Nations Unies

CCPR/C/117/D/2559/2015

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

9 septembre 2016

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Décision adoptée par le Comité en vertu du Protocole facultatif, concernant la communication no 2559/2015 * , **

Communication présentée par :

I. M. Y. (représenté par un conseil, Tage Gøttsche)

Au nom de :

L’auteur

État partie :

Danemark

Date de la communication :

29 janvier 2015 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application des articles 92 et 97 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 30 janvier 2015 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision :

14 juillet 2016

Objet :

Expulsion vers la Somalie

Questions de procédure :

Recevabilité − communication manifestement mal fondée ; recevabilité − incompatibilité

Questions de fond :

Non-refoulement ; droits familiaux

Article(s) du Pacte :

7 et 17

Article(s) du Protocole facultatif :

2 et 3

1.1L’auteur de la communication est I. M. Y., de nationalité somalienne, né en 1986. Il a demandé l’asile au Danemark mais sa demande a été rejetée et, au moment où il a présenté sa communication, il devait être expulsé vers la Somalie le 2 février 2015. Il affirme que s’il l’expulsait vers la Somalie, le Danemark violerait les droits qu’il tient de l’article 7 du Pacte et de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme). Bien que l’auteur ne le dise pas explicitement dans sa communication, il soulève des questions qui semblent aussi relever de l’article 17 du Pacte. Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte est entré en vigueur pour le Danemark le 23 mars 1976. L’auteur est représenté par un conseil.

1.2Le 30 janvier 2015, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, agissant au nom du Comité, a prié l’État partie de ne pas expulser l’auteur vers la Somalie tant que sa communication était à l’examen. Le 3 février 2015, la Commission de recours des réfugiés a suspendu jusqu’à nouvel ordre le délai fixé pour le départ de l’auteur du Danemark, conformément à la demande du Comité.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur est arrivé au Danemark en 1992 à l’âge de 6 ans avec sa mère. Un permis de séjour lui a été accordé.

2.2En août 2001, sa mère a décidé de ramener la famille en Somalie. Toutefois, elle-même est revenue au Danemark en juillet 2003 et est devenue citoyenne danoise. Lors de son retour au Danemark, elle était en possession du passeport de l’auteur, que les autorités danoises ont confisqué. L’auteur voulait retourner au Danemark parce que tous ses frères et sœurs s’y trouvaient, mais faute de passeport il n’a pu sortir du pays. C’est pourquoi il a habité chez son oncle à Gaalkacyo, en Somalie, pendant cinq ans.

2.3L’auteur a quitté la Somalie en 2010, après que des membres du groupe militant des Chabab l’eurent contacté pour lui demander de se joindre à eux. Selon l’auteur, refuser d’être recruté par les Chabab revient à mettre sa vie en péril et, ne voulant pas rejoindre leurs rangs, il devait s’enfuir du pays au plus vite de crainte d’être tué. L’auteur indique qu’il a quitté la Somalie illégalement en passant par l’Éthiopie, où il est resté jusqu’à son départ pour le Danemark sans document de voyage valide. Il est arrivé au Danemark le 15 février 2013 et a présenté une demande de permis de séjour et d’asile.

2.4Le 26 juin 2014, la Commission de recours des réfugiés a refusé de rouvrir le dossier de l’auteur mais l’a renvoyé au Service danois de l’immigration pour examen complémentaire compte tenu des nouvelles informations qu’il avait fournies concernant sa crainte des Chabab. Le 11 novembre 2014, le Service a refusé de lui délivrer un permis de séjour en vertu de la loi danoise relative aux étrangers. Le 14 janvier 2015, la Commission danoise de recours des réfugiés a rejeté la demande d’asile et de protection présentée par l’auteur.

2.5Le 16 janvier 2015, le Ministère de la justice a décidé de rejeter la demande de permis de séjour pour motifs humanitaires présentée par l’auteur en vertu de l’article 9 b) 1) de la loi relative aux étrangers.

2.6L’auteur affirme que tous les recours internes ont été épuisés et qu’il n’a pas présenté de plainte à une autre instance internationale.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur fait valoir qu’il ne devrait pas être renvoyé en Somalie car il existe un risque réel qu’il soit tué par des éléments des Chabab. Il fait également valoir que plusieurs de ses amis ont été tués par les Chabab pour avoir refusé de coopérer avec eux : deux en 2013 et un autre en 2012, parce qu’ils n’avaient pas quitté la Somalie à temps. L’auteur indique en outre que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), dans son étude du 17 juin 2014 intitulée « UNHCR Position on Returns to Southern and Central Somalia », prie instamment les États de s’abstenir de renvoyer quiconque vers les régions du sud et du centre de la Somalie, qui sont le théâtre d’opérations militaires ou de déplacements de population consécutifs à celles-ci. La ville où résidait l’auteur est sous le contrôle de l’État mais les Chabab font régner la terreur dans cette agglomération et ses environs, surtout la nuit. Selon l’auteur, les Chabab ciblent de plus en plus les civils et se livrent à des violations systématiques et graves des droits de l’homme des populations qui vivent dans les zones qu’ils contrôlent. Il soutient donc que son expulsion constituerait une violation des droits qu’il tient de l’article 7 du Pacte et de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.

3.2L’auteur fait également valoir qu’il a des liens étroits avec l’État partie, qu’il a grandi au Danemark, que sa mère, son père et ses huit frères et sœurs y vivent, et qu’il s’est enfui au Danemark pour rejoindre sa famille. Il déclare aussi que son expulsion porterait atteinte à sa vie familiale, protégée par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans ses observations en date du 14 juillet 2015, l’État partie affirme que la communication devrait être déclarée irrecevable, et que même si le Comité devait la déclarer recevable, le renvoi de l’auteur en Somalie ne violerait pas l’article 7 du Pacte.

4.2L’État partie a confirmé que l’auteur, un Somalien né le 19 décembre 1986, était entré sur son territoire le 17 décembre 1992 avec sa mère et ses frères et sœurs. Le 14 mai 1993, l’auteur s’est vu accorder un droit de séjour de facto en vertu du paragraphe 2 de l’article 7 de la loi relative aux étrangers telle qu’elle était alors en vigueur, en tant que mineur accompagnant sa mère. Le 8 août 2001, l’auteur est rentré en Somalie avec sa mère et six frères et sœurs. Le 26 juillet 2003, la mère de l’auteur a regagné l’État partie sans celui-ci, resté en Somalie. Le 29 mars 2011, le père de l’auteur a adressé à l’Ambassade du Danemark à Addis-Abeba une lettre dans laquelle il indiquait que l’auteur se trouvait en Éthiopie et voulait rentrer au Danemark. Le 19 mai 2011, l’auteur a présenté à l’Ambassade du Danemark à Addis-Abeba une demande tendant à ce que son permis de séjour soit réputé ne pas avoir expiré. Le 28 septembre 2011, le Service danois de l’immigration a décidé que le permis de séjour du requérant avait expiré. Le 12 juillet 2012, l’auteur a présenté au Service une nouvelle demande tendant à ce que son permis de séjour soit réputé ne pas avoir expiré. Le Service a considéré cette demande comme un recours à sa décision du 28 septembre 2011 et l’a transmise à la Commission de recours des réfugiés.

4.3Le 15 février 2013, l’auteur est rentré au Danemark sans document de voyage valide. Le 3 juin 2013, la Commission de recours des réfugiés a décidé que le permis de séjour de l’auteur était réputé avoir expiré. Le 31 juillet 2013, l’auteur a présenté une demande de réexamen de sa demande de renouvellement de son permis de séjour. Le 26 juin 2014, la Commission a rejeté cette demande de réexamen, ajoutant cependant que les craintes de l’auteur à l’égard des Chabab constituaient un nouveau motif de demande d’asile, qui n’avait pas été pris en considération s’agissant de déterminer si le permis de séjour de l’auteur avait expiré, et elle a transmis copie de la demande au Service danois de l’immigration pour qu’il y donne suite et l’examine. Le Service a considéré que cette demande constituait une nouvelle demande d’asile et l’a rejetée le 11 novembre 2014. Le 16 janvier 2015, le Ministère de la justice a rejeté la demande de permis de séjour pour motifs humanitaires qu’avait présentée l’auteur en vertu de l’article 9 b) 1) de la loi relative aux étrangers. Le 19 janvier 2015, la Commission a confirmé la décision du Service rejetant la demande d’asile de l’auteur.

4.4Dans sa communication, l’auteur affirme que son renvoi en Somalie constituerait une violation de l’article 7 du Pacte ainsi que des articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. L’État partie note que dans sa décision du 19 janvier 2015, la Commission de recours des réfugiés a considéré que le requérant ne serait pas exposé à un risque spécifique et personnel de persécution au sens du paragraphe 1 de l’article 7 de la loi relative aux étrangers ni à un risque réel d’être soumis à un traitement inhumain au sens du paragraphe 2 du même article en cas de renvoi dans son pays d’origine. La Commission a confirmé la décision du Service en date du 11 novembre 2014 qui refusait l’asile à l’auteur.

4.5L’État partie décrit de façon détaillée sa procédure d’examen des demandes du statut de réfugié ainsi que le fondement juridique de la Commission de recours des réfugiés et son mode de fonctionnement.

4.6L’État partie fait valoir que l’auteur n’a pas établi prima facie aux fins de la recevabilité le bien-fondé de son grief touchant la violation de l’article 7 du Pacte et n’a donc pas établi qu’il existait des motifs sérieux de penser qu’il risquerait d’être soumis à une peine ou un traitement inhumain ou dégradant s’il était renvoyé en Somalie. L’État partie considère cette partie de la communication comme manifestement mal fondée et par conséquent irrecevable. Il affirme également que la violation alléguée des articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ne concerne pas le Pacte et ne relève donc pas de la compétence du Comité telle que définie à l’article 3 du Protocole facultatif. Il fait donc valoir que cette partie de la communication devrait être déclarée irrecevable ratione materiae en vertu de l’article 96 d) du règlement intérieur du Comité parce qu’elle est incompatible avec les dispositions du Pacte.

4.7Si le Comité devait déclarer la communication recevable, l’État partie affirme que l’auteur n’a pas suffisamment étayé son allégation selon laquelle son renvoi en Somalie constituerait une violation de l’article 7 du Pacte. L’État partie souligne que le Comité a indiqué que le risque couru devait être personnel et qu’il fallait des motifs sérieux pour conclure à l’existence d’un risque réel de préjudice irréparable. Les obligations imposées à l’État partie par l’article 7 du Pacte sont prises en compte au paragraphe 2 de l’article 7 de la loi relative aux étrangers, qui dispose qu’un permis de séjour est accordé à l’étranger qui en fait la demande lorsqu’il risque d’être condamné à mort ou d’être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants s’il est renvoyé dans son pays d’origine.

4.8L’État partie note également que la communication présentée par l’auteur au Comité ne contient pas, concernant ses conflits dans son pays d’origine, d’informations nouvelles par rapport à celles dont disposait la Commission de recours des réfugiés le 19 janvier 2015 lorsqu’elle a statué sur son recours. L’État partie fait observer que lorsqu’elle a examiné ce recours le 19 janvier 2015, la Commission avait connaissance du document intitulé« UNHCR Position on Returns to Southern and Central Somalia » et du rapport publié par Amnesty International le 23 octobre 2014 sous le titre « Forced returns to South and Central Somalia, including al-Shabaab areas : A blatant violation of international law», et qu’elle a tenu compte de ces documents ainsi que de plusieurs autres rapports sur la situation en Somalie pour se prononcer. Dans sa décision du 19 janvier 2015, la Commission a conclu qu’avant de quitter la Somalie l’auteur n’avait subi aucun mauvais traitement qui, indépendamment d’autres motifs, justifierait l’asile et, après avoir examiné la documentation disponible, a également conclu que les craintes subjectives de l’auteur ne reposaient pas sur des fondements objectifs de nature à justifier l’asile.

4.9En ce qui concerne la crainte subjective de l’auteur de retourner en Somalie, le Gouvernement de l’État partie relève qu’aux termes du paragraphe 2 de l’article 1A de la Convention relative au statut des réfugiés, l’auteur doit craindre avec raison d’être persécuté pour que la Convention lui soit applicable. Cela signifie que sa crainte doit être justifiée par des faits objectifs. Le Gouvernement relève à cet égard que la Commission de recours des réfugiés, qu’elle ait ou non considéré comme établi le fait allégué par l’auteur que les Chabab avaient tenté de le recruter de force par téléphone une fois en 2010, a conclu que l’auteur ne courait pas pour autant un risque réel de subir des persécutions ou des sévices aux mains des Chabab ou de quiconque s’il était renvoyé en Somalie. L’État partie note qu’aux dires de l’auteur, celui-ci n’a été contacté que cette fois-là et n’avait auparavant eu aucun conflit avec les Chabab. L’État partie relève de plus que depuis 2010 les Chabab n’ont contacté ni l’auteur ni son oncle, avec lequel il vivait au moment où il aurait reçu leur appel téléphonique.

4.10De surcroît, l’État partie soutient que la tentative faite pour recruter l’auteur en 2010 ne signifie pas que celui-ci appartient à un groupe de personnes risquant d’être persécutées en cas de renvoi en Somalie et que les informations disponibles sur la Somalie ne corroborent pas une telle allégation. L’État partie renvoie au rapport intitulé« Update on security and protection issues in Mogadishu and South-Central Somalia » publié par Landinfo et le Service danois de l’immigration le 1er mars 2014, qui indique que selon une organisation non gouvernementale internationale « [...] les recrutements forcés dans les rangs des Chabab ne concernent que les zones que les Chabab contrôlent entièrement. Ces recrutements s’effectuent essentiellement par l’intermédiaire des notables. Certains notables appuient les Chabab mais d’autres non. ». De plus, il ressort de la documentation disponible que Gaalkacyo, la ville dont l’auteur est originaire et où il a vécu, est contrôlée par le Gouvernement.

4.11En ce qui concerne la situation générale en Somalie, notamment à Gaalkacyo, la ville dont l’auteur est originaire, l’État partie affirme qu’actuellement elle n’est pas telle que l’on puisse conclure que tous ceux qui rentrent dans cette région risquent réellement d’être victimes de sévices du seul fait de leur présence sur place, ce qui justifierait l’octroi de l’asile. L’État partie fait en outre valoir que l’article du 2 janvier 2015 ne donne d’informations que sur une explosion qui a tué une personne et en a blessé quatre autres à l’extérieur d’une école internationale à Gaalkacyo, sans donner d’indications sur les responsables de l’attentat, contrairement aux allégations de l’auteur. En conséquence, l’État partie maintient que la crainte subjective de l’auteur concernant son renvoi en Somalie ne repose pas sur des faits objectifs, y compris les informations disponibles sur les recrutements forcés et la situation générale dans la région d’origine de l’auteur, qui constitueraient un fondement suffisant pour accorder l’asile.

4.12L’auteur a déclaré que la décision de la Commission de recours des réfugiés était contraire à l’article 26 de la loi relative aux étrangers, qui dispose que la Commission doit déterminer si un étranger ayant des liens étroits avec le Danemark doit être autorisé à rester dans le pays. L’État partie observe à cet égard que ce qui précède n’est pas une interprétation correcte de la législation danoise. Le paragraphe 1 de l’article 26 de la loi relative aux étrangers se lit comme suit :

Pour décider d’une expulsion, il faut se demander si l’expulsion serait particulièrement pénible, en particulier en raison ; i) des liens de l’étranger avec la société danoise ; ii) de l’âge de l’étranger, de son état de santé et d’autres considérations personnelles ; iii) des liens de l’étranger avec des personnes vivant au Danemark ; iv) des conséquences de l’expulsion pour les proches parents de l’étranger vivant au Danemark, notamment du point de vue de l’unité de la famille ; v) des liens ténus ou inexistants de l’étranger avec son pays d’origine ou tout autre pays dans lequel il pourrait s’installer ; et vi) du risque que, dans des cas autres que ceux visés aux paragraphes 1 et 2 l’article 7 et 1 et 2 de l’article 8, l’étranger soit maltraité dans son pays d’origine ou dans tout autre pays dans lequel il pourrait s’installer.

4.13L’État partie a fait valoir que l’article 26 de la loi relative aux étrangers s’applique aux cas d’expulsion du Danemark. Cette disposition s’applique aussi aux cas concernant la révocation ou le refus de renouvellement d’un permis de séjour délivré en vertu de l’article 7 et la première phrase du paragraphe 6 de l’article 19 de ladite loi. Elle ne s’applique pas aux cas d’asile relevant de l’article 7 et, partant, elle ne s’applique pas au cas de l’auteur.

4.14L’État partie indique que le fait que toute la famille de l’auteur, à l’exception de sa sœur, vive au Danemark, le fait que l’auteur parle couramment le danois et le fait qu’il ait des liens étroits avec la société danoise grâce à sa famille ne sont pas pertinents aux fins de l’asile. Il indique en outre que le fait que l’auteur, s’il est renvoyé en Somalie, n’aura pas de proches parents dans ce pays suite au décès de son oncle ne justifie pas à lui seul l’octroi de l’asile. Le Gouvernement observe à cet égard que, comme attesté page 4 du compte rendu de l’interrogatoire préliminaire réalisé par le Service danois de l’immigration le 30 octobre 2014 dans le cadre de la demande d’asile, l’auteur, qui est maintenant un homme de 29 ans en bonne santé, a déclaré que des membres éloignés de sa famille et de son clan vivaient à Gaalkacyo et qu’il restait en contact via Facebook avec ses amis habitant cette ville.

4.15Selon l’État partie, la Commission de recours des réfugiés a tenu compte de toutes les informations pertinentes pour prendre sa décision et la communication ne contient aucune information confirmant que l’auteur courrait, s’il rentrait en Somalie un risque de persécutions ou de violences tel que l’octroi de l’asile serait justifié. L’État partie renvoie aux constatations adoptées par le Comité dans les affaires P. T. c. Danemarket M. X. et M me  X. c. Danemarket affirme que les mêmes garanties d’une procédure régulière s’appliquent à l’auteur dans la présente affaire.

4.16L’État partie fait valoir que la communication présentée par l’auteur au Comité montre simplement que celui-ci n’est pas d’accord avec l’appréciation de la documentation faite par la Commission de recours des réfugiés et qu’il ne relève aucune irrégularité dans le processus de prise de décision ni aucun facteur de risque dont la Commission n’aurait pas tenu dûment compte. En conséquence, l’État partie considère que l’auteur tente d’utiliser le Comité comme un organe d’appel pour faire réexaminer les faits qu’il allègue à l’appui de sa demande d’asile. L’État partie affirme que le Comité doit accorder un poids considérable aux conclusions de la Commission de recours des réfugiés, car celle-ci est mieux placée pour évaluer les faits en l’espèce.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans ses commentaires du 24 septembre 2015, l’auteur affirme qu’il s’est toujours « acquitté de la charge de la preuve » en expliquant et en étayant chacune des allégations et des déclarations qu’il a faites. Il a établi qu’il y avait des motifs sérieux de croire qu’il courrait le risque d’être persécuté ou maltraité. Il nie essayer d’utiliser le Comité comme un organe d’appel pour faire réexaminer les faits qu’il allègue à l’appui de sa demande d’asile. Il maintient que la Commission de recours des réfugiés n’a pas pris le caractère extraordinaire de sa situation en considération et n’a pas appliqué correctement l’article 26 de la loi relative aux étrangers.

5.2L’auteur réaffirme qu’il a des liens étroits avec le Danemark. Toute sa famille vit dans ce pays et il parle couramment danois. Ses parents et huit de ses frères et sœurs vivent à Aarhus (Danemark). Il s’est enfui de Somalie parce qu’il craint les milices des Chabab et s’est réfugié au Danemark pour y rejoindre les siens. Selon lui, la Commission de recours des réfugiés n’a pas pris en considération les liens étroits qui l’unissent au Danemark. Aux termes de l’article 26 de la loi relative aux étrangers, si une personne a des liens étroits avec le Danemark, il convient d’en tenir compte pour déterminer si elle doit être autorisée à rester dans le pays. En outre, l’auteur n’a plus aucun proche en Somalie. Il soutient que l’État partie violerait l’article 26 de la loi relative aux étrangers et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

5.3L’auteur fait valoir que depuis que le Comité a pris des mesures provisoires, il a commencé à fréquenter un établissement offrant divers cours pour jeunes adultes. Il a passé son permis de conduire et, surtout, il a retrouvé sa famille et ses amis. Il est intégré dans la société danoise et rien ne le différencie désormais des jeunes adultes danois. Son expulsion constituerait une violation grave de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il n’a pas de famille en Somalie, où il vivrait dans la peur constante des Chabab. Il affirme également qu’actuellement la situation en Somalie pour les personnes qui ont refusé de rejoindre les rangs des Chabab est telle qu’il risque réellement d’être torturé. Il soutient que l’État partie n’a pas démontré pourquoi l’asile ne devrait pas lui être accordé et réaffirme que son expulsion violerait les droits qu’il tient de l’article 7 du Pacte.

Nouvelles observations de l’État partie

6.1 Dans des observations datées du 28 octobre 2015, l’État partie indique que les observations formulées par l’auteur le 24 septembre 2015 n’appellent pas de nouveaux commentaires de sa part. Il réaffirme que le grief de l’auteur relatif à une violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ne concerne pas le Pacte et ne relève donc pas de la compétence du Comité telle que définie à l’article 3 du Protocole facultatif. Il réaffirme également que l’article 26 de la loi relative aux étrangers ne s’applique pas aux affaires d’asile, lesquelles relèvent de l’article 7 de ladite loi. En conséquence, cette disposition ne s’applique pas au cas de l’auteur.

6.2L’État partie réaffirme que la communication est manifestement mal fondée et devrait être déclarée irrecevable. Il réaffirme en outre que même si le Comité devait la déclarer recevable, le renvoi de l’auteur en Somalie ne constituerait pas une violation des dispositions du Pacte.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner toute plainte formulée dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3Le Comité prend note de l’affirmation de l’auteur selon laquelle sa demande d’asile et sa demande tendant à ce que son permis de séjour soit réputé ne pas avoir expiré ont été rejetées par le Service danois de l’immigration et la Commission de recours des réfugiés, et les décisions de cette dernière n’étant pas susceptibles d’appel, les recours internes ont donc été épuisés. Cela n’a pas été contesté par l’État partie. Le Comité prend également note de la déclaration de l’État partie selon laquelle le 16 janvier 2015, le Ministère de la justice a rejeté la demande présentée par l’auteur pour obtenir un permis de séjour pour motifs humanitaires. En conséquence, le Comité considère que les recours internes ont été épuisés comme l’exige le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

7.4Le Comité prend note de l’allégation de l’auteur qui affirme que son renvoi en Somalie l’exposerait au risque d’être soumis à la torture. L’auteur fonde cette allégation sur le fait qu’en 2010 des membres du groupe militant des Chabab l’ont contacté par téléphone pour lui demander de se joindre à eux ; il a quitté le pays parce qu’il ne voulait pas le faire et que quiconque refuse d’être recruté par les Chabab risque d’être tué.

7.5Le Comité relève que la Commission de recours des réfugiés a examiné la demande de l’auteur de manière approfondie et pris en considération sa situation personnelle, ainsi que la situation générale des jeunes hommes menacés d’être recrutés par les Chabab, et qu’elle a conclu que l’histoire personnelle de l’auteur ne l’exposait pas au risque d’être torturé. Le Comité est conscient que des inquiétudes ont été formulées au sujet de la présence continue des Chabab dans le sud et le centre de la Somalie. Il note toutefois que lorsqu’elle a examiné la demande d’asile de l’auteur, la Commission a passé en revue ses allégations et procédé à une évaluation spécifique du risque qu’il court personnellement.

7.6Le Comité rappelle que c’est en général aux organes de l’État partie concerné qu’il appartient d’examiner les faits et les éléments de preuve, sauf s’il peut être établi que cette appréciation a été arbitraire ou manifestement entachée d’erreurs ou qu’elle a constitué un déni de justice. L’auteur n’a pas expliqué en quoi la décision rendue par la Commission de recours des réfugiés serait contraire à cette norme, pas plus qu’il n’a avancé de motifs sérieux de croire que, comme il l’affirme, son renvoi en Somalie l’exposerait à un risque réel de préjudice irréparable en violation de l’article 7 du Pacte. En conséquence, le Comité conclut que l’auteur n’a pas suffisamment étayé son grief de violation de l’article 7 aux fins de la recevabilité et déclare la communication irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.7Le Comité prend note en outre des déclarations de l’auteur, qui affirme qu’il a des liens étroits avec l’État partie, qu’il a vécu au Danemark avec sa famille de l’âge de 6 ans à l’âge de 15 ans, que ses parents et ses frères et sœurs y vivent et qu’il est venu les y rejoindre. Le Comité note également que l’auteur mentionne une violation de ses droits au regard de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme mais il observe que les faits tels que présentés par l’auteur semblent soulever des questions au titre de l’article 17 du Pacte et que le libellé de l’article 8 de la Convention européenne est similaire à celui de l’article 17 du Pacte.

7.8Le Comité renvoie au paragraphe 5 de son observation générale no 16 (1988) sur le droit au respect de la vie privée, de la famille, du domicile et de la correspondance, et sur la protection de l’honneur et de la réputation, dans lequel il rappelle que les objectifs du Pacte exigent que le terme « famille » soit interprété au sens large. Le Comité note toutefois que l’auteur n’a pas fourni suffisamment d’informations attestant qu’il avait maintenu des liens étroits avec ses parents et frères et sœurs entre 2003 et 2013 et après son arrivée sur le territoire de l’État partie en 2013, se contentant de déclarations générales selon lesquelles il était venu au Danemark pour les rejoindre. Étant donné les circonstances de la présente espèce, le Comité considère que les allégations de l’auteur restent générales et que l’auteur n’a pas expliqué au Comité en quoi son renvoi dans son pays d’origine serait une mesure disproportionnée entraînant une immixtion arbitraire dans l’exercice des droits familiaux qu’il tient de l’article 17. En conséquence, le Comité considère que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ses griefs de violation de ses droits familiaux aux fins de la recevabilité et les déclare irrecevables au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.