Nations Unies

CCPR/C/112/D/1946/2010

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

3 décembre 2014

Français

Original: anglais

C omité des droits de l ’ homme

Communication no 1946/2010

Constatations adoptées par le Comité à sa 112e session(7-31 octobre 2014)

Communication présentée par:

Yuri Bolshakov (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Fédération de Russie

Date de la communication:

9 février 2010 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 17 mai 2010(non publiée sous forme de document); décision de recevabilité adoptée le 6 mars 2012

Date des constatations:

15 octobre 2014

Objet:

Procès inéquitable

Question(s) de fond:

Droit de chacun à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal compétent, indépendant et impartial en vue de la détermination des droits et obligations de caractère civil

Question ( s ) de procédure:

Recevabilité ratione materiae; épuisement des recours internes

Article(s) du Pacte:

14 (par. 1)

Article(s) du Protocole facultatif:

5 (par. 2 b))

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titredu paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatifse rapportant au Pacte international relatif aux droitscivils et politiques (112e session)

concernant la

Communication no 1946/2010 *

Présentée par:

Yuri Bolshakov (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Fédération de Russie

Date de la communication:

9 février 2010 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 15 octobre 2014,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1946/2010, présentée au Comité des droits de l’homme par Yuri Bolshakov en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteurde la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5du Protocole facultatif

1.1L’auteur de la communication est Yuri Bolshakov, de nationalité russe, né en 1965 et résidant à Pskov (Fédération de Russie). Il se déclare victime d’une violation par la Fédération de Russie des droits consacrés au paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il n’est pas représenté par un conseil.

1.2Le 5 avril 2010, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires a décidé que la recevabilité de la communication devait être examinée séparément du fond.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur est un fonctionnaire retraité du Ministère de l’intérieur de la Fédération de Russie. Ses états de service lui ont valu des médailles de première et deuxième classe «pour excellents services». Il a demandé à bénéficier de prestations sociales en plus de sa pension de retraite, en application de l’article 5 de la loi no 401-OZ du district de Pskov «relative aux mesures d’aide sociale en faveur de différentes catégories de citoyens résidant dans le district de Pskov». En vertu de cette disposition, les retraités qui ont le statut de «vétéran du travail» ont droit à certaines prestations sociales complémentaires. L’auteur a fait valoir que, en application de la loi nationale «relative aux vétérans», les personnes qui avaient été décorées et avaient droit à une pension de retraite obtenaient le statut de vétéran du travail.

2.2Le 24 mars 2006, la Direction territoriale de Velikié Louki de l’administration principale du district de Pskov chargée du développement social et du travail a rejeté la demande que l’auteur avait déposée en vue de bénéficier de prestations sociales en tant que vétéran du travail. L’auteur a fait appel de la décision de la Direction auprès du tribunal municipal de Velikié Louki qui, le 28 avril 2006, a rendu un jugement annulant la décision de l’administration et reconnaissant à l’auteur le droit à une aide sociale.

2.3La Direction n’a pas fait appel de la décision du tribunal municipal, mais a déposé par la suite une demande de révision au titre de la procédure de contrôle auprès du tribunal régional de Pskov. Cette juridiction a fait droit à la requête et, en date du 13 octobre 2006, a infirmé la décision du tribunal municipal et déclaré que l’auteur n’avait pas droit aux prestations sociales demandées.

2.4L’auteur a introduit une demande de révision de la décision du tribunal régional de Pskov auprès de la Cour suprême de la Fédération de Russie, qui l’a débouté par un arrêt du 31 mai 2007.

2.5À une date non précisée, à la fin de l’année 2009, l’auteur a tenté d’obtenir l’annulation de la décision rendue le 13 octobre 2006 par le tribunal régional de Pskov, en formant une demande de révision sur la base de nouveaux éléments. Le 22 janvier 2010, la chambre plénière du tribunal régional de Pskov a rejeté sa demande. Le collège de juges qui a examiné celle-ci comprenait quatre magistrats qui avaient été membres du collège ayant rendu la décision du 13 octobre 2006. L’auteur affirme qu’il a épuisé tous les recours internes disponibles et utiles.

Teneur de la plainte

3L’auteur fait valoir que l’annulation par le tribunal régional de Pskov, dans le cadre d’un recours extraordinaire, du jugement rendu le 28 avril 2006 par le tribunal municipal, après que ledit jugement fut passé en force de chose jugée, est contraire au principe de la sécurité juridique. Il ajoute que le fait que sa demande de révision de la décision rendue le 13 octobre 2006 par le tribunal régional de Pskov, déposée en 2009, ait été examinée par un collège de juges quasiment identique à celui qui avait rendu cette décision initiale porte atteinte aux principes de l’indépendance et de l’impartialité de la justice. En conséquence, l’auteur se déclare victime de violations par l’État partie des droits garantis par le paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Par une note en date du 24 mars 2011, l’État partie a fait part de ses observations sur la recevabilité de la communication. Il confirme que l’auteur a saisi le tribunal municipal pour contester le rejet de sa demande de prestations sociales en vertu de la loi no 401-OZ du district de Pskov «relative aux mesures d’aide sociale en faveur de différentes catégories de citoyens résidant dans le district de Pskov» par la Direction territoriale de Velikié Louki de l’administration principale du district de Pskov chargée du développement social et du travail. Le 28 avril 2006, le tribunal municipal a annulé la décision de l’administration et a reconnu à l’auteur le droit à des prestations sociales.

4.2La Direction a demandé au tribunal municipal de justifier sa décision du 28 avril 2006 et d’expliquer sur quels textes juridiques il s’était fondé pour trancher en faveur de l’auteur. Dans une ordonnance datée du 9 juin 2006, le tribunal municipal a indiqué que M. Bolshakov avait droit à des prestations sociales en vertu de l’article 5 de la loi no 401‑OZ du district de Pskov. Le 13 octobre 2006, le tribunal régional de Pskov a examiné le dossier dans le cadre de la procédure de contrôle, a annulé la décision du tribunal municipal et a déclaré que l’auteur n’avait pas droit aux prestations sociales demandées. Le recours formé par l’auteur contre la décision du tribunal régional de Pskov a été rejeté par la Cour suprême en date du 31 mai 2007.

4.3L’État partie fait valoir que la plainte de l’auteur relative à l’annulation, à l’issue d’une procédure de contrôle, de la décision rendue par le tribunal municipal en date du 28 avril 2006 est irrecevable. Il maintient que l’article 14 du Pacte ne peut pas être invoqué dans cette affaire, parce que les procédures relatives à la légalité du rejet par l’administration d’une demande de prestations sociales ne relèvent pas de la détermination des «droits et obligations de caractère civil».

4.4L’État partie affirme que, conformément à la pratique du Comité des droits de l’homme, les affaires renvoyant à des questions relatives à la détermination des droits et obligations de caractère civil portent, en particulier, sur des questions telles que le montant de la pension de retraite d’un individu, le réexamen d’un diagnostic psychiatrique et l’attribution de dommages-intérêts. Il se réfère également à l’Observation générale no 32, dans laquelle le Comité étudie la notion de détermination des droits et obligations.

4.5En vertu de la décision du tribunal municipal du 28 avril 2006, la Direction était tenue d’octroyer à l’auteur les prestations sociales prévues par la loi no 401-OZ du district de Pskov étant donné que l’affaire concernait l’application de la loi à l’auteur. La décision du tribunal ne portait pas sur la reconnaissance de droits ou obligations particuliers de caractère patrimonial ou relevant d’autres domaines du droit civil. Comme la procédure ne concernait pas la détermination des «droits et obligations» «de caractère civil», l’article 14 n’est pas applicable en l’espèce et la plainte ne peut pas être examinée par le Comité.

4.6Dans le cas où le Comité considérerait que l’article 14 est applicable en l’espèce, l’État partie fait valoir que cet article n’interdit pas aux États parties d’annuler des décisions de justice par une procédure de contrôle ou d’autres procédures prévues par la loi.

4.7En ce qui concerne l’argument de l’auteur selon lequel l’annulation de la décision du tribunal municipal dans le cadre de la procédure de contrôle constitue une violation du principe de la sécurité juridique des décisions passées en force de chose jugée, l’État partie objecte que, à la différence de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’article 14 du Pacte n’interdit pas l’annulation d’une décision par voie de contrôle, et que cela est confirmé par la pratique du Comité. Conformément à la jurisprudence du Comité, c’est généralement aux juridictions des États parties au Pacte qu’il appartient d’examiner les faits et les éléments de preuve ou l’application faite de la législation nationale dans un cas d’espèce. En outre, l’État partie maintient que l’annulation de la décision du tribunal municipal par la procédure de contrôle a été décidée parce que le tribunal de première instance avait commis d’importants manquements à la législation nationale.

4.8L’État partie rappelle également la jurisprudence du Comité, selon laquelle le droit à l’égalité d’accès à un tribunal, énoncé au paragraphe 1 de l’article 14, vise l’accès aux procédures de première instance et n’implique pas un droit de faire appel ou de disposer d’autres recours. Le paragraphe 5 de l’article 14, qui consacre le droit de faire réexaminer la condamnation, ne s’applique pas aux procédures déterminant les droits et obligations de caractère civil. Par conséquent, la révision des décisions relatives à la détermination des droits et obligations de caractère civil ne relève pas du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

4.9D’après l’ordonnance rendue le 9 juin 2006 par le tribunal municipal (expliquant sa décision du 28 avril 2006), M. Bolshakov pouvait prétendre à des prestations sociales en application de l’article 5 de la loi no 401-OZ du district de Pskov. Cependant, le statut de «vétéran du travail» n’avait pas été reconnu à l’auteur, qui par conséquent ne remplissait pas les conditions requises pour bénéficier de prestations sociales au titre de l’article 5 de cette loi. Cette conclusion apparaît dans les décisions rendues par le tribunal régional de Pskov le 13 octobre 2006 et par la Cour suprême le 31 mai 2007. En conséquence, l’annulation par le tribunal régional de Pskov, à l’issue de la procédure de contrôle, de la décision rendue le 28 avril 2006 par le tribunal municipal était conforme à la législation interne et aux normes du droit international.

4.10L’État partie considère comme irrecevable le grief de l’auteur qui affirme avoir été privé du droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal impartial, lors de l’examen de la demande qu’il a déposée en 2009 pour obtenir la révision (sur la base de nouveaux éléments) de la décision rendue par le tribunal régional de Pskov le 13 octobre 2006. Il affirme que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes en ce qui concerne ce grief de violation du droit à un procès équitable. En vertu du paragraphe 2 de l’article 397 du Code de procédure civile, le refus par un tribunal de réviser une décision, une ordonnance ou un arrêt de la juridiction de contrôle sur la base de nouveaux éléments est susceptible de recours. Or l’auteur n’a pas saisi la Cour suprême pour contester la décision rendue par le tribunal régional de Pskov le 22 janvier 2010 rejetant la demande de révision de la décision du 13 octobre 2006. Par conséquent, la communication de l’auteur est irrecevable pour non-épuisement des recours internes, conformément à l’article 2 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

4.11L’État partie ajoute que l’article 14 ne s’applique pas à la procédure d’examen d’une demande de révision judiciaire, car l’examen d’une demande de révision fondée sur des éléments nouveaux n’implique pas l’examen de charges pénales ou la détermination de droits et obligations de caractère civil. Il affirme que les juridictions internes qui ont examiné les demandes concernant le refus de la Direction d’octroyer des prestations sociales à l’auteur n’ont commis aucune violation des droits que celui-ci tient du Pacte.

4.12Par conséquent, l’État partie fait valoir que la communication de l’auteur est irrecevable en vertu du Protocole facultatif.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une lettre en date du 28 avril 2011, l’auteur conteste l’argument de l’État partie selon lequel sa communication est irrecevable parce que le litige relatif au droit de bénéficier de prestations en vertu de la loi no 401-OZ du district de Pskov n’implique pas la détermination de droits et obligations de caractère civil. Il fait valoir que les propres observations de l’État partie contredisent cet argument, puisqu’elles indiquent qu’en vertu de cette loi, il aurait pu recevoir huit autres prestations, dont plusieurs financières. En outre, l’auteur note que l’État partie a fait valoir que, conformément à la pratique du Comité, la détermination des «droits et obligations de caractère civil» pouvait viser entre autres choses la détermination du montant d’une pension ou de paiements monétaires et qu’il a renvoyé aux constatations du Comité concernant les communications no 1524/2006 et no 1357/2005. L’auteur fait valoir que l’État partie a ainsi confirmé que son affaire et plus particulièrement la décision rendue par le tribunal municipal le 28 avril 2006 porte bien sur la question de la détermination des droits et obligations de caractère civil au sens du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

5.2L’auteur affirme que l’État partie se contredit encore lorsqu’il fait tout d’abord valoir que la communication doit être déclarée irrecevable pour non-épuisement des recours internes, parce que l’auteur n’a pas saisi la Cour suprême en vue du réexamen de l’affaire sur la base de nouveaux éléments, puis affirme qu’une telle procédure ne porterait pas sur la détermination de ses droits et obligations de caractère civil. D’après l’auteur, l’État partie reconnaît que ce recours est inefficace tout en lui reprochant de ne pas l’avoir exercé.

5.3L’auteur renvoie à la jurisprudence du Comité qui, à son sens, montre que les violations fondamentales qui justifient l’annulation d’une décision de justice passée en force de chose jugée sont, par exemple, la reconnaissance à tort de la compétence d’un tribunal, les irrégularités de procédure graves et l’abus d’autorité. L’existence de deux points de vue distincts sur le fond d’un litige ne constitue pas à elle seule un motif de révision. La décision rendue par le tribunal le 28 avril 2006, qui était passée en force de chose jugée, a été annulée par la juridiction supérieure au motif que le juge de première instance avait permis «une application et une interprétation incorrectes des dispositions de la loi sur les vétérans». L’auteur maintient que ce motif ne constitue pas une violation fondamentale qui justifierait de s’écarter du principe de la sécurité juridique, et qu’il y a donc eu atteinte au droit à un procès équitable. L’auteur souligne également que la décision du tribunal, qui était passée en force de chose jugée, a été annulée par la juridiction supérieure à l’initiative d’un organe administratif, et que dans une société démocratique telle que la Fédération de Russie, une décision de justice exécutoire n’aurait pas dû être annulée pour des «raisons de pure forme».

5.4L’auteur fait valoir que, le 22 janvier 2010, le tribunal régional de Pskov a tenu une audience pour examiner la demande de révision sur la base de nouveaux éléments qu’il avait déposée pour contester la décision rendue par ce même tribunal en date du 13 octobre 2006. L’auteur maintient que, puisque l’audience a eu lieu, elle aurait dû se dérouler conformément aux prescriptions de l’article 14 du Pacte. Or, d’après l’auteur, l’exigence d’impartialité a été violée, du fait que les juges qui ont procédé à la révision étaient quasiment les mêmes que ceux qui avaient rendu la décision contestée.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Le 6 mars 2012, à sa 104e session, le Comité des droits de l’homme a examiné la recevabilité de la communication. En ce qui concerne le grief de l’auteur qui fait valoir que l’annulation par le tribunal régional de Pskov, dans le cadre d’un recours extraordinaire, de la décision rendue par le tribunal municipal en date du 28 avril 2006, alors que celle-ci était passée en force de chose jugée, constitue une violation des droits consacrés par le paragraphe 1 de l’article 14, le Comité a noté que l’État partie avait soulevé une objection ratione materiae. Le Comité a rappelé que la notion de «caractère civil» au sens du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte était fondée sur la nature du droit en cause et non sur le statut de l’une des parties. Le Comité a considéré que la procédure engagée auprès du tribunal municipal au sujet du droit de l’auteur de bénéficier de prestations sociales, dont certaines étaient financières, visait bien à déterminer des droits et obligations de caractère civil. Par conséquent, les procédures applicables à la décision rendue par le tribunal municipal en l’espèce relevaient bien des dispositions du paragraphe 1 de l’article 14. Le Comité a pris note de l’argument avancé par l’État partie, selon lequel il appartient généralement aux juridictions des États parties au Pacte d’examiner les faits et les éléments de preuve ou l’application faite de la législation nationale dans un cas d’espèce, mais a fait observer que la mesure dans laquelle la décision définitive d’un tribunal pouvait être infirmée par les mesures prises ultérieurement par les autorités publiques ne dépendait pas uniquement du droit interne et pouvait soulever des questions au regard du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte. En conséquence, le Comité a déclaré la communication recevable ratione materiae en ce que l’auteur soutenait que la privation de l’effet juridique de la décision rendue par le tribunal municipal constituait une violation des droits garantis au paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

6.2Le Comité a relevé que l’auteur faisait valoir que sa demande de révision, sur la base de nouveaux éléments, de la décision du tribunal régional de Pskov du 13 octobre 2006 avait été rejetée le 22 janvier 2010 par un collège de juges quasiment identique à celui qui avait rendu la décision initiale, et que la composition de ce collège constituait une atteinte aux droits qui lui étaient garantis par le paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte. Le Comité a noté cependant que l’État partie avait contesté la recevabilité de ce grief pour non‑épuisement des recours internes car l’auteur n’avait pas saisi la Cour suprême après le rejet par le tribunal régional de Pskov de sa demande de révision de la décision du 13 octobre 2006, et il a noté également que l’auteur n’avait pas répondu de façon suffisante à cette objection. Dans ces circonstances, le Comité considère que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes et déclare ce grief irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

Absence d’observations de l’État partie quant au fond

7.Dans sa décision concernant la recevabilité, transmise à l’État partie le 2 avril 2012 en anglais puis le 25 juin 2012 en russe, le Comité demandait à l’État partie de lui communiquer ses observations quant au fond. Le 21 janvier 2014, le Comité a derechef demandé à l’État partie de lui fournir des informations sur le fond de la communication. Le 26 février 2014, l’État partie a renouvelé ses observations quant à la recevabilité de la communication. Le 5 juin 2014, le Comité lui a de nouveau demandé des informations sur le fond de la communication. Le Comité constate qu’il n’a pas reçu ces informations. Il regrette que l’État partie n’ait pas répondu en temps voulu à sa demande d’information concernant le fond des griefs de l’auteur. Il rappelle que, conformément au paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif, l’État partie concerné est tenu de soumettre par écrit au Comité des explications ou déclarations éclaircissant l’affaire et indiquant, le cas échéant, les mesures qu’il pourrait avoir prises. En l’absence de réponse de l’État partie, le Comité doit accorder le crédit voulu aux allégations de l’auteur, dans la mesure où elles ont été suffisamment étayées.

Examen au fond

8.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

8.2La question dont le Comité est saisi est celle de savoir si, eu égard aux circonstances de l’espèce, l’annulation du jugement du tribunal municipal de Velikié Louki par le tribunal régional de Pskov, à l’issue de la révision sollicitée au titre de la procédure de contrôle par la Direction territoriale de Velikié Louki de l’administration principale du district de Pskov chargée du développement social et du travail, a violé les droits que l’auteur tient du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte. Le Comité rappelle à cet égard que ledit paragraphe s’applique non seulement aux affaires pénales, mais également à la détermination des droits et obligations de caractère civil. Le droit à ce que ces droits et obligations soient déterminés lors d’un procès équitable par un tribunal compétent, indépendant et impartial implique que les autorités administratives respectent la décision définitive prononcée dans le cadre de la procédure judiciaire dont elles font l’objet, et que cette procédure débouche sur une décision définitive dans des délais raisonnables.

8.3Le Comité constate que, dans le cas d’espèce, le tribunal municipal a rendu son jugement le 28 avril 2006 et que la Direction, bien qu’elle n’ait pas fait appel de cette décision dans les délais impartis, a demandé au tribunal municipal de préciser la base légale de sa décision, ce que le tribunal a fait par une ordonnance en date du 9 juin 2006. Un peu plus de trois mois plus tard, le 15 septembre 2006, la Direction a déposé une demande de révision au titre de la procédure de contrôle devant le tribunal régional de Pskov, qui y a fait droit et a annulé le jugement du tribunal municipal moins d’un mois plus tard, le 13 octobre 2006. La demande de révision de la décision du tribunal régional de Pskov introduite par l’auteur lui-même auprès de la Cour suprême de la Fédération de Russie a été rejetée par un arrêt du 31 mai 2007. Prises conjointement, ces procédures ont conduit à l’annulation du jugement du tribunal municipal pour une interprétation erronée du droit interne, dans les six mois suivant le prononcé de ce jugement. L’auteur ne prétend pas que la procédure de contrôle n’a pas respecté les exigences procédurales du droit interne telles qu’elles existaient en 2006. Le Comité observe en outre que l’auteur n’a présenté aucun élément de preuve permettant d’établir que le principe de la procédure contradictoire ou celui de l’égalité des armes avaient été violés au cours de la procédure de contrôle. Compte tenu des circonstances spécifiques de l’affaire, le Comité estime que l’ensemble des événements susmentionnés ne saurait être considéré comme un refus d’examiner de manière équitable et diligente les droits de l’auteur. Le Comité n’est donc pas en mesure de conclure que les droits de l’auteur au titre du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte ont été violés dans le cas d’espèce.

9.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constate que les faits dont il est saisi ne font apparaître aucune violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.