Nations Unies

CED/C/PRT/Q/1/Add.1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

18 octobre 2018

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol et français seulement

Comité des disparitions forcées

Liste de points concernant le rapport soumis par le Portugal en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention

Additif

Réponses du Portugal à la liste de points *

[Date de réception : 8 octobre 2018]

I.Renseignements d’ordre général

Paragraphe 1 : À la lumière du paragraphe 27 du rapport de l’État partie, donner de plus amples informations sur le statut de la Convention dans le droit interne et préciser si les dispositions de la Convention peuvent être invoquées directement devant les tribunaux ou d’autres autorités compétentes et appliquées par eux.

1.La Constitution de la République portugaise (ci-après la Constitution) établit le régime de réception des normes consacrées par les conventions internationales (art. 8, par. 2). La réception de ces normes est automatique, ce qui signifie qu’elles engagent l’État portugais et deviennent partie intégrante du droit interne, sans qu’il soit besoin de les y transposer officiellement. La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (ci-après, la Convention) ayant été dûment ratifiée et publiée au Journal officiel, elle est en vigueur dans l’ordre juridique portugais.

2.Les dispositions des conventions internationales sont hiérarchiquement subordonnées à la Constitution. Les articles 277 et suivants de la Constitution, notamment, prévoient la possibilité d’un contrôle constitutionnel de ces dispositions.

3.La Constitution n’indique pas expressément quelle est la valeur juridique des conventions internationales au regard de la législation ordinaire. Cependant, le principe de la primauté des conventions internationales sur la législation ordinaire demeure généralement incontesté.

4.En tant que partie intégrante du droit interne, les dispositions de la Convention s’appliquent dans les mêmes conditions que les règles internes et peuvent donc être directement invoquées devant les tribunaux et appliquées par eux ou d’autres autorités compétentes.

5.L’unique particularité du droit portugais a trait aux dispositions qui ne sont pas d’application directe, telles les dispositions pénales. Toutefois, ceci ne signifie pas que ces dispositions n’engagent pas légalement l’État, mais seulement qu’elles ne sont pas directement applicables par les tribunaux ou d’autres autorités compétentes puisqu’elles ne peuvent pas être mises en pratique en tant que telles et doivent être précisées par des lois ordinaires.

Paragraphe 2 : Donner des renseignements sur la participation du Médiateur portugais à la préparation du rapport de l’État partie et sur toute autre activité menée par le Médiateur en lien avec la mise en œuvre de la Convention. Informer également le Comité des mesures prises par l’État partie pour que le Bureau du Médiateur soit pleinement conforme aux Principes de Paris .

6.Le Médiateur est une institution nationale des droits de l’homme pleinement conforme aux Principes de Paris et qui bénéficie du statut « A » depuis 1999. Ce statut garantit pleinement son autonomie et son indépendance.

7.Suivant une recommandation du Médiateur au Parlement, la loi no 17/2013 (troisième amendement au statut) a renforcé les compétences de l’institution. Le Médiateur peut agir en tant qu’institution indépendante chargée de contrôler l’application des traités et des conventions internationales sur le plan des droits de l’homme (art. 1, par. 2, du statut modifié).

8.Le Médiateur a présenté aux organes de suivi des Nations Unies des rapports non officiels ou parallèles. Il joue le rôle de mécanisme national de prévention dans le cadre du Protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations Unies contre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. À la suite de la ratification de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, un mécanisme national comptant un représentant du Médiateur a également été créé.

9.Le statut réaffirme et garantit explicitement la totale indépendance dont jouit le Médiateur dans l’exécution de ses tâches, notamment lorsqu’il coopère en qualité d’observateur avec le Comité national des droits de l’homme et veille au respect des engagements nationaux, européens et internationaux du Portugal en matière de droits de l’homme. L’institution nationale des droits de l’homme peut également faire usage d’un large éventail de pouvoirs et compétences, dont la possibilité de formuler des recommandations d’ordre administratif ou législatif, de demander l’intervention de la Cour constitutionnelle et d’émettre à la demande du Parlement des avis sur toute question liée à son activité. Le Médiateur est par définition membre du Conseil d’État, organe politique qui conseille le Président de la République. Ce statut permet au Médiateur de faire connaître, au plus haut niveau de l’État, les droits et intérêts qu’il a pour mission de protéger et de promouvoir.

II.Définition et criminalisation de la disparition forcée (art. 1à 7)

Paragraphe 3 : À la lumière du paragraphe 48 du rapport de l’État partie, expliquer si l’État partie a adopté des lois ou des pratiques relatives au terrorisme, à la sécurité nationale ou à d’autres questions qui incluent la possibilité de déroger à l’un quelconque des droits ou à l’une quelconque des garanties procédurales énoncés dans le droit interne ou dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels le Portugal est partie (art. 1).

10.Le Portugal se conforme pleinement au paragraphe 2 de l’article premier de la Convention, aux termes duquel aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier la disparition forcée. Aucune loi ou pratique relative au terrorisme, à la sécurité nationale ou autres permettant de déroger à cette obligation n’a été adoptée. La disparition forcée est interdite, quelles que soient les circonstances.

11.Comme indiqué dans le rapport de l’État partie (ci-après, le rapport), le Portugal est un État de droit démocratique fondé sur la dignité de la personne humaine, la souveraineté populaire, le respect des droits fondamentaux et des libertés essentielles, ainsi que sur la garantie de leur exercice et de leur usage (art. 1 et 2 de la Constitution). Quand bien même la législation relative au terrorisme et à la sécurité nationale peut envisager certaines restrictions aux garanties procédurales accordées aux personnes soupçonnées de telles infractions, les régimes applicables sont pleinement conformes aux obligations nationales et internationales en matière de droits de l’homme.

12.En raison de leur gravité, la législation prévoit des modalités d’enquête particulières pour ce qui concerne les actes terroristes ou criminels particulièrement violents ou hautement organisés. Il peut s’agir de la possibilité de prolonger les délais maxima applicables au stade de l’enquête et de la détention provisoire ; de la possibilité d’intercepter et d’enregistrer des conversations ou appels téléphoniques sur autorisation d’un juge autre que le juge d’instruction, lequel doit néanmoins être informé de ladite autorisation dans les soixante-douze heures qui suivent et prendre le relais ; et enfin, de la possibilité d’effectuer des perquisitions entre 21 heures et 7 heures (pratique généralement interdite par la loi).

13.Toutefois, le Code de procédure pénale portugais établit des règles et garanties particulières pour assurer la légalité de ces mesures, la plus importante étant la compétence du juge d’instruction, chargé de veiller à la légalité et au respect des droits du prévenu au cours de l’enquête et de l’instruction.

14.On entend par « sécurité intérieure » (loi no 53/2008) les activités menées par l’État pour assurer l’ordre, la sécurité et la tranquillité publics, protéger les personnes et les biens, prévenir et réprimer la délinquance et contribuer au fonctionnement normal des institutions démocratiques, à l’exercice régulier des droits, libertés et garanties fondamentaux des citoyens et au respect de la légalité démocratique.

15.Les activités relatives à la sécurité intérieure sont menées conformément à la Constitution et au droit, en particulier au droit pénal et au droit de procédure pénale, à la loi-cadre sur la politique pénale, aux lois de politique pénale et aux lois organiques des services répressifs.

16.Les mesures prévues par ces lois visent tout particulièrement à protéger la vie et l’intégrité des personnes, ainsi que l’ordre public et démocratique, notamment contre le terrorisme, la criminalité violente ou hautement organisée, le sabotage et l’espionnage, à prévenir les accidents majeurs ou les catastrophes et à y faire face, à protéger l’environnement et à préserver la santé publique. Les activités de sécurité intérieure doivent observer les principes de l’État de droit démocratique, de même que les droits, libertés et garanties et les règles générales de police.

17.La loi no 53/2008 définit un ensemble de mesures que peut prendre la police dans ce contexte. L’application de ces mesures doit répondre à une stricte nécessité, de même qu’à des critères d’opportunité et de proportionnalité et, dans certains cas, être au préalable autorisée ou validée par un juge d’instruction.

18.La loi no 44/86 réglemente le régime de l’état de siège et de l’état d’urgence (par. 42 à 47 du rapport). Aux termes de l’article 2 de ce régime, les principes énoncés dans la Constitution doivent être pleinement respectés même si l’état de siège ou d’urgence est déclaré. Cette disposition réaffirme en effet que la proclamation de l’état de siège ou de l’état d’urgence ne doit en aucun cas avoir de répercussions sur les droits à la vie, à l’intégrité personnelle, à l’identité, à la capacité civile et à la nationalité, à la non‑rétroactivité du droit pénal, pas plus que sur les droits de la défense, ou encore la liberté de conscience et de religion. Dans les cas où ceci se produirait néanmoins, la suspension de certains (autres) droits, libertés et garanties consacrés par la Constitution doit systématiquement respecter les principes d’égalité et de non-discrimination et se conformer aux limites définies par ladite loi.

Paragraphe 4 : Préciser s’il existe des initiatives pour faire de la disparition forcée une infraction à part entière dans la législation nationale. Préciser si, selon l’interprétation que fait l’État partie du paragraphe 1 de l’article 9, le fait de soustraire une personne à la protection de la loi est une conséquence de la disparition forcée et non un élément constitutif de cette infraction (art. 2 et 4).

19.L’infraction de disparition forcée (par. 51 du rapport ) est considérée comme une infraction à part entière par l’article 9 i) de la loi no 31/2004 qui adapte le droit pénal portugais aux dispositions du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en caractérisant les comportements qui constituent une violation du droit international humanitaire.

20.Aucune mesure ne semble être nécessaire pour définir cette infraction comme une infraction autonome dans la législation portugaise.

21.Il faut comprendre les termes « soustraire une personne à la protection de la loi » comme une conséquence de la disparition forcée et non comme un élément constitutif de cette infraction. Soustraire les victimes de disparition forcée à la protection de la loi ne constitue pas un élément intentionnel de cette infraction, contrairement à l’interprétation de la disparition forcée donnée par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, mais plutôt une conséquence de la combinaison de la privation de liberté et du déni de cette privation de liberté ou du refus de révéler le sort réservé aux personnes privées de liberté.

22.L’élément objectif de l’infraction est l’intention de faire disparaître quelqu’un par la force, l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté, qui doivent être commis avec l’intention pour élément subjectif.

Paragraphe 5 : En ce qui concerne les paragraphes 67 et 68 du rapport de l’État partie, expliquer comment la responsabilité du supérieur hiérarchique est établie en pleine conformité avec l’article 6 de la Convention. Fournir, s’il en existe, des exemples de cas dans lesquels ces dispositions ont été invoquées et/ou appliquées (art. 6).

23.L’ensemble du personnel militaire doit se conformer à la loi et ne peut contribuer à une quelconque activité criminelle − activement ou par omission − ou la favoriser (art. 4 du Code disciplinaire militaire). Les officiers ne sont tenus d’obéir qu’aux ordres légitimes (art. 87 du Code de justice militaire).

24.Le personnel militaire doit obéir et se conformer à l’ensemble des lois nationales et internationales. La seule exception à cette règle s’applique en temps de guerre, lorsque les conventions internationales relatives aux conflits armés et aux crimes de guerre s’appliquent.

25.L’article 6 de la loi no 31/2004 établit la responsabilité pénale du commandant militaire ou de tout autre supérieur hiérarchique à l’égard des subordonnés placés sous son autorité et son contrôle effectifs en ce qui concerne l’infraction de disparition forcée. Les éléments constitutifs de l’infraction (par. 67 du rapport) correspondent en grande partie à ceux prévus au paragraphe 1 b) de l’article 6 de la Convention.

26.La jurisprudence portugaise ne contient à ce jour aucun exemple d’affaire où de telles dispositions ont été invoquées ou appliquées.

Paragraphe 6 : Fournir des renseignements sur les dispositions législatives qui garantissent dans tous les cas l’interdiction d’invoquer l’ordre d’un supérieur, y compris les ordres des autorités militaires, pour justifier une disparition forcée. S’agissant du paragraphe 36 du rapport de l’État partie, a) préciser si les subordonnés sont autorisés à invoquer l’ordre d’un supérieur hiérarchique pour justifier leurs actes s’ils ont exigé que cet ordre leur soit transmis par écrit et s’ils ont indiqué qu’ils le jugeaient contraire au droit, et b) donner des précisions sur la « doctrine » qui recommande de désobéir à des ordres de commettre des actes dénués de tout effet. En ce qui concerne le paragraphe 37, expliquer quelles situations considérées comme contraires à l’intérêt public justifient que des subordonnés exécutent un ordre illégal de leur supérieur hiérarchique. Décrire également les recours en justice qui sont ouverts aux subordonnés qui feraient l’objet de mesures disciplinaires pour avoir refusé d’exécuter un acte délictueux alors qu’ils en avaient reçu l’ordre d’un supérieur hiérarchique (art. 6).

27.Les agents du secteur public sont tenus par un devoir général d’obéissance aux ordres ou instructions de leurs supérieurs hiérarchiques légitimes concernant l’exercice de leurs fonctions et la forme légale requise (art 73, par. 2 f) et 8 de la loi no 35/2014, qui établit le régime juridique général applicable au travail des fonctionnaires). Le fonctionnaire qui ne se conforme pas aux ordres d’un supérieur ou ne les exécute pas peut faire l’objet de sanctions disciplinaires.

28.L’article 271 de la Constitution prévoit néanmoins que les agents de l’État et des autres organismes publics sont responsables civilement, pénalement et disciplinairement de leurs actions et omissions dans l’exercice de leurs fonctions et à cause de celui-ci, dont il résulterait une violation des droits ou des intérêts légalement protégés des citoyens. L’action ou la poursuite ne sera subordonnée, en aucune phase, à une autorisation hiérarchique. Le principe de légalité prévaut sur la hiérarchie et les agents de l’État ne doivent pas accepter et exécuter aveuglément des ordres illégaux.

29.Sans préjudice de ce qui précède, la Constitution prévoit la possibilité d’exclure la responsabilité des fonctionnaires ou agents du service public. Ainsi, tout fonctionnaire ou agent sera dégagé de toute responsabilité civile et disciplinaire s’il agit en observant les ordres ou les instructions émanant de son supérieur hiérarchique légitime et dans l’exercice de ses fonctions, à condition qu’il ait initialement protesté contre ces ordres ou instructions ou réclamé leur transmission ou leur confirmation par écrit. Lorsqu’un fonctionnaire considère l’ordre reçu comme contraire au droit, il doit le signaler dans sa réclamation (comme le prévoient l’article 271, par. 2, de la Constitution ainsi que l’article 177, par. 1 et 2, de la loi no 35/2014).

30.Le paragraphe 37 du rapport renvoie à la procédure prévue au paragraphe 3 de l’article 177 de la loi no 35/2014, qui s’applique lorsque la réponse du supérieur hiérarchique à la plainte ou à la demande de confirmation de l’ordre par écrit n’est pas donnée à temps pour que l’exécution de l’ordre puisse être retardée − lorsque l’exécution a encore un effet utile. Cette procédure s’applique lorsque l’ordre ou l’instruction peut être exécuté(e) sans nuire à l’intérêt public inhérent à cet ordre ou à cette instruction, qui correspond à l’intérêt particulier justifiant l’acte administratif qui en découle.

31.Pour être dégagé de sa responsabilité, le subordonné doit i) communiquer immédiatement et par écrit à son supérieur hiérarchique immédiat les termes exacts de l’ordre ou de l’instruction reçu(e) et de la plainte ou de la demande, ainsi que l’absence de décision, et alors seulement ii) exécuter l’ordre.

32.Dans le cas où l’ordre ou l’instruction émis(e) précise que l’exécution doit être immédiate, le subordonné exécute d’abord ledit ordre ou ladite instruction et ne présente qu’ensuite la plainte ou la demande susmentionnée. Pour que soit exclue sa responsabilité civile et disciplinaire, le fonctionnaire subordonné doit se conformer à la procédure prévue par la loi et décrite ci-dessus.

33.Concernant la responsabilité pénale, la Constitution prévoit expressément que le devoir d’obéissance prend fin chaque fois que l’exécution d’ordres ou d’instructions oblige à commettre un crime (art. 271, par. 3). C’est également ce qu’établissent le paragraphe 2 de l’article 36 du Code pénal et le paragraphe 5 de l’article 177 de la loi no 35/2014. Si un ordre ou une instruction oblige à commettre le crime de disparition forcée ou tout autre acte criminel, le subordonné n’est pas tenu de l’exécuter et, par conséquent, l’exécution de cet ordre ou de cette instruction peut entraîner une responsabilité pénale.

34.Cependant, la non-applicabilité du devoir d’obéissance dans les cas où l’exécution d’un ordre supposerait de commettre un crime n’entraîne pas forcément la responsabilité pénale du fonctionnaire qui exécute l’ordre. La responsabilité pénale présuppose que le fonctionnaire sache que cette action se solderait par la commission d’un crime. Un fonctionnaire qui exécute un tel ordre sans savoir qu’il se traduira par la commission d’un crime, et à condition que cela ne soit pas manifeste au vu des circonstances, est considéré comme n’ayant pas commis de faute (art. 37 du Code pénal − « exonération d’une obéissance excessive »).

35.En conclusion, un subordonné n’est pas autorisé à invoquer l’ordre d’un supérieur pour justifier ses actes lorsque ceux-ci constituent un crime, comme en cas de disparition forcée, et ce, même si le fonctionnaire subordonné a initialement demandé que l’ordre soit transmis par écrit en indiquant qu’il le considérait illégal. La responsabilité n’est exclue que si le fonctionnaire n’avait pas conscience et qu’il n’apparaissait pas clairement que l’action entraînerait la commission d’une infraction.

36.La déontologie qui préconise de désobéir aux actes nuls s’appuie sur le principe selon lequel les ordres et instructions sont des actes juridiques auxquels s’applique le régime général de nullité des actes administratifs. L’article 161 du Code de procédure administrative présente un catalogue répertoriant les actes administratifs nuls, à savoir les actes qui portent atteinte à la teneur essentielle d’un droit fondamental. Les acte nuls sont dépourvus de tout effet juridique, indépendamment de la déclaration de leur nullité. Ces ordres ou instructions étant des actes sans effet juridique, une part importante de la doctrine soutient qu’ils ne lient pas les fonctionnaires subordonnés.

37.Concernant les voies de recours légales dont ils disposent contre toute mesure disciplinaire éventuelle découlant de leur refus de d’exécuter un acte criminel ordonné par un supérieur, les subordonnés ne sont pas tenus d’exécuter des ordres qui les obligent à commettre une infraction. S’agissant d’ordres illicites, les subordonnés peuvent aussi être dégagés de leur responsabilité si tant est que la procédure légale applicable et décrite ci‑dessus soit respectée.

38.Cela étant, si une mesure disciplinaire est appliquée en raison de ce refus, elle peut être contestée hiérarchiquement, selon le libellé général du Code de procédure administrative ou devant un tribunal.

III.Procédure judiciaire et coopération en matière pénale (art. 8 à 15)

Paragraphe 7 : Préciser comment le délai de prescription pour les procédures et les sanctions pénales serait appliqué à une infraction autonome de disparition forcée, compte tenu du caractère continu d’une telle infraction (art. 8).

39.Le crime de disparition forcée n’est soumis à aucun délai de prescription (art. 7 de la loi no 31/2004 − par. 72 du rapport).

40.Les articles 118 à 121 du Code pénal fixent le délai de prescription pour les différents types d’infractions, conformément aux peines applicables in abstracto. Ils énoncent également les règles régissant le début, l’interruption et la suspension du délai de prescription.

41.S’agissant des infractions continues, le délai de prescription commence à courir le jour où est commis le dernier acte de l’infraction (art. 119, par. 2 b), du Code pénal). Il peut être suspendu ou interrompu. Dans ce dernier cas, le délai de prescription recommence à courir après chaque interruption.

Paragraphe 8 : En ce qui concerne les paragraphes 87 et 88 du rapport de l’État partie, préciser quelles mesures ont été adoptées pour garantir en pratique que les personnes privées de leur liberté aux fins d’identification bénéficient immédiatement des garanties fondamentales, parmi lesquelles le droit de consulter un avocat et de contacter leur famille ou toute personne de leur choix, ainsi que des représentants consulaires si elles sont étrangères (art. 10 et 17).

42.La détention de personnes aux fins d’identification est exceptionnelle.

43.Aux termes de l’article 250 du Code de procédure pénale, les services répressifs peuvent demander l’identification de toute personne présente dans un lieu public − ouvert au public ou sous surveillance policière − dès lors qu’il existe de forts soupçons : que cette personne a commis une infraction ; qu’une procédure d’extradition ou d’expulsion a été engagée à son encontre ; qu’elle est entrée ou séjourne irrégulièrement sur le territoire national ; qu’un mandat d’arrêt a été délivré contre elle.

44.Dans des circonstances exceptionnelles, les agents de la force publique peuvent demander son identité à une personne même si celle-ci n’est soupçonnée d’aucune infraction.

45.Avant de demander son identité à une personne, l’agent de la force publique doit lui‑même s’identifier en tant que tel, informer la personne des circonstances justifiant l’obligation de s’identifier et lui indiquer par quels moyens elle peut le faire.

46.S’il lui est impossible de produire un quelconque document (pièce d’identité ou passeport dans le cas d’un citoyen portugais ; titre de séjour, pièce d’identité, passeport ou document le remplaçant dans le cas d’un ressortissant étranger), la personne peut s’identifier en présentant un document original ou une copie certifiée conforme contenant son nom complet, sa signature et sa photo.

47.Si la personne ne détient aucune pièce d’identité, elle peut s’identifier par l’un des moyens suivants : a) en contactant une personne en mesure de présenter ses documents d’identité ; b) en se rendant, accompagnée de l’agent de la force publique, à l’endroit où se trouvent ses documents d’identité ; c) en faisant attester son identité par une personne identifiée grâce à un document valide et qui peut garantir la véracité des données à caractère personnel fournies par la personne à identifier.

48.Ce n’est que lorsqu’une identification immédiate sur place est impossible par l’une des procédures visées dans les paragraphes susmentionnés qu’un agent de la force publique peut conduire la personne au commissariat de police le plus proche et l’obliger à y rester pendant la durée strictement nécessaire à son identification, qui ne peut en aucun cas excéder six heures. L’intéressé a toujours la possibilité de contacter une personne de confiance.

49.Lorsqu’une personne soupçonnée d’une infraction est placée en détention (par. 83 à 87 du rapport), elle jouit de tous les droits garantis par le Code de procédure pénale, soit le droit de contacter une personne de confiance, un avocat et, s’il s’agit d’un ressortissant étranger, les autorités consulaires de son pays d’origine. Si les services répressifs confèrent à la personne détenue le statut de prévenu − qu’elle peut solliciter d’elle-même − elle bénéficie des droits garantis par les articles 61 et suivants du Code de procédure pénale, à savoir le droit à un conseil juridique ou, s’il s’agit d’un étranger ne comprenant pas le portugais, le droit d’être assisté d’un interprète qualifié pour tout acte de la procédure.

50.Dans la pratique, toute personne détenue dans les locaux de la police judiciaire (Polícia Judiciária) ou dans les lieux de détention des tribunaux ou des services du ministère public se voit remettre une brochure lui expliquant ses droits, dont le celui de choisir et désigner un avocat et celui de communiquer avec un membre de sa famille, une personne de confiance, une ambassade ou un consulat. La brochure distribuée par la police judiciaire est disponible en plusieurs langues – espagnol, anglais et français (par. 89 et suiv. du rapport).

51.La communication des informations susmentionnées, y compris relatives au moment où la personne placée en détention a été informée de ses droits et à ses contacts avec un avocat, un membre de sa famille, une personne de confiance, une ambassade ou un consulat, est consignée dans son dossier.

Paragraphe 9 : Préciser si les autorités militaires sont compétentes selon le droit interne pour enquêter sur les personnes accusées d’acte de disparition forcée et/ou pour poursuivre ces personnes et, dans l’affirmative, donner des renseignements sur la législation applicable (art. 11).

52.Les autorités militaires, c’est-à-dire la police judiciaire militaire (Polícia Judiciária Militar), n’ont pas compétence pour enquêter sur des personnes accusées d’acte de disparition forcée ou engager des poursuites à leur encontre.

53.La police judiciaire militaire jouit d’une compétence particulière lui permettant d’enquêter sur des infractions strictement militaires, c’est-à-dire portant atteinte aux intérêts militaires de la défense nationale ou à d’autres intérêts confiés aux forces armées par la Constitution, et caractérisées comme telles par la loi (art. 4 de la loi no 97-A/2009 et art. 118 du Code de justice militaire). La police judiciaire militaire s’est également réservé la compétence d’enquêter sur les infractions commises au sein des unités, locaux et organes militaires, sans préjudice de la possibilité d’appliquer la procédure prévue à l’article 8, paragraphe 3, de la loi no 49/2008.

54.L’autorité compétente pour poursuivre des infractions à caractère strictement militaire est le parquet, assisté de responsables des forces armées et de la Garde nationale (art. 127 du Code de justice militaire ).

55.Les tribunaux ordinaires sont compétents pour juger les infractions de nature strictement miliaire. Dans ces cas, toutefois, les tribunaux (de première ou de deuxième instance) comprennent un ou plusieurs juges militaires (art. 211, par. 3, de la Constitution).

56.La Constitution n’autorise la constitution de tribunaux militaires (cours martiales) qu’en période d’état de guerre. La compétence de ces tribunaux se limite aux infractions de nature strictement militaire (art. 213 de la Constitution).

Paragraphe 10 : S’agissant du paragraphe 105 du rapport de l’État partie, fournir des renseignements sur les mesures prises pour garantir en pratique l’ouverture immédiate d’une enquête impartiale concernant les allégations de disparition forcée. Préciser également si une disparition forcée en tant qu’infraction autonome donnerait aussi lieu à une enquête d’office (art. 12).

57.Le droit pénal portugais est guidé par le principe de légalité (Constitution et art. 1 du Code pénal).

58.Conformément au principe de légalité, dès réception d’une notification d’infraction ou d’infraction alléguée, le ministère public − en tant que responsable de l’action pénale − se doit d’ouvrir rapidement une enquête pour confirmer la commission de l’infraction signalée et d’en poursuivre les auteurs. Le parquet est assisté par les services répressifs, à savoir la police judiciaire.

59.Tous les organes et agents administratifs observent la Constitution et la loi et doivent exercer leurs fonctions dans le respect des principes d’égalité, de proportionnalité, de justice, d’impartialité et de bonne foi (art. 266 , par. 2, de la Constitution). Le ministère public, tout comme la police judiciaire, doivent respecter ces principes lorsqu’ils mènent une enquête pénale.

60.S’il existe des motifs raisonnables portant à croire qu’une personne a été victime d’une disparition forcée, le ministère public et/ou la police judiciaire diligente une enquête d’office, même en l’absence de plainte officielle. Il leur suffit de savoir, d’être informés ou de soupçonner fortement que l’infraction a été commise.

61.Les autres actes illégaux tombant sous le coup du Code pénal et présentant des éléments connexes avec l’infraction de disparition forcée (par. 53 du rapport) sont également qualifiés de crimes publicset, en tant que tels, peuvent faire l’objet d’enquêtes d’office par les autorités mentionnées aux paragraphes précédents.

Paragraphe 11 : Indiquer a) si, dans le cas où l’auteur présumé d’une disparition forcée est un agent de la fonction publique, le droit interne prévoit que l’intéressé doit être suspendu immédiatement de ses fonctions pendant la durée de l’enquête, et b) s’il existe des dispositifs de procédure permettant de dessaisir toute force civile ou militaire chargée d’assurer le maintien de l’ordre ou la sécurité de l’enquête sur une disparition forcée présumée lorsqu’un ou plusieurs agents de cette force sont soupçonnés d’avoir commis cette infraction. Dans l’affirmative, donner des renseignements sur la mise en œuvre des dispositions pertinentes (art. 12).

62.Les membres du personnel militaire peuvent être immédiatement suspendus de leurs fonctions si l’autorité compétente en décide ainsi, et ce, non seulement au cours d’une enquête, mais aussi lorsqu’un officier est reconnu coupable d’une activité criminelle (Code de justice militaire).

63.S’agissant de la Garde nationale républicaine (Guarda Nacional Republicana), son règlement disciplinaire prévoit également la possibilité d’une suspension immédiate des fonctions au cours d’une enquête sur une disparition forcée signalée lorsque l’auteur présumé est un agent de l’État. Le Code de procédure pénale prévoit en outre des dispositifs procéduraux permettant de dessaisir un officier de l’armée d’une enquête s’il est soupçonné d’avoir commis une infraction.

64.Les principes et conditions énumérés dans les quatre paragraphes de l’article 12 de la Convention sont garantis par le système juridique aux niveaux constitutionnel et infraconstitutionnel et, à ce titre, scrupuleusement observés par la Garde nationale républicaine.

Paragraphe 12 : Préciser si la nature des faits que recouvre l’infraction de disparition forcée donnerait lieu, en principe, à une coopération même en l’absence d’accord bilatéral ou de coopération réciproque. Préciser si la législation nationale prévoit des restrictions ou conditions applicables aux demandes d’entraide ou de coopération judiciaire, eu égard aux articles 14 et 15 de la Convention (art. 14 et 15).

65.En ce qui concerne la coopération judiciaire internationale en matière pénale (par. 120 à 125 du rapport), il convient de noter ce qui suit :

66.Commissions rogatoires, procédures d’extradition, délégation des procédures pénales, effets des condamnations pénales étrangères et autres relations avec des autorités étrangères et entités judiciaires internationales concernant l’administration de la justice pénale sont régis par des conventions et traités internationaux (art. 229 du Code de procédure pénale − Prévalence des conventions et accords internationaux). En l’absence ou l’insuffisance de ces instruments, c’est une loi spéciale, ainsi que les dispositions des articles 230 à 240 du Code, qui s’appliquent.

67.La loi no 144/99 a autorisé le régime juridique de la coopération judiciaire internationale en matière pénale et s’applique à l’extradition, à la transmission des procédures répressives, à l’exécution des décisions pénales, au transfèrement des personnes condamnées à toute peine ou mesure privative de liberté, à la surveillance des personnes condamnées ou libérées sous condition, de même qu’à l’entraide judiciaire en matière pénale.

68.Les formes de coopération recensées ci-dessus sont mises en œuvre conformément aux dispositions des traités, conventions et accords internationaux qui engagent juridiquement l’État. Lorsque ces dispositions sont inexistantes ou insuffisantes, elles sont appliquées conformément aux dispositions de la loi précitée (art. 3). La coopération judiciaire internationale respecte également le principe de réciprocité. Cependant, même en l’absence de réciprocité, il est possible de répondre positivement à une demande de coopération du moment que celle-ci : i) se révèle opportune en raison de la nature des faits ou de la nécessité de lutter contre certaines formes de criminalité graves ; ii) peut contribuer à améliorer la situation de l’accusé ou sa réintégration sociale ; iii) et peut servir à faire la lumière sur les faits reprochés à un citoyen portugais.

69.Lorsque son aide est sollicitée pour un cas de disparition forcée, le Portugal peut accepter de pratiquer une coopération judiciaire internationale sans restriction dans le domaine pénal, et ce, même en l’absence d’accord bilatéral ou de coopération réciproque. En effet, la nature des faits de l’infraction n’établit pas l’impossibilité d’une coopération internationale.

70.S’agissant des limites ou conditions d’une coopération internationale, l’article 6 de la loi no 144/99 prévoit des motifs impératifs de refus d’une demande dans les cas suivants :

a)Les procédures ne répondent pas aux exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ou d’autres instruments internationaux pertinents en la matière, ratifiés par le Portugal ;

b)Il y a des motifs raisonnables de penser que la coopération est sollicitée dans le but de poursuivre ou de punir une personne en raison de sa race, de sa religion, de son sexe, de sa nationalité, de sa langue, de ses convictions politiques ou idéologiques ou de son appartenance à un groupe social donné ;

c)Il y a risque que l’un des facteurs indiqués au point b) complique la situation procédurale de la personne ;

d)La coopération demandée pourrait entraîner un procès devant un tribunal doté d’une compétence exceptionnelle ou lorsqu’il s’agit de l’exécution d’une peine prononcée par ledit tribunal ;

e)Lorsque les faits sur lesquels porte la demande sont passibles de la peine de mort ou d’une autre peine qui pourrait causer un préjudice irréversible à l’intégrité de la personne ;

f)Si l’infraction est punissable d’une sentence à vie ou bien d’un emprisonnement ou d’une mesure de sûreté pour une durée indéterminée.

71.L’article 7 de la loi no 144/99 dispose en outre qu’une demande de coopération est également rejetée lorsque la procédure concerne :

a)Un fait constitutif d’une infraction de nature politique ou connexe à une telle infraction selon les principes du droit portugais ;

b)Un fait constitutif d’une infraction militaire et non d’une infraction de droit commun.

72.Les actes criminels suivants ne sont pas considérés comme des infractions politiques : i) le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et les infractions graves réprimés par les Conventions de Genève de 1949 ; ii) les infractions visées à l’article 1 de la Convention européenne pour la répression du terrorisme ; iii) les actes mentionnés dans la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; iv) toute autre infraction dont la nature n’est plus considérée d’ordre politique par les traités, conventions ou accords internationaux auxquels le Portugal est partie.

73.La coopération peut également être refusée lorsque la peine est déjà purgée par l’intéressé ou lorsque la procédure pénale a pris fin dans un autre État (art. 9).

74.S’agissant d’extradition, outre les cas prévus aux articles 6 et 8, la coopération est refusée lorsque : i) l’infraction a été commise sur le territoire portugais ; ii) la personne réclamée est de nationalité portugaise (art. 32).

75.Toutefois, l’extradition d’un ressortissant portugais n’est pas exclue lorsque : i) l’extradition de ressortissants nationaux est prévue par un traité, une convention ou un accord auquel le Portugal est partie ; ii) le ressortissant est recherché pour terrorisme ou criminalité organisée internationale ; iii) le système juridique de l’État requérant garantit un procès équitable et impartial.

76.Dans les situations visées aux points i) à iii), l’extradition ne peut avoir lieu qu’aux fins d’une procédure pénale et à condition que l’État requérant certifie que la personne extradée sera renvoyée au Portugal pour y purger la sanction ou la mesure qui lui sera éventuellement imposée au Portugal, une fois le jugement examiné et entériné conformément à la loi, à moins que la personne extradée refuse explicitement son renvoi.

Paragraphe 13  : Fournir des renseignements sur les enquêtes menées au sujet de l’utilisation de l’espace aérien et des aéroports portugais dans le cadre du « programme de transfèrement extrajudiciaire  », qui impliquait également le transfert de détenus, et sur les résultats de ces enquêtes, ainsi que sur la coopération accordée à d’autres États au titre d’enquêtes en rapport avec cette question (art. 12 et 14).

77.Le Portugal nie toute participation au programme dit de « transfèrement extrajudiciaire » et rappelle qu’il n’a jamais autorisé l’utilisation de son territoire ou de son espace aérien à cette fin.

78.Le Portugal ne s’est jamais vu demander l’utilisation de son territoire ou de son espace aérien pour transporter des détenus dans le cadre du programme de vols de « transfèrements extrajudiciaires ». Les États-Unis ont donné l’assurance que leurs autorités n’avaient sur ce point nullement porté atteinte à la souveraineté portugaise, aux accords bilatéraux ou au droit international applicable. Si une telle demande lui avait été faite, le Portugal l’aurait rejetée.

79.Compte tenu de l’importance cruciale qu’il accorde à cette question, le Portugal a mené des enquêtes internes approfondies et pleinement collaboré aux enquêtes menées au sein de diverses instances internationales et nationales, dans un esprit de coopération et de transparence.

80.En 2006, le Portugal a fourni les informations demandées dans le cadre des deux enquêtes menées conjointement par le Secrétaire général du Conseil de l’Europe et le Parlement européen. Le Gouvernement portugais a également livré des informations au Parlement national portugais.

81.En 2007, le Gouvernement portugais a demandé au Bureau du Procureur général, organe judiciaire indépendant, de mener sa propre enquête sur cette affaire. En 2009, cette enquête a conclu qu’il n’y avait aucune preuve de l’implication du Gouvernement portugais dans ces activités.

82.En octobre 2013, le Portugal a répondu à la lettre conjointe de Viviane Reding, Vice-Présidente de la Commission européenne, et de Cecilia Malmström, Commissaire européenne aux affaires intérieures, concernant les recommandations incluses dans la résolution du Parlement européen sur des allégations de transport et de détention illégale de prisonniers par la CIA dans des pays européens, adoptée en septembre 2012.

83.Il convient de souligner qu’à la suite de cette réponse, la résolution du Parlement européen du 10 octobre 2013 n’a pas mentionné le Portugal.

84.En décembre 2013, à l’issue de l’examen des cinquième et sixième rapports périodiques sur la mise en œuvre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Portugal a fourni au Comité contre la torture de plus amples informations en la matière.

85.Le Portugal a également coopéré et répondu aux demandes d’informations de la société civile, dans le plein respect de la législation nationale relative à l’accès aux documents administratifs. En octobre 2012, par exemple, le Portugal a accordé à l’ONG Access Info Europe l’accès à la documentation sur ce sujet, demandée au cours de cette même année.

86.En juin 2015, le Gouvernement portugais a répondu à une communication conjointe des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme concernant le transfert présumé de M. Abou Elkassim Britel, citoyen italien d’origine marocaine, entre le Pakistan et le Maroc. Dans sa réponse, le Portugal a fourni des informations sur le cas de M. Britel et nié toute implication dans son transfert présumé.

IV.Mesures de prévention des disparitions forcées (art. 16 à 23)

Paragraphe 14  : Donner des renseignements sur les mécanismes et les critères appliqués dans le cadre des procédures d’expulsion, de refoulement, de remise et d’extradition pour déterminer si une personne risque d’être victime de disparition forcée et évaluer ce risque. Préciser si les décisions d’expulsion, de refoulement, de remise ou d’extradition sont susceptibles d’appel, quelles sont les autorités compétentes et les procédures applicables. Préciser aussi si la décision d’appel est définitive ou si une quelconque autre autorité peut refuser de l’appliquer. Décrire les autres mesures que l’État partie a éventuellement prises pour garantir le respect strict du principe de non-refoulement consacré au paragraphe 1 de l’article 16 de la Convention. Préciser en outre si l’État partie accepte les assurances diplomatiques quand il existe des raisons de croire que la personne concernée risque d’être victime d’une disparition forcée (art. 16).

87.S’agissant de l’extradition (par. 126 à 129 du rapport), il convient de noter ce qui suit :

88.L’extradition ne peut être accordée qu’aux fins d’une procédure pénale ou de l’exécution d’une sanction ou d’une mesure privative de liberté concernant une infraction relevant de la compétence des tribunaux de l’État requérant (art. 31 de la loi no 144/99 − objet et motifs de l’extradition). À l’une quelconque de ces fins, la remise d’une personne n’est possible qu’en cas d’infraction, y compris de tentative d’infraction passible à la fois en vertu du droit portugais et du droit de l’État requérant d’une sanction ou d’une mesure impliquant une privation de liberté pour une période maximale d’un an.

89.La disparition forcée est considérée comme un crime contre l’humanité et constitue à ce titre une grave violation des droits de l’homme (loi no 31/2004).

90.Avant d’accorder l’extradition, et outre le contrôle du respect des conditions exigées pour la demande (art. 23 de la loi no 144/99), l’autorité judiciaire vérifie également que la demande d’extradition ne vise aucune des situations prévues notamment aux paragraphes a), b) et e) de l’article 6 de cette loi, pouvant en principe conduire à une disparition forcée. Lors de l’examen de la demande, tous les motifs sont pris en compte, de même que l’existence d’un ensemble de violations graves, flagrantes ou massives systématiques des droits de l’homme ou du droit international humanitaire. Il est impératif de refuser l’extradition s’il y a des raisons suffisantes de croire que la personne pourrait faire l’objet d’une disparition forcée.

91.Le ministère public comme l’intéressé ont le droit de faire appel dans les dix jours suivant la décision d’extradition. Le recours a un effet suspensif sur la décision d’extradition et est soumis à la Cour suprême de justice (art. 49 de la loino 144/99). Les procédures applicables au recours sont définies aux articles 58 et 59 de la même loi.

92.Les décisions des tribunaux (qui sont définitives) sont contraignantes pour toute entité publique et privée et l’emportent sur les décisions de toute autre autorité (art. 205, par. 2, de la Constitution). Par conséquent, il est généralement impossible à des autorités tierces de refuser d’exécuter des décisions de justice.

93.« L’expulsion ne peut être prononcée vers un pays où le ressortissant étranger peut faire l’objet de persécutions pour les raisons qui, conformément à la loi, justifient l’octroi du droit d’asile, ou lorsque le ressortissant étranger peut subir des tortures ou des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme » (art. 143 de la loino 23/2007, réglementant l’entrée, le séjour, le départ et l’expulsion des ressortissants étrangers au Portugal).

94.En ce qui concerne les assurances diplomatiques, comprises comme une assurance de l’État, elles ne sont acceptées que dans les conditions prévues au paragraphe 2 de l’article 6 de la loino 144/99.

95.Selon cette disposition, lorsque la demande (incluant l’extradition) a trait à des infractions passibles de la peine de mort ou d’une peine portant un préjudice irréversible à l’intégrité de la personne (art. 6, par. 1 e)), ou que l’une quelconque des infractions reprochées est passible d’emprisonnement ou d’une mesure de sûreté à vie ou à durée indéterminée (art. 6, par. 1 f)), la coopération pourra être accordée si les conditions suivantes sont réunies :

a)L’État requérant, par une décision irrévocable liant ses tribunaux ou toute autre autorité habilitée à exécuter la décision, a déjà commué la peine de mort ou une autre peine susceptible d’entraîner des atteintes irréversibles à l’intégrité de la personne ou a annulé le caractère perpétuel de la peine ou de la mesure de sûreté ;

b)En ce qui concerne l’extradition pour des infractions qui, conformément à la législation de l’État requérant, sont passibles d’une sentence à vie ou d’une peine ou mesure de sûreté d’une durée indéterminée impliquant une privation ou une restriction de liberté, l’État requérant garantit que ces peines ou mesures de sûreté ne seront ni appliquées ni exécutées ;

c)L’État requérant accepte que la condamnation ou la mesure de sûreté soit commuée par un tribunal portugais et conformément aux dispositions juridiques portugaises applicables à l’infraction pour laquelle la personne a été condamnée ;

d)La demande porte sur l’assistance prévue au paragraphe 1 f) de l’article 1, au motif qu’elle sera vraisemblablement utile aux fins de la non-application de ces peines ou mesures.

96.Afin de s’assurer que les garanties évoquées ci-dessus sont suffisantes, il est tenu compte, conformément au droit et à la pratique de l’État requérant, de la possibilité de la non-application de la peine, de l’examen de la situation de la personne recherchée et de l’octroi de la libération conditionnelle, ainsi que de la possibilité de grâce, de commutation de la peine ou de mesures analogues prévues par la législation de l’État requérant.

Paragraphe 15 : Préciser quelles sont les procédures d’expulsion, de refoulement, de remise ou d’extradition, à quelle fréquence ces procédures sont revues et si, avant de procéder à l’expulsion, au refoulement, à la remise ou à l’extradition, il est procédé à une évaluation individuelle complète du risque qu’encourt la personne concernée d’être victime d’une disparition forcée (art. 16).

97.Il convient de noter ce qui suit (par. 126 à 129 du rapport) :

98.Les procédures d’extradition sont définies aux articles 44 à 78 de la loino 144/99. L’extradition est une procédure d’urgence et comporte une phase administrative et une phase judiciaire.

99.Lors de la phase administrative, le Ministre de la justice doit examiner la demande d’extradition afin de décider si, au vu des garanties existantes, la demande peut suivre son cours ou s’il convient de la rejeter pour des raisons politiques, au vu des circonstances ou pour des raisons de commodité.

100.La phase judiciaire relève de la compétence exclusive d’une juridiction de deuxième instance (cour d’appel) qui, après audition de la personne concernée, procède à une appréciation juridique de la forme et du fond des faits au regard des exigences légales, afin de décider de l’octroi ou du refus de l’extradition. Aucun élément de preuve relatif aux faits commis par la personne à extrader n’est admis.

101.Tout État étranger qui en fait la demande peut prendre part à la phase judiciaire de la procédure d’extradition par l’intermédiaire d’un représentant désigné à cet effet. Le principe de réciprocité est applicable.

102.La loi no 144/99 prévoit également une procédure d’extradition simplifiée qui requiert le consentement écrit de la personne à extrader.

103.Il n’existe pas de règle expresse fixant le réexamen périodique de ces procédures.

104.S’agissant de la deuxième partie de la question, se reporter à la réponse fournie au paragraphe 14 ci-dessus.

Paragraphe 16  : S’agissant du paragraphe 145 du rapport, indiquer si toutes les personnes privées de leur liberté ont bien accès à un avocat, notamment à l’aide juridictionnelle gratuite, dès le début de leur privation de liberté, et si, dans la pratique, elles sont immédiatement informées de ce droit (art. 17).

105.La Constitution dispose que toute personne a droit à l’information et à la consultation juridiques, à l’aide juridictionnelle et à la présence d’un avocat devant quelque autorité que ce soit. Cette garantie est tout particulièrement renforcée dans le cadre des procédures pénales. En effet, tout prévenu a le droit de choisir son avocat et d’être assisté par lui dans tous les actes de procédure. Si le prévenu ne peut supporter des frais d’avocat ou ne choisit pas d’avocat pour le représenter, un défenseur lui sera commis d’office par l’État portugais.

106.Toute personne faisant l’objet d’une procédure pénale doit systématiquement être informée de ses droits, y compris le droit d’être assistée d’un avocat ou de demander qu’un avocat lui soit commis d’office, dès le moment où elle est placée en détention et où elle accède au statut de prévenu. Le prévenu peut décider de désigner un avocat à tout stade de la procédure.

107.Tout prévenu peut être assisté d’un avocat dans l’ensemble des actions procédurales dès le début de sa privation de liberté et a le droit de communiquer en privé avec son avocat désigné après son arrestation (art. 61, par. 1 f), du Code de procédure pénale − par. 145 du rapport). Néanmoins, comme indiqué au paragraphe 146, l’assistance d’un défenseur est obligatoire dans un ensemble de situations telles que l’interrogatoire d’une personne arrêtée ou détenue.

108.Les personnes privées de liberté ont droit à l’information et aux conseil juridiques d’un avocat, et ont la possibilité de contacter ce dernier. Les personnes privées de liberté ont le droit de recevoir la visite de leur avocat (par. 148 du rapport).

109.La Direction générale des services pénitentiaires et de la réinsertion (Direção -Geral de Reinserção e Serviços Prisionais) et le Président de l’ordre des avocats du Portugal ont récemment conclu un accord en vue de créer au sein des établissements pénitentiaires des bureaux de consultation juridique permettant aux avocats de fournir gratuitement aux détenus des informations et des avis sur un large éventail de questions. Les avocats peuvent notamment les conseiller sur les moyens à leur disposition pour soumettre leurs demandes ou réclamations relatives à d’éventuels mauvais traitements, et contester les décisions les concernant. Seuls certains problèmes logistiques restent à résoudre et ces bureaux devraient bientôt être opérationnels.

110.En ce qui concerne l’accès à l’aide juridictionnelle gratuite, la loino 34/2004 détermine le régime de protection juridique qui inclut l’aide juridictionnelle.

111.Ce système a pour objectif de veiller à ce que chacun, quel que soit son statut social, culturel ou économique, connaisse et puisse exercer et défendre ses droits (art. 1 de ladite loi). L’État met en œuvre des mesures et mécanismes d’information et de protection juridiques, dans lesquels s’inscrivent la consultation juridique et l’aide juridictionnelle.

112. Les citoyens portugais et de l’Union européenne, ainsi que les ressortissants étrangers et les apatrides titulaires d’un permis de séjour valide dans un État membre de l’Union européenne, peuvent demander et obtenir une protection juridique en cas de difficultés financières (évaluées selon les critères fixés par la loi). L’aide juridictionnelle peut inclure la désignation d’un avocat de la défense et le paiement de ses honoraires (art. 7 de ladite loi).

113.L’article 39 de cette loi expose les procédures applicables à la désignation d’un avocat de la défense. Le prévenu est informé de son droit de désigner un avocat de son choix. Si le prévenu ne désigne pas d’avocat, il doit fournir les renseignements financiers requis pour demander l’aide juridictionnelle. Le greffe du tribunal est chargé de déterminer si le prévenu fait face à des difficultés financières, en tenant compte des critères applicables établis par la loi. Si sa demande est acceptée, un avocat de la défense lui est commis d’office. Dans le cas contraire, le prévenu est averti qu’il lui faut désigner un avocat. Cette procédure ne dispense pas de solliciter l’aide juridictionnelle auprès de l’autorité compétente (les services de sécurité sociale) et est subordonnée à une réponse positive à cette demande.

Paragraphe 17 : En ce qui concerne les paragraphes 134 et 150, préciser si le Médiateur portugais dispose de ressources financières, humaines et techniques suffisantes pour s’acquitter de manière efficace et indépendante de ses fonctions, notamment de sa fonction de mécanisme national de prévention. Donner également des renseignements sur les garanties mises en place pour que le Médiateur ait accès immédiatement et sans restriction à tous les lieux de privation de liberté (art. 17).

114.Le Médiateur a été désigné mécanisme national de prévention par une résolution du Conseil des ministres et son fonctionnement est en tout point conforme au Protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations Unies contre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’indépendance fonctionnelle du Médiateur et de son personnel est pleinement respectée.

115.Bien que le système juridique offre des garanties d’indépendance et d’efficacité, le Médiateur ne dispose pas de ressources financières, humaines et techniques suffisantes pour pourvoir s’acquitter efficacement de ses fonctions de mécanisme national de prévention.

116.En vertu de l’article 20 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations Unies contre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Médiateur a un accès immédiat et illimité à tous les lieux de privation de liberté et est également libre de choisir les lieux qu’il visitera et les personnes qu’il rencontrera. L’article 21 du statut du Médiateur lui donne compétence pour effectuer, avec ou sans préavis, des visites d’inspection dans tout centre de détention et de demander qu’on lui fournisse informations et documents.

117.Conformément à l’article 18 de son statut, le Médiateur et son personnel sont considérés comme des autorités publiques. Ils peuvent également avoir besoin de l’appui d’autres autorités − dont les autorités répressives − pour mener à bien leurs inspections. Toutes les entités publiques se doivent de coopérer avec le Médiateur (art. 29). Comme stipulé au paragraphe 2, toute personne exerçant des fonctions politiques qui restreint ou empêche le libre exercice des fonctions du Médiateur commet une infraction passible d’un à cinq ans d’emprisonnement.

Paragraphe 18 : À la lumière du paragraphe 159 du rapport de l’État partie, préciser les mesures qui ont été prises pour garantir que, dans la pratique, le registre officiel tenu dans tous les lieux de privation de liberté, de quelque nature qu’ils soient, contienne tous les renseignements énumérés au paragraphe 3 de l’article 17 de la Convention (art. 17).

118.Le paragraphe 7 de l’article 16 du Code de l’exécution des peines et des mesures privatives de liberté dispose que l’admission d’une personne dans un établissement pénitentiaire pour y purger une peine doit être enregistrée. Le Règlement général des établissements pénitentiaires régit en outre les procédures d’admission et les informations devant être enregistrées.

119.Toute blessure visible ou plainte pour voies de fait antérieure est enregistrée et, si le détenu y consent, la blessure est photographiée (art. 17, par. 3 f), de la Convention). Dans ce cas, un examen médical est également effectué et un rapport rédigé. Si nécessaire, une assistance médicale est elle aussi fournie. De plus, si le détenu y consent, le directeur de l’établissement doit envoyer copie de ces renseignements, y compris du rapport médical, au directeur général de la Direction générale des services pénitentiaires et de la réinsertion.

120.Si l’intéressé a été placé en garde à vue ou si une intervention policière quelconque a eu lieu avant son arrivée dans l’établissement pénitentiaire, la Direction générale des services pénitentiaires et de la réinsertion doit immédiatement transmettre toutes les informations reçues à l’Inspection générale des affaires intérieures et à l’Inspection générale des services de justice (arrêté du Ministre de l’intérieur et du Ministre de la justice no 11838/2016).

121.Le registre officiel, tenu dans tous les lieux de détention de la Garde nationale républicaine, contient toutes les informations énumérées au paragraphe 3 de l’article 17 de la Convention.

Paragraphe 19 : Indiquer les mesures éventuellement prises pour modifier le paragraphe 4 de l’article 143 du Code de procédure pénale en vue d’accorder à toutes les personnes privées de liberté, y compris les personnes détenues pour terrorisme, le droit de communiquer avec d’autres (art. 17).

122.Dans les affaires de terrorisme et de criminalité violente ou hautement organisée, le ministère public peut décider que le prévenu ne pourra communiquer avec personne, à l’exception de son avocat, avant d’être interrogé pour la première fois par un juge (art. 143, par. 4, du Code de procédure pénale).

123.Cette disposition n’entre pas nécessairement en conflit avec le droit du prévenu de communiquer avec d’autres personnes. Si le ministère public n’en décide pas autrement, le prévenu peut communiquer avec d’autres personnes que son avocat.

124.Cette décision dépend des circonstances particulières à chaque cas d’espèce. Cette règle vise à garantir que la détention de l’intéressé ne sera pas divulguée, pour des raisons de sécurité ou dans l’intérêt de l’enquête pénale en cours.

125.Si le ministère public ne libère pas le prévenu après un bref interrogatoire, celui-ci doit être présenté à un juge d’instruction (art. 141, 142 et 143 , par. 3, du Code de procédure pénale). Si le prévenu n’est pas jugé immédiatement, son premier interrogatoire par un juge doit intervenir dans un délai maximal de quarante-huit heures à compter de son arrestation.

Paragraphe 20 : Eu égard au paragraphe 168 du rapport de l’État partie, indiquer les critères appliqués pour déterminer si une personne qui n’est pas le représentant légal d’une personne disparue a démontré qu’elle avait un intérêt légitime à consulter le dossier et peut donc y être autorisée. Donner des précisions sur le fait qu’un dossier puisse être maintenu secret à cause de l’ouverture d’une enquête, qui restreint l’accès à l’information de la personne ayant un intérêt légitime à consulter le dossier (art. 18).

126.Quiconque démontre qu’il a un intérêt légitime à consulter un dossier qui n’est pas soumis au secret de l’enquête peut en faire la demande et obtenir, à ses frais, une copie ou un extrait du dossier ou d’une partie de celui-ci, ou une attestation (art. 90 du Code de procédure pénale − consultation du dossier et obtention d’un certificat par un tiers). Cette demande n’est pas automatique et doit être décidée par l’autorité judiciaire chargée de cette phase de la procédure (procureur ou juge).

127.Ainsi, s’agissant de l’accès aux dossiers des journalistes, il ressort de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Lisbonne le 9 septembre 2014 que :

a)Il résulte des dispositions du paragraphe 1 de l’article 90 du Code de procédure pénale que le seul critère permettant d’apprécier la demande de tiers de consulter un document non soumis au secret de l’enquête et d’obtenir, à ses frais, une copie ou un extrait du dossier ou d’une partie de celui-ci, ou une attestation, est l’existence d’un intérêt légitime du demandeur, qui doit le faire valoir et en établir la preuve ;

b)Parmi les personnes non parties à la procédure, les journalistes peuvent avoir un intérêt légitime à accéder aux dossiers ;

c)Les journalistes jouissent d’un régime spécial en vertu des dispositions des paragraphes 2 et 3 de l’article 8 du Statut des journalistes, établi par la loi no 1/99, selon lesquelles il est légitime pour un journaliste d’invoquer l’intérêt d’accéder aux sources d’information ;

d)L’intérêt du demandeur qui a saisi le tribunal susmentionné à consulter des dossiers ou à en obtenir une copie auprès du ministère public doit être considéré comme légitime aux fins de l’exercice d’une activité journalistique, à la lumière des dispositions du paragraphe 1de l’article 90 du Code de procédure pénale.

Paragraphe 21 : Préciser si l’État partie dispense ou prévoit de dispenser une formation spécifique sur les dispositions de la Convention aux agents de la force publique (civils ou militaires), au personnel médical, aux agents de l’État et à toute autre personne intervenant dans la garde ou le traitement des personnes privées de liberté, y compris les juges et les procureurs. À cet égard, indiquer la nature et la fréquence de la formation dispensée, ainsi que les autorités chargées d’assurer cette formation (art. 23).

128.Le Portugal dispense aux professionnels concernés une formation sur les droits de l’homme et notamment sur les conventions internationales ratifiées. Cette formation est adaptée aux fonctions et compétences de chacune des entités intéressées, qu’il s’agisse des services médicaux, judiciaires ou de police, ou des autorités et personnels pénitentiaires.

129.L’École de police judiciaire assure une formation sur les normes relatives aux droits de l’homme dans le cadre d’enquêtes pénales, que ce soit dans ses cours de formation initiale ou continue (par. 197 du rapport).

130.En ce qui concerne la formation des juges et des procureurs, le Centre d’études judiciaires dispense une formation sur divers aspects des droits fondamentaux et du droit constitutionnel, sous forme de cours, d’ateliers ou de séminaires. Bien que n’offrant pas de formation spécifique sur la Convention, le Centre propose une formation qui aborde ce sujet.

131.La Direction générale des services pénitentiaires et de la réinsertion et l’Institut national de médecine légale et de criminologie ont conclu un accord en vertu duquel ce dernier assure la formation du personnel médical pénitentiaire, en mettant l’accent sur les procédures à suivre en cas d’allégations de mauvais traitements et d’abus.

V.Mesures de réparation et mesures de protection des enfants contre la disparition forcée (art. 24 et 25)

Paragraphe 22 : Eu égard au paragraphe 201 du rapport de l’État partie et à l’article 67 du S tatut de la victime, expliquer quelles mesures ont été prises pour aligner la définition de la victime en droit interne sur le paragraphe 1 de l’article 24 de la Convention (art. 24).

132.Le statut de la victime, annexe à la loi no 130/2015, ne contient aucune définition du mot « victime ».

133.En revanche, l’article 67-A du Code de procédure pénale comprend plusieurs définitions de ce terme. Ainsi, est « victime » toute personne qui, en raison d’un acte ou d’une omission qualifiés par les lois pénales en vigueur, a subi un préjudice émotionnel, moral ou patrimonial.

134.Le terme « victime » englobe aussi les proches d’une personne dont le décès a été directement provoqué par une infraction et qui ont subi un préjudice du fait de ce décès. Les victimes d’infractions violentes et, plus encore, d’infractions très violentes, sont toujours considérées comme des victimes particulièrement vulnérables aux fins du paragraphe 1 b) de l’article 67.

135.Eu égard au paragraphe 1 de l’article 24 de la Convention, il n’y a pas de différences majeures entre la définition de la victime donnée par la législation nationale applicable et celle fournie par la Convention.

Paragraphe 23 : En ce qui concerne le paragraphe 209 du rapport de l’État partie, préciser si, en plus de l’indemnisation, le droit interne prévoit d’autres formes de réparation, telles qu’une garantie de non-répétition, conformément au paragraphe 5 de l’article 24 de la Convention. En l’absence de loi érigeant expressément la disparition forcée en infraction, expliquer comment la victime d’une disparition forcée commise en tant qu’infraction autonome, qui relèverait donc de plusieurs infractions pénales, peut se voir garantir le droit à réparation et à indemnisation. Préciser si le droit des victimes de disparition forcée d’obtenir réparation est limité dans le temps (art. 24).

136.Le droit portugais ne prévoit pas de garantie de non-répétition, conformément au paragraphe 5 d) de l’article 24 de la Convention.

137.Toutefois, cette forme d’indemnisation de la victime n’est pas inconditionnelle et, selon le libellé de cette disposition, doit être garantie si nécessaire, c’est-à-dire en fonction des circonstances propres à chaque cas.

138.La loi portugaise érige en infraction pénale et réprime la disparition forcée en tant qu’infraction à part entière (par. 51 du rapport), ainsi que d’autres infractions avec lesquelles elle a des liens pertinents. Conformément au statut de la victime, les victimes d’une disparition forcée commise en tant qu’infraction autonome (par exemple, l’enlèvement) ont également droit à réparation et à indemnisation.

139.Ce statut ne fait aucune distinction entre les infractions donnant lieu à indemnisation ou à réparation et n’inventorie pas les infractions auxquelles il s’applique. L’article 1 indique clairement que le statut susmentionné contient un ensemble de mesures visant à assurer la protection et la promotion des droits des victimes d’infractions, en transposant en droit national la directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012, en fixant des règles relatives aux droits, au soutien et à la protection des victimes d’infractions et en remplaçant la décision-cadre du Conseil 2001/220/JAI du 15 mars 2001.

140.Le statut de la victime permet à celle-ci d’obtenir réparation sans être limitée dans le temps.

141.De manière générale, l’indemnisation doit être réclamée dans le cadre de la procédure pénale. La victime doit informer les autorités répressives ou le ministère public avant la fin de la phase d’enquête qu’elle souhaite réclamer des dommages et intérêts, par exemple lors de sa déposition. Lorsque des accusations sont portées contre le défendeur, la victime en est avisée et dispose de vingt jours pour déposer sa demande.

142.Dans le cas d’infractions violentes − ce qui est le cas d’une disparition forcée − la demande d’indemnisation peut être présentée dans un délai d’un an à compter de la date de l’infraction ou, si une procédure pénale est en cours, jusqu’à un an après la décision définitive prononcée dans ce cadre. Une victime mineure au moment de l’infraction peut présenter sa demande jusqu’à un an après avoir atteint l’âge de la majorité ou avoir été émancipée.

143.Des informations sur les victimes d’infractions sont disponibles en ligne en portugais et en anglais à l’adresse suivante : http://infovitimas.pt et https://cpvc.mj.pt (Commission pour la protection des victimes d’infractions).

Paragraphe 24 : En ce qui concerne le paragraphe 223 du rapport de l’État partie, donner des renseignements sur les dispositions pénales qui s’appliqueraient en cas de commission des infractions visées au paragraphe 1 de l’article 25 de la Convention. Préciser également si des mesures ont été prises pour mettre la législation nationale en conformité avec le paragraphe 1 de l’article 25 de la Convention. Décrire les procédures en place qui visent à garantir le droit des enfants disparus de voir rétablie leur véritable identité. Préciser également les restrictions qui s’appliquent éventuellement aux renseignements auxquels un enfant peut avoir accès sur son origine (art. 25).

144.Les dispositions pénales pertinentes qui s’appliqueraient si les actes visés au paragraphe 1 a) de l’article 25 de la Convention se produisaient sont l’article 158 (enlèvement) et l’article 161 (séquestration) du Code pénal.

145.Les articles 256 (falsification ou contrefaçon de documents), 255, par. a) (définition d’un document à visées criminelles) et 259 (détérioration ou soustraction de documents) de ce même code s’appliqueraient aux actes visés au paragraphe 1 b) de l’article 25.

146.S’agissant des procédures en vigueur visant à garantir le droit des enfants disparus de voir rétablie leur véritable identité et d’accéder aux informations concernant leur origine :

•Le paragraphe 1 de l’article 26 de la Constitution consacre le droit à l’identité personnelle ;

•L’article 1 du décret-loino 131/95 (Code de l’état civil) établit les faits soumis à une obligation d’enregistrement à l’état civil. Il s’agit notamment de la naissance, de la parentalité et de l’adoption ;

•Toute naissance ayant lieu sur le territoire portugais doit être communiquée verbalement, dans un délai de vingt jours, à un bureau d’état civil (art. 96 du Code de l’état civil). Le Code prévoit également la possibilité de déclarer la naissance dans l’unité de soins où l’enfant est né immédiatement après la naissance (alors que la parturiente est encore hospitalisée). Le projet Nascer cidadão (« Né citoyen ») a ouvert dans la plupart des hôpitaux du pays des bureaux où les nouveau-nés peuvent être enregistrés devant un officier de l’état civil, ce qui évite de devoir se rendre dans un bureau d’état civil ;

•Si une naissance n’est pas déclarée dans les délais légaux, les autorités administratives ou la police en informent l’officier de l’état civil ou le procureur de la République afin de réparer cette omission (art. 98 du Code de l’état civil). Les articles 105 et suivants définissent la procédure d’enregistrement des enfants abandonnés ;

•L’acte de naissance contient les éléments suivants : prénom(s) et nom(s) de famille, sexe, date et heure exacte de la naissance, paroisse et commune où est né le bébé, nom complet, âge, statut, lieu de naissance et résidence habituelle des parents, nom complet des grands-parents ;

•À la demande de l’intéressé ou de ses représentants légaux, l’établissement de la filiation et de l’adoption plénière peut être reporté dans l’acte de naissance original, auquel cas un nouvel acte de naissance est délivré. Toutefois, en cas d’adoption plénière, l’acte de naissance original ne peut être annulé (art. 123 du Code de l’état civil) ;

•Toute personne a le droit de demander la délivrance d’un certificat concernant des faits enregistrés dans la base de données de l’état civil. Toutefois, des restrictions s’appliquent lorsque les renseignements concernent des personnes ayant été adoptées. Dans ce cas de figure, la personne qui demande les renseignements doit justifier de son identité et de sa légitimité pour y avoir accès (art. 214 du Code de l’état civil) ;

•Le Code civil et le régime juridique de la procédure d’adoption consacrent expressément le droit des personnes adoptées à connaître leurs origines (art. 1190 A du Code civil et art. 6 de la loino 143/2015). Bien que le Code civil prévoie la possibilité pour les parents biologiques d’un enfant adopté de demander que leur identité reste secrète, ceci ne vaut que pour les parents adoptifs. La personne adoptée a toujours le droit d’accéder aux informations relatives à son origine biologique ;

•Les personnes adoptées âgées de 16 ans ou plus peuvent demander aux organismes de sécurité sociale − qui sont tenus de les leur fournir − des informations, des conseils et une assistance technique concernant l’accès à leurs origines. Pour les jeunes adoptés de 16 à 18 ans (c’est-à-dire n’ayant pas atteint la pleine capacité juridique), l’autorisation des parents adoptifs ou d’un représentant légal est requise. Dans de tels cas, l’assistance technique susmentionnée est obligatoire ;

•Les personnes adoptées ont le droit de consulter leur acte de naissance original dans le registre de l’état civil, ainsi que les informations relatives à leur adoption. La seule restriction applicable a trait à la représentation juridique nécessaire des mineurs.

147.En conclusion, les enfants se trouvant dans les situations visées au paragraphe 1 a) de l’article 25 de la Convention se voient garantir le droit d’accéder aux informations relatives à leurs origines et à leur acte de naissance, de même qu’à tout autre renseignement figurant dans le registre de l’état civil.