Nations Unies

CAT/C/63/D/621/2014

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

6 juin 2018

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 22 de la Convention, concernant la communication no 621/2014 * , **

Communication présentée par :

Edward Obar Shodeinde (non représenté par un conseil)

Au nom de :

Edward Obar Shodeinde

État partie :

Canada

Date de la communication :

4 août 2014 (date de la lettre initiale)

Date de la présente décision :

11 mai 2018

Objet :

Expulsion vers le Nigéria

Questions de procédure :

Griefs non étayés ; non-épuisement des recours internes ; incompatibilité avec la Convention

Questions de fond :

Risque de torture en cas d’expulsion vers le pays d’origine

Article(s) de la Convention :

3 et 22

1.1Le requérant est Edward Obar Shodeinde, de nationalité nigériane, né à Ibadan le 9 avril 1966. M. Shodeinde a demandé l’asile au Canada mais a essuyé un refus le 26 septembre 2013. Il soutient que son renvoi du Canada au Nigéria constituerait une violation par le Canada de l’article 3 de la Convention. Le requérant n’est pas représenté par un conseil.

1.2Dans sa requête datée du 4 août 2014, le requérant a demandé l’adoption de mesures provisoires pour empêcher son expulsion, prévue pour la fin du mois d’août 2014. Le 19 août 2014, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection, a décidé d’octroyer des mesures provisoires, demandant à l’État partie de s’abstenir de renvoyer le requérant au Nigéria tant que sa requête serait à l’examen. Le 5 mars 2018, le requérant a confirmé qu’il résidait toujours au Canada.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant est un chrétien évangéliste, qui avait l’habitude de prêcher et d’évangéliser les musulmans au Nigéria. Il a fui le Nigéria parce que des membres du groupe islamiste fondamentaliste Jama’atu Ahlis Sunna Lidda’Awati Wal-Jihad, plus connu sous le nom de Boko Haram, ont essayé à plusieurs reprises d’attenter à sa vie.

2.2Le requérant vivait dans le sud du Nigéria mais faisait régulièrement des déplacements professionnels dans le nord au volant de son camion. Ses parents, également chrétiens, vivaient à Jos, dans le nord du pays. En juillet d’une année non précisée, ils lui ont dit que des meurtres à caractère religieux étaient commis dans la ville, et que les chrétiens craignaient une attaque contre leur organisation religieuse. Ils lui ont demandé une aide financière pour assurer la sécurité de celle-ci. En janvier 2000, alors qu’il rendait visite à ses parents, le requérant a appris que les attaques se poursuivaient et visaient principalement les fidèles ou leurs proches. Il a accepté de contribuer financièrement au renforcement de la sécurité de l’église en versant environ 3 000 dollars des États-Unis.

2.3À une date non précisée du mois de mai 2000, le requérant a été victime d’une première tentative d’assassinat à son domicile à Ibadan, où deux hommes ont tenté de l’abattre. Les agresseurs hurlaient « C’est lui, c’est lui, Allahu Akbar, Allahu Akbar ». Le requérant a soudoyé un policier qui lui a appris que des policiers étaient impliqués dans cet attentat, ayant été payés pour ne pas intervenir par les auteurs de celui-ci. Le requérant a également été informé que ses agresseurs étaient chargés de l’éliminer parce qu’il armait les chrétiens, dont on disait qu’ils tuaient des musulmans à Jos.

2.4Vers la fin du mois d’octobre 2000, alors qu’il se trouvait au marché de Kano, le requérant a vu un homme se faire tuer par des individus hurlant « Allahu Akbar, Allahu Akbar » qui étaient en possession d’une photographie du requérant. Celui-ci a réussi à se fondre dans la foule et est reparti pour Ibadan. Il n’est pas retourné dans ce marché pendant environ six mois. Au début de juillet 2001, alors qu’il rentrait de Kano à Ibadan au volant de son camion, le requérant a été pris en embuscade par des agresseurs non identifiés. Ceux-ci ont par la suite incendié le véhicule.

2.5En décembre 2001, à la suite de ces événements, le requérant a décidé de quitter le Nigéria pour le Canada, avec l’aide d’un ami. En avril 2002, il est arrivé illégalement à l’aéroport John F. Kennedy de New York, muni d’un passeport fourni par un ami. Il s’est rendu dans l’État du Minnesota, où il est resté pendant deux ans car il n’avait aucun moyen de franchir la frontière pour passer au Canada. Il s’est marié en août 2002. Le requérant a consulté un avocat qui lui a dit qu’il pouvait l’aider à déposer une demande d’asile aux États‑Unis d’Amérique, tout en l’avertissant que le délai de prescription d’un an rendrait sa demande plus complexe. Le requérant n’a toutefois pas demandé le statut de réfugié. Il n’a obtenu un statut juridique aux États-Unis qu’en juillet 2005, lorsqu’il s’est procuré une fausse carte d’identité auprès de collègues de sa femme.

2.6Le 5 février 2006, les parents du requérant ont péri dans un incendie déclenché par des membres d’un groupe islamiste extrémiste. Les auteurs n’ont jamais été arrêtés.

2.7En décembre 2011, ayant rencontré des difficultés auprès des autorités des États‑Unis au sujet de sa situation en matière de sécurité sociale, le requérant a estimé que le moment était venu de passer au Canada. Le 26 décembre 2011, il a été arrêté par les gardes frontière du Canada pour être entré illégalement sur le territoire canadien.

2.8Le 5 janvier 2012, le requérant a déposé une demande de protection au Canada à titre de réfugié, demande que la Section de la protection des réfugiés a rejetée le 27 septembre 2013 au motif que le requérant n’était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger. La Section a estimé que, malgré les nombreux documents attestant l’existence au Nigéria de conflits entre musulmans et chrétiens, le requérant avait une possibilité de fuite interne, que rien n’attestait que les agresseurs présumés continuaient de s’intéresser au requérant et que les responsables du meurtre de ses parents n’avaient pas été identifiés. Le requérant n’a pas formé de recours contre cette décision de rejet parce qu’il ne bénéficiait pas de l’aide juridictionnelle de la Province du Manitoba et n’avait pas les moyens de rémunérer un conseil. En conséquence, il a vivement critiqué la procédure canadienne d’examen des décisions en matière d’asile.

2.9Le requérant soutient qu’il est en possession de nouveaux éléments de preuve attestant que sa vie serait mise en péril s’il était expulsé, qu’il a obtenus après le rejet de sa demande de protection à titre de réfugié par la Section de la protection des réfugiés, ce qui explique qu’il ne les ai pas communiqués aux autorités canadiennes. Il s’agit notamment d’une lettre de la branche nigériane de l’Église apostolique du Christ, datée du 18 avril 2014, qui fait mention des menaces de Boko Haram à son encontre ; d’un avis de recherche émis par Boko Haram sur lequel figure son nom ; d’une déclaration faite à la police nigériane, le 18 avril 2014, dans laquelle son cousin évoque l’avis de recherche et les menaces susmentionnés ; d’une lettre du 22 juillet 2014 rédigée au nom de la branche canadienne de l’Église apostolique du Christ et dans laquelle Emmanuel Orungbemila, un pasteur adjoint de cette église, évoque les dangers auxquels le requérant serait exposé s’il était expulsé vers le Nigéria ; d’une lettre manuscrite du 31 juillet 2014 dans laquelle le pasteur Alao avertit le requérant des menaces dont il serait la cible en cas de retour au Nigéria.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant soutient qu’en le renvoyant au Nigéria le Canada l’exposerait au risque d’être torturé, voire tué, par le groupe terroriste Boko Haram. Il craint d’être à nouveau pris pour cible à son retour, étant donné qu’il a été agressé et menacé par le passé en raison de sa religion, et que ses parents ont été tués parce qu’ils étaient de confession chrétienne.

3.2Le requérant soutient qu’il a épuisé tous les recours internes disponibles et utiles et qu’en tout état de cause, la saisine de la Cour fédérale d’une demande de contrôle juridictionnel et de sursis à l’exécution du renvoi n’est pas un recours utile car, dans la majorité des cas, elle ne permet pas d’empêcher ou de reporter l’expulsion. Dans ce contexte, le requérant renvoie à la jurisprudence du Comité établie dans l’affaire Singh c. Canada  , dans laquelle le Comité a estimé que le contrôle juridictionnel d’une décision de refus du statut de réfugié ou d’une décision résultant d’un examen des risques avant renvoi ne constituait pas un recours utile pour le requérant.

3.3Le requérant conclut donc qu’aucun autre recours interne utile n’est disponible, alléguant qu’il serait expulsé avant de pouvoir engager la procédure d’examen des risques avant renvoi, qui ne lui serait ouverte qu’en septembre 2014 et qui lui permettrait de produire de nouveaux éléments de preuve. Il soutient que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 23 avril 2015, l’État partie a fait part de ses observations sur la recevabilité et le fond de la requête. Il fait valoir que les allégations du requérant sont irrecevables car manifestement infondées, celui-ci n’ayant pas établi qu’à première vue sa requête était recevable. Dans l’éventualité où le Comité jugerait l’une quelconque des allégations du requérant recevable, elle devrait être rejetée faute de fondement.

4.2D’après l’État partie, les griefs formulés par le requérant dans sa requête reposent sur deux fondements connexes. Premièrement, le requérant craint la réaction d’un groupe islamiste fondamentaliste non identifié qui a attenté à sa vie à trois reprises entre mai 2000 et juillet 2001 en raison de son appartenance et de son appui à l’Église chrétienne du Nigéria. Le requérant fait valoir qu’en cas de renvoi au Nigéria, il subirait le même sort que ses parents, qui ont été tués parce qu’ils étaient chrétiens et menaient des activités d’évangélisation. Deuxièmement, les griefs du requérant ont un caractère uniquement prospectif. Il fait valoir qu’à son retour il risquerait d’être torturé, voire tué, par le groupe fondamentaliste musulman Boko Haram. Il se dit chrétien évangéliste prêchant publiquement au Canada après l’avoir fait au Nigéria, et affirme qu’il compte poursuivre l’œuvre de son père au sein de l’Église à son retour. Il allègue que Boko Haram le recherche activement, bien qu’il ait quitté le Nigéria il y a plus de treize ans, soit avant la création de ce groupe fondamentaliste.

4.3.L’État partie ajoute que le requérant a vécu trente-six ans à Ibadan, dans le sud du Nigéria, jusqu’à son départ pour les États-Unis en avril 2002. Le requérant a vécu et travaillé illégalement dans ce pays pendant environ dix ans et il n’y a jamais demandé le statut de réfugié. Au cours de cette période, il a épousé Sabrina Walker. Il est entré illégalement au Canada le 26 décembre 2011 en franchissant à pied la frontière entre les États-Unis et le Canada. Le 5 janvier 2012, il a demandé la protection au Canada à titre de réfugié.

4.4Le 27 septembre 2013, la Section de la protection des réfugiés de la Commission canadienne de l’immigration et du statut de réfugié a estimé que le requérant n’était ni un réfugié ni une personne ayant besoin d’une protection au sens de la Convention. Après avoir entendu le requérant et examiné les éléments de preuve produits par celui-ci, la Section a conclu qu’il n’était pas personnellement crédible dans ses griefs, et qu’il n’avait pas produit suffisamment d’éléments de preuve objectifs à l’appui de ses allégations relatives à un risque futur. Elle a conclu que soit le requérant ne disait pas la vérité sur les activités similaires à celles de son père qu’il aurait menées au Nigéria ou après avoir quitté ce pays, soit qu’il supposait simplement que ses agresseurs avaient encore ou auraient la volonté de lui nuire. En outre, la Section a conclu que le requérant avait une possibilité de fuite interne à Lagos, Benin City ou Port Harcourt, des villes situées dans le sud du pays, puisque les violences religieuses étaient concentrées dans le nord, et elle a estimé qu’aucune preuve n’indiquait que des acteurs non étatiques se soucieraient de se mettre à sa recherche dans l’une de ces villes.

4.5Le 19 décembre 2014, la demande d’examen des risques avant renvoi présentée par le requérant a été rejetée. Ses allégations relatives aux risques qu’il courait ayant déjà été examinées en détail par la Section de la protection des réfugiés, l’examen des risques avant renvoi a essentiellement porté sur les éléments de preuve présentés par le requérant quant aux changements intervenus dans sa situation. Après avoir apprécié l’ensemble de ces éléments de preuve, l’agent chargé de l’examen des risques avant renvoi a considéré que le requérant « ne risquerait pas d’être persécuté, tué, torturé ou soumis à des peines ou traitements cruels ou inusités s’il était renvoyé au Nigéria ».

4.6L’État partie fait valoir que la requête du requérant est irrecevable dans son intégralité pour trois raisons. Premièrement, le requérant n’a pas épuisé les recours internes disponibles en ne sollicitant pas l’autorisation de soumettre au contrôle juridictionnel la décision de la Section de la protection des réfugiés et la décision au titre de l’examen des risques avant renvoi et en ne déposant pas de demande de résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire. Ces deux voies de droit sont des recours utiles dont le requérant aurait dû se prévaloir pour que sa requête soit jugée recevable. L’État partie fait valoir que, bien que la décision au titre de l’examen des risques avant renvoi puisse faire l’objet d’un contrôle juridictionnel devant la Cour fédérale moyennant autorisation et qu’un sursis judiciaire à l’exécution du renvoi puisse aussi être accordé tant que la décision finale n’a pas été prise, le requérant n’a pas sollicité l’autorisation de demander un tel contrôle. L’État partie ajoute que, dans le cadre du contrôle juridictionnel de ce type de décisions, la Cour s’attache notamment à déterminer si une erreur de fait a été commise, que cette procédure de contrôle constitue un recours utile, qu’elle repose sur un examen au fond et que, dans la pratique, il n’est pas rare que la Cour ordonne le réexamen des décisions contestées.

4.7Deuxièmement, l’État partie soutient que les allégations du requérant sont incompatibles avec les dispositions de la Convention. Les mauvais traitements que le requérant dit avoir subis ne constituent pas des actes de « torture » aux fins de la Convention. En outre, l’État fait valoir que les actes en question n’ont pas été commis par les autorités de l’État ou avec leur consentement, comme l’exige la définition de la torture énoncée à l’article 1 de la Convention.

4.8Troisièmement, l’État partie soutient que la requête du requérant n’a pas été étayée, ne serait-ce que prima facie. Le requérant n’a pas produit suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer qu’il avait été torturé par le passé ou qu’il risquerait de l’être à son retour − soit par les autorités nigérianes, soit par des acteurs non étatiques tels que Boko Haram avec le consentement tacite de l’État. Rien ne permet de penser que le requérant a été sérieusement maltraité aux mains de la police, des autorités locales du lieu où les agressions alléguées auraient été commises ou des autorités nationales du Nigéria, ou avec le consentement tacite de celles-ci. Rien ne prouve que les autorités de l’État partie soient actuellement à la recherche du requérant ni qu’elles l’aient jamais été. L’État partie soutient que le requérant n’a produit aucun élément prouvant que la police ou tout autre organe de l’État ait acquiescé ou acquiescerait à l’un des mauvais traitements que, d’après lui, Boko Haram lui a fait ou lui ferait subir. L’État partie indique en outre que le requérant a une possibilité de fuite interne au Nigéria. Il ajoute que la requête est fondée sur le risque que constituerait, selon le requérant, la présence de Boko Haram, mais que ce risque est localisé, limité au nord du Nigéria. Aucune preuve n’a été fournie au Comité ni aux autorités de l’État partie pour démontrer que, si le requérant était renvoyé dans le sud du Nigéria, en particulier à Lagos, la police ou Boko Haram se mettrait à sa recherche dans l’intention de lui nuire.

4.9Au cas où le Comité considérerait que la requête est recevable, l’État partie demande qu’elle soit déclarée sans fondement. L’État partie prie le Comité de retirer sa demande de mesures provisoires au bénéfice du requérant.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.Le 5 mars 2018, le requérant a confirmé qu’il résidait toujours au Canada mais qu’aucune nouvelle requête ou procédure n’avait été engagée depuis le 30 mai 2016, date à laquelle il avait communiqué ses nouvelles coordonnées. Il a déclaré en outre qu’il n’avait rien à ajouter à sa requête initiale.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner tout grief soumis dans une communication, le Comité doit déterminer s’il est recevable au regard de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.2Le Comité rappelle que, conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, il n’examine aucune communication d’un particulier sans s’être assuré que celui-ci a épuisé tous les recours internes disponibles. Cette règle ne s’applique pas s’il a été établi que les procédures de recours ont excédé des délais raisonnables ou s’il est peu probable qu’elles donneraient satisfaction à l’intéressé.

6.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la requête devrait être déclarée irrecevable au regard du paragraphe 5 b) de l’article 22 au motif que le requérant n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles parce qu’il n’a pas déposé de demande de contrôle juridictionnel de la décision de la Section de la protection des réfugiés et de la décision au titre de l’examen des risques avant renvoi, laquelle peut être assortie d’une demande de sursis à l’exécution du renvoi, et qu’il n’a pas non plus présenté de demande de résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire.

6.4Le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle la procédure permettant de demander la résidence pour des raisons humanitaires n’est pas un recours utile aux fins de la détermination de la recevabilité au regard du paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, en ce qu’elle est discrétionnaire et non judiciaire et n’emporte pas sursis à l’exécution du renvoi du requérant. En conséquence, le Comité considère qu’il n’est pas nécessaire, aux fins de la recevabilité, que le requérant épuise la procédure de demande de résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire.

6.5En ce qui concerne le fait que le requérant n’a pas sollicité l’autorisation de demander un contrôle juridictionnel de la décision de la Section de la protection des réfugiés et de la décision au titre de l’examen des risques avant renvoi, le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui soutient que le contrôle juridictionnel de ce type de décisions vise à déterminer notamment si une erreur de fait a été commise, que ce contrôle est un recours utile et porte sur le fond et que, dans la pratique, il n’est pas rare que la cour ordonne le réexamen des décisions contestées. L’État partie estime en outre que les allégations du requérant sont incompatibles avec les dispositions de la Convention car les mauvais traitements que le requérant prétend avoir subis ne peuvent être assimilés à des actes de torture ; que les actes en question n’ont pas été commis par des autorités étatiques ou avec leur consentement, comme l’exige la définition de la torture énoncée à l’article premier de la Convention ; que le requérant n’a pas étayé, ne serait-ce que prima facie, ses allégations selon lesquelles il courrait un risque personnel d’être torturé s’il était renvoyé au Nigéria.

6.6Le Comité note que le requérant soutient qu’il n’a exercé aucun des recours susmentionnés parce qu’en tout état de cause ceux-ci sont inutiles et qu’il est peu probable qu’ils lui donneraient satisfaction et que, par conséquent, sa requête devrait être déclarée recevable au regard du paragraphe 5 b) de l’article 22. Le requérant affirme également que les preuves produites démontrent manifestement l’existence d’un risque personnel et que ses griefs ont donc été étayés et sont recevables.

6.7Le Comité rappelle sa jurisprudence, dont il ressort que le contrôle juridictionnel exercé dans l’État partie n’est pas une simple formalité et que la Cour fédérale peut procéder à un examen au fond dans les cas où cela se justifie.Il estime que de simples doutes quant à l’utilité d’un recours ne dispensent pas de l’obligation de l’exercer. Le Comité conclut que le requérant n’a pas produit suffisamment d’éléments de nature à démontrer que le contrôle juridictionnel des décisions négatives de la Section de la protection des réfugiés et au titre de l’examen des risques avant renvoi, ainsi qu’une demande judiciaire de sursis à l’exécution du renvoi, n’auraient eu aucune chance d’aboutir en l’espèce, et qu’il n’a pas expliqué pourquoi il n’a pas exercé ces recours.

6.8Par conséquent, le Comité est convaincu par l’argument de l’État partie selon lequel, dans les circonstances particulières de l’espèce, il existait des recours à la fois disponibles et utiles que le requérant n’a pas épuisés. Compte tenu de cette conclusion, il considère qu’il n’est pas nécessaire d’examiner l’affirmation de l’État partie selon laquelle la requête est irrecevable parce qu’elle est incompatible avec la Convention ou manifestement infondée.

7.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard du paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention ;

b)Que la présente décision sera communiquée au requérant et à l’État partie ;

c)Que l’État partie devrait veiller à ce que le requérant puisse se prévaloir des recours disponibles en appel pour contester les décisions négatives autorisant son renvoi.