NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/93/D/1494/20065 août 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑treizième session7‑25 juillet 2008

DÉCISION

Communication n o 1494/2006

Présentée par:

Arusjak Chadzjian (représentée par un conseil, M. Michel Arnold Collet)

Au nom de:

L’auteur et ses enfants, Sarine, Meline et Edgar Barsegian

État partie:

Pays-Bas

Date de la communication:

20 juillet 2006 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 3 octobre 2006 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

22 juillet 2008

Objet: Expulsion vers l’Arménie

Question s de fond: Droit de ne pas être soumis à une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant; droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial; droit de ne pas faire l’objet d’une immixtion arbitraire ou illégale dans sa vie privée; protection de la famille; droit de l’enfant à être protégé

Questions de procédure: Griefs insuffisamment étayés; non‑épuisement des recours internes

Article s du Pacte: 7, 14, 17, 23 et 24

Article s du Protocole facultatif: 2, 5 (par. 2 b))

[ANNEXE]

ANNEXE

DÉCISION DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME EN VERTU DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre ‑vingt ‑treizième session

concernant la

Communication n o  1494/2006 *

Présentée par:

Arusjak Chadzjian (représentée par un conseil, M. Michel Arnold Collet)

Au nom de:

L’auteur et ses enfants, Sarine, Meline et Edgar Barsegian

État partie:

Pays‑Bas

Date de la communication:

20 juillet 2006 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 22 juillet 2008,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.1L’auteur de la communication est Arusjak Chadzjian, de nationalité arménienne, née le 1er août 1955; elle soumet la communication en son nom et au nom de ses enfants, Sarine, Meline et Edgar Barsegian nés en 1989, 1990 et 1993, respectivement. Elle affirme que son expulsion vers l’Arménie avec ses enfants constituerait une violation des droits consacrés aux articles 7, 14, 17, 23 et 24 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Elle est représentée par un conseil, M. Michel Arnold Collet.

1.2Le 12 décembre 2006, le Rapporteur spécial pour les nouvelles communications, agissant au nom du Comité, a confirmé que la question de la recevabilité ne serait pas examinée séparément de celle du fond.

Rappel des faits présentés par l ’ auteur

2.1Le mari de l’auteur, Zjora Basegian, né le 8 décembre 1950, a pris une part active au conflit du Haut‑Karabakh. Après le conflit, l’aide étrangère n’est pas parvenue à la population et a été détournée par les autorités locales. Le mari de l’auteur, auquel se sont joints deux amis et un membre du Parlement, Armenak Armenakian, a écrit aux organismes d’aide étrangers pour signaler que l’aide était détournée par le Parlement au profit d’intérêts privés. Armenak Armenakian a été abattu le 27 octobre 1999 ainsi que plusieurs autres membres du Parlement.

2.2Le mari de l’auteur, bien que continuellement harcelé par des «sbires» du Président Kotsjarian, a continué à envoyer des lettres de ce type aux organismes d’aide étrangers. Le 24 mai 2002, il est rentré du travail, a pris quelques documents et a quitté la maison en disant qu’il serait absent deux jours. Quelques heures plus tard, deux hommes qui le cherchaient sont passés chez lui puis sont repartis. Ils sont revenus le lendemain et ont agressé l’auteur. Ils ont fouillé la maison et ont trouvé une lettre qu’ils ont saisie. Ils ont également menacé de tuer l’auteur. Celle‑ci a déduit de différentes remarques faites par ces hommes qu’ils étaient des «sbires» du Président Kotsjarian. Les deux hommes l’ont conduite au poste de police où elle a été accusée d’avoir écrit la lettre en question en collaboration avec son mari. Ils l’ont agressée, menacée et violée.

2.3Le 28 mai 2002, des amis du mari de l’auteur sont venus la chercher au poste de police et lui ont dit que son mari avait été tué la veille et que leur maison avait été brûlée. L’auteur a quitté le pays le jour même accompagnée de ses enfants et des amis en question. Le 6 juin 2002, elle et ses enfants sont arrivés aux Pays‑Bas où elle a pris contact avec les autorités.

2.4Le 13 juin 2002, l’auteur et ses enfants ont demandé l’asile. Le 17 septembre 2002, le Département de l’immigration et de la naturalisation (DIN) a rejeté leur demande. Le 10 octobre 2002, l’auteur a fait appel et la décision du DIN a été annulée le 14 août 2003. Le Ministère néerlandais des affaires étrangères a rendu un rapport sur le cas de l’auteur le 19 mars 2003. Le 13 mai 2004, le DIN a rejeté une deuxième fois la demande de l’auteur. Le 4 juin 2004, l’auteur a fait appel de cette décision et le 25 août 2005, le tribunal de La Haye siégeant à Groningen a rejeté son recours. L’auteur s’est pourvue en appel de ce jugement et le 18 janvier 2006, le Conseil d’État, qui est la plus haute juridiction en matière d’immigration, l’a déboutée.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur fait valoir que la décision du DIN est fondée uniquement sur le rapport du Ministère des affaires étrangères et le fait qu’elle n’avait pas de papiers d’identité, ce qui a conduit le DIN à conclure que son récit n’était pas crédible et à rejeter sa demande sans en examiner le bien‑fondé. Elle renvoie à une affaire dans laquelle la Cour européenne des droits de l’homme, statuant sur la recevabilité, a noté que le récit d’un demandeur d’asile ne pouvait pas être considéré immédiatement comme manquant de crédibilité si l’histoire semble de prime abord logique. La Cour a ensuite conclu sur le fond à une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme qui est, selon l’auteur, comparable à l’article 7 du Pacte. L’auteur fait valoir que son renvoi en Arménie avec ses enfants constituerait une violation de l’article 7 du Pacte. Elle fait également valoir que leur renvoi constituerait aussi une violation de l’article 23 parce que l’État partie manquerait à son obligation de protéger la vie familiale. Il constituerait en outre une ingérence dans la vie privée de la famille et une violation de l’article 17.

3.2L’auteur invoque en outre une violation de l’article 14 parce que la décision du DIN était essentiellement fondée sur le rapport du Ministère des affaires étrangères, qui est considéré comme un avis d’expert. L’identité des personnes qui ont donné les informations utilisées dans le rapport n’est pas révélée, ce que l’auteur juge compréhensible mais qui abouti à une situation injuste parce qu’elle ne peut pas contester la crédibilité du rapport. Le DIN a simplement envoyé une lettre le 25 mars 2004 au Ministère des affaires étrangères, indiquant qu’il avait pris connaissance des renseignements généraux qui constituent la base de ce rapport et a conclu que celui‑ci avait été élaboré de manière correcte et juste. Cette affirmation ne peut pas être vérifiée parce que les renseignements généraux en question sont confidentiels. Il n’existe pas de recours et l’auteur n’a pas bénéficié d’un «procès équitable». Selon elle, le rapport est fondé sur les déclarations faites par «des habitants (terrifiés) du quartier et par un organisme gouvernemental qui fait partie du régime qu’elle a fui en premier lieu» (sic).

3.3Enfin, l’auteur invoque une violation de l’article 24 du Pacte. Ses enfants sont jeunes et vivent aux Pays‑Bas depuis quatre ans, ils ont appris le néerlandais et sont intégrés dans la société néerlandaise. Ils n’ont pas de lien étroit avec l’Arménie; les y renvoyer ne serait pas dans leur intérêt supérieur. Selon l’auteur, le DIN n’a pas tenu compte de ces éléments.

Renseignements supplémentaires de l ’ auteur

4.Par lettre du 26 juillet 2006, l’auteur a présenté des certificats médicaux établis par un médecin et par un psychologue. Le rapport du médecin, daté du 28 novembre 2005, conclut que l’auteur a besoin d’un traitement médical qu’elle ne trouvera certainement pas en Arménie et qu’au‑delà de sa peur de mourir, il est probable que sa santé se détériorera rapidement après un retour forcé. D’après le rapport psychiatrique daté du 6 juillet 2005, l’auteur souffre de troubles post‑traumatiques à cause de ce qu’elle a vécu en Arménie mais aussi à cause de l’angoisse engendrée par l’imminence de son expulsion.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

5.1Dans une note du 1er décembre 2006, l’État partie a contesté la recevabilité de la communication. En ce qui concerne les griefs tirés de l’article 7 − le fait que les autorités néerlandaises ont eu tort de ne pas examiner la demande d’asile de l’auteur sur le fond parce qu’elles ont jugé son récit invraisemblable − et de l’article 14, il fait valoir que les autorités néerlandaises ont soigneusement étudié la demande d’asile de l’auteur. Celle‑ci a été entendue à deux reprises, le 13 juin 2002 et le 8 juillet 2002, afin d’expliquer les motifs de sa demande d’asile. Le Ministère des affaires étrangères a diligenté une enquête en Arménie en se fondant sur les déclarations de l’auteur et en a consigné les conclusions dans un rapport. L’État partie affirme que c’est seulement au terme d’une enquête minutieuse que le récit de l’auteur a été déclaré invraisemblable, l’auteur n’ayant pas apporté le moindre commencement de preuve de son identité, de sa nationalité ou des motifs de sa demande d’asile. Il n’y avait donc aucune raison d’examiner le bien‑fondé de la demande. L’État partie fait valoir en outre que les conclusions de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Said c. Pays ‑ Bas vont dans le même sens. Dans cette affaire, la Cour européenne a tenu compte des arguments convaincants soumis par l’intéressé pour contrer la thèse du Gouvernement pour qui son récit manquait de crédibilité. La situation en l’espèce n’a rien de comparable. D’après le rapport officiel, l’enquête menée en Arménie n’a mis au jour aucun élément corroborant le récit de l’auteur, notamment le fait que sa maison avait brûlé, et ni les autorités ni les prétendus voisins ne connaissaient quiconque du nom de l’auteur à l’adresse qu’elle avait donnée. L’État partie ajoute que l’auteur n’a apporté aucune preuve objective que les informations contenues dans le rapport officiel n’étaient pas fiables. À la lumière de ce qui précède, les allégations de l’auteur au titre des articles 7 et 14 du Pacte sont irrecevables parce qu’elles ne sont pas suffisamment étayées.

5.2En ce qui concerne l’allégation de violation de l’article 14, l’État partie fait observer en outre que l’auteur a reçu, à sa demande, des copies des documents sur lesquels se fonde le rapport officiel. Les sources et les méthodes d’enquête n’ont pas été divulguées en application d’une décision prise conformément au paragraphe 2 de l’article 10 de la loi sur les informations officielles (accès du public), qui permet de ne pas révéler certaines informations pour diverses raisons, notamment la protection des sources et des méthodes et techniques d’enquête. L’État partie note que l’auteur n’a pas exercé son droit de demander à un tribunal indépendant d’évaluer la légitimité de la décision de ne pas communiquer des informations concernant les sources et les méthodes d’enquête. Il conclut que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes, comme l’exige le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

5.3L’État partie prend note des renseignements supplémentaires donnés le 26 juillet 2006 par l’auteur, qui affirme avoir besoin d’un traitement médical qu’elle ne trouvera probablement pas en Arménie et que sa santé se dégradera rapidement sans ces médicaments. Il interprète cela comme une affirmation que compte tenu de l’état de santé de l’auteur, il existe un risque réel que ses droits en vertu de l’article 7 soient violés si elle est renvoyée de force en Arménie. En ce qui concerne cette allégation et les griefs de violation des articles 17 et 23, l’État partie note que l’auteur n’a saisi les juridictions internes d’aucun des griefs mentionnés et qu’il n’a donc pas eu la possibilité d’y répondre. Il conclut donc que ces aspects de la communication sont irrecevables au regard du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif pour non‑épuisement des recours internes.

5.4De même, l’État partie fait valoir que le grief de violation de l’article 24 du Pacte n’a pas été soumis aux juridictions internes. Le seul argument avancé par l’auteur au cours de la procédure interne a été qu’en jugeant son récit invraisemblable et, partant, en s’abstenant de procéder à une évaluation sur le fond, les autorités néerlandaises risquaient d’exposer ses enfants à un danger en Arménie. Ce grief est donc irrecevable au regard du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif pour non‑épuisement des recours internes.

5.5Dans ses observations en date du 27 mars 2007, l’État partie a indiqué que ses commentaires sur la recevabilité pouvaient être considérés comme s’appliquant également au bien‑fondé de la communication.

Commentaires de l’auteur sur les o bservations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

6.1Dans ses observations en date du 2 mai 2007, l’auteur répond à certains arguments avancés par l’État partie. Elle rappelle qu’elle a dû fuir l’Arménie avec ses enfants après que son mari, le père de ses enfants, a été abattu et que leur maison a été incendiée par les autorités arméniennes, ce qui explique qu’elle soit arrivée sans papiers. Le fait que ni les autorités arméniennes ni personne dans le quartier n’ait rien dit aux autorités néerlandaises chargées de l’enquête en Arménie s’explique par l’histoire de l’auteur et de ses enfants, qui est liée aux activités politiques de son mari. L’auteur fait également valoir qu’en appliquant des normes néerlandaises à cette enquête, l’État partie est parvenu à des conclusions erronées. Ces conclusions, sur lesquelles s’est fondé le refus de prendre une décision sur le bien‑fondé de la demande d’asile de l’auteur, entraîneront une violation de l’article 7 si l’auteur et ses enfants sont renvoyés en Arménie.

6.2En ce qui concerne l’argument de l’État partie pour qui l’auteur ne s’est pas prévalue de la possibilité de demander à un tribunal indépendant d’évaluer la légitimité de la décision de ne rien divulguer concernant les sources et les méthodes d’enquête, l’auteur fait valoir que ce recours ne serait pas utile car un demandeur d’asile n’a aucun moyen d’obtenir de plus amples informations. Elle affirme également que les recours de la procédure d’asile, dans laquelle l’enquête menée par les autorités néerlandaises en Arménie a joué un rôle important, ont été épuisés ce qui, en soi, suffit pour que la communication soit recevable.

6.3À l’appui de son grief de violation de l’article 24, l’auteur rappelle que le fait de renvoyer ses enfants en Arménie les mettrait en danger. Elle affirme avoir soulevé cet argument à plusieurs reprises tout au long de la procédure et renvoie à la jurisprudence du Comité établissant que l’intérêt de l’enfant revêt une importance primordiale.

Observations supplémentaires de l ’ auteur

7.1Par une lettre du 7 février 2008, l’auteur a fait tenir au Comité un résumé du rapport du médiateur néerlandais au sujet des rapports établis par le Ministère des affaires étrangères en se fondant sur des enquêtes menées dans les pays d’origine des demandeurs d’asile. D’après le médiateur, la fiabilité de ces enquêtes a diminué et il est irréaliste d’attendre des personnes interrogées qu’elles disent ce qu’elles savent parce qu’elles sont des ennemis de l’État dans lequel elles vivent encore. Par conséquent, l’auteur affirme que les autorités de l’État partie n’auraient pas dû fonder sur ces enquêtes peu fiables leur décision de ne pas examiner sa demande d’asile sur le fond.

7.2Par une lettre du 18 février 2008, l’auteur a envoyé des dessins de ses enfants qui, selon elle, représentent en détail le quartier dans lequel ils vivaient en Arménie. Elle affirme que ces dessins établissent la véracité de ses dires et qu’ajoutés aux renseignements donnés le 7 février 2008, ils montrent que l’enquête menée par les autorités de l’État partie n’est pas fiable.

Délibérations du Comité

8.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité note que l’État partie conteste la recevabilité de la communication dans son ensemble. En ce qui concerne la violation de l’article 7 invoquée par l’auteur, le Comité rappelle que les États parties ont l’obligation de ne pas extrader, expulser ou refouler une personne vers un pays où elle court un risque réel d’être tuée, torturée ou soumise à une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Il note également que le DIN a examiné et rejeté à deux reprises la demande d’asile de l’auteur en raison de son manque de crédibilité, la deuxième fois après avoir reçu les conclusions d’une enquête que les autorités [néerlandaises] ont menée en Arménie même. Il note en outre que l’appel interjeté par l’auteur a été examiné et rejeté par le tribunal de La Haye siégeant à Groningen puis rejeté par le «Raad van State», qui est la plus haute juridiction administrative des Pays‑Bas. Le Comité rappelle sa jurisprudence et réaffirme qu’il appartient généralement aux juridictions des États parties au Pacte d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire déterminée, sauf s’il peut être établi que l’appréciation a été manifestement arbitraire ou représente un déni de justice. Il rappelle également que la même jurisprudence a été suivie dans des procédures d’expulsion. Les éléments portés à la connaissance du Comité ne suffisent pas à montrer que la procédure devant les autorités de l’État partie ait été entachée de telles irrégularités. En conséquence, le Comité considère que l’auteur n’a pas suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, ses allégations de violation de l’article 7 et conclut que cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.3En ce qui concerne le grief de violation de l’article 7, relativement à l’état de santé de l’auteur, le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui affirme que l’auteur n’a pas saisi les juridictions internes. Le Comité rappelle sa jurisprudence et réaffirme que le principe d’épuisement des recours internes, qui permet à l’État partie de réparer une violation alléguée avant que la même question ne soit soumise au Comité, oblige l’auteur à soulever devant les juridictions internes les questions de fond présentées au Comité. L’auteur n’ayant pas avancé au fond, devant les juridictions internes, le grief de violation de l’article 7 relativement à son état de santé, le Comité conclut que cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 et du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

8.4 En ce qui concerne le grief tiré de l’article 14 selon lequel l’auteur n’a pas disposé d’un recours utile pour contester la crédibilité du rapport d’enquête du Ministère des affaires étrangères, le Comité prend note de l’argument de l’État partie pour qui l’auteur aurait pu exercer le droit de demander à un tribunal d’examiner la légitimité de la décision, prise en vertu du paragraphe 2 de l’article 10 de la loi sur les informations officielles (accès du public), de ne pas rendre publiques les sources et les méthodes d’enquête employées pour rédiger le rapport. Le Comité renvoie à sa jurisprudence, à savoir qu’une procédure d’expulsion n’implique pas de décision sur «le bien‑fondé de toute accusation en matière pénale» ou sur des «droits et obligations de caractère civil» au sens de l’article 14. Il note qu’en l’espèce, l’auteur n’a pas été inculpée ni condamnée pour une infraction quelconque dans l’État partie et que son expulsion vers l’Arménie avec ses enfants ne constitue pas une sanction imposée au terme d’une procédure pénale. Le Comité note également que la notion de «droits et obligations de caractère civil», au sens du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, repose sur la nature du droit en question et non sur le statut de l’une des parties. En l’espèce, la procédure porte sur le droit de l’auteur et de ses enfants d’être protégés sur le territoire de l’État partie. Le Comité considère que la procédure relative à l’expulsion d’un étranger, assortie des garanties régies par l’article 13 du Pacte, n’entre pas dans le champ de la détermination des «droits et obligations de caractère civil», au sens du paragraphe 1 de l’article 14. Il conclut donc que le grief soulevé par l’auteur au titre de l’article 14 est irrecevable ratione materiae, en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

8.5Pour ce qui est des griefs tirés des articles 17 et 23 du Pacte, le Comité relève que l’auteur n’a pas contesté, dans ses observations en date du 2 mai 2007, l’argument de l’État partie qui affirme qu’elle n’avait pas saisi les juridictions internes des griefs mentionnés. Pour cette raison, le Comité considère que cette partie de la communication est également irrecevable en vertu de l’article 2 et du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

8.6En ce qui concerne le grief tiré de l’article 24 du Pacte, le Comité estime que l’auteur n’a pas montré, aux fins de la recevabilité, en quoi le fait de renvoyer ses enfants en Arménie avec elle constituerait une violation de cette disposition. Le Comité considère donc que ce grief est irrecevable faute d’être étayé, au sens de l’article 2 du Protocole facultatif.

9.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu des articles 2 et 3 et du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’auteur et à l’État partie.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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