Nations Unies

CERD/C/JOR/FCO/18-20

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

27 août 2020

Français

Original : arabe

Anglais, arabe, espagnol et français seulement

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Renseignements reçus de la Jordanie au sujet de la suite donnée aux observations finales concernant son rapport valant dix-huitième à vingtième rapports périodiques *

[Date de réception : 19 août 2020]

Dans ses observations finales concernant le rapport de la Jordanie valant dix-huitième à vingtième rapports périodiques, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et à l’article 65 de son règlement intérieur, a demandé à l’État partie de fournir des renseignements sur la suite qu’il aurait donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 8 et 14d). On trouvera ci-après les informations communiquées par l’État partie en réponse à cette demande.

Paragraphe 8

Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie selon lesquelles il est lié par la définition de la discrimination raciale inscrite dans la Convention, qui l’emporte sur le droit interne. Il craint toutefois que l’absence, en droit interne, de disposition expresse interdisant la discrimination raciale directe et indirecte dans l’État partie n’entrave la mise en œuvre de la Convention. Il est en outre préoccupé par le manque de renseignements sur les mesures prises pour mettre la législation existante en conformité avec la Convention ( art.  1).

1.L’État partie affirme que la législation en place n’entrave en rien l’application des dispositions de la Convention, étant donné que tous actes de violence, ou provocation à de tels actes, dirigés contre des personnes ou des groupes de personnes à cause de leur race, leur couleur, leur ascendance ou leur origine nationale ou ethnique constituent des infractions punissables par la loi jordanienne et que le Code pénal et les autres textes pénaux érigent en infraction toutes les formes de discrimination et de diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciales, toute incitation à la discrimination raciale et tous actes de violence, ou provocation à de tels actes, dirigés contre un groupe de personnes de race, de couleur ou d’origine ethnique différente.

2.En ce qui concerne l’absence, en droit interne, de disposition expresse interdisant la discrimination directe et indirecte, l’État partie, se référant au paragraphe d de l’article 2 de la Convention, n’estime pas qu’il soit nécessaire dans les circonstances actuelles d’adopter des dispositions particulières à cette fin. L’existence d’une loi visant expressément à interdire la discrimination raciale indique en quelque sorte qu’il est nécessaire d’intervenir au plan législatif pour lutter contre un problème ou une pratique répandue relevant de la discrimination entre individus. Or il n’y a pas en Jordanie de pratiques racistes ou de discrimination systématique ; les faits isolés sont traités et punis conformément à la législation jordanienne applicable, qui répond aux besoins indiqués ci‑après :

Le droit jordanien érige en infraction tout acte ou pratique fondés sur la discrimination raciale, dans la mesure où l’article 150 du Code pénal dispose ce qui suit :

Tout écrit, discours ou acte qui a pour objectif ou pour résultat l’incitation au fanatisme religieux ou racial ou au conflit entre les différentes communautés et composantes de la nation est passible de six mois à trois ans d’emprisonnement et d’une amende pouvant aller jusqu’à 50 dinars.

L’article 130 du Code prévoit que, lorsqu’une guerre est en cours ou sur le point d’éclater en Jordanie, quiconque se livre à une propagande destinée à affaiblir le sentiment national ou à susciter des clivages raciaux ou confessionnels encourt une peine de travaux temporaires.

Le Code pénal jordanien érige également en infraction répréhensible la diffusion de publications ou d’images qui insultent les sentiments religieux, puisque son article 278 dispose ce qui suit :

Encourt une peine d’emprisonnement de trois mois maximum ou une amende pouvant atteindre 20 dinars :

1.Quiconque diffuse une publication, un écrit, une image, un dessin ou un symbole susceptible d’insulter les croyances ou les sentiments religieux d’autrui ;

2.Quiconque émet, dans un lieu public ou de manière à être entendu par une autre personne, des propos ou un son susceptibles d’insulter les croyances ou les sentiments religieux de cette personne.

L’article 20 de la loi no 26 de 2015 relative à l’information audiovisuelle dispose que tout titulaire d’une licence de diffusion est tenu de :

1.Respecter la dignité humaine, la vie privée, les libertés et les droits d’autrui et le pluralisme d’expression ;

2.Ne rien diffuser qui porte atteinte à la pudeur publique, qui incite autrui à la haine, au terrorisme, à la violence, à la sédition ou aux conflits religieux, sectaires ou ethniques, qui nuise à l’économie ou à la monnaie nationale ou qui compromette la sécurité de la nation ou de la société.

L’article 38 de la loi no 8 de 1998 relative à l’édition et aux publications interdit de publier tout ce qui insulte les croyances ou les sentiments religieux ou suscite des conflits confessionnels ou sectaires. Quiconque enfreint ces dispositions encourt une amende allant de 10 000 à 20 000 dinars, conformément aux dispositions de l’article 46 de la même loi.

L’article 41 du Code pénal militaire (loi no 58 de 2006), qui a trait aux crimes de guerre, dispose en son paragraphe a) : Sont considérés comme des crimes de guerre les actes ci-après commis en temps de conflit armé : […] 17. La ségrégation raciale et toute autre pratique fondée sur la discrimination raciale et qui porte atteinte à la dignité et à l’humanité. Les auteurs de tels actes sont punis d’une peine de travail temporaire.

Le Code de la fonction publique impose aux fonctionnaires de traiter le public avec neutralité, impartialité, objectivité et justice, sans discrimination fondée sur le sexe, la race, les croyances religieuses ou toute autre forme de discrimination.

3.L’État partie réaffirme que son pouvoir judiciaire a reconnu la primauté du droit international sur le droit interne, ce qui signifie qu’en cas de conflit entre un traité international et une loi nationale en vigueur, c’est le premier qui s’applique. La Cour de cassation jordanienne a consacré ce principe dans sa jurisprudence : dans sa décision no 936/1993 du 13 novembre 1993, la Cour affirme qu’une convention internationale conclue par l’État prime les lois en vigueur et qu’elle est exécutoire même si ses dispositions sont incompatibles avec celles du droit interne. Dans sa décision no 3965/2003 du 29 février 2004, la Cour souligne que la doctrine et la jurisprudence de tous les pays du monde, y compris la Jordanie, sont unanimes quant à la primauté des conventions et traités internationaux sur le droit interne, qui interdit d’appliquer toute disposition de droit interne incompatible avec une disposition applicable d’une convention ou d’un traité internationaux. Les juges jordaniens respectent scrupuleusement ce principe.

4.Dans une récente décision interprétative portant sur l’article 33 de la Constitution jordanienne, la Cour constitutionnelle a affirmé que les traités internationaux ont un caractère contraignant pour les États parties, qui sont tenus de respecter ces traités tant qu’ils demeurent applicables, dans la mesure où ils ont été conclus et ratifiés et où les procédures prévues pour leur entrée en vigueur ont été suivies. Cette décision, qui a mis fin à toute controverse sur la constitutionnalité des traités internationaux face au droit interne, a également conféré un caractère constitutionnel au principe de la primauté des traités et conventions internationaux sur les lois nationales, étant donné que les décisions interprétatives de la Cour ont une valeur constitutionnelle contraignante non seulement pour l’ensemble des pouvoirs et des acteurs, mais aussi pour la Cour elle-même.

5.L’État partie s’est engagé à appliquer les dispositions de la Convention en modifiant la législation nationale de manière à la mettre en conformité avec la Convention. Dans son rapport, la Jordanie a cité de nombreux textes qu’elle a modifiés afin qu’ils soient intrinsèquement compatibles avec les définitions et les droits énoncés dans la Convention, qui sont essentiellement des droits que la Constitution confère aux citoyens.

6.De plus, l’État partie a constitué une commission nationale, qui est à pied d’œuvre pour examiner de manière exhaustive et continue l’ensemble des lois nationales, en vue de repérer les lacunes législatives qui entravent le respect par la Jordanie des obligations que lui imposent les traités et conventions internationaux qu’elle a ratifiés. Cette commission est habilitée à proposer les modifications législatives qui sont nécessaires pour mettre la législation nationale en conformité avec les obligations internationales du pays.

7.La Constitution garantit à tous les Jordaniens les droits qui sont énoncés à l’article 5 de la Convention. Les dispositions nécessaires à leur application ont été établies et l’exercice de ces droits ne fait l’objet, en droit ou dans la pratique, d’aucune discrimination fondée sur la race, la couleur ou l’origine nationale ou ethnique.

Paragraphe 14 d)

Prenant note des renseignements fournis par l’État partie, le Comité demeure profondément préoccupé par  : […] d) Les difficultés auxquelles la nombreuse population d’origine palestinienne de l’État partie continue de se heurter pour ce qui est de la participation à la vie politique et de la prise de décisions ( art.  5).

8.Le Gouvernement jordanien n’est pas certain de ce que le Comité désigne lorsqu’il emploie l’expression « population d’origine palestinienne de l’État partie ». S’il s’agit des citoyens jordaniens d’origine palestinienne, le Gouvernement affirme qu’il n’y a pas de discrimination entre les citoyens jordaniens, ni en droit ni dans la pratique, conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 6 (chap. II) de la Constitution. Celui-ci dispose que les Jordaniens sont égaux devant la loi et qu’il n’y a aucune discrimination entre eux sur le plan des droits et des devoirs, quelles que soient leurs différences de race, de langue ou de religion.

9.Si l’expression employée par le Comité désigne les réfugiés palestiniens qui n’ont pas la nationalité jordanienne en application des dispositions de la loi sur la nationalité jordanienne ou de la décision de désengagement de Cisjordanie, l’État partie souligne que la participation à la vie politique et à la prise de décisions est un droit exclusif des citoyens jordaniens. Cela est pleinement conforme au paragraphe 2 de l’article premier de la Convention, qui dispose que celle-ci ne s’applique pas aux distinctions, exclusions, restrictions ou préférences établies par un État partie selon qu’il s’agit de ses ressortissants ou de non-ressortissants.

10.En outre, l’État partie affirme que l’adoption de mesures spéciales visant à renforcer la participation à la vie politique de certains groupes de citoyens désignés en fonction de leur origine ou provenance, qui ne sont pas considérés comme des minorités raciales, ethniques ou religieuses et dont la participation ne contrevient pas à des restrictions législatives ou procédurales, porterait atteinte à l’unité nationale, reviendrait à partir d’un principe erroné selon lequel des distinctions sont faites entre les citoyens jordaniens et favoriserait le sectarisme entre les différents groupes de la société au détriment d’une identité nationale commune, ce qui est contraire aux intérêts nationaux supérieurs.

11.Aborder la question de la participation à la vie politique en prenant en considération l’origine des citoyens jordaniens est contraire à la disposition de la Constitution jordanienne selon laquelle les Jordaniens sont égaux devant la loi. Rechercher les origines des citoyens et les traiter en fonction de ces origines, à quelque fin que ce soit, est incompatible avec la notion de citoyenneté et avec les mesures que l’État jordanien prend pour affermir et renforcer l’unité nationale, qui est un pilier fondamental de la sécurité et de la stabilité du pays.