Observations finales concernant les quinzième et seizième rapports périodiques de la Colombie, présentés en un seul document *

Le Comité a examiné les quinzième et seizième rapports périodiques de la Colombie (CERD/C/COL/15-16), soumis en un seul document, à ses 2355e et 2356e séances (CERD/C/SR.2355 et 2356), les 4 et 5 août 2015. À ses 2377e et 2379eséances, les 19 et 20 août 2015, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité remercie l’État partie d’avoir présenté dans les délais ses quinzième et seizième rapports périodiques, soumis en un seul document. Il se déclare satisfait du dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie et la remercie pour le complément d’information qu’elle lui a fourni à l’issue du débat.

B.Aspects positifs

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie s’est doté d’un vaste cadre juridique et institutionnel pour la protection des peuples autochtones, des Afro-Colombiens et des Roms. Il salue en particulier :

a)L’adoption de la loi no 1448 sur les victimes et la restitution des terres de 2011 et des décrets nos 4633, 4634 et 4635 de 2011 ayant force de loi qui précisent les mesures complètes de prise en charge, d’aide et de réparation appliquées aux peuples autochtones, aux Roms et aux communautés afro-colombiennes victimes du conflit armé compte tenu de l’approche différentielle;

b)La création en 2011 du système national des droits de l’homme et du droit international humanitaire;

c)La création en 2012 de l’Observatoire contre la discrimination et le racisme.

Le Comité constate avec satisfaction que plusieurs institutions de l’État ont joué un rôle important dans la protection et la promotion des droits des peuples autochtones, des Afro-Colombiens et des Roms, telles que la Cour constitutionnelle, le Bureau du Défenseur du peuple et le Centre national de mémoire historique.

Le Comité salue l’étroite coopération entre l’État partie et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH).

Le Comité accueille avec satisfaction la campagne de lutte contre le racisme intitulée « La Hora contra el racismo » menée par l’État partie dans le cadre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine.

C.Sujets de préoccupation et recommandations

Composition démographique de la population

Le Comité note avec préoccupation l’absence de données reflétant de manière appropriée la composition démographique de la population de l’État partie, en particulier d’indicateurs socioéconomiques permettant d’évaluer les progrès effectués en vue d’assurer l’exercice dans des conditions d’égalité des droits énoncés dans la Convention. Il constate en outre avec préoccupation les écarts qui existent entre les données officielles de l’État partie et celles provenant d’autres sources au sujet des peuples autochtones et des communautés noires, palenqueras et raizales (peuples afro-colombiens) (art. 2, par. 1).

Rappelant sa r ecommandation générale n o  4 (1973) concernant les rapports des États parties sur la composition démographique de la population et ses précédentes observations finales, le Comité réitère sa précédente recommandation et exhorte l ’ État partie à recueillir et à lui fournir des statistiques fiables, actualisées et complètes sur la composition démographique de sa population, ainsi que des indicateurs économiques ventilés par origine ethnique, sexe, âge, région et zones urbaines et rurales – y compris les plus reculées. Sachant qu ’ un recensement de la population aura lieu en 2016, le Comité encourage l ’ État partie à faciliter la participation active des peuples autochtones, des Afro-Colombiens et des Roms, par l ’ intermédiaire de leurs institutions représentatives, à l ’ élaboration de la méthodologie à appliquer et à veiller à ce que cette méthodologie repose sur le critère de l ’ auto-identification.

Définition et incrimination de la discrimination raciale

Le Comité salue l’adoption de la loi no 1482 de 2011 portant modification du Code pénal afin d’ériger en infraction les actes de racisme et de discrimination raciale. Il demeure néanmoins préoccupé par l’absence de disposition générale dans les lois administratives ou civiles interdisant la discrimination raciale et par la non-conformité de l’infraction de racisme ou de discrimination énoncée dans la loi avec les critères établis à l’article premier de la Convention. De même, il est préoccupé par l’inapplication de cette loi, qu’atteste le peu d’informations fournies au sujet du nombre d’affaires ayant fait l’objet d’une enquête et de leur issue. Le Comité constate en outre à nouveau avec préoccupation que le droit pénal colombien n’est pas pleinement conforme à l’article 4 de la Convention (art. 1er et 4).

À la lumière de sa recommandation précédente (CERD/C/COL/CO/14, par. 13), l e Comité exhorte l ’ État partie à incorporer à sa législation une définition de la discrimination raciale conforme au paragraphe 1 de l ’ article premier de la Convention. À cette fin, il recommande que la discrimination directe et indirecte, dans tous les domaines de la vie publique, y compris ceux énoncés à l ’ article  5 de la Convention, soit érigée en infraction dans les lois administratives et civiles de l ’ État partie. Le Comité exhorte l ’ État partie à prendre les mesures voulues pour garantir l ’ application effective de la loi, en menant des enquêtes approfondies sur les cas de discrimination raciale et en en sanctionnant dûment les auteurs. Compte tenu de ses r ecommandations générales n o  15 (1993) sur l ’ article  4 de la Convention et n o  35 (2013) sur la lutte contre les discours de haine raciale, le Comité demande instamment à l ’ État partie de veiller à ce que sa législation pénale soit pleinement conforme à l ’ article 4 de la Convention.

Conséquences du conflit armé et négociations de paix

Le Comité accueille avec satisfaction les informations faisant état de l’avancée des négociations de paix de La Havane, ainsi que de l’établissement par le Bureau du Défenseur du peuple d’un système d’alerte précoce destiné à surveiller et à prévenir les violations des droits de l’homme et les infractions au droit international humanitaire dans le contexte du conflit armé interne. Le Comité est cependant préoccupé par les faits ci-après :

a)Le conflit armé continue de toucher de façon disproportionnée les peuples autochtones et afro-colombiens en raison, notamment, de la militarisation de leurs territoires, de l’incidence élevée de la violence sexuelle envers les femmes autochtones et afro-colombiennes, de l’enrôlement d’enfants autochtones et afro-colombiens par des groupes armés non étatiques, et des exécutions extrajudiciaires, y compris dans le cadre de la pratique dite des « faux positifs »;

b)L’absence de participation effective des peuples autochtones et des communautés afro-colombiennes aux négociations de paix;

c)Les alertes émises par le système d’alerte précoce ne sont pas dûment prises en considération par le Comité intersectoriel d’alerte précoce (art. 5 et 6);

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De redoubler d ’ efforts pour garantir le plein respect des droits de l ’ homme et du droit international humanitaire dans les territoires où vivent des peuples autochtones et des Afro-Colombiens, entre autres, et de faire en sorte que les alertes émanant du système d ’ alerte précoce soient dûment prises en considération par les autorités compétentes, en particulier le Comité intersectoriel d ’ alerte précoce;

b) De diligenter des enquêtes approfondies sur les violations des droits de l ’ homme commises contre des membres de peuples autochtones et afro-colombiens dans le cadre du conflit armé et de prendre les mesures voulues pour protéger le droit des victimes à une réparation intégrale;

c) De prendre les mesures nécessaires pour veiller à la pleine mise en œuvre de la loi n o  1719 de 2014 relative à l ’ accès à la justice des victimes de violence sexuelle, en particulier dans le contexte du conflit armé;

d) De redoubler d ’ efforts pour prévenir l ’ enrôlement d ’ enfants autochtones et afro-colombiens par des groupes armés non étatiques et de veiller à la bonne mise en œuvre des mesures adoptées en vue de leur démobilisation et de leur réinsertion;

e) D ’ allouer au Bureau du Procureur général les ressources humaines, matérielles et techniques nécessaires pour lui permettre d ’ exercer pleinement ses fonctions;

f) De veiller à ce que les membres des peuples autochtones et afro-colombiens, notamment les femmes, soient dûment consultés dans le cadre des négociations de paix afin que le processus de vérité, justice et réparation tienne pleinement compte de leurs intérêts légitimes.

Discrimination structurelle à l’encontre des Afro-Colombiens

Le Comité est préoccupé par la persistance de la discrimination structurelle et de l’absence de visibilité auxquelles est confrontée la population afro-colombienne, ce dont témoigne le fait qu’elle ne jouit pas de ses droits économiques, sociaux et culturels dans des conditions d’égalité avec le reste de la population. Il constate avec inquiétude que les zones où vivent majoritairement des Afro-Colombiens affichent les taux de pauvreté les plus élevés (art. 2 et 5).

À la lumière de sa recommandation générale n o  34 (2011) sur la discrimination raciale à l ’ encontre des personnes d ’ ascendance africaine, le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures spéciales requises pour combattre la discrimination structurelle à l ’ encontre des Afro-Colombiens, afin, notamment :

a) D ’ améliorer les conditions de vie des Afro-Colombiens en leur assurant une protection contre toute discrimination de la part d ’ organes ou d ’ agents de l ’ État, ainsi que de tout particulier ou groupe, ou de toute organisation;

b) De lever tous les obstacles empêchant l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels par les Afro-Colombiens, en particulier dans les domaines de l ’ éducation, de l ’ emploi et de la santé;

c) De lutter contre la pauvreté, l ’ exclusion sociale et la marginalisation, qui touchent de manière disproportionnée les Afro-Colombiens.

Peuples autochtones menacés de disparition et peuples autochtones en situation d’isolement ou de contact initial

Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas donné effet aux arrêts de la Cour constitutionnelle dans lesquels cette dernière a constaté que des peuples autochtones étaient menacés d’extinction physique et culturelle. Il regrette que l’État partie n’ait pas encore finalisé tous les plans de protection des ethnies pour la majorité des peuples et que l’exécution de ceux qui l’ont été n’en soit qu’à la phase initiale. Il s’inquiète aussi de l’absence de mesures de protection effective des peuples autochtones en situation d’isolement volontaire ou de contact initial (art. 2, par. 2).

Le Comité exhorte l ’ État partie à donner pleinement effet aux arrêts de la Cour constitutionnelle et à accélérer l ’ élaboration et l ’ exécution des plans de protection des ethnies menacées de disparition physique ou culturelle, de l ’ avis tant de la Cour constitutionnelle que de l ’ Organisation nationale autochtone de Colombie, et à veiller à ce que les peuples autochtones concernés participent véritablement à l ’ élaboration et à l ’ exécution de ces plans. Il recommande à l ’ État partie de prendre sans délai toutes les mesures requises pour assurer la survie physique et culturelle des peuples autochtones qui se trouvent en situation de grande vulnérabilité, en particulier les peuples Awa, Hitnu et Wayúu, et des peuples autochtones en situation d ’ isolement volontaire ou de contact initial, en particulier le peuple Nukak-Makú d ’ Amazonie colombienne.

Déplacements forcés

Malgré les mesures prises par l’État partie pour protéger les populations déplacées, le Comité se dit à nouveau préoccupé par la persistance des déplacements forcés, qui continuent de viser de façon disproportionnée les peuples autochtones et afro-colombiens (art. 5).

Le Comité exhorte l ’ État partie à prendre les mesures urgentes voulues pour assurer la mise en œuvre concrète et effective du programme de garantie des droits des peuples autochtones touchés par le déplacement ou qui risquent de l ’ être ainsi que du plan global de prévention, de protection et d ’ aide pour la population afro-colombienne déplacée. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ allouer les moyens humains et matériels nécessaires à leur application dans le cadre d ’ une approche différentielle.

Droits territoriaux et restitution de terres

Le Comité prend note avec satisfaction des progrès accomplis par l’État partie en qui concerne la reconnaissance des droits que les peuples autochtones et afro-colombiens ont sur leurs territoires, ainsi que des efforts déployés en vue de leur restituer les terres dont ils ont été éloignés du fait de leur déplacement forcé, mais il est préoccupé par :

a)Les menaces constantes et la violence envers les peuples autochtones et afro-colombiens qui les empêchent d’exercer pleinement leurs droits territoriaux;

b)Le défaut de réglementation et l’inapplication de la loi no 70 de 1993, qui reconnaît le droit collectif des Afro-Colombiens à leurs territoires;

c)Les obstacles à la mise en œuvre effective de la loi no 1448 de 2011, qui tiennent, notamment, au manque de moyens humains et matériels, au défaut de coordination entre les autorités chargées de son application, et au fait que le droit à la restitution n’est reconnu qu’aux personnes déplacées après 1991 (art. 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De garantir le droit qu ’ ont les peuples autochtones et afro-colombiens de posséder, d ’ utiliser, de développer et de contrôler librement leurs terres, territoires et ressources naturelles, notamment par la reconnaissance légale et la protection juridique nécessaires;

b) De veiller à l ’ application pratique de la loi n o  70 de 1993, y compris moyennant l ’ adoption des règlements pertinents;

c) De faire le nécessaire pour que les organes chargés d ’ appliquer la loi n o  1448 de 2011 soient dotés de ressources humaines et matérielles adéquates et coopèrent pleinement, en garantissant la participation effective des peuples autochtones et des communautés afro-colombiennes.

Droit à la consultation préalable

Le Comité note que l’État partie a reconnu le droit à la consultation en tant que droit fondamental des peuples autochtones et afro-colombiens, mais il est préoccupé par les informations selon lesquelles ce droit n’est pas mis en œuvre dans les faits, les consultations se déroulant sans que les intéressés aient été adéquatement informés, et parfois dans la précipitation, ou bien sans que les préoccupations des intéressés soient dûment prises en considération. En outre, il note avec préoccupation que le projet de loi organique en cours d’examen portant réglementation du processus de consultation préalable n’est pas pleinement conforme aux normes internationales. Il regrette que les peuples afro-colombiens n’aient pas été consultés au sujet du Plan national de développement (2014-2018). Enfin, il a appris avec préoccupation que, selon certaines sources, de hauts fonctionnaires auraient déclaré que le droit à la consultation préalable faisait obstacle aux projets de développement et d’infrastructures (art. 2 et 5).

Rappelant sa recommandation générale n o  23 (1997) sur les droits des peuples autochtones, le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) De s ’ acquitter de l ’ obligation qui lui incombe de garantir le droit à la consultation en vue de recueillir le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones et afro-colombiens, en tant que mesure de participation effective concernant toutes dispositions législatives ou administratives susceptibles d ’ avoir des incidences sur leurs droits, en particulier leur droit à la terre et aux ressources qu ’ ils possèdent ou qu ’ ils utilisaient traditionnellement;

b) D ’ adopter un protocole d ’ action relatif à la consultation préalable qui garantisse le respect des spécificités culturelles et des us et coutumes de chaque peuple;

c) D ’ éviter que ne soient tenus des propos critiquant ou stigmatisant les efforts déployés par les peuples autochtones et afro-colombiens pour exercer leur droit fondamental au consentement libre, préalable et éclairé et leur droit au développement durable.

Incidence des projets d’exploitation des ressources naturelles

Le Comité prend note avec préoccupation des informations faisant état des répercussions néfastes de projets d’exploitation des ressources naturelles, y compris de l’exploitation minière illégale, sur les territoires des peuples autochtones et afro-colombiens, qui causent des dommages irréversibles à l’environnement et affectent les modalités traditionnelles de subsistance et d’exploitation des terres et des ressources, comme la chasse, la pêche, l’agriculture et l’exploitation minière ancestrale. Il est préoccupé aussi par les tensions entre des intervenants extérieurs et les peuples autochtones et afro-colombiens qui vivent sur ces territoires. Il est particulièrement préoccupé par la situation des Afro-Colombiens dans le nord du département du Cauca, du peuple Wayúu dans le département de La Guajira et des peuples autochtones vivant dans les départements de Putumayo et de Nariño.

Considérant que la protection des droits de l ’ homme et l ’ élimination de la discrimination raciale sont un volet essentiel du développement économique durable, et rappelant le rôle tant de l ’ État partie que du secteur privé à cet égard, le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) De garantir la pleine jouissance et l ’ exercice effectif par les peuples autochtones et afro-colombiens de leurs droits sur les terres, territoires et ressources naturelles qu ’ ils occupent ou utilisent, contre les intervenants extérieurs qui exploitent les ressources naturelles, tant légalement qu ’ illégalement;

b) De veiller à l ’ application effective des mesures de protection et de préservation contre les effets néfastes sur l ’ environnement et sur les modes de vie traditionnels des peuples autochtones et afro-colombiens;

c) De garantir que les peuples autochtones et afro-colombiens touchés par les activités liées à l ’ exploitation de ressources naturelles sur leurs territoires obtiennent des compensations pour les dommages ou pertes encourus et bénéficient d ’ une partie des recettes tirées desdites activités.

Droits politiques des Afro-Colombiens

Le Comité note avec préoccupation que les mesures législatives adoptées pour promouvoir la participation politique des Afro-Colombiens n’ont pas été assez efficaces puisque ceux-ci ne sont toujours pas suffisamment représentés à tous les niveaux de l’administration publique pour favoriser la conception et l’application de politiques publiques qui garantissent leurs droits (art. 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour garantir la pleine participation des Afro-Colombiens dans les instances de prise de décisions, en particulier les institutions représentatives, et leur participation à la vie publique, et de prendre des mesures concrètes pour assurer aux Afro-Colombiens l ’ égalité des chances s ’ agissant de participer à tous les échelons de l ’ administration publique, tant au niveau national que local. Il recommande en outre à l ’ État partie de s ’ employer à sensibiliser les Afro-Colombiens à l ’ importance de participer activement à la vie publique et politique.

Défenseurs des droits de l’homme et chefs des peuples autochtones et afro-colombiens

Le Comité prend note du travail effectué par l’Unité nationale de protection, mais est vivement préoccupé par le manque d’efficacité des mesures de protection adoptées pour garantir la sécurité et le respect de la vie et de l’intégrité physique des défenseurs des droits de l’homme et des chefs des peuples autochtones et afro-colombiens. En ce sens, il est profondément préoccupé par les menaces constantes et l’assassinat de défenseurs des droits de l’homme et de chefs des peuples autochtones et afro-colombiens, notamment celui du chef afro-colombien Genaro García, la veille du dialogue avec l’État partie (art. 5 et 6).

Le Comité recommande à l ’ État partie ce qui suit :

a) Adopter des mesures concrètes et adaptées pour prévenir les actes de violence envers les défenseurs des droits de l ’ homme, dont les chefs des peuples autochtones et afro-colombiens et ceux qui défendent les droits de ces peuples, et pour protéger effectivement leur vie et leur intégrité physique;

b) Assurer le fonctionnement effectif de l ’ Unité nationale de protection en tant que mécanisme spécial chargé de protéger les défenseurs des droits de l ’ homme, entre autres, en révisant et améliorant les stratégies actuelles de protection, en adoptant des mesures générales de protection, ainsi que des mesures différenciées pour les habitants des zones rurales et pour les femmes, et en affectant des ressources humaines, financières et techniques suffisantes;

c) Mener des enquêtes approfondies et poursuivre efficacement les auteurs d ’ atteintes à la vie et à l ’ intégrité physique des défenseurs des droits de l ’ homme, dont les chefs des peuples autochtones et afro-colombiens et ceux qui défendent les droits de ces peuples.

Population afro-colombienne de Buenaventura

Le Comité note avec une profonde préoccupation que la population de Buenaventura (Valle del Cauca), composée à près de 90 % d’Afro-Colombiens, se trouve dans une situation critique de vulnérabilité imputable, entre autres, à l’absence de consultation préalable sur la promotion du projet d’expansion de la zone portuaire et à la construction d’infrastructures touristiques qui compromettent le mode de vie et les pratiques ancestrales de cette population. Il note aussi avec une vive préoccupation les manifestations de violence dans le port de cette ville, qui sont liées à la présence de divers groupes armés illégaux. Il est en particulier préoccupé par les disparitions forcées et les « casas de pique » (maisons où des groupes armés illégaux torturent et assassinent leurs victimes) (art. 2, 5 et 6).

Le Comité recommande à l ’ État partie ce qui suit :

a) Adopter des mesures concrètes pour protéger la vie et l ’ intégrité des habitants de Buenaventura et mener des enquêtes approfondies sur les violations des droits de l ’ homme, en veillant à ce que les responsables soient dûment poursuivis;

b) Adopter les mesures nécessaires pour garantir le respect du droit des communautés afro-colombiennes d ’ être préalablement consultées au sujet des projets de développement économique de Buenaventura qui pourraient les toucher;

c) Organiser des réunions entre représentants des pouvoirs publics et du secteur privé et membres des communautés afro-colombiennes concernées en veillant à ce que celles-ci débouchent sur des accords concrets, viables et vérifiables qui seront effectivement mis en œuvre.

Discrimination à l’encontre des Afro-Colombiennes et des femmes autochtones

Le Comité est préoccupé par les multiples formes de discrimination que subissent les Afro-Colombiennes et les femmes autochtones dans l’État partie, qui se traduisent en particulier par un accès insuffisant à l’éducation, à l’emploi, à la justice et aux services de santé, y compris les services de santé sexuelle et procréative (art. 2 et 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre en considération sa recommandation générale n o  25 (2000) sur la dimension sexiste de la discrimination raciale et d ’ inclure une perspective de genre dans toutes les politiques et stratégies visant à combattre la discrimination raciale en vue de remédier aux formes multiples de discrimination dont les femmes autochtones et les Afro-Colombiennes sont victimes. Il engage l ’ État partie à mettre en place des mesures fondées sur une approche interculturelle afin d ’ améliorer l ’ accès à l ’ éducation, à l ’ emploi, à la justice et à la santé, y compris aux services de santé sexuelle et procréative pour les femmes victimes de discrimination et de violence.

Droit à la santé

Le Comité reste préoccupé par l’indisponibilité de services de santé accessibles et acceptables dans les régions habitées majoritairement par des peuples autochtones et afro-colombiens, qui se traduit, entre autres, par des taux de mortalité infantile et maternelle plus élevés que dans les autres régions de l’État partie (art. 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ allouer des ressources suffisantes au secteur de la santé et de redoubler d ’ efforts pour garantir la disponibilité, l ’ accessibilité, l ’ abordabilité et la qualité des soins de santé, en tenant spécialement compte des besoins des peuples autochtones et afro-colombiens, moyennant, entre autres, l ’ élaboration et la mise en œuvre de plans interculturels de services de santé qui prennent en considération les caractéristiques géographiques des zones rurales et qui prévoient la participation active des peuples autochtones et des Afro-Colombiens.

Droit à l’eau potable

Le Comité note avec préoccupation que les peuples autochtones et afro-colombiens établis dans les zones rurales et reculées manquent d’accès à l’eau potable et aux services d’assainissement de base. Il est préoccupé aussi par les conséquences de la consommation excessive et incontrôlée d’eau et la contamination des fleuves qu’entraîne le développement des activités minières. Il prend note avec une profonde inquiétude des effets négatifs du barrage El Cercado, de l’exploitation de la mine El Cerrejón et du détournement du fleuve Ranchería sur l’accès à l’eau pour le peuple Wayúu dans le département de La Guajira (art. 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir l ’ accès à l ’ eau potable et aux services d ’ assainissement aux peuples autochtones et afro-colombiens, en particulier à ceux vivant dans des zones rurales et reculées. Il lui recommande en outre de faire le nécessaire pour que l ’ utilisation de l ’ eau dans l ’ industrie minière ne compromette pas l ’ accès à l ’ eau pour les peuples autochtones et afro-colombiens vivant sur les territoires concernés, y compris en adoptant des règles relatives au traitement et à la désalinisation de l ’ eau. Il exhorte l ’ État partie à adopter immédiatement des mesures qui garantissent l ’ accès à l ’ eau au peuple Wayúu.

Droit à l’éducation

Le Comité salue les progrès accomplis par l’État partie pour ce qui est de renforcer l’exercice de leur droit à l’éducation par les peuples autochtones et afro-colombiens. Toutefois, il note avec préoccupation la persistance de fortes disparités en matière d’accès à l’éducation, qui touchent principalement les enfants autochtones et afro-colombiens vivant dans des zones rurales ou reculées. Il constate aussi avec préoccupation que la politique éducative actuelle n’est pas pleinement conforme à l’objectif qu’est la protection du droit à l’identité culturelle des peuples autochtones et afro-colombiens (art. 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour garantir la disponibilité, l ’ accessibilité et la qualité de l ’ enseignement pour les enfants autochtones et afro-colombiens. Il lui recommande aussi d ’ adopter les mesures nécessaires pour mettre les politiques d ’ ethno-éducation et d ’ éducation interculturelle en conformité avec l ’ objectif de promotion et de protection de l ’ identité culturelle des peuples autochtones et afro-colombiens.

Accès à la justice

Le Comité craint que les dispositifs institués par l’État partie pour faciliter l’accès des communautés autochtones, afro-colombiennes et roms à la justice, dont le Programme national de maisons de justice, soient insuffisants pour garantir un accès adéquat à la justice vu qu’ils ne sont pas encore disponibles dans toutes les régions où habitent des peuples autochtones et afro-colombiens. Il est en outre préoccupé par les informations faisant état d’irrégularités présumées dans les procédures judiciaires auxquelles des autochtones sont parties (art. 6).

Eu égard à sa recommandation générale n o  31 (2005) sur la discrimination raciale dans l ’ administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité exhorte l ’ État partie à renforcer le fonctionnement des juridictions autochtones spéciales. Il lui recommande aussi de prendre les mesures nécessaires pour garantir l ’ accès à la justice, y compris l ’ établissement de maisons de justice dans les régions qui en sont actuellement dépourvues, et de veiller au respect des droits fondamentaux et des garanties de procédure régulière dans les affaires auxquelles des autochtones, des Afro-Colombiens ou des Roms sont parties.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

Le Comité invite l’État partie à ratifier les instruments internationaux auxquels il n’est pas encore partie, en particulier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées; le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que la Convention interaméricaine contre le racisme, la discrimination raciale et les formes connexes d’intolérance.

Déclaration prévue à l’article 14

Le Comité encourage l’État partie à faire la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention.

Déclaration et Programme d’action de Durban

À la lumière de sa recommandation générale no 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de tenir compte, lorsqu’il intégrera la Convention internationale sur l’élimination de la discrimination raciale dans son droit interne, de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, ainsi que du document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009. Il le prie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d’action qu’il aura adoptés et les autres mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

Compte tenu des résolutions 68/237 et 69/16 de l’Assemblée générale, portant respectivement sur la Proclamation de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine (2015-2024) et le Programme d’activités relatives à la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre un ensemble adéquat de mesures et de politiques. Il lui demande en outre d’inclure dans son prochain rapport des renseignements précis sur les mesures concrètes adoptées dans ce cadre, à la lumière de sa recommandation générale no 34 (2011).

Diffusion des rapports et des observations finales

Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que ses rapports périodiques soient rendus publics au moment de leur soumission, et de diffuser de la même manière les observations finales du Comité qui s’y rapportent dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu’il convient.

Consultations avec les organisations de la société civile

Le Comité recommande à l’État partie de continuer de mener des consultations et de renforcer son dialogue avec les organisations de la société civile qui œuvrent à la protection des droits de l’homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, dans le cadre de l’établissement du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales.

Suite donnée aux observations finales

Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur modifié, le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations qui figurent aux paragraphes 12, 16, 30 et 36.

Recommandations d’importance particulière

Le Comité souhaite aussi appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations formulées aux paragraphes 20, 22, 24 et 28 et demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

Élaboration du prochain rapport périodique

Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième rapports périodiques en un seul document, d’ici au 2 octobre 2018, en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1) et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. Compte tenu de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale du 9 avril 2014, le Comité demande à l’État partie de respecter la limite de 21 200 mots pour les rapports périodiques.