NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/93/D/1450/20065 août 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre-vingt-treizième session7‑25 juillet 2008

CONSTATATIONS

Communication n o  1450/2006

Présentée par:

Leonid Komarovski (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Turkménistan

Date de la communication:

25 novembre 2005 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 16 février 2006 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

24 juillet 2008

Objet: Arrestation et détention arbitraires de l’auteur

Question s de fond: Arrestation et détention arbitraires; torture; atteinte à l’honneur et à la réputation de l’auteur; absence de recours internes utiles

Article s du Pacte: 7, 9 (par. 1 à 4), 10 (par. 1 et 2 a)) et 17 (par. 1)

Le 24 juillet 2008, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci‑après en tant que constatations concernant la communication no 1450/2006 au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif.

[ANNEXE]

ANNEXE

CONSTATATIONS DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME AU TITRE DU PARAGRAPHE 4 DE L’ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre-vingt-treizième session

concernant la

Communication n o 1450/2006 *

Présentée par:

Leonid Komarovski (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Turkménistan

Date de la communication:

25 novembre 2005 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 24 juillet 2008,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1450/2006 présentée par Leonid Komarovski en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.1L’auteur de la communication est M. Leonid Komarovski, de nationalité américaine. Il se déclare victime de la violation par le Turkménistan des articles 7, 9, 10 et 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

1.2Le Pacte et le Protocole facultatif sont entrés en vigueur pour l’État partie le 1er août 1997.

Rappel des faits présentés par l ’ auteur

2.1Le 25 novembre 2002, des coups de feu ont été tirés contre un convoi officiel dans lequel se trouvait le Président Saparmurad Niyazov durant la traversée de la capitale, Achgabat. Le Président a survécu à ce qui semblait être une tentative d’assassinat. Le même jour, il a accusé trois dirigeants de l’opposition d’être à l’origine de cette attaque. Une vaste enquête a immédiatement été menée et 16 personnes ont été arrêtées les 26 et 27 novembre, parmi lesquelles l’auteur.

2.2L’auteur était arrivé au Turkménistan le 23 novembre 2002. Il affirme que son voyage visait uniquement à traiter de questions liées au commerce de la bière, activité qu’il avait entreprise au Turkménistan en 1991. Il logeait chez un ami et partenaire d’affaires, M. Guvanch Dzumaev. Le 25 novembre 2002, l’auteur – qui est également journaliste de profession – s’est rendu avec M. Dzumaev à un rassemblement pacifique organisé par le Mouvement démocratique populaire turkmène (NDDT) devant le Parlement (Mejlis) pour protester contre le régime du Président Niyazov.

2.3En chemin, l’auteur et M. Dzumaev sont passés prendre un des dirigeants du NDDT, M. Shikhmuradov, qui a été Ministre des affaires étrangères du Turkménistan de 1995 à 2000. Une fois devant le bâtiment du Parlement, constatant que peu de personnes s’étaient rassemblées, M. Shikhmuradov a décidé de reporter la manifestation. L’auteur et M. Dzumaev sont alors rentrés chez ce dernier.

2.4L’après-midi du même jour, les chaînes locales de télévision ont diffusé un discours du Président Niyazov annonçant qu’il avait été victime d’une tentative d’assassinat pendant la matinée. Le Président a accusé ouvertement M. Shikhmuradov et d’autres dirigeants du NDDT d’avoir organisé la tentative.

2.5M. Dzumaev a été arrêté à son domicile en même temps que son fils, son père et son frère, le 26 novembre 2002. L’auteur a également été arrêté chez M. Dzumaev tôt dans la matinée du 27 novembre 2002 par trois hommes en civil qui ont affirmé appartenir au Bureau du Procureur général. Lorsque l’auteur leur a remis son passeport américain, des hommes armés ont surgi des arbres et maisons environnants, l’ont plaqué au sol et ont commencé à le battre. Les raisons de son arrestation n’ont pas été expliquées à l’auteur, qui a été jeté à l’arrière d’une voiture où il a continué de recevoir des coups chaque fois qu’il se hasardait à demander des explications. Il a été amené dans les locaux du Ministère de la sécurité nationale (MNB) et interrogé.

2.6Pendant les premières heures de l’interrogatoire, les personnes qui ont interrogé l’auteur lui ont demandé de mettre par écrit «tout ce qu’il avait fait». Comme il n’a pas écrit ce qu’ils demandaient, il a été déclaré en état d’arrestation. Aucun mandat d’arrêt n’a été produit et l’auteur n’a pas été informé des raisons de son arrestation. Ce n’est que le troisième jour de sa détention, le 29 novembre 2002, qu’il a reçu une liste de 14 chefs d’inculpation, dont ceux de tentative d’assassinat du Président, tentative de coup d’État et trafic de drogues et d’armes.

2.7Pendant les cinq mois qui ont suivi l’auteur a été détenu dans la «prison intérieure» du MNB. En dépit de ses demandes, il n’a jamais été présenté à un juge, il n’a pas comparu devant un tribunal et n’a pas eu la possibilité de contacter un avocat de son choix. Au contraire, il s’est vu attribuer un avocat d’office, Me Djumagul, par le Bureau du Procureur général. Or, cette avocate a été inefficace et a refusé de porter plainte pour les mauvais traitements qu’il avait subis en détention. Elle a semblé effrayée lorsque l’auteur lui a montré les contusions et les cicatrices qu’il portait et a déclaré qu’elle ne risquerait pas sa vie pour lui.

2.8Pendant toute la durée de sa détention, l’auteur n’a pas été autorisé à prendre contact avec les membres de sa famille par écrit ou par téléphone, ni à recevoir leur visite. Il a été maintenu au secret les sept premiers jours, avant que l’ambassade des États-Unis à Achgabat ne soit informée de sa détention.

2.9L’auteur affirme avoir été roué de coups à plusieurs reprises par des fonctionnaires du MNB et avoir parfois reçu des injections de substances psychotropes visant à lui extorquer des aveux. Le jour de son arrestation, après avoir refusé d’avouer qu’il avait participé à la tentative d’assassinat, il a reçu des coups de matraque et de chaussures militaires de deux hommes en uniforme militaire jusqu’à ce qu’il perde connaissance. Au début du mois de décembre, après sa rencontre avec un représentant de l’ambassade des États-Unis, il a été réveillé par des gardes au milieu de la nuit et amené dans la salle d’interrogatoire, où il a été immobilisé et frappé sur les talons avec une matraque. Il a perdu connaissance et, lorsqu’il est revenu à lui, il a continué d’être roué de coups jusqu’à ce qu’il s’évanouisse à nouveau. Le 10 décembre, il a de nouveau été réveillé de force et emmené dans une autre pièce, où il a été immobilisé sur une chaise. Une femme habillée en infirmière lui a fait une injection dans le bras. Il ne se rappelle pas ce qui s’est passé ensuite. Ce n’est qu’après sa mise en liberté qu’il a pu voir une vidéo dans laquelle il reconnaissait avoir pris part au complot contre le Président et être un toxicomane. Il ne se souvient pas d’avoir fait cette déclaration, qui a été diffusée le 18 décembre 2002 par la télévision publique turkmène.

2.10Les conditions de détention dans la prison intérieure du MNB étaient inhumaines et dégradantes (absence de lumière naturelle, températures froides et très mauvaises conditions d’hygiène). L’auteur a été placé dans la cellule no30 avec un autre détenu qui avait été condamné à vingt-cinq ans d’emprisonnement pour tentative d’assassinat sur le Président Niyazov. À la fin de février 2003, il a été transféré dans la cellule no 33, qu’il a partagée avec un citoyen iranien condamné à vingt-cinq ans d’emprisonnement pour trafic de drogues. Malgré ses demandes répétées, il n’a pas été autorisé à voir un docteur, bien qu’il soit diabétique.

2.11Le 15 avril 2003, à la suite d’une intervention de l’ambassade des États-Unis, l’auteur a bénéficié d’une grâce présidentielle et a été mis en liberté. À la fin de 2003, les autorités turkmènes ont publié un ouvrage qu’il aurait écrit et dans lequel il admettait avoir participé à la tentative d’assassinat sur le Président. Il nie avoir écrit ce livre.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que les faits décrits font apparaître des violations de l’article 7, des paragraphes 1 à 4 de l’article 9, des paragraphes 1 et 2 a) de l’article 10 et du paragraphe 1 de l’article 17 du Pacte.

3.2L’auteur soutient que son arrestation et sa détention ont été arbitraires et allègue à ce titre une violation du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte. En vertu de la législation de l’État partie, les membres du Bureau du Procureur général ne sont pas habilités à procéder à des arrestations. En outre, ceux qui ont arrêté l’auteur n’ont produit aucun mandat en bonne et due forme. Il a été illégalement gardé en détention pendant cent cinquante jours, dont sept jours totalement au secret.

3.3L’auteur affirme également être victime d’une violation du paragraphe 2 de l’article 9, étant donné qu’il n’a pas été informé des raisons de son arrestation au moment de celle-ci, bien qu’il en ait fait plusieurs fois la demande. Il n’a été informé des charges retenues contre lui que le troisième jour de sa détention. Il n’a jamais été informé de son droit de prendre contact avec les autorités consulaires ou diplomatiques des États-Unis. Il explique que selon les modifications apportées au Code pénal et au Code de procédure pénale peu de temps auparavant, les autorités peuvent détenir une personne pendant soixante-douze heures sans mandat d’arrêt, mais qu’un acte d’accusation doit être établi dans les dix jours pour justifier le maintien en détention. Ces dispositions n’ont pas été respectées dans son cas.

3.4L’auteur se dit victime de violations des paragraphes 3 et 4 de l’article 9 du Pacte. Pendant les cinq mois qu’il a passé en prison, et en dépit de ses nombreuses demandes, il n’a jamais été présenté à un juge qui aurait pu statuer sur la légalité de sa détention. Il n’a été jugé pour aucune des accusations portées contre lui et n’en a pas été reconnu coupable. Il n’a pas été autorisé à désigner un avocat de son choix. L’avocate qui lui a été attribuée d’office par le Bureau du Procureur général lui a conseillé de coopérer à l’enquête, d’admettre les accusations et de signer tous les documents qui lui étaient présentés. En dépit de ses demandes répétées, elle a refusé, par crainte de représailles, de porter plainte en son nom pour les mauvais traitements qu’il avait subis pendant sa détention. Elle venait le voir de temps à autre, mais il n’avait pas la possibilité de la contacter de sa propre initiative.

3.5L’auteur affirme que les conditions de détention dans la prison intérieure du MNB étaient inhumaines et dégradantes, ce qui constitue une violation du paragraphe 1 de l’article 10. Sa cellule était exiguë et ne recevait pas de lumière naturelle, il n’y avait pas d’eau dans les toilettes et l’endroit était infesté de cafards. L’accès aux douches était limité (une fois par quinzaine seulement) et la température était très froide (en dessous de 0 °C en hiver). La nourriture était de très mauvaise qualité et il n’avait pas le droit de faire de l’exercice physique à l’extérieur de la cellule. L’auteur déclare également qu’on a refusé de lui donner des soins médicaux, alors qu’il souffre de diabète.

3.6L’auteur fait valoir une violation du paragraphe 2 a) de l’article 10, en ce qu’il a été détenu avec des condamnés et a toujours été traité comme tel, alors qu’il n’était qu’un prévenu.

3.7L’auteur affirme que les traitements qu’il a subis pendant sa détention dans la prison intérieure du MNB constituent des actes de torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants au sens de l’article 7 du Pacte. Il a été roué de coups de bâton de caoutchouc à plusieurs reprises et a reçu à la tête des coups de bottes. Le 10 décembre 2002 et à deux autres occasions, on lui a injecté une substance psychotrope contre son gré pour lui extorquer des aveux.

3.8Enfin, l’auteur se dit victime de la violation du paragraphe l de l’article 17 du Pacte au motif qu’à la fin de 2003, les autorités de l’État partie ont publié un ouvrage qu’il aurait écrit, donnant la version officielle des événements du 25 novembre 2002. L’auteur a déclaré publiquement à plusieurs reprises qu’il n’avait pas écrit cet ouvrage, qu’il n’en connaissait pas la teneur et qu’il n’en détenait pas les droits d’auteur en dépit du symbole accolé à son nom. Il n’a jamais signé quelque contrat que ce soit avec les autorités de l’État partie les autorisant à utiliser son nom sur quelque publication que ce soit ou à publier ou vendre quoi que ce soit signé de lui. L’existence de cet ouvrage constitue une atteinte illégale à son honneur et à sa réputation. La version officielle des événements du 25 novembre 2002 donnée dans l’ouvrage est une falsification visant à éliminer le mouvement d’opposition dans le pays. L’existence d’un ouvrage de cette nature compromet sa carrière professionnelle de journaliste et le fait passer à tort aux yeux de la population turkmène pour un fervent partisan du régime.

3.9L’auteur affirme qu’aucun recours interne ne lui est ouvert et que, même s’il en existait un, il ne saurait être utile en raison de l’absence d’indépendance de la magistrature, qui est entièrement soumise au Président. L’article 101 de la Constitution a beau garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire, cette indépendance n’existe pas dans la pratique. De plus, l’article 102 de la Constitution dispose que les juges de tous les tribunaux sont nommés par le Président et l’article 112 que le Procureur général relève directement du Président. Il n’existe pas de cour constitutionnelle indépendante, ce qui signifie que les principes de la séparation des pouvoirs et de la légalité ne sont pas véritablement protégés. L’absence d’indépendance de la magistrature et de tout respect des règles de procédure de base est encore illustrée par les procès sommaires dont ont fait l’objet les personnes accusées d’avoir ourdi le prétendu complot de novembre 2002. L’auteur invoque, entre autres, les violations ci‑après: impossibilité de faire appel aux services d’un avocat indépendant; impossibilité de consulter le dossier d’accusation; violation du droit de citer des témoins à décharge; violation de l’interdiction de la reformatio in pejus; violation du principe de la non‑rétroactivité des dispositions pénales; refus de reconnaître un droit de visite à la famille et aux autorités consulaires. Il fait état de plusieurs rapports d’organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales, ainsi que d’autres sources à l’appui de ces allégations.

Observations de l ’État partie

4.Le 15 avril 2008, l’État partie a informé le Comité que l’auteur avait été arrêté le 27 novembre 2002 et accusé d’avoir commis une infraction en vertu de la législation pénale nationale. Aucun acte de torture ne lui avait été infligé pendant l’enquête. Dans le respect du droit interne et du droit international, les services consulaires de l’ambassade des États‑Unis d’Amérique au Turkménistan avaient été autorisés à prendre contact avec lui. Eu égard aux principes d’humanité et de justice, et compte tenu de la demande du Gouvernement américain, l’auteur avait été remis aux représentants des autorités américaines le 24 avril 2003.

Commentaires de l’auteur

5.L’auteur n’a pas fait de commentaires sur les observations de l’État partie.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité constate que l’État partie ne conteste pas la recevabilité de la communication et n’a fourni aucun renseignement sur les recours disponibles et utiles. En l’absence d’obstacle apparent à la recevabilité, le Comité conclut que les allégations sont suffisamment étayées et que la communication est recevable dans la mesure où elle soulève des questions au titre des articles 7, 9 (par. 1 à 4), 10 (par. 1 et 2 a)) et 17 (par. 1) du Pacte.

Examen au fond

7.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées. Il constate que l’État partie n’a pas répondu en détail aux allégations de l’auteur. Dans ces circonstances, le crédit voulu doit être accordé aux allégations de l’auteur, qui ont été suffisamment étayées.

7.2En ce qui concerne l’allégation de l’auteur, qui affirme avoir subi une arrestation et une détention arbitraires en violation du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte, le Comité rappelle que nul ne peut être privé de liberté, si ce n’est pour des motifs et conformément à la procédure prévus par la loi. En l’espèce, le fait que l’auteur a été arrêté par des personnes appartenant au Bureau du Procureur général qui ne seraient pas habilitées par la loi à procéder à des arrestations et détenu au secret pendant au moins sept jours rend sa détention arbitraire. Le Comité conclut donc, en l’absence de toute contestation de cette allégation de la part de l’État partie, que les circonstances dans lesquelles l’auteur a été privé de sa liberté constituent une violation de l’interdiction de toute arrestation ou détention arbitraire énoncée au paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte.

7.3Pour ce qui est du grief se rapportant au paragraphe 2 de l’article 9, le Comité note qu’au moment de son arrestation, l’auteur n’a apparemment pas été informé des raisons de celle‑ci ni des charges retenues contre lui, celles‑ci ne lui ayant été communiquées qu’au troisième jour de sa détention. Là aussi, l’État partie n’ayant fourni aucune information pertinente concernant cette allégation, le Comité considère que les faits, tels que présentés, constituent une violation du paragraphe 2 de l’article 9 du Pacte.

7.4Pour ce qui est de l’allégation de violation des paragraphes 3 et 4 de l’article 9 du Pacte, le Comité note que l’auteur n’a pas été présenté à un juge ou toute autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires, et ce, pendant toute la durée de sa détention, soit près de cinq mois. Le Comité réaffirme que la durée d’une détention sans autorisation judiciaire ne peut dépasser quelques jours. Il note aussi que, bien qu’un avocat lui ait été attribué d’office, l’auteur n’a pas pu saisir un tribunal pour que celui‑ci statue sur la légalité de sa détention. Le Comité considère donc qu’en l’espèce, et en l’absence de toute explication de la part de l’État partie, ces faits constituent une violation des paragraphes 3 et 4 de l’article 9 du Pacte.

7.5En ce qui concerne les conditions de détention dans la prison intérieure du MNB, décrites en détail par l’auteur (voir plus haut, par. 3.5), le Comité considère que l’auteur n’a pas été traité avec humanité ni avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine, en violation du paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte. De même, et en l’absence de tout renseignement communiqué par l’État partie, le Comité conclut qu’il y a eu violation du paragraphe 2 a) de l’article 10, l’auteur ayant été détenu à deux reprises avec des condamnés, sans que des circonstances exceptionnelles n’aient été invoquées pour le justifier.

7.6Pour ce qui est de l’allégation de violation de l’article 7 du Pacte, le Comité note l’affirmation générale de l’État partie, qui déclare qu’aucun acte de torture n’a été infligé à l’auteur pendant l’enquête. Cependant, les allégations de l’auteur, qui affirme qu’on lui a infligé des passages à tabac et des actes d’intimidation pour lui extorquer des aveux, tout comme l’administration, contre son gré et dans le même but, de substances non identifiées, n’ont pas été rejetées par l’État partie. En conséquence, le Comité considère que ces faits, tels que rapportés par l’auteur, constituent une violation de l’article 7.

7.7Enfin, la publication d’un ouvrage confirmant la version officielle des événements du 25 novembre 2002 présentant à tort l’auteur comme celui qui aurait écrit l’ouvrage constitue, en l’absence d’information pertinente communiquée par l’État partie, une immixtion illicite dans la vie privée de l’auteur et une atteinte illicite à son honneur et à sa réputation, en violation du paragraphe 1 de l’article 17 du Pacte.

8.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, est d’avis que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie de l’article 7, des paragraphes 1 à 4 de l’article 9, des paragraphes 1 et 2 a) de l’article 10 et du paragraphe 1 de l’article 17 du Pacte.

9.En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile et, à cette fin, de prendre des mesures appropriées pour: a) engager une procédure pénale en vue de poursuivre et de punir les responsables des violations que l’auteur a subies; b) fournir à l’auteur une réparation appropriée, y compris une indemnisation; c) faire une rétractation publique de l’attribution à l’auteur de l’ouvrage susmentionné. Il est également tenu d’empêcher que des violations analogues ne soient commises à l’avenir.

10.En adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie. Le Comité souhaite donc recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre‑vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est en outre invité à rendre publiques les présentes constatations.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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