Nations Unies

CCPR/C/119/D/2293/2013

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

23 mai 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Décision adoptée par le Comité en vertu du Protocole facultatif, concernant la communication no 2293/2013*,**

Communication présentée par :

D. et E.

Au nom de :

D. et E.

État partie :

Danemark

Date de la communication:

23 octobre 2013 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 97 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 25 octobre 2013 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision :

28 mars 2017

Objet :

Expulsion des auteurs vers la Chine

Question(s) de procédure :

Recevabilité − défaut manifeste de fondement ; recevabilité − compétence ratione materiae

Question(s) de fond :

Peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; discrimination ; procédure équitable ; non‑refoulement ; statut de réfugié

Article(s) du Pacte:

7, 14 et 26

Article(s) du Protocole facultatif :

2 et 3

1.1Les auteurs de la communication sont D. et E., de nationalité chinoise, nés respectivement en 1979 et 1980, et mari et femme. S’étant vu refuser le statut de réfugiés au Danemark, ils étaient sous le coup d’une mesure d’expulsion. Ils affirmaient qu’en les expulsant vers la Chine, l’État partie violerait les droits qu’ils tenaient des articles 7, 14 et 26 du Pacte.

1.2Les 25 octobre et 20 novembre 2013 et le 15 septembre 2015, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a rejeté les demandes de mesures provisoires formulées par les auteurs afin qu’il soit sursis à l’exécution de leur expulsion vers la Chine tant que la communication serait à l’examen.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1En 2005, D. est arrivé au Danemark et a obtenu un permis de travail et un permis de séjour. Son épouse, E., l’a rejoint en 2007. À Copenhague, les auteurs ont rencontré à plusieurs reprises un adepte du Falun Gong dénommé G., qui leur a remis des ouvrages rédigés par des représentants de ce mouvement, qui contenaient des critiques à l’égard du régime chinois. Ni l’un ni l’autre des auteurs n’a adhéré au Falun Gong, mais E. trouvant ces ouvrages intéressants a décidé qu’à l’occasion du voyage annuel du couple en Chine, elle en remettrait quelques-uns à ses parents, qui tenaient une librairie dans une localité située à proximité de la ville de Qingdao.

2.2Ainsi, lorsque les auteurs se sont rendus en Chine, en février2008, E. a remis deux livres à ses parents, qui les ont exposés sur un rayonnage de leur librairie. Par la suite, le 21 février 2008, des agents de police sont entrés dans la boutique et ont arrêté les parents de E., en tant que propriétaires des lieux. Les auteurs sont repartis précipitamment pour leDanemark le lendemain. Le 23 février 2008, des agents de la police chinoise ont fouillé l’endroit où les auteurs avaient séjourné mais n’y ont rien trouvé qui présente un intérêt. Depuis, les auteurs ne sont pas retournés en Chine par crainte d’être persécutés. La mère deD., qui vit au Danemark depuis août 2008 et qui se rend en Chine une fois par an, a dit aux auteurs que les parents de E. étaient toujours en prison et que leur librairie avait fermé.

2.3Peu après le retour des auteurs au Danemark, D. a rendu visite à G. et lui a relaté ce qui s’était passé en Chine. Ils ont discuté de l’éligibilité des auteurs à l’asile, et G. a dit que pour obtenir le statut de réfugié, les auteurs devaient être membres du Falun Gong. Ne souhaitant pas adhérer à ce mouvement, les auteurs n’ont pas déposé de demande d’asile à cette époque. Toutefois, comme le permis de travail de D. arrivait à échéance durant l’été2012 et que les auteurs craignaient de retourner en Chine, ils ont estimé que la seule option consistait pour eux à demander l’asile au Danemark.

2.4Le 2 novembre 2012, les auteurs ont déposé une demande d’asile, qui a été rejetée par le Service danois de l’immigration le 14 août 2013. Le Service de l’immigration avait rejeté la requête des auteurs d’entendre G. comme témoin. Les auteurs ont fait appel de la décision devant la Commission de recours des réfugiés. Le 7 octobre 2013, leur conseil a demandé par écrit à cette commission d’entendre G. comme témoin.

2.5Les auteurs affirment avoir épuisé les recours internes. Le 10 octobre 2013, laCommission de recours des réfugiés a rejeté l’appel formé par les auteurs, sans entendre le témoignage de G. En vertu du droit danois, les décisions de la Commission ne sont pas susceptibles d’appel devant les tribunaux internes.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs affirment qu’en les renvoyant de force en Chine, où ils risquent d’être emprisonnés et soumis à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants pour avoir importé des ouvrages sur le Falun Gong, l’État partieviolerait les droits qu’ils tiennent de l’article 7 du Pacte. Les auteurs ont remis les ouvrages aux parents de E., et ceux-ci ont été arrêtés et emprisonnés pour avoir exposé ces livres sur un rayonnage de leur librairie.

3.2Les auteurs affirment que la Commission de recours des réfugiés a violé les droits qu’ils tiennent des articles 14 et 26 en rejetant leur demande écrite visant à faire comparaître un témoin important dans le cadre de la procédure d’asile. Le témoin, G., aurait pu confirmer qu’en 2008 les auteurs lui avaient parlé de ce qui s’était passé en Chine. Son témoignage aurait donc pu peser de manière positive sur l’évaluation de la crédibilité à laquelle ont procédé les autorités danoises. Lorsqu’une enquête peut permettre de lever un doute sur la crédibilité, l’État concerné ne saurait refuser de la conduire avant de se prononcer sur la crédibilité de l’intéressé.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans ses observations en date du 25 avril 2014, l’État partie donne de nouveaux éléments factuels concernant la communication. Il indique que D. est entré au Danemark après avoir obtenu un permis de séjour temporaire le 11 septembre 2005, et que E. est entrée au Danemark en 2007 en possession d’un visa valide et a obtenu un permis de séjour temporaire le 25 octobre 2007. Le 24 octobre 2012, des agents de la police de Copenhague ont surpris les auteurs dans le restaurant dans lequel ils travaillaient. À cette époque, les auteurs n’avaient plus le droit de résider au Danemark. Ils ont donc été placés en détention pour séjour illégal en vertu de la loi sur les étrangers. Le 26 octobre 2012, le Service danois de l’immigration a prononcé un ordre administratif d’expulsion contre les auteurs. Le 2 novembre 2012, ceux‑ci ont déposé une demande d’asile.

4.2Selon un rapport de police daté du 30 octobre 2012, les auteurs ont dit être prêts à retourner en Chine et ont accepté l’ordre d’expulsion assorti d’une interdiction du territoire de deux ans, mais ont refusé de confirmer ceci par écrit parce qu’ils ne voulaient pas indiquer le nom de leur ville de destination avant d’avoir consulté leur avocat. Un rapport de police daté du 1er novembre 2012 indique que les auteurs ont déclaré ne pas pouvoir retourner en Chine et, dans un autre rapport de police, daté du 2 novembre 2012, il est mentionné qu’ils ont dit vouloir déposer une demande d’asile au Danemark. Ils craignaient que leur vie soit en danger en Chine parce que E. avait eu des démêlés avec les autorités chinoises après avoir été trouvée en possession de documents anticommunistes. D’après un procès-verbal d’enregistrement de demande d’asile daté du 5 novembre 2012, D. a déclaré que la police chinoise avait trouvé des ouvrages anticommunistes dans la librairie des parents de E. et pensait que les auteurs avaient amené ces livres avec eux du Danemark. D’après un procès-verbal d’enregistrement de demande d’asile daté du 6 novembre 2012, E. a indiqué qu’après qu’elle eut rendu visite à ses parents dans leur librairie le 21 février 2008, deux agents de police étaient entrés et avaient arrêté ses parents au motif que certains des ouvrages exposés étaient anticommunistes. E. a affirmé que les auteurs seraient emprisonnés s’ils retournaient en Chine. Dans sa demande d’asile en date du 7 novembre 2012, D. a déclaré que le couple avait amené les ouvrages en question avec lui du Danemark. Dans sa demande d’asile en date du 7 novembre 2012, E. a déclaré que la police pensait que les auteurs avaient amené ces ouvrages du Danemark.

4.3Au cours de son entretien avec le Service danois de l’immigration, le 14 mai 2013, D. a déclaré qu’en 2008 il avait emporté en Chine trois exemplaires d’un chapitre tiré d’un ouvrage intitulé « Commentaires sur le parti communiste ». Il a ajouté que les auteurs avaient emporté ces ouvrages en Chine parce qu’ils voulaient que les membres de leur famille les lisent. Lorsqu’on lui a opposé que E. avait dit avoir emporté les textes en Chine sans qu’il le sache, D. a répondu qu’il lui était difficile, compte tenu du temps qui s’était écoulé depuis, de se rappeler s’il avait pris cette décision seul ou s’il s’agissait d’une décision prise par le couple. Selon D., après le retour des auteurs au Danemark, le frère de E. les avait appelés pour les informer que la police était venue à leur recherche en raison de leurs liens avec les ouvrages en question. Interrogé sur la raison pour laquelle il avait attendu 2012 pour demander l’asile, D. a répondu qu’il avait pu rester au Danemark jusque‑là au bénéfice d’un permis de travail et de séjour valide, et que G. l’avait prévenu de la difficulté d’obtenir l’asile. À la question de savoir comment il avait pu obtenir le renouvellement de son passeport chinois en 2009, D. a répondu qu’il supposait que les autorités chinoises avaient autorisé ce renouvellement afin qu’il rentre en Chine et soit arrêté.

4.4Au cours de son entretien avec le Service danois de l’immigration, le 14 mai 2013, E. a déclaré que G. lui avait remis des textes sur l’anticommunisme, le Falun Gong et les événements de la place Tiananmen. À l’occasion d’une visite à ses parents en 2008, elle avait mis dans ses bagages plusieurs textes sans en informer D. Après l’arrestation de ses parents, E. avait toutefois averti D. qu’elle leur avait remis ces textes. Quelques jours après le retour des auteurs au Danemark, le frère de E. avait dit à sa sœur au téléphone que la police voulait que les auteurs retournent en Chine pour pouvoir les arrêter.

4.5L’État partie fournit des informations détaillées sur ses procédures d’asile. Lorsqu’elle a pris sa décision, la Commission de recours des réfugiés a estimé que les déclarations des auteurs présentaient des incohérences sur plusieurs points. Par exemple, D. avait déclaré que ses beaux-parents ne savaient pas que les ouvrages étaient interdits et qu’il ne les avait pas mis en garde à ce sujet mais, à une autre occasion, il avait dit qu’en réalité il les en avait avertis et leur avait conseillé de conserver ces ouvrages à leur domicile. Les déclarations de D. semblaient varier en fonction de la situation et, à plusieurs reprises, il n’avait pas pu donner des explications convaincantes lorsque des incohérences étaient relevées. Il avait donné des réponses évasives et imprécises à plusieurs questions de la Commission et, sur plusieurs points essentiels, comme le nombre approximatif de fois où E. avait parlé avec son frère aîné de la détention de leurs parents ou l’année où elle s’était entretenue pour la dernière fois avec son frère, disait ne pas se souvenir. Les auteurs avaient également fait des déclarations contradictoires sur plusieurs points. Par exemple, D. avait déclaré au Service de l’immigration qu’il savait que E. avait emmené en Chine les textes sur le Falun Gong, alors que E. avait déclaré que D. n’en savait rien et qu’il s’était mis en colère en l’apprenant. La Commission a estimé qu’il était peu vraisemblable que les autorités chinoises aient laissé partir les auteurs après avoir découvert les ouvrages interdits dans la librairie des parents de E. À cet égard, la Commission a relevé que les passeports des auteurs avaient été renouvelés à l’ambassade de Chine à Copenhague en 2009 et 2010, respectivement. Elle a noté en outre que cela faisait cinq ans et demi que l’incident était survenu en Chine, et que les auteurs avaient attendu quatre ans et demi avant de demander l’asile.

4.6En réponse à la demande des auteurs en date du 7 octobre 2013 visant à ce que G. soit appelé à témoigner, le secrétariat de la Commission de recours des réfugiés a, le 8 octobre 2013, informé par téléphone le conseil des auteurs que G. ne serait pas convoqué à l’audition de la Commission mais que celle‑ci déciderait à cette occasion s’il y avait lieu d’entendre G., s’il se présentait, ou s’il fallait le convoquer au cas où il ne se présenterait pas de son propre chef. À l’audition du 10 octobre 2013, G. ne s’est pas présenté devant la Commission. Le même jour, celle-ci a décidé de ne pas suspendre la procédure pour convoquer G. et a confirmé la décision du Service danois de l’immigration. Compte tenu de ses observations sur les déclarations des auteurs, la Commission a estimé qu’on ne pouvait pas lui demander d’accorder de l’importance, dans l’évaluation de la crédibilité à laquelle elle procède, au témoignage éventuel de G., qui aurait remis les ouvrages en question aux auteurs. La Commission a aussi relevé que G. n’avait pas une connaissance directe des événements survenus en Chine.

4.7Les griefs que les auteurs tirent des articles 7 et 26 sont irrecevables, faute d’être suffisamment étayés. Il n’a pas été établi qu’il existait des motifs sérieux de croire que les auteurs risqueraient d’être soumis à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants s’ils étaient renvoyés en Chine, ou qu’ils ont été victimes de discrimination. Les auteurs n’ont pas été traités différemment de tout autre demandeur d’asile.

4.8Le grief soulevé par les auteurs au titre de l’article 14 est irrecevable parce qu’il est incompatible avec les dispositions du Pacte. Les procédures d’asile ne constituent pas des droits et des obligations de caractère civil et ne relèvent donc pas de l’article 14.

4.9La communication est également dénuée de fondement. Les décisions internes ont été prises à l’issue d’un examen complet et approfondi des éléments de preuve. Avec l’assistance d’un conseil, les auteurs ont eu la possibilité de présenter leurs arguments, tant par écrit qu’oralement, à la Commission de recours des réfugiés. Rappelant les arguments exposés au paragraphe 4.6, l’État partie ajoute que les auteurs, qui sont plutôt instruits, n’ont pas expliqué de façon plausible pour quelle raison ils étaient volontairement entrés en contact avec les autorités chinoises au Danemark alors qu’ils ont affirmé les craindre. À l’audition devant la Commission, D. a déclaré qu’il ne craignait pas de se rendre à l’ambassade de Chine. Les auteurs ont également fait des déclarations contradictoires au sujet du nombre d’ouvrages qu’ils avaient emportés en Chine. Lors des entretiens avec le Service danois de l’immigration, D. a dit en avoir emporté trois exemplaires, alors que pour E. il y en avait deux. Lors des entretiens au titre de la demande d’asile, chacun d’entre eux a déclaré qu’ils avaient emporté deux exemplaires.

4.10G. ne s’est pas présenté à l’audition de la Commission bien que le conseil des auteurs ait été prévenu à l’avance que, si G. se présentait, la Commission pourrait décider en séance s’il y avait lieu de l’interroger. La Commission a toutefois tenu compte du témoignage de la mère de D. Contrairement à G., la mère de D. accompagnait les auteurs lors de leur séjour en Chine en 2008 et pouvait donc témoigner directement des raisons pour lesquelles les auteurs demandaient l’asile. En réponse à l’argument des auteurs selon lequel une demande d’enquête ne saurait être rejetée si elle peut avoir une incidence sur l’évaluation de la crédibilité, l’État partie considère que l’opportunité de citer des témoins doit être laissée à l’appréciation des autorités internes compétentes.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie

5.1Dans des lettres datées des 30 juillet et 5 août 2014 et du 9 septembre 2015, les auteurs soutiennent que, contrairement à ce qu’avance l’État partie, ils n’ont pas accepté l’ordre administratif d’expulsion assorti d’une interdiction du territoire de deux ans. En réalité, ils n’ont pas signé le document en question par crainte que leur vie ne soit menacée en cas de retour en Chine.

5.2Les auteurs répètent leurs arguments concernant l’importance du témoignage de G. et expliquent que si celui-ci ne s’est pas présenté de son propre chef, c’est qu’il hésitait à le faire parce qu’il pouvait être mêlé à certains incidents survenus en Chine en février 2008.

5.3La Commission de recours des réfugiés n’est pas un tribunal et nombre des caractéristiques d’un tribunal lui font défaut. Sa composition et ses procédures soulèvent des questions au regard de la garantie d’une procédure équitable. Les allégations de la Commission concernant les contradictions entre les déclarations des auteurs ne sont pas convaincantes. Les auteurs ont donné des explications cohérentes sur les faits pertinents. Il n’est pas suspect que les auteurs aient pris contact avec l’ambassade de Chine au Danemark en 2009 et 2010 dans le but de renouveler leurs passeports qui avaient expiré. Les autorités chinoises savaient déjà que les auteurs se trouvaient au Danemark et qu’elles devaient de toute façon attendre leur retour en Chine pour pouvoir les sanctionner.

5.4Le 24 octobre 2012, D. a été inculpé pour séjour illégal au Danemark et placé en détention. Le 26 octobre, la demande d’asile présentée par les auteurs a été rejetée. Le 29 octobre, les accusations concernant D. ont été abandonnées parce qu’il avait été établi qu’à la date du 24 octobre, il séjournait en réalité légalement au Danemark. Le 27 janvier 2014, D. a été indemnisé par l’État partie pour sa détention illégale.

Délibérations du Comité

6.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’avait pas déjà été examinée ou n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité relève que les auteurs affirment avoir épuisé tous les recours internes utiles qui leur étaient ouverts. En l’absence de toute objection de l’État partie sur ce point, il considère que les conditions énoncées au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif sont remplies.

6.4Le Comité prend note du grief des auteurs qui affirment que, s’ils étaient renvoyés en Chine, ils seraient soumis à des mauvais traitements et emprisonnés pour avoir remis des ouvrages sur le Falun Gong aux parents de E., qui ont été arrêtés suite à cela. Le Comité prend note également du grief des auteurs selon lequel un témoin important, G., n’a pas été autorisé à témoigner devant la Commission de recours des réfugiés pour corroborer certains éléments de la requête des auteurs. Il prend note également des observations de l’État partie qui objecte que les griefs tirés des articles 7 et 26 sont dénués de fondement et que l’article 14 ne s’applique pas aux procédures d’asile.

6.5Le Comité rappelle le paragraphe 12 de son observation générale no 31 (2004) sur la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, dans lequel il est fait mention de l’obligation faite aux États parties de ne pas extrader, déplacer, expulser ou transférer de toute autre manière une personne de leur territoire s’il existe des motifs sérieux de croire qu’elle court un risque réel de préjudice irréparable, tel celui envisagé aux articles 6 et 7 du Pacte. Dans sa jurisprudence, le Comité a en outre estimé que le risque devait être personnel et qu’il fallait des motifs sérieux de conclure à l’existence d’un risque réel de préjudice irréparable. Partant, tous les faits et circonstances pertinents devaient être pris en considération, y compris la situation générale des droits de l’homme dans le pays d’origine de l’auteur. Le Comité rappelle que c’est généralement aux organes des États parties qu’il appartient d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée en vue de déterminer l’existence d’un tel risque, à moins qu’il puisse être établi que l’appréciation était arbitraire, manifestement entachée d’erreur ou constitutive d’un déni de justice.

6.6Le Comité note que la Commission de recours des réfugiés a relevé des contradictions dans les déclarations des auteurs et a conclu que leur récit n’était pas crédible s’agissant du risque de préjudice auquel ils disaient être exposés en Chine. En outre, les auteurs n’ont pas démontré que les parents de E. avaient été placés en détention en raison de leur lien avec les ouvrages sur le Falun Gong trouvés dans leur librairie. Le Comité estime que bien que les auteurs contestent les constatations des autorités de l’État partie, les informations dont il dispose ne montrent pas que ces conclusions sont manifestement déraisonnables. Le Comité considère que les auteurs n’ont pas suffisamment démontré que l’évaluation de leur demande d’asile par les autorités danoises était manifestement arbitraire ou constitutive d’un déni de justice. Par conséquent, les griefs que les auteurs tirent de l’article 7 du Pacte ne sont pas suffisamment étayés et sont donc irrecevables au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.7Le Comité note également que les auteurs n’ont pas exposé les fondements du grief tiré de l’article 26 du Pacte, c’est-à-dire les raisons pour lesquelles ils avaient le sentiment d’avoir été traités de manière discriminatoire pendant la procédure devant la Commission de recours des réfugiés. Il considère donc que les griefs des auteurs au titre de l’article 26 du Pacte ne sont pas suffisamment étayés et sont par conséquent irrecevables au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.8En ce qui concerne les griefs que les auteurs tirent de l’article 14 du Pacte, selon lesquels la Commission de recours des réfugiés n’a pas les caractéristiques d’un tribunal et G. a été injustement privé de la possibilité de témoigner, le Comité renvoie à sa jurisprudence, dont il ressort que les procédures d’expulsion des étrangers ne relèvent pas de la détermination des « droits et obligations de caractère civil » visée au paragraphe 1 de l’article 14, mais entrent dans le champ d’application de l’article 13. De surcroît, l’article 13 offre aux demandeurs d’asile une partie de la protection offerte par l’article 14, mais pas le droit de saisir les tribunaux. Le Comité conclut donc que ce grief est irrecevable ratione materiae en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif. Il considère également que, même si les auteurs avaient invoqué l’article 13 du Pacte, leurs griefs sur ce point n’auraient pas été suffisamment étayés.

6.9En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard des articles 2 et 3 du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et aux auteurs de la communication.