Nations Unies

CED/C/SR.222

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

18 septembre 2017

Original : français

Comité des disparitions forcées

Treizième session

Compte rendu analytique de la 222 e séance

Tenue au Palais des Nations, à Genève, le mercredi 6 septembre 2017, à 10 heures

Président(e): Mme Janina (Vice-Présidente)

Sommaire

Examen des rapports des États parties à la Convention (suite)

Rapport initial du Gabon (suite)

Dans l ’ attente de l ’ élection du nouveau bureau, M me Janina (Vice-Présidente) prend la présidence.

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen des rapports des États parties à la Convention (suite)

Rapport initial du Gabon (CED/C/GAB/1 ; CED/C/GAB/Q/1 ; CED/C/GAB/Q/1/Add.1 ; HRI/CORE/1/Add.65/Rev.1) ( suite)

1.La P résidente, constatant l’absence de la délégation gabonaise, propose de suspendre la séance jusqu’à son arrivée.

Il en est ainsi décidé.

La séance est suspendue à 10 h 5 ; elle est reprise à 10 h 35.

2. Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation gabonaise reprend place à la table du Comité.

3.La Présidente invite la délégation à répondre aux questions que le Comité lui a posées la veille et auxquelles elle n’a pas encore apporté de réponses.

4.M me Bibalou Bounda (Gabon), ayant tout d’abord présenté les excuses de la délégation pour son retard, dû à des tentatives répétées de joindre le Gouvernement à Libreville, dit qu’aucun service de l’État n’a déjà été officiellement saisi de cas de disparitions forcées et que l’action des autorités en la matière est donc essentiellement axée sur la prévention. La loi no 19/2005 du 3 janvier 2006 portant création et organisation de la Commission nationale des droits de l’homme en République gabonaise présentait des imperfections et a été révisée dans le cadre de la refondation de la Commission à laquelle il a été procédé ; le nouveau texte de loi est actuellement à l’examen devant le Parlement. Cette refondation étoffe le processus de mise en conformité de la Commission avec les Principes de Paris que les autorités gabonaises s’emploient à mener à bien, notamment en organisant des séminaires et en participant à des rencontres bilatérales, telles que celle qui se tiendra en novembre 2017 avec le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. S’agissant du Comité national de rédaction des rapports sur les droits humains au Gabon, évoqué par M. Decaux, il a bien participé à l’élaboration du rapport à l’examen (CED/C/GAB/1). Si les réponses à la liste de points (CED/C/GAB/Q/1/Add.1) ont pu sembler inconsistantes aux yeux du Comité, cela est peut-être dû au fait que les disparitions forcées constituent une thématique nouvelle pour le Gabon qui, de fait, ne recense pas de cas de disparition forcée.

5.À ce jour, les autorités gabonaises n’ont pas été saisies d’une demande d’extradition pour des faits de disparition forcée. Cependant, les dispositions législatives régissant les traités bilatéraux et multilatéraux conclus par le Gabon permettent à celui-ci de coopérer avec un autre État à des fins de répression de faits de disparition forcée. De même, le Gabon coopère pleinement avec la Cour pénale internationale, selon des modalités qui sont décrites en détail dans son rapport. Concernant la question de la prescription, Mme Bibalou Bounda indique que le prochain Code pénal prévoira que l’action publique des faits de disparition forcée sera prescrite après vingt ans si lesdits faits sont constitutifs d’une infraction autonome, mais qu’elle sera imprescriptible s’ils sont constitutifs d’un crime contre l’humanité. En revanche, la législation pénale dispose déjà que l’auteur d’une infraction comme l’éventuel coauteur de celle-ci et leur supérieur hiérarchique sont collectivement responsables des faits considérés et sont passibles de la même peine, sauf lorsque l’auteur ou le coauteur ont agi sur ordre de leur supérieur, auquel cas seul ledit supérieur est puni. En outre, tout fonctionnaire qui se rendrait coupable d’actes de disparition forcée serait puni en application des articles 49 et 49 bis et 134 à 136 du Code pénal, comme le serait tout complice ou instigateur des faits.

6.Répondant aux questions posées par M. Figallo Rivadeneyra concernant l’état d’urgence et l’état de siège, Mme Bibalou Bounda confirme que l’instauration de ces régimes d’exception peut avoir pour conséquence la restriction de l’exercice de certains droits ou la suppression de ceux-ci, notamment en cas de péril imminent pour la sécurité de la nation ou d’atteinte grave à l’ordre public, mais qu’en aucun cas les dispositions législatives pertinentes n’autorisent les agents de l’État à commettre des disparitions forcées. Pour ce qui est de la traite des personnes qui, si des cas devaient être recensés au Gabon, constituerait un phénomène nouveau et importé, son incrimination est prévue dans un projet de loi en cours d’adoption élaboré comme suite aux recommandations de la Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants. Mme Bibalou Bonda confirme à ce sujet que la pratique consistant à mettre ou à recevoir en gage une personne, visée par l’article 252 du Code pénal, est effectivement liée à celle de la traite.

7.Étant privée de la majorité de ses membres, la délégation propose de prendre note des questions qui lui seront posées durant la seconde partie du dialogue avec le Comité et de les transmettre au Gouvernement.

8.M. Decaux (Rapporteur pour le Gabon) exprime la déception que lui cause le fait que l’État partie, dans ses réponses à la liste de points, ne répond qu’à quelques-unes des questions qui lui ont été posées, et ce de manière succincte, si bien que le Comité ne dispose pas de renseignements écrits suffisants pour se livrer à un examen approfondi, ainsi que le fait que la délégation gabonaise est loin d’être au complet. Le Comité doit toutefois reconnaître, à la décharge de la délégation, que la situation actuelle dans l’État partie a compliqué les choses pour elle, et il lui est reconnaissant de sa présence.

9.M. Decaux dit attendre des réponses claires à des questions juridiques précises liées à des dispositions fondamentales de la Convention. Il considère que la délégation a répondu de façon abstraite aux questions posées par le Comité au sujet de la coopération entre le Gabon et la Cour pénale internationale et qu’elle s’est contredite en affirmant, d’un côté, que les autorités n’ont pas connaissance de crimes de disparitions forcées commis dans le pays et, de l’autre, en indiquant que les autorités gabonaises ont saisi la Cour pénale internationale au sujet des violences postélectorales d’août et de septembre 2016. Une équipe a du reste été envoyée par la Cour à Libreville en juin 2017 et plusieurs plaintes ont été déposées par un collectif de victimes de la crise postélectorale. Il attire l’attention du Gabon sur le champ de la Convention, qui est beaucoup plus vaste que celui du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, qui prévoit que la Cour ne peut prononcer de sanctions pénales que dans les affaires constitutives de crimes contre l’humanité alors que la Convention couvre toute une série d’infractions pénales.

10.Donnant lecture des paragraphes 1 et 2 de l’article 12 de la Convention, le Rapporteur relève que dans ses réponses à la liste de points, l’État partie se borne à indiquer qu’aucune allégation de disparition forcée n’a été formulée (par. 6) et qu’à ce jour aucune plainte n’a été déposée en rapport avec une disparition forcée ou des faits de traite d’êtres humains (par. 8). Il note que la délégation a indiqué à plusieurs reprises que la disparition forcée était un phénomène quasi « virtuel » au Gabon, alors que de nombreux indices et allégations indiquent que le pouvoir tait volontairement le nombre de personnes ayant trouvé la mort au cours de la crise postélectorale d’août 2016 et qu’il est fait état de fosses communes et d’héliportage de cadavres largués au-dessus de zones maritimes infestées de requins afin que les corps ne remontent pas à la surface et ne soient pas rejetés sur le rivage. Il n’appartient évidemment pas au Comité de se prononcer sur la véracité ou non de ces allégations, mais il n’en reste pas moins que des allégations aussi graves doivent faire l’objet d’une enquête, y compris en l’absence de plaintes, conformément au paragraphe 2 de l’article 12 de la Convention. Les autorités gabonaises devraient aussi se pencher sur les raisons expliquant l’absence de plaintes, qui peuvent être dues à la méconnaissance des procédures judiciaires, à la crainte de représailles ou au manque de confiance dans la justice.

11.La délégation est invitée à indiquer si la justice militaire gabonaise a été saisie des exactions imputées à des militaires du 1er bataillon de parachutistes ou à des forces relevant de la sécurité militaire et si des enquêtes administratives ont été ouvertes sur ces faits. Notant qu’il est indiqué au paragraphe 16 des réponses de l’État partie à la liste de points qu’il n’existe pas de disposition du droit interne interdisant expressément la détention secrète ou non officielle, M. Decaux demande si des mesures ont été prises pour prévenir la détention au secret, qui est interdite par l’article 17 de la Convention, en garantissant, par exemple, l’accès des gardés à vue à un avocat. Le fait de permettre à une personne de communiquer pendant au maximum une heure avec son avocat durant sa garde à vue semble insuffisant et ne répond pas aux garanties prévues à l’article 18 de la Convention. Enfin, le Rapporteur attire l’attention de l’État partie sur l’importance du paragraphe 7 de l’article 24 de la Convention, où il est dit que « tout État partie garantit le droit de former des organisations et des associations ayant pour objet de contribuer à l’établissement des circonstances de disparitions forcées et du sort des personnes disparues ainsi qu’à l’assistance aux victimes de disparition forcée, et de participer librement à de telles organisations ou associations ».

12.M. Figallo Rivadeneyra (Rapporteur pour le Gabon) constate que la délégation gabonaise a répondu de façon extrêmement vague à des questions juridiques et techniques très précises, évoquant les modalités de coopération avec la Cour pénale internationale alors que les membres du Comité lui avaient demandé de fournir des informations sur les normes et les procédures pénales applicables aux éléments constitutifs de crime contre l’humanité pouvant donner lieu à des sanctions pénales internationales. La délégation n’a pas non plus répondu aux questions concernant le contenu du registre des personnes privées de liberté et notamment sur les éléments devant être portés sur ce registre, conformément au paragraphe 3) de l’article 17 de la Convention, en particulier les motifs de la privation de liberté. Le paragraphe 67 du rapport initial du Gabon contient quelques informations sur les éléments devant figurer dans ce registre mais ne cite pas le motif de détention, élément pourtant essentiel pour prévenir la détention au secret. La délégation est invitée à indiquer si ce motif est censé figurer sur les registres de détention et si des plaintes ont été déposées en raison du manque d’informations qui y ont été consignées. Dans l’affirmative, il serait intéressant de connaître l’issue de ces plaintes.

13.La délégation n’a pas non plus indiqué les voies de recours dont disposent les personnes privées de liberté et toutes les personnes ayant un intérêt légitime à contester la légalité de la détention, lesquelles doivent, en vertu des normes régionales et internationales, être rapides, simples et efficaces. Attendu que le paragraphe 71 du rapport initial de l’État partie indique que le droit gabonais « respecte le droit à l’information des proches de la personne détenue, tout en respectant la limite entre droit à l’information et droit à la vie privée », il serait intéressant de connaître les limites pouvant être imposées en l’espèce et de savoir si l’État partie envisage de supprimer ces limites, qui sont contraires au droit international et aux objectifs de la Convention.

14.Le Rapporteur note que les paragraphes 92 et 93 du rapport initial du Gabon traitent non pas de l’ensemble des réparations dues aux victimes conformément à l’article 24 de la Convention, mais seulement des dommages-intérêts que peut demander toute personne se prétendant lésée par un crime ou un délit et qui se constitue partie civile, que ce soit dans le cadre de poursuites civiles ou de poursuites pénales. La délégation est invitée à indiquer ce qu’il en est des autres formes de réparation prévues au paragraphe 5 de l’article 24 de la Convention, à savoir la restitution, la réadaptation, la satisfaction, y compris le rétablissement de la dignité et de la réputation, et les garanties de non-répétition. M. Figallo Rivadeneyra demande également à la délégation gabonaise de préciser quels sont les droits pouvant être revendiqués par les membres de la famille d’une personne portée disparue en matière de protection sociale, de propriété, de droit de la famille et de santé. Il aimerait aussi savoir si une déclaration attestant le décès d’une personne disparue entraîne l’obligation pour l’État de poursuivre l’enquête jusqu’à l’élucidation de la disparition.

15.Des informations supplémentaires sur le paragraphe 95 du rapport initial du Gabon, qui traite de la disparition forcée d’enfants, et notamment sur les protocoles suivis pour localiser, identifier et restituer à leur famille les enfants enlevés, seraient bienvenues. Il serait également important d’en savoir davantage sur les mesures prises pour prévenir la traite des êtres humains car même si, aux dires de la délégation, ce phénomène a été « importé » au Gabon, la traite des êtres humains, phénomène par essence transnational, persistera si les mesures de protection sont insuffisantes et si les auxiliaires de justice sont insuffisamment formés. Enfin, M. Figallo Rivadeneyra demande si des procédures permettent de réviser ou d’abroger une mesure ordonnant le placement d’un enfant victime de disparition forcée, et quelles mesures sont envisagées pour améliorer le système d’enregistrement des naissances et garantir la protection administrative et juridique des enfants afin d’éviter tout risque de disparition forcée.

16.M. Ravenna note que, dans le cadre des réformes en cours de la législation pénale, il est prévu d’établir l’imprescriptibilité de la disparition forcée, celle-ci faisant partie des crimes contre l’humanité. Sachant que la jurisprudence des juridictions internes peut aussi jouer un rôle dans l’établissement de l’imprescriptibilité d’une violation des droits de l’homme, il aimerait savoir si la disparition forcée est considérée comme une infraction continue par les tribunaux gabonais. Il note également avec préoccupation que, d’après les réponses de la délégation, les tribunaux militaires ne sont compétents pour juger des membres de l’armée ou des forces de sécurité qu’en matière administrative. Il souhaiterait donc savoir si ces juridictions sont aussi habilitées à connaître d’infractions pénales imputées à ces catégories d’agents de l’État. En outre, relevant que la responsabilité du supérieur hiérarchique en matière de disparition forcée n’est engagée que s’il existe une responsabilité collective, c’est-à-dire en cas de complicité du supérieur dans des faits de disparition forcée, M. Ravenna voudrait savoir si la législation gabonaise comporte des dispositions établissant la responsabilité objective du supérieur hiérarchique, qui est inhérente à sa fonction. Croyant comprendre d’après les réponses de la délégation qu’un militaire de grade inférieur peut être exonéré de sa responsabilité pénale s’il a commis une violation en exécution d’un ordre émanant d’un supérieur, M. Ravenna souhaiterait savoir si la législation gabonaise consacre le principe du « devoir d’obéissance », y compris en cas de disparition forcée − ce qui serait incompatible avec les dispositions de l’article 6 de la Convention. Enfin, il demande si le Gabon agrée les demandes d’extradition émanant d’États qui ne sont pas parties au Statut de Rome.

17.M me Galvis Patiño constate à la lecture des paragraphes 16 à 18 des réponses écrites à la liste de points à traiter que le droit interne ne comporte pas de dispositions interdisant expressément la détention secrète ou non officielle et que la Commission nationale des droits de l’homme et les ONG sont autorisées à se rendre dans les lieux de privation de liberté. Elle aimerait savoir si l’État partie a élaboré un projet de loi visant à mettre le droit interne en conformité avec l’article 17 de la Convention et si des visites ont déjà été effectuées par la Commission ou des ONG dans des lieux de détention. Si tel est le cas, il serait intéressant de connaître la teneur des conclusions et des recommandations formulées à l’issue de ces visites ainsi que la suite qui leur a été donnée. Mme Galvis Patiño relève en outre que, dans ses réponses écrites, l’État partie indique qu’il organisera une formation à la Convention une fois que la disparition forcée aura été définie comme une infraction pénale dans l’ordre juridique interne. Elle fait observer à ce propos que les dispositions de la Convention sont certes intimement liées, mais qu’elles doivent aussi être lues séparément et que l’obligation de dispenser une formation visée à l’article 23 de la Convention est autonome et n’est pas subordonnée à l’application de l’article 4.

18.M. Huhle estime, comme M. Decaux, qu’il y a une contradiction patente entre l’affirmation de la délégation qui soutient qu’aucun cas de disparition forcée n’a été signalé dans le pays et le fait que le Gouvernement gabonais a saisi la Cour pénale internationale afin que celle-ci mène une enquête dans le pays, ainsi que les informations émanant d’autres sources faisant état de nombreuses disparitions forcées survenues en 2016. La délégation voudra bien indiquer comment le Gouvernement réagit lorsque des informations de cette nature sont portées à sa connaissance, en particulier s’il diligente une enquête et, notamment, s’il exige que les registres des prisons soient passés en revue.

19.M. Baati tient à saluer l’attitude courageuse de la représentante du Gabon et les efforts qu’elle a déployés pour répondre aux questions des membres du Comité malgré les difficultés qu’elle a rencontrées pour se concerter avec les experts restés dans la capitale. Il espère que la prochaine rencontre du Comité avec l’État partie se déroulera dans de meilleures conditions, le but du dialogue étant essentiellement de l’aider à mieux s’acquitter de ses obligations en vertu de la Convention. Enfin, le Comité a pris bonne note des demandes d’assistance technique des autorités gabonaises et, conjointement avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, il réfléchira à la meilleure façon d’y donner suite.

20.La Présidente propose de suspendre la séance pour permettre à la délégation de préparer ses réponses aux questions du Comité.

La séance est suspendue à 11 h 45 ; elle est reprise à 12 h 15.

21.M me Bidalou Bounda (Gabon) dit que le Gabon envisage sa collaboration avec le Comité et l’application de la Convention essentiellement sous l’angle de la prévention, étant donné qu’à ce jour, aucun cas de disparition forcée n’a été recensé dans le pays. Les allégations relayées par des membres du Comité ne reposent sur aucun fondement. Les plus hautes autorités du pays ont décidé de saisir la Cour pénale internationale afin que celle-ci fasse la lumière sur les événements malheureux survenus après les élections de 2016. Il n’y a pas de contradiction entre la saisine de la Cour pénale internationale et les affirmations de la délégation selon laquelle aucun cas de disparition forcée n’a été recensé car, à ce jour, aucune plainte officielle pour disparition forcée n’a été déposée. Il convient donc d’attendre que la Cour achève ses travaux et rende publics les résultats de son enquête. Les questions techniques posées par M. Figallo Rivadeneyra seront transmises aux organes compétents et des réponses seront fournies ultérieurement par écrit.

22.Mme Bibalou Bounda dit que si le Gabon est doté d’une loi réprimant la traite des enfants (loi no 9/2004), le phénomène de la traite des personnes n’existait pas dans l’État partie au moment de l’élaboration du projet de loi sur la traite des êtres humains, actuellement en cours d’adoption. Elle indique que les infractions commises par les militaires relèvent de la compétence du tribunal militaire. Quant aux extraditions, elles sont réalisées dans le cadre des accords bilatéraux et multilatéraux conclus et sur la base du principe de réciprocité.

23.La responsabilité du supérieur hiérarchique est de nature fondamentalement individuelle, mais la responsabilité pour un acte peut être collective lorsque le supérieur a une part de culpabilité dans cet acte, notamment en cas de complicité. Mme Bibalou Bounda réaffirme qu’aucun cas de disparition forcée n’a été officiellement porté à la connaissance des autorités gabonaises et qu’il n’y a donc pas de contradiction entre ce qui est dit par l’État et la réalité, contrairement aux allégations relayées par certains membres du Comité. Les experts de la capitale, explique-t-elle, seront mieux à même de répondre aux questions d’ordre technique du Comité, notamment celles qui portent sur la responsabilité des supérieurs hiérarchiques, les sanctions encourues par les membres des forces armées en cas de désobéissance à un ordre ou encore la reconnaissance de la compétence du Comité au titre des articles 31 et 32 de la Convention.

24.La  Présidente rappelle que le Gabon dispose d’un délai de quarante-huit heures pour fournir des réponses écrites aux questions restées en suspens.

25.M. Decaux  prend acte de la position de principe officielle de l’État partie mais souligne que, depuis plus d’un an, des enquêtes auraient dû être menées, même en l’absence de plaintes, que ce soit sur les plans administratif, hiérarchique ou, le cas échéant, parlementaire, car l’État a la responsabilité de tirer au clair les allégations formulées et de donner des garanties de non-répétition, ainsi que des obligations en matière de droit à la vérité et à la justice. Tout au moins aurait-il fallu répondre à ces allégations et faire le bilan de la situation. Or ce bilan, indispensable dans un esprit de justice et de transparence, ne semble pas avoir été fait. Des allégations crédibles formulées par des ONG respectées doivent être démenties sur le fond en se fondant sur un travail de fond lorsque des renseignements fiables font état d’atteintes graves à la Convention. On ne peut pas attendre que la Cour pénale international se prononce dans plusieurs années sur une seule partie du dossier, sa compétence, dans les cas visés, étant limitée aux crimes contre l’humanité et le Procureur exerçant en outre un pouvoir discrétionnaire. Par comparaison, les crimes visés par la Convention ont une portée beaucoup plus large. M. Decaux souligne que la saisine de la Cour pénale internationale, qui est un choix souverain de l’État partie, ne suspend nullement l’application pleine et entière de la Convention, au titre de laquelle le Comité réclame des renseignements.

26.Plusieurs questions restent sans réponse, notamment en ce qui concerne le cadre institutionnel de la protection des droits de l’homme, la déclaration prévue par l’article 31 de la Convention et la réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale. À cet égard, l’État partie a sollicité oralement l’assistance technique des Nations Unies, laquelle pourrait lui être fournie dans le cadre de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale. Au terme du demi-dialogue qu’il a eu avec la délégation de l’État partie, le Comité demeure préoccupé par plusieurs questions, notamment celles des garanties effectives et des procédures relatives à la détention, la garde à vue et l’habeas corpus, lesquelles dépassent le cadre strict des disparitions forcées et constituent les fondements de l’état de droit et de la garantie des libertés individuelles. Il reste également préoccupé par les questions de l’effectivité des enquêtes, de l’indépendance de la justice, notamment militaire, et de l’existence de prisons secrètes. M. Decaux conclut en disant qu’un travail de sensibilisation reste à faire pour que les experts de la capitale saisissent le caractère essentiel du dialogue avec le Comité, et rappelle à cet égard l’obligation de dialogue et de résultats qui incombe à l’État partie, le Comité ayant, quant à lui, pour fonction d’aider les États à renforcer les garanties de l’état de droit.

27.M.  Figallo Rivadeneyra donne lecture du premier paragraphe du rapport de l’État partie, qui met l’accent sur l’obligation qu’ont les États parties à la Convention de prendre des mesures préventives pour garantir le droit de tous leurs ressortissants de ne pas faire l’objet d’actes de disparition forcée. M. Figallo Rivadeneyra espère que le processus de collaboration entre l’État partie et le Comité pourra être rétabli grâce aux réponses écrites que peut communiquer l’État partie dans un délai de quarante-huit heures, contribuant ainsi à l’exécution de cette obligation.

28.M me Bibalou Bounda dit que le Gabon souhaite que s’instaure un dialogue constructif avec le Comité, que les autorités gabonaises ont toujours milité pour la paix et que c’est dans cet esprit que le pays a signé et ratifié la Convention. Elle exprime à nouveau ses regrets pour le fait que, malgré la bonne volonté des autorités, la délégation n’a pu assister à la séance en raison des changements intervenus au niveau ministériel. Elle assure le Comité de la coopération future de son pays et de la ferme résolution des autorités à persévérer dans leurs efforts de prévention.

La séance est levée à 12 h 42.