Nations Unies

CAT/C/EST/CO/5

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

17 juin 2013

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le cinquième rapport périodique de l’Estonie, adoptées par le Comitéà sa cinquantième session (6-31 mai 2013)

Le Comité contre la torture a examiné le cinquième rapport périodique de l’Estonie (CAT/C/EST/5) à ses 1154e et 1157e séances, les 22 et 23 mai 2013 (CAT/C/SR.1154 et CAT/C/SR.1157). À sa 1166e séance (CAT/C/SR.1166), le 30 mai 2013, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir accepté de suivre la nouvelle procédure facultative, d’avoir soumis son cinquième rapport périodique dans les temps voulus et d’avoir fourni des réponses à sa liste des points à traiter (CAT/C/EST/Q/5), car ce sont autant d’éléments qui permettent de bien cibler l’examen du rapport et le dialogue avec la délégation.

Le Comité se félicite aussi du dialogue ouvert et constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie et des informations complémentaires détaillées qui lui ont été données.

B.Aspects positifs

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie, depuis l’examen de son quatrième rapport périodique, a adhéré aux instruments internationaux ci-après, ou les a ratifiés:

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 30 mai 2012;

b)La Convention (no 138) de l’OIT (Organisation internationale du Travail) concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi, 1973, en 2007.

Le Comité salue les efforts faits par l’État partie pour réviser sa législation dans les domaines touchant la Convention, et notamment:

a)Les modifications apportées au Code pénal en avril 2012 afin d’introduire une disposition distincte faisant de la traite des êtres humains une infraction pénale à part entière;

b)Les modifications apportées au Code de procédure pénale pour accélérer les procédures judiciaires, améliorer la protection des mineurs et renforcer les droits des personnes privées de liberté, entrées en vigueur le 1er septembre 2011;

c)L’entrée en vigueur le 1er janvier 2009 de la loi sur l’égalité de traitement, qui garantit le droit à un recours utile des victimes de discrimination directe et indirecte ou de harcèlement;

d)La modification de l’article 133 du Code pénal entrée en vigueur en mars 2007 qui est venue améliorer la définition des éléments de l’asservissement.

Le Comité relève également avec satisfaction les initiatives prises par l’État partie pour modifier ses politiques, ses programmes et ses procédures administratives de façon à donner effet à la Convention, notamment:

a)L’adoption en 2010 du rapport final du Plan de lutte contre la traite des êtres humains pour 2006-2009;

b)L’adoption en avril 2010 du Plan de développement pour la réduction et la prévention des violences pour 2010-2014 et du Plan national d’action contre la violence au foyer pour 2008-2011;

c)L’adoption en 2010 d’un nouveau règlement en ce qui concerne la manière de traiter les victimes de la violence familiale, d’enquêter et de consigner les faits;

d)L’adoption en 2010, par le Parlement, des Orientations concernant le développement de la politique judiciaire jusqu’en 2018;

e)Le lancement en 2009 du programme financé par le Fonds européen d’intégration des ressortissants de pays tiers pour offrir des cours de langue à tous les individus «de nationalité indéterminée» ou ressortissants de pays tiers;

f)L’exploitation depuis 2008, par l’Union estonienne des foyers de femmes, d’une ligne téléphonique gratuite nationale destinée aux femmes victimes de violence;

g)L’adoption, le 14 décembre 2007, d’une stratégie d’intégration et du programme d’intégration de l’État pour 2008-2013;

h)L’exploitation depuis 2004 d’une ligne téléphonique pour la prévention de la traite des êtres humains et l’assistance aux victimes, financée depuis 2006 par le Ministère des affaires sociales et gérée par l’organisation non gouvernementale Living for Tomorrow (Une vie pour demain).

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture

S’il prend acte de la déclaration de la délégation selon laquelle l’Estonie a l’intention de modifier son Code pénal pour le mettre en conformité avec la Convention, le Comité rappelle ses observations finales précédentes (par. 8) et se redit inquiet du fait que la définition de la torture qui figure au paragraphe 122 du Code pénal ne reprend pas complètement tous les éléments contenus dans l’article premier de la Convention, notamment la douleur morale (art. 1er et 4).

Le Comité recommande à l ’ État partie de modifier le Code pénal de façon à y inclure une définition de la torture conforme à la Convention, qui comprenne tous les éléments énonc és à l ’ article premier de la Convention.

Peines encourues pour les actes de torture

Rappelant ses précédentes observations finales (par. 13), le Comité relève avec préoccupation que la peine maximale prévue dans le Code pénal pour les actes de torture, qui est de cinq ans d’emprisonnement, n’est pas à la mesure de la gravité du crime de torture. Il s’inquiète aussi de l’écart entre les peines encourues pour torture et celles encourues pour la traite des êtres humains, qui est aussi une forme de torture: ces dernières peuvent aller jusqu’à quinze années d’emprisonnement, alors que les peines exécutées pour des actes de torture sont généralement de l’ordre de dix-huit mois d’emprisonnement selon les représentants de l’État partie (art. 2 et 4).

Le Comité recommande à l ’ État partie de réviser son Code pénal de manière à veiller à ce que les infractions de torture soient passibles de peines appropriées qui prennent en considération leur gravité, conformément au paragraphe 2 de l ’ article 4 de la Convention et compte tenu de l ’ Observation générale n o 2 du Comité.

Garanties juridiques fondamentales pour les personnes privées de liberté

Le Comité note avec préoccupation que les personnes privées de liberté ne jouissent pas toujours de toutes les garanties juridiques fondamentales contre la torture et les mauvais traitements dès le début de leur détention, en particulier en ce qui concerne le droit à un avocat et le droit d’aviser la personne de leur choix. Il s’inquiète aussi d’informations selon lesquelles les registres de détention dans les postes de police ne sont pas toujours tenus de manière régulière (art. 2, 12, 13 et 16).

L ’ État partie devrait:

a) Prendre des mesures efficaces pour garantir que toute personne privée de liberté bénéficie , en droit et dans la pratique , de toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de la garde à vue, à savoir le droit d ’ être informée des  motifs de son arrestation et des charges qui pèsent sur elle, d ’ être informée de ses  droits, d ’ avoir rapidement accès à un avocat indépe ndant et, le cas échéant, à une  aide juridictionnelle, d ’ informer la personne de son choix, de se faire examiner par un médecin indépendant, si possible de son choix, d ’ être présentée à un juge sans délai et d ’ obtenir qu ’ un tribunal statue sur la légalité de sa détention, conformément aux normes internationales;

b) Prendre les mesures qui s ’ imposent pour que tous les agents de l ’ État respectent les garanties prévues pour les personnes privées de liberté, et notamment pour qu ’ il s consigne nt les informations utiles dans les registres de détention, et  procéder à des contrôles réguliers pour vérifier que les agents de l ’ État se  conforment bien aux obligations qui leur incombent en la matière;

c) Faire le nécessaire pour que tout agent de l ’ État dé n i ant les garanties juridiques fondamentales à une personne privée de liberté fasse l ’ objet de mesures disciplinaires ou de poursuites pénales;

d) Communiquer au Comité des données sur le nombre de cas dans lesquels des fonctionnaires ont été sanctionnés pour de tels agissements, en précisant la nature de la sanction.

Poursuites en vertu du Code de procédure pénale

Le Comité est préoccupé par le fait que le Code de procédure pénale n’a pas été modifié de manière à permettre aux tribunaux de continuer les poursuites d’office si le Procureur abandonne les poursuites (art. 2, 12 et 13).

L e Comité recommande une nouvelle fois à l ’ État partie d ’ envisager de réviser son Code de procédure pénale en vue de fixer les attribu tions respectives du parquet et  des juges de sort e que l ’ abandon des poursuites par le parquet ne puisse pas aboutir à un classement sans suite ou à un acquittement mais que la décision soit prise p ar un  tribunal.

Usage de la force

Le Comité est préoccupé par des informations selon lesquelles il n’y aurait pas eu de poursuites engagées à la suite des requêtes officiellement présentées au Chancelier de justice ou au bureau du Procureur général au sujet des cas signalés de brutalités et d’usage excessif de la force de la part d’agents de forces de l’ordre lors des troubles survenus à Tallinn en avril 2007. Il prend également note avec inquiétude de cas d’usage «excessif» de la force par les forces de l’ordre, du fait que l’État partie n’a pas procédé à des enquêtes suffisantes sur ces incidents et du fait que les autorités n’ont pas cherché à obtenir d’éléments de preuve supplémentaires, par exemple en interrogeant les plaignants en personne ou en s’entretenant avec les témoins, ainsi que l’a constaté la Cour européenne des droits de l’homme (art. 2, 10, 12, 13, 14 et 16).

L ’ État partie devrait:

a) Ouvrir sans délai des enquêtes approfondies , diligentes et impartiales sur tous les cas de brutalités, de mauvais traitements et d ’ usage excessif de la force de la part d ’ agents de la force publique et poursuivre et sanctionner les fonctionnaires jugés coupables de ces infractions en leur imposant des peines appropriées;

b) Créer un registre spécifique pour consigner les allégations de torture et de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et instituer un mécanisme indépendant pour enquêter sur les allégations de torture et de mauvais traitements;

c) Veiller à ce que toutes les victimes d ’ actes de torture et de mauvais traitements obtiennent réparation et à ce qu ’ elles aient un droit opposable à une indemnisation juste et appropriée, y compris les moyens d ’ une réadaptation aussi complète que possible, conformément à l ’ article 14 de la Convention;

d) Veiller à ce que les agents de la force publique reçoivent une formation axée sur l ’ interdiction absolue de la torture et sur les normes internationales relatives à l ’ utilisation de la force et des armes à feu ainsi que sur le fait que leur responsabilité est engagée en cas d ’ usage excessif de la force;

e) Faire en sorte que les forces de l ’ ordre soient formées à des techniques professionnelles qui réduisent autant que possible le risque d ’ atteinte à l ’ intégrité physique des personnes appréhendées.

Violences intrafamiliales

Rappelant ses précédentes observations finales (par. 21) et les nouveaux plans et lignes directrices adoptés en vue de réduire la violence intrafamiliale, le Comité reste préoccupé par le fait que l’État partie n’a toujours pas adopté de législation visant spécifiquement à prévenir et combattre la violence intrafamiliale et par le fait que cette violence ne constitue pas une infraction distincte dans le Code pénal (art. 1er, 2, 4, 12, 13, 14 et 16).

L ’ État partie devrait:

a) Adopter, à titre prioritaire, une législa tion complète sur la violence à  l ’ égard des femmes qui érigerait en infractions pénales à part entière la violence intrafamiliale et le viol conjugal;

b) Veiller à la bonne application d u Plan de développement pour la  réduction et la prévention de la violence (2010-2014);

c) Mettre sur pied un mécanisme de plainte efficace et in dépendant à  l ’ intention des victimes de violence intrafamiliale;

d) Faire en sorte que toutes les allégations de violence intrafamiliale, y compris les violences sexuelles et les violences à l ’ égard des enfants, soient enregistrées par la police et donnent rapidement lieu à une enquête efficace et  impartiale et à des poursuites et faire en sorte que les auteurs de tels actes soient déférés à la justice et sanctionnés;

e) Garantir que les victimes de violence intrafamiliale bénéficient d ’ une protection, notamment au moyen de mesures d ’ éloignement, et aient accès aux services médicaux et juridiques, y compris des services de soutien psychologique, ainsi qu ’ à une aide à la réadaptation et à des foyers sûrs et dotés de financements suffisants;

f) Sensibiliser et former les forces de l ’ ordre aux procédures à suivre pour les enquêtes et les poursuites dans les affaires de violence intrafamiliale;

g) Compiler des données ventilées concernant le nombre de plaintes déposées, d ’ enquêtes ouvertes, de poursuites engagées et de condamnations prononcées pour des actes de violence intrafamili ale, la réparation accordée aux  victimes et les difficultés rencontrées pour prév enir ces actes; communiquer ces  données au Comité.

Traite des êtres humains

S’il se félicite des modifications apportées au Code pénal en ce qui concerne la traite des êtres humains, le Comité relève néanmoins avec inquiétude que l’État partie demeure un pays d’origine, de transit et de destination de la traite des êtres humains, aussi bien à des fins de prostitution forcée qu’à des fins de travail forcé (art. 1er, 2, 4, 10, 12, 13 et 14).

L ’ État partie devrait:

a) Faire appliquer strictement la nouvelle loi contre la traite des êtres humains et prendre des mesures efficaces pour prévenir ce tte pratique et améliorer la protection des victimes;

b) Procéder rapidement à des enquêtes impartiales , efficaces et approfondies sur la traite des êtres humains et les pratiques analogues, et en poursuivre et en sanctionner les auteurs;

c) Accorder réparation aux victimes de la traite des êtres humains, en leur fournissant notamment une assistance d ’ ordre juridique, médical et psychologique ainsi que des services de réadaptation, en mettant à leur disposition des foyers appropriés et en les aidant à signaler les cas de traite aux services de police;

d) Empêcher le renvoi de victimes de la traite dans leur pays d ’ origine lorsqu ’ il y a des motifs sérieux de craindre qu ’ elles n ’ y soient soumises à la torture et resserrer la coopération internationale en matière de prévention et de répression de la traite;

e) Dispenser aux membres de la police, aux procureurs et aux juges une formation spécialisée sur les moyens de mener une action efficace pour prévenir les actes de traite, enquêter sur ces actes, poursuivre et punir leurs auteurs et informer le grand public de la nature criminelle de ces actes;

f) Rassembler des données ventilées sur le nombre de plaintes déposées, les enquêtes ouvertes, les poursuites engagées et le type de peine prononcée pour faits de traite, les mesures de réparation accordées aux victimes et les difficultés rencontrées dans le cadre de la prévention de tels actes; communiquer ces informations au Comité.

Institution nationale des droits de l’homme

Le Comité rappelle ses précédentes observations finales (par. 11), dans lesquelles il avait noté que le Chancelier de justice faisait office de mécanisme national de protection, inspectait les lieux de détention et avait publié des rapports, mais il relève avec préoccupation qu’aucun effort n’a été fait pour que cette institution, ou une autre, soit accréditée en tant qu’institution nationale des droits de l’homme par le Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (art. 2).

L ’ État partie devrait envisager de solliciter l ’ accréditation du Chancelier de justice ou d ’ une autre institution en qualité d ’ institution nationale des droits de l ’ homme par le  Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme et de doter ladite institution des ressources nécessaires à l ’ exercice de son mandat.

Situation des demandeurs d’asile

Le Comité constate avec préoccupation:

a)Que les demandeurs d’asile ne jouissent pas toujours de toutes les garanties procédurales, notamment du droit de faire appel en cas de refus, y compris s’agissant des demandes d’asile présentées par les individus arrivant en Estonie via la Fédération de Russie, qui seraient, semble-t-il, toutes rejetées par les autorités de contrôle aux frontières dans le cadre de la procédure de recevabilité ou de la procédure accélérée;

b)Que le risque de refoulement existe au regard de décisions prises dans le cadre de la procédure accélérée par des gardes frontière qui ne disposent pas de la formation, des équipements ou des ressources nécessaires pour procéder à des entretiens individuels, examiner les demandes de protection internationale et procéder à l’analyse juridique des demandes d’asile;

c)Les conditions de vie au centre de rétention de Harku, où les immigrés en situation irrégulière sont mal nourris, régulièrement menottés lors des transferts vers l’hôpital ou le tribunal et victimes d’un usage disproportionné de la force et de violences verbales de la part du personnel.

L ’ État partie devrait:

a) Faire en sorte que toutes les personnes demandant l ’ asile dans l ’ État partie, y compris à ses points de passage des frontières, jouissent de toutes les garanties procédurales, notamment du droit de faire appel d ’ un refus, et aient accès à  une assistance juridique et aux services d ’ un interprète;

b) Veiller à ce que les décisions en matière d ’ asile, notamment dans le cadre de la procédure accélérée, soient prises par le Servic e des gardes frontière et de la  police (anciennement Conseil de la citoyenneté et de l ’ immigration) ou par une autorité dotée du pouvoir de décision répondant aux crit ères internationaux fixés en la  matière;

c) Prendre immédiatement des mesures pour améliorer les conditions au centre de rétention de Harku afin de les mettre en conformité avec les normes internationales et donner au personnel encadrant les personnes privées de liberté une formation et des instructions concernant l ’ usage de la force et l ’ interdiction des violences verbales.

Formation

Le Comité s’inquiète de ce qu’il n’existe pas de méthodologie spécifique pour évaluer l’efficacité des programmes d’enseignement ou de formation à destination des forces de l’ordre, du personnel médical, des juges et des procureurs, ni des personnes travaillant avec les migrants ou les demandeurs d’asile au sujet de l’interdiction absolue de la torture et des mauvais traitements (art. 10).

L ’ État partie devrait:

a) Mettre au point des méthodologies spécifiques concernant l ’ évaluation des programmes d ’ enseignement et de formation sur l ’ interdiction absolue de la  torture et des mauvais traitements qui sont dispensés aux forces de l ’ ordre, au  personnel médical, aux juges et procureurs ainsi qu ’ aux personnes travaillant avec les migrants et les demandeurs d ’ asile;

b) Veiller à ce que le Protocole d ’ Istan bul fasse partie intégrante des  éléments obligatoires de la formation dispensée à tous les professionnels de la santé susceptibles d ’ être appelés à documenter les allégations de torture ou de mauvais traitements et à participer aux enquêtes ouvertes po ur y donner suite, afin que les  séquelles de la torture soient bien diagnostiquées.

Conditions de détention

Le Comité est préoccupé par des informations donnant à penser que, dans certains centres pénitentiaires et locaux de détention de la police, les conditions ne respectent pas les normes internationales, notamment en termes d’infrastructure, d’hygiène et de conditions sanitaires, d’accès à l’eau chaude, de chauffage, de fenêtres, de ventilation, d’éclairage, de mobilier et d’espace vital. Il relève avec inquiétude que le Chancelier de justice a également signalé que les conditions laisseraient aussi à désirer dans certains établissements neufs ou rénovés. Le Comité s’inquiète particulièrement de l’usage de cellules inadaptées dans certains postes de police. Il s’inquiète aussi de ce que les autorités pénitentiaires ne parviennent pas à garantir le droit des prisonniers de faire examiner leurs griefs touchant les conditions de détention (art. 2, 11, 12, 13 et 16).

L ’ État partie devrait:

a) Prendre immédiatement des mesures visant à améliorer les conditions matérielles dans tous les établissements pénitentiair es et locaux de détention de la  police, même les bâtiments récents ou récemment rénovés, afin d ’ améliorer l ’ infrastructure, l ’ hygiène et les conditions sanitaires, l ’ accès à l ’ eau chaude, le chauffage, la ventilation, l ’ éclairage et le mobilier et de réparer les fenêtres cassées, comme le veulent les normes internationales;

b) S ’ attacher à garantir l ’ application des normes internationales minimum, qui sont d ’ au moins 4 mètres carrés d ’ espace vital pour chaque détenu;

c) Veiller à ce que les travaux prévus pour construire de nouvelles prisons et agrandir et rénover les établissements de détention existants se poursuivent dans l e  respect des calendriers fixés;

d) Faire en sorte de mettre en place des mécanismes impartiaux chargés d ’ examiner les plaintes des détenus concernant leurs conditions de détention et veiller à ce qu ’ une suite soit effectivement donnée à ces plaintes.

Classement des prisonniers en fonction de leur maîtrise de la langue

Le Comité est préoccupé par des informations selon lesquelles, depuis 2011, les badges nominatifs des détenus contiennent aussi des renseignements quant à leur maîtrise de la langue estonienne, ce que certains jugent discriminatoire et humiliant (art. 2, 11 et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre un terme à toute discrimination dont les prisonniers pourraient faire l ’ objet sur la base de leur maîtrise de la langue estonienne et de veiller à ce que les détenus ne soient pas pénalisés sur le plan administratif ou disciplinaire s ’ ils ne maîtrisent pas suffisamment bien la langue. Des services de traduction devraient être fournis aux détenus qui ne connaissent pas suffisamment bien l ’ estonien.

Recours à des moyens de contrainte

Le Comité s’inquiète d’informations faisant état d’un recours injustifié à des moyens de contrainte dans les prisons, notamment à des menottes, faute d’évaluation suffisante de la situation et d’autres moyens offerts au personnel pénitentiaire pour y remédier (art. 2, 11, 12, 13 et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que l ’ ensemble du personnel pénitentiaire respecte strictement les nouveaux règlements, plus précis, concernant le recours aux moyens de contrainte dans les prisons en vigueur depuis 2011, ainsi que les protocoles concernant la tenue des registres, où doit être consigné tout recours à des moyens de contrainte, y compris les motifs, la durée et le type de moyens de contrainte utilisés. L ’ État partie devrait veiller à ce que toutes les plaintes pour violation des règles concernant le recours à des moyens de contrainte fassent rapidement l ’ objet d ’ enquêtes indépendantes et que les personnes responsables aient à  répondre de leurs actes.

Personnes handicapées

S’il prend acte des modifications apportées le 1er septembre 2012 à la loi sur la santé mentale, le Comité s’inquiète d’informations faisant état de lacunes dans la surveillance exercée par l’autorité judiciaire en matière d’hospitalisation sans consentement et de médication forcée de personnes atteintes de troubles mentaux et psychosociaux dans des établissements psychiatriques. Il s’inquiète aussi de l’absence de mécanisme de plainte contre les décisions d’internement ou l’administration d’un traitement sans consentement. Le Comité est en outre préoccupé par des informations selon lesquelles les handicapés mentaux ou leurs tuteurs légaux sont souvent privés du droit d’être dûment informés des poursuites dont ils font l’objet et des faits qui leur sont reprochés, du droit à une procédure équitable ainsi que du droit à une aide juridictionnelle adéquate et efficace (art. 2, 10, 11, 12, 13 et 16).

L ’ État partie devrait:

a) Garantir une supervision efficace et un contrôle indépendant par des organes judiciaires de tout placement sans consentement en établissement psychiatrique de personnes atteintes de troubles mentaux ou psychosociaux et veiller à ce que tout patient, qu ’ il soit hospitalisé de son plein gré ou contre son gré, soit pleinement informé du traitement qui doit lui être prescrit, et à ce qu ’ il ait la  possibilité de refuser le traitement ou toute autre intervention médicale;

b) Veiller à ce que des garanties légales eff icaces soient en place pour les  personnes placées dans de telles institutions, y compris le droit à un recours utile;

c) Garantir le droit des personnes atteintes de troubles mentaux et psychosociaux, ou leurs tuteurs légaux, d ’ être suffisamment informées des procédures pénales engagées contre elles et des faits qui leur sont reprochés, de leur droit à une procédure équitable ainsi que de leur droit à une aide juridictionnelle adéquate et efficace;

d) Former le personnel médical et non médical à l ’ administration de soins sans violence ni contrainte et établir une réglementa tion claire et détaillée sur le  recours aux moyens de contrainte et autres mesures coercitives dans les établissements psychiatriques;

e) Établir un mécanisme de plainte et de conseil indépendant et faire en sorte que toutes les plaintes pour violation de la Convention fassent l ’ objet d ’ enquêtes efficaces et impartiales, que les auteurs soient traduits en justice et que les victimes obtiennent réparation.

Châtiments corporels infligés aux enfants

Le Comité prend note du fait que les châtiments corporels sont interdits dans les écoles et dans le système pénal, mais constate avec préoccupation qu’il n’existe pas de législation interdisant expressément les châtiments corporels en toutes circonstances (art. 2 et 16).

Le Comité recommande que la loi sur la protection de l ’ enfance soit modifiée de  manière à interdire expressément et à ériger en infraction pénale les châtiments corporels infligés aux enfants dans tous les contextes, y compris dans la famille et dans les structures de protection de remplacement.

Apatrides

Quoiqu’il se félicite que la proportion de personnes apatrides dans l’État partie, qui était de 32 % dans les années 1990, ait sensiblement baissé, et prenne acte des informations communiquées par les représentants de l’État partie, le Comité relève avec préoccupation que quelque 7 % de la population est encore «de citoyenneté indéterminée», et que peu d’enfants nés en Estonie de parents non nationaux sont enregistrés en tant que nationaux (art. 2).

L ’ État partie devrait:

a) Adopter les mesures juridiques et pratiques voulues pour simplifier et favoriser la naturalisation et l ’ intégration des apatrides et des non-ressortissants, y compris en revoyant les critères d ’ octroi de la nationalité;

b) Envisager d ’ offrir des cours de langue gratuits à tous les étrangers candidats à la nationalité estonienne;

c) Poursuivre et renforcer les efforts engagés par le Conseil de la citoyenneté et de l ’ immigration pour mieux informer les parents dont les enfants satisfont aux conditions pour être naturalisés par le biais de la procédure simplifiée et envisager d ’ accorder automatiquement la nationalité à la naissance, sans démarche d ’ enregistrement préalable de la part des parents, aux enfants de parents étrangers qui n ’ obtiennent la nationalité d ’ aucun autre pays;

d) Veiller à la mise en œuvre effective de la stratégie d ’ intégration et du programme d ’ intégration de l ’ État pour 2008-2013 et prolonger ce programme après 2013;

e) En dépit des renseignements fournis par l ’ État partie quant à sa décision de ne pas ratifier la Convention de 1954 relativ e au statut des apatrides ni la  Convention de 1961 sur la réduction des cas d ’ apatrid ie, reconsidérer la question de  cette ratification à titre prioritaire.

Collecte de données

Le Comité apprécie à leur juste valeur les données communiquées sur les plaintes déposées et les condamnations prononcées pour des faits de torture et de mauvais traitements, de traite des êtres humains et d’autres faits mais regrette que, selon les informations fournies par l’État partie, les données statistiques ne soient pas collectées d’une manière qui permette une analyse plus approfondie pour savoir qui dépose plainte, où, pour quelle raison, contre qui et avec quel résultat. Le Comité regrette par conséquent que ces données ne soient pas ventilées par infraction ou selon d’autres caractéristiques, en ce qui concerne les plaintes déposées, les enquêtes ouvertes et les poursuites engagées visant des cas de torture ou de mauvais traitements imputables aux forces de l’ordre, à des militaires, à du personnel de sécurité ou des prisons ainsi que concernant les violences entre les prisonniers, la traite des êtres humains, la violence à l’égard des femmes, des enfants et des autres groupes de population vulnérables, y compris les violences intrafamiliales et sexuelles, et les moyens de recours accessibles aux victimes (art. 1er, 2, 4, 11, 12, 13, 14 et 16).

L ’ État partie devrait mettre sur pied un système ef ficace de collecte de données à  l ’ échelle nationale permettant de recueillir des données statistiques sur le suivi de la mise en œuvre de la Convention au niveau national, y compris des données ventilées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations portant sur les cas de torture ou de mauvais traitements infligés par les forces de l ’ ordre et le personnel pénitentiaire, les cas de violences entre détenus, de traite des êtres humains, de violences, notamment intrafamiliales et sexuelles, à l ’ égard des femmes, des enfants et d ’ autres groupes vulnérables, ainsi que sur les mesures de réparation accordées aux victimes, sous forme d ’ indemnisation et de réadaptation.

Autres questions

Tout en prenant note de la position de l’État partie en la matière, le Comité recommande une nouvelle fois à l’État partie d’envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

Le Comité invite l’État partie à envisager de ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie: la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées; la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille; le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.

L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les précédentes observations finales, dans les langues voulues, y compris en russe, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, au plus tard le 31 mai 2014, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations suivantes figurant aux paragraphes 9, 11, 12 et 14 du présent document: a) mener sans délai des enquêtes impartiales et efficaces; b) renforcer ou faire respecter les garanties juridiques auxquelles ont droit les détenus; c) poursuivre les personnes soupçonnées et punir les auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements.

L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le sixième, le 31 mai 2017 au plus tard. À cette fin, le Comité lui soumettra en temps voulu une liste préalable de points à traiter, puisque l’État partie a accepté d’établir son rapport conformément à la procédure facultative.