie insiste sur le fait que la proclamation de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale s’inscrit dans une volonté d’éviter les confrontations judiciaires, les déballages médiatiques et les règlements de compte politiques. L’État partie considère, dès lors, que les faits allégués concernant la période de la tragédie nationale sont couverts par le mécanisme interne global de règlement induit par le dispositif de la Charte.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie

5.1Le 16 juillet 2015, l’auteure a soumis des commentaires sur les observations de l’État partie.

5.2L’auteure souligne que les observations soumises par l’État partie sont inadaptées, car elles s’adressent à un autre organe de promotion et de protection des droits de l’homme (le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires), et obsolètes, car elles datent de juillet 2009. L’intéressée souligne que les observations de l’État partie ne font nullement mention de la recevabilité de la communication, des spécificités de l’affaire ou des recours introduits par la famille de la victime, démontrant le manque de sérieux et le mépris des autorités algériennes pour cette procédure.

5.3Rappelant qu’aucun recours n’a abouti à l’ouverture d’une enquête diligente ou à des poursuites pénales et que les autorités algériennes n’ont apporté aucun élément tangible laissant penser que des recherches effectives avaient été engagées pour retrouver Brahim El Boathi et identifier les responsables de sa disparition, l’auteure conclut que les voies de recours internes ont été épuisées et que la requête doit être considérée comme recevable par le Comité.

5.4En se référant à la jurisprudence du Comité selon laquelle la Charte pour la paix et la réconciliation nationale ne peut être opposée aux individus soumettant une communication individuelle, l’auteure rappelle que les dispositions de la Charte ne représentent en rien une prise en charge adéquate du dossier des disparus, qui supposerait le respect du droit à la vérité, à la justice et à la réparation pleine et entière.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Le Comité note que la disparition a été signalée au Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires. Toutefois, le Comité rappelle que les procédures ou mécanismes extraconventionnels du Conseil des droits de l’homme dont les mandats consistent à examiner et à faire rapport publiquement sur la situation des droits de l’homme dans un pays ou territoire, ou sur des phénomènes de grande ampleur de violation des droits de l’homme dans le monde, ne relèvent généralement pas d’une procédure internationale d’enquête ou de règlement au sens du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif. En conséquence, le Comité estime que l’examen du cas de Brahim El Boathi par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires ne rend pas la communication irrecevable en vertu de cette disposition.

6.3Le Comité note que, pour contester la recevabilité de la communication, l’État partie se contente de renvoyer à son mémoire de référence sur le traitement de la question des disparitions à la lumière de la mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Le Comité rappelle que l’État partie a non seulement le devoir de mener des enquêtes approfondies sur les violations supposées des droits de l’homme portées à l’attention de ses autorités, en particulier lorsqu’il s’agit de disparitions forcées ou de violations du droit à la vie, mais aussi de poursuivre quiconque est présumé responsable de ces violations, de procéder au jugement et de prononcer une peine. L’auteure a alerté à de multiples reprises les autorités compétentes, tant juridictionnelles qu’administratives, de la disparition de son fils. Le Comité prend note de ce que la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l’homme a mené une enquête sur l’affaire de Brahim El Boathi. L’auteure a toutefois réfuté ladite enquête et, eu égard à l’absence totale d’informations fournies par l’État partie, le Comité donne foi aux contestations de l’auteure. Le Comité prend également note de ce que le tribunal de Cheraga a ordonné une enquête policière ; toutefois, eu égard au fait que ladite enquête a été menée par la police de Oued Koriche à laquelle appartenait A. Z., l’officier qui aurait arrêté et exécuté Brahim El Boathi, le Comité ne saurait qualifier la procédure d’impartiale. Il ressort donc des faits tels que décrits par l’auteure que l’État partie n’a en l’espèce procédé à aucune enquête approfondie, rigoureuse et impartiale sur cette disparition. En outre, l’État partie n’a apporté aucun élément d’explication spécifique dans ses observations en réponse au cas de Brahim El Boathi qui pourrait permettre de conclure qu’un recours efficace et disponible est ouvert. S’ajoute à cela le fait que l’ordonnance no 06-01 continue d’être appliquée en dépit du fait que le Comité a recommandé qu’elle soit mise en conformité avec le Pacte (voir CCPR/C/DZA/CO/, par. 7, 8 et 13). Le Comité conclut par conséquent que le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ne fait pas obstacle à la recevabilité de la présente communication.

6.4Le Comité note que l’auteure a soulevé une violation de l’article 2 (par. 2) du Pacte à son égard comme à l’égard de Brahim El Boathi. Le Comité rappelleque les dispositions de l’article 2 du Pacte énoncent une obligation générale à l’intention des États parties etne peuvent être invoquées isolément dans une communication. Par conséquent, cette partie de la communication est irrecevable au titre del’article 3 du Protocole facultatif.

6.5Le Comité considère que les allégations qui soulèvent des questions au regard des articles 6, 7, 9, 10 et 16 lus seuls et conjointement avec l’article 2 (par. 3) du Pacte sont suffisamment étayées et qu’il n’existe pas d’obstacle à leur recevabilité. Le Comité procède donc à l’examen de la communication sur le fond concernant les violations alléguées des articles 6, 7, 9, 10, 16 et 2 (par. 3) du Pacte.

Examen au fond

7.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations soumises par les parties.

7.2Le Comité note que l’État partie s’est contenté de faire référence à ses observations collectives et généralesqui avaient été transmises antérieurement au Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires et au Comité en relation avec d’autres communications, afin de confirmer sa position selon laquelle de telles affaires ont déjà été réglées dans le cadre de la mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Le Comité renvoie à sa jurisprudence et rappelle que l’État partie ne saurait opposer les dispositions de ladite Charte à des personnes qui invoquent les dispositions du Pacte ou qui ont soumis ou pourraient soumettre des communications au Comité. Le Pacte exige de l’État partie qu’il se soucie du sort de chaque personne et qu’il traite chaque personne avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine. En l’absence des modifications recommandées par le Comité, l’ordonnance no 06-01 contribue dans le cas présent à l’impunité et ne peut donc, en l’état, être jugée compatible avec les dispositions du Pacte.

7.3Le Comité note que l’État partie n’a pas répondu aux allégations de l’auteure sur le fond et rappelle sa jurisprudence selon laquelle la règle relative à la charge de la preuve ne doit pas incomber uniquement à l’auteur d’une communication, d’autant plus que celui-ci et l’État partie n’ont pas toujours un accès égal aux éléments de preuve et que souvent seul l’État partie dispose des renseignements nécessaires. Conformément au paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif, l’État partie est tenu d’enquêter de bonne foi sur toutes les allégations de violations du Pacte portées contre lui et ses représentants et de transmettre au Comité les renseignements qu’il détient. En l’absence d’explications de la part de l’État partie à ce sujet, il convient d’accorder tout le crédit voulu aux allégations de l’auteur dès lors qu’elles sont suffisamment étayées.

7.4Le Comité rappelle que si l’expression « disparition forcée » n’apparaît expressément dans aucun article du Pacte, la disparition forcée est néanmoins un ensemble particulier d’actes représentant une violation continue de plusieurs droits consacrés par cet instrument.

7.5Le Comité note que le fils de l’auteure a été vu pour la dernière fois lorsqu’il a pris le bus sur la place des Martyrs le 17 janvier 1994 et que l’auteure et sa famille sont sans nouvelles de lui depuis ce jour. Il note qu’au commissariat d’Oued Koriche, l’officier A. Z. a déclaré au Procureur du tribunal de Baïnem à Alger qu’il avait arrêté Brahim El Boathi et qu’il avait affirmé devant l’auteure avoir arrêté et exécuté son fils. Le Comité prend également note des nombreuses informations contradictoires relatives au sort de Brahim El Boathi, dont la décision du 2 mai 2000 de refus de délivrer un jugement de disparition, laissant supposer que les autorités algériennes le considéraient toujours comme vivant à cette date. Le Comité constate que l’État partie n’a fourni aucun élément permettant de clarifier les informations contradictoires données à l’auteure sur ce qu’il est advenu de Brahim El Boathi, et n’a pas non plus confirmé le lieu de sa détention ou la date et les circonstances de son éventuel décès. Il rappelle que, dans le cas des disparitions forcées, le fait de priver une personne de liberté puis de refuser de reconnaître cette privation de liberté ou de dissimuler le sort réservé à la personne disparue revient à soustraire cette personne à la protection de la loi et fait peser sur sa vie un risque constant et grave, dont l’État est responsable. En outre, eu égard aux déclarations de l’officier A. Z., ainsi qu’au grand nombre d’années écoulées depuis la disparition de Brahim El Boathi, il est fort probable que ce dernier, en dépit de l’absence de corps, ait été victime d’une exécution sommaire de la part de l’officier A. Z. ou qu’il soit décédé en détention. En l’espèce, le Comité constate que l’État partie n’a fourni aucun élément susceptible de démontrer qu’il s’est acquitté de son obligation de protéger la vie de Brahim El Boathi. En conséquence, il conclut que l’État partie a failli à son obligation de protéger la vie de Brahim El Boathi, en violation du paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte.

7.6Le Comité reconnaît le degré de souffrance qu’implique une détention sans contact avec le monde extérieur pendant une durée indéfinie. Il rappelle son observation générale no 20 (1992) sur l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, dans laquelle il recommande aux États parties de prendre des dispositions pour interdire la détention au secret. Il note en l’espèce que l’auteure et la famille de Brahim El Boathi n’ont jamais eu la moindre information sur le sort ou le lieu de détention de ce dernier. Le Comité estime donc que Brahim El Boathi, disparu le 17 janvier 1994 et toujours considéré vivant au 2 mai 2000, aurait été détenu au secret pendant au moins ce laps de temps par les autorités algériennes. En l’absence de toute explication de la part de l’État partie, le Comité considère que cette disparition constitue une violation de l’article 7 du Pacte à l’égard de Brahim El Boathi.

7.7Au vu de ce qui précède, le Comité n’examinera pas séparément les griefs tirés de la violation de l’article 10 du Pacte.

7.8Le Comité prend acte également de l’angoisse et de la détresse que la disparition de Brahim El Boathi cause à l’auteure et à sa famille. Il considère que les faits dont il est saisi font apparaître une violation de l’article 7 seul et lu conjointement avec l’article 2 (par. 3) du Pacte à leur égard.

7.9En ce qui concerne les griefs de violation de l’article 9, le Comité prend note des allégations de l’auteure selon lesquelles Brahim El Boathi a été arrêté arbitrairement, sans mandat, et n’a pas été inculpé ni présenté devant une autorité judiciaire auprès de laquelle il aurait pu contester la légalité de sa détention. L’État partie n’ayant communiqué aucune information à ce sujet, le Comité considère qu’il convient d’accorder le crédit voulu aux allégations de l’auteure. Le Comité conclut donc à une violation de l’article 9 à l’égard de Brahim El Boathi.

7.10Le Comité est d’avis que la soustraction délibérée d’une personne à la protection de la loi constitue un déni du droit de cette personne à la reconnaissance de sa personnalité juridique, en particulier si les efforts déployés par les proches de la victime pour exercer leur droit à un recours effectif ont été systématiquement entravés. Dans le cas présent, le Comité note que l’État partie n’a fourni aucune explication convaincante sur le sort de Brahim El Boathi ni sur le lieu où il se trouverait, en dépit des multiples demandes que l’auteure a faites en ce sens. Le Comité conclut que la disparition forcée de Brahim El Boathi depuis plus de vingt-trois ans a soustrait celui-ci à la protection de la loi et l’a privé de son droit à la reconnaissance de sa personnalité juridique, en violation de l’article 16 du Pacte.

7.11L’auteure invoque également le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte, qui impose aux États parties l’obligation de garantir à toute personne des recours accessibles, utiles et exécutoires pour faire valoir les droits garantis par le Pacte. Le Comité rappelle qu’il attache de l’importance à la mise en place par les États parties de mécanismes juridictionnels et administratifs appropriés pour examiner les plaintes faisant État de violations des droits garantis par le Pacte. Il rappelle son observation générale no 31 (2004) sur la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, dans laquelle il indique notamment que le fait pour un État partie de ne pas mener d’enquête sur des violations présumées pourrait en soi donner lieu à une violation distincte du Pacte. En l’espèce, la famille de Brahim El Boathi a alerté les autorités compétentes de la disparition de ce dernier, notamment le Procureur de la République près le tribunal d’Alger, mais l’État partie n’a pas procédé à une enquête approfondie, rigoureuse et impartiale sur cette disparition et l’auteure n’a reçu que des informations vagues et contradictoires. En outre, l’impossibilité légale de recourir à une instance judiciaire après la promulgation de l’ordonnance no 06-01 portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale continue de priver Brahim El Boathi, l’auteure et sa famille de tout accès à un recours utile, puisque cette ordonnance interdit le recours à la justice pour faire la lumière sur les crimes les plus graves comme les disparitions forcées (voir CCPR/C/DZA/CO/3, par. 7). Le Comité en conclut que les faits dont il est saisi font apparaître une violation de l’article 2 (par. 3) lu conjointement avec les articles 6 (par. 1), 7, 9 et 16 à l’égard de Brahim El Boathi et de l’article 2 (par. 3) lu conjointement avec l’article 7 à l’égard de l’auteure et de sa famille.

8.Le Comité, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, constate que les faits dont il est saisi font apparaître des violations par l’État partie des articles 6 (par. 1), 7, 9 et 16 du Pacte, ainsi que de l’article 2 (par. 3) lu conjointement avec les articles 6 (par. 1), 7, 9 et 16 à l’égard de Brahim El Boathi. Il constate en outre une violation par l’État partie de l’article 7 lu conjointement avec l’article 2 (par. 3) à l’égard de l’auteure et de sa famille.

9.En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile. Celaexige que les États parties accordent une réparation intégrale aux personnes dont les droits reconnus par le Pacte ont été violés. En l’espèce, l’État partie est tenu de a) mener une enquête approfondie, rigoureuse et impartiale sur la disparition de Brahim El Boathi et fournir à l’auteure et à sa famille des informations détaillées quant aux résultats de cette enquête ; b) libérer immédiatement Brahim El Boathi s’il est toujours détenu au secret ; c) dans l’éventualité où Brahim El Boathi serait décédé, restituer sa dépouille à sa famille ; d) poursuivre, juger et punir les responsables des violations commises ; e) indemniser de manière appropriée l’auteure pour les violations subies, ainsi que Brahim El Boathi s’il est en vie ; et f) fournir des mesures de satisfaction appropriées à l’auteure et à sa famille. Nonobstant l’ordonnance no 06-01, l’État partie devrait également veiller à ne pas entraver le droit à un recours utile pour les victimes de crimes tels que la torture, les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées. Il est en outre tenu de prendre des mesures pour empêcher que des violations analogues ne se reproduisent à l’avenir. À cet effet, le Comité est d’avis que l’État partie devrait revoir sa législation en fonction de l’obligation qui lui est faite au paragraphe 2 de l’article 2, et en particulier réexaminer l’ordonnance no06-01, afin que les droits consacrés par le Pacte puissent être pleinement exercés dans l’État partie.

10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations et à les diffuser largement dans les langues officielles.