Nations Unies

CRPD/C/28/D/70/2019

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

8 mai 2023

Français

Original : espagnol

Comité des droits des personnes handicapées

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 du Protocole facultatif, concernant la communication no 70/2019 * , **

Communication sounmis e par :

Selene Militza García Vara (représentée par un conseil, Daniela Ibeth García Vara)

Victime(s) présumée(s) :

L’auteure

État partie :

Mexique

Date de la communication :

22 juillet 2016 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 70 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 16 octobre 2019 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision :

23 mars 2023

Objet :

Défaut d’accessibilité et d’aménagements raisonnables qui empêche une femme ayant un handicap intellectuel d’exercer son droit à une éducation supérieure inclusive

Question(s) de procédure :

Recevabilité, griefs insuffisamment étayés

Question(s) de fond :

Droit à l’éducation inclusive (études supérieures), égalité et non-discrimination, accessibilité, femmes handicapées

Article(s) de la Convention :

1er, 2, 4, 5, 6, 8, 9 et 24

Article(s) du Protocole facultatif :

1 et 2 e)

1.1L’auteure de la communication est Selene Militza García Vara, de nationalité mexicaine, née le 21 octobre 1980. Elle affirme que l’État partie a violé les droits qu’elle tient des articles 1er, 2, 4, 5, 6, 8, 9 et 24 de la Convention, en ne lui garantissant pas l’accès à des études supérieures et en ne procédant pas aux aménagements raisonnables dont elle aurait eu besoin en raison de son handicap pendant un examen d’entrée en licence d’arts visuels. L’auteure est représentée par Daniela Ibeth García Vara. Le Protocole facultatif est entré en vigueur dans l’État partie le 16 janvier 2008.

1.2Le 13 mars 2020, le Comité, par l’intermédiaire de son rapporteur spécial chargé des communications au titre du Protocole facultatif, a décidé de rejeter la demande de l’État partie visant à ce que la recevabilité et le fond de la communication soient examinés séparément.

A.Résumé des renseignements fournis et des arguments avancés par les parties

Rappel des faits présentés par l’auteure

2.1L’auteure explique que son handicap est le résultat de dommages cérébraux causés par des difficultés à respirer et à pleurer à la naissance. Lorsqu’elle avait 5 ans et 10 mois, l’on a diagnostiqué chez elle un retard de développement moteur et perceptif ainsi que d’acquisition du langage, qui aurait perturbé son processus d’apprentissage. Le 28 juillet 2000, l’Institut de la sécurité sociale et des services sociaux des employés de la fonction publique a posé un diagnostic définitif, selon lequel l’auteure présentait un retard intellectuel léger à modéré, qui correspondait à un dommage neurologique dû à une hypoxie néonatale. Le 1er février 2008, le service de neuropsychologie du centre de réadaptation pédiatrique de Cuernavaca a établi le profil neuropsychologique de l’auteure. Il en ressortait que l’auteure s’était développée bien mieux qu’espéré, même si elle présentait des difficultés de mémorisation verbale et de compréhension des concepts abstraits. Le rapport mettait aussi en évidence d’autres aspects, dont son intérêt pour le travail en équipe, qui pourraient lui permettre un meilleur développement social et professionnel.

2.2Afin qu’elle soit pleinement incluse dans la société, l’auteure a été inscrite par ses parents dans des écoles ordinaires privées et a suivi plusieurs thérapies spécialisées. Le Secrétariat à l’éducation publique lui a délivré des certificats attestant qu’elle avait accompli ses études primaires et secondaires avec de bons résultats. Le 26 juillet 2006, l’auteure a obtenu le diplôme de technicienne professionnelle en création de vêtements, avec une moyenne de 7,5/10, auprès de l’École professionnelle de stylisme.

2.3Le 14 mars 2013, l’auteure a commencé à travailler deux heures par jour en tant qu’enseignante-formatrice dans une école pour personnes handicapées. Cependant, son intérêt et sa facilité pour les arts l’ont poussée à étudier le stylisme, en plus d’organiser des cours et ateliers artistiques dans diverses institutions, dont l’École d’art de l’État de Morelos. Comme elle ne travaillait que deux heures par jour et ne pouvait donc pas être financièrement autonome, l’auteure a jugé préférable d’obtenir une licence afin de pouvoir prétendre à un meilleur emploi.

2.4En 2014, l’auteure a postulé pour une place en licence à l’École d’art de l’État de Morelos. Elle remplissait tous les critères requis. Cependant, l’examen d’entrée respectait une égalité purement théorique, car aucun aménagement raisonnable n’était mis en place lors des entretiens et des épreuves pratiques d’admission.

2.5Le 18 juillet 2014, à la publication des résultats, l’auteure a appris qu’elle n’était pas admise en licence. Accompagnée de sa mère, elle est allée demander des précisions sur les critères de sélection utilisés au recteur de l’École d’art de l’État de Morelos. Le recteur a informé l’auteure et sa mère qu’aucun budget n’était prévu pour l’admission de personnes ayant un handicap intellectuel et que les programmes d’études n’étaient pas conçus pour les personnes handicapées. Il a indiqué que tous les candidats avaient été évalués selon les mêmes critères par souci d’équité et que de meilleurs travaux que ceux de l’auteure avaient été présentés.

2.6Le 8 août 2014, l’auteure a formé un recours en amparo indirect contre diverses autorités. Au Gouverneur et au Secrétariat à l’éducation de l’État de Morelos, elle reprochait principalement de ne pas avoir adopté de mesures, de systèmes ni de politiques publiques qui promeuvent, protègent et facilitent l’inclusion des personnes handicapées en permettant à celles-ci d’accéder à l’enseignement supérieur grâce à des programmes inclusifs propres à développer leur potentiel humain et leur sentiment de dignité et d’estime de soi. L’auteure reprochait aussi au Gouverneur et au Secrétariat à l’éducation de l’État de Morelos de ne pas avoir procédé à des aménagements raisonnables ni pris les mesures qui s’imposaient pour mettre fin à la discrimination à l’égard des personnes handicapées, ce qui l’avait exclue de l’enseignement supérieur. Au Congrès de l’État de Morelos, elle reprochait principalement de ne pas avoir légiféré sur la discrimination à l’égard des personnes handicapées dans l’enseignement supérieur.

2.7En outre, l’auteure a formé un recours contre le conseil d’administration de l’École d’art de l’État de Morelos. Elle reprochait principalement à celui-ci de ne pas avoir doté l’école de moyens d’action, d’instruments et de systèmes qui auraient mis fin à la discrimination à l’égard des personnes handicapées et favorisé l’enseignement supérieur sur la base de l’égalité avec les autres, en mettant en place un système inclusif qui permette à chacun de développer pleinement sa personnalité, ses talents et sa créativité. Cela aurait évité que des personnes handicapées soient exclues du programme de licence d’arts. De plus, aucune disposition ne prévoyait des aménagements raisonnables à l’intérieur de l’École d’art de l’État de Morelos, ce qui, en compromettant l’égalité des chances, l’avait exclue de l’enseignement supérieur.

2.8Enfin, l’auteure a formé un recours contre le recteur et le secrétariat académique de l’École d’art de l’État de Morelos, principalement parce que les personnes handicapées faisaient l’objet d’une discrimination, et, plus précisément, n’avaient pas les mêmes chances que les autres d’être reçues à l’examen, raison pour laquelle elle n’avait pas été admise en licence d’arts visuels, et parce qu’aucune mesure n’avait été prise pour garantir cette égalité des chances, ce qui l’avait exclue de l’enseignement supérieur. L’auteure a saisi la justice pour demander que les effets des actes reprochés soient suspendus afin qu’elle puisse poursuivre la procédure d’admission en licence. Sa demande a été rejetée.

2.9Le 25 août 2014, le recteur de l’École d’art de l’État de Morelos a exposé, à la demande de l’auteure, les raisons officielles pour lesquelles celle-ci n’avait pas été admise en licence. La raison principale était que l’auteure avait échoué à la plupart des épreuves pratiques, essentiellement à cause de problèmes de compréhension et de communication. Le recteur a précisé que la compréhension de textes, la transmission d’idées et la maîtrise de la communication verbale occupaient une grande place dans le programme de licence. Le 11 septembre 2014, l’auteure a étendu le recours en amparo, car le recteur avait admis explicitement que les problèmes de communication et de compréhension qu’elle avait étaient dus à son handicap. Il en résultait que l’échec de l’auteure à l’examen d’entrée constituait indirectement un acte discriminatoire et que des aménagements raisonnables auraient donc dû être proposés pendant les épreuves de sélection.

2.10Le 4 mai 2015, le septième tribunal de district de l’État de Morelos a décidé qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre le recours en amparo. En ce qui concernait le recours formé contre le conseil d’administration, le recteur et le secrétariat académique de l’École d’art de l’État de Morelos, il a considéré que s’appliquait le motif d’irrecevabilité visé au paragraphe XXIII de l’article 61 de la loi sur l’amparo, lu conjointement avec le paragraphe II de l’article 5 de la même loi, car l’École d’art de l’État de Morelos n’avait pas la qualité d’autorité compétente aux fins de la procédure d’amparo. La décision de ne pas admettre l’auteure en licence d’arts visuels parce qu’elle n’avait pas obtenu la note requise n’était pas l’acte d’une autorité pouvant faire l’objet du recours en amparo. N’ayant pas accédé au statut d’élève, mais seulement à celui de « candidate », l’auteure n’était pas placée dans un rapport de subordination vis-à-vis de l’École d’art de l’État de Morelos, et n’était donc pas liée à celle-ci par des droits et des obligations. Le tribunal a aussi considéré que l’auteure avait eu les mêmes chances de se présenter à l’examen d’entrée en licence d’arts visuels que les autres candidats. En ce qui concernait les griefs formulés contre les autres autorités, à savoir leur inaction face à la discrimination subie par les personnes handicapées, le tribunal a considéré que s’appliquait le motif d’irrecevabilité visé au paragraphe XXIII de l’article 61 de la loi sur l’amparo, lu conjointement avec l’article 73 de la même loi et avec le paragraphe II de l’article 107 de la Constitution, consacré au principe de la relativité des décisions. En effet, si le tribunal acceptait le recours en amparo afin que les omissions reprochées soient réparées, la décision d’amparo aurait des effets généraux.

2.11Le 21 mai 2015, l’auteure a formé un recours en révision devant le deuxième tribunal collégial de la dix-huitième circonscription siégeant à Cuernavaca (État de Morelos), car le tribunal de district n’avait pas défini correctement l’objet du litige. Dans sa décision, le tribunal de district n’avait pas tenu compte du fait que des aménagements raisonnables auraient dû être proposés pendant l’examen d’entrée afin de garantir le respect des principes d’égalité et de non-discrimination dans l’accès au système éducatif. En outre, il ne pouvait pas rejeter la requête de l’auteure au motif que celle-ci n’était pas élève à l’École d’art de l’État de Morelos, puisque la violation des droits résidait principalement dans le fait que l’auteure n’avait pas été admise dans cette école à cause de son handicap. Le 21 janvier 2016, le deuxième tribunal collégial de la dix-huitième circonscription a confirmé la décision du septième tribunal de district. L’auteure a demandé le renvoi de l’affaire devant la Cour suprême de justice, mais sa demande a été rejetée.

Teneur de la plainte

3.1L’auteure affirme que l’État partie a violé les droits qu’elle tient des articles 1er, 2, 4, 5, 6, 8, 9 et 24 de la Convention.

3.2L’auteure soutient que l’État partie a violé les droits qu’elle tient de l’article premier de la Convention, en s’abstenant de lui faciliter et de lui garantir le plein exercice de ses droits en tant que personne ayant un handicap intellectuel, et, partant, en l’empêchant de participer pleinement et effectivement à la vie de la société, et, plus particulièrement, de faire des études supérieures.

3.3L’auteure soutient aussi qu’elle a subi une violation des droits que lui reconnaît l’article 2 de la Convention, car elle a été victime de discrimination et exclue du système mexicain de l’enseignement supérieur en raison de son handicap intellectuel. L’École d’art de l’État de Morelos et les autorités judiciaires fédérales l’ont traitée de manière discriminante, la première en ne procédant pas à des aménagements raisonnables et les secondes en ne se prononçant pas sur l’absence d’aménagements raisonnables.

3.4L’auteure soutient également que l’État partie a violé les droits qu’elle tient de l’article 4 de la Convention, car celui-ci n’a pas pris de mesures législatives, administratives ou d’autre nature, par exemple judiciaires, qui auraient garanti l’effectivité desdits droits, notamment le droit d’accès à l’éducation dans des conditions d’égalité avec les autres et en l’absence de toute discrimination fondée sur le handicap. Dans ses politiques et programmes, en particulier dans le programme de licence d’arts visuels de l’École d’art de l’État de Morelos, l’État partie ne s’est pas soucié de protéger ni de promouvoir les droits humains des personnes handicapées. Il n’a pas non plus encouragé la formation du personnel de l’École d’art de l’État de Morelos afin qu’une assistance et des services de meilleure qualité soient fournis aux personnes handicapées. S’il avait remarqué qu’elle avait des difficultés de compréhension et de communication en raison de son handicap, le personnel de l’école aurait dû fournir à l’auteure les aménagements raisonnables dont elle avait besoin pour accéder au système éducatif.

3.5L’auteure soutient en outre que l’État partie, par l’intermédiaire de l’École d’art de l’État de Morelos et des autorités judiciaires fédérales, a violé les droits qu’elle tient de l’article 5 de la Convention, car aussi bien l’École d’art de l’État de Morelos que les autorités judiciaires fédérales ont considéré qu’elle n’avait pas été victime de discrimination puisqu’elle avait participé à l’examen d’entrée dans les mêmes conditions que les autres candidats, et ont ignoré leur obligation de procéder à des aménagements raisonnables. L’auteure affirme que l’École d’art de l’État de Morelos, en ne procédant pas à des aménagements raisonnables, a commis une forme de discrimination, tout comme les autorités judiciaires fédérales par la suite, en n’assurant pas sa protection juridique effective contre cette discrimination.

3.6L’auteure soutient que l’État partie a violé les droits qu’elle tient de l’article 6 de la Convention, car celui-ci n’a pas pris toutes les mesures qui s’imposaient pour qu’elle puisse s’épanouir pleinement en tant que femme handicapée. Son accès à l’enseignement supérieur l’aurait incontestablement aidée à devenir plus autonome et à développer librement sa personnalité.

3.7En outre, l’auteure affirme que les violations en cause montrent que l’État partie ne lutte pas contre les stéréotypes, les préjugés et les pratiques préjudiciables qui visent les personnes handicapées dans tous les domaines, notamment dans l’éducation, ce qui est contraire aux obligations qui sont mises à sa charge par l’article 8 de la Convention. L’État partie n’est pas parvenu, par la voie législative, à promouvoir une attitude réceptive à l’égard des droits des personnes handicapées.

3.8Enfin, l’auteure affirme que l’État partie a violé les droits qu’elle tient de l’article 24 de la Convention, car celui-ci n’est pas parvenu à garantir son droit à l’éducation inclusive, en particulier à l’éducation supérieure. L’auteure a été exclue du système éducatif ordinaire en raison de son handicap. Elle rappelle que l’État partie ne lui a pas apporté les aménagements raisonnables dont elle avait besoin, ni garanti une formation professionnelle en l’absence de toute discrimination et dans le respect de l’égalité des chances. De plus, l’État partie ne lui a pas fourni de recours utiles. L’auteure soutient qu’elle aurait eu de meilleures perspectives professionnelles si elle avait eu accès à l’enseignement supérieur.

3.9Compte tenu de ce qui précède, l’auteure demande à titre de mesures de réparation : a) la non-répétition des faits reprochés ; b) des excuses publiques dans lesquelles l’État partie reconnaîtra les faits et assumera sa responsabilité au regard du droit international ; c) une juste indemnisation pour le préjudice moral subi ; d) une juste indemnisation pour la perte de débouchés subie faute d’avoir pu exercer son droit à l’enseignement supérieur ; e) l’élaboration et la mise en œuvre de politiques publiques visant à faire mieux connaître et respecter les droits humains des personnes ayant un handicap intellectuel dans tous les secteurs de la société, notamment parmi les fonctionnaires chargés de l’application des lois et le personnel des établissements d’enseignement de tous les niveaux ; f) l’application effective d’aménagements raisonnables dans tous les établissements d’enseignement afin de garantir l’accessibilité de l’éducation, à tous les niveaux, aux personnes ayant un handicap intellectuel.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Le 16 décembre 2019, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité de la communication. Il a demandé que celle-ci soit déclarée irrecevable pour défaut de fondement, en application de l’article 2 (al. e)) du Protocole facultatif.

4.2L’État partie signale que l’auteure a fait partie de la communauté étudiante de l’École d’art de l’État de Morelos et suivi des cours dans l’établissement. Pour ces cours, l’auteure était donc parvenue à satisfaire aux critères requis, ce qui démontrait que la procédure d’admission à l’École d’art de l’État de Morelos était menée de manière objective et dans le respect de l’égalité des chances.

4.3L’État partie affirme que l’auteure, si elle avait pu valider des cours par le passé, n’a pas satisfait aux critères d’admission en licence d’arts visuels. Il explique que l’École d’art de l’État de Morelos a organisé ses épreuves de sélection de manière à s’assurer que les candidats à la licence aient les profils voulus pour le cursus. Or, l’auteure a obtenu des notes éliminatoires dans cinq des six épreuves de sélection (voir le paragraphe 6.5). L’auteure ayant passé l’examen d’entrée dans le respect de l’égalité des chances, l’École d’art de l’État de Morelos a considéré qu’elle ne répondait pas aux critères requis au vu du programme d’études alors en vigueur.

4.4En conclusion, l’État partie affirme que l’École d’art de l’État de Morelos n’a pas admis l’auteure en licence d’arts visuels, non parce qu’elle agissait de façon discriminatoire envers l’auteure, mais parce qu’elle considérait que l’auteure, à l’issue d’épreuves de sélection respectant l’égalité des chances, n’avait pas démontré qu’elle avait les compétences minimales requises pour entrer en licence.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Le 15 février 2020, l’auteure a présenté ses commentaires sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité de la communication.

5.2L’auteure considère que l’État partie confirme, par les arguments qu’il avance, la violation manifeste de son droit fondamental à l’enseignement supérieur dans le respect des principes de non‑discrimination et d’égalité. Elle trouve déplacé que l’État partie demande que la communication soit déclarée irrecevable au motif que celle-ci serait manifestement infondée ou insuffisamment étayée. Selon elle, l’État partie part d’une idée fausse, qui est que l’École d’art de l’État de Morelos n’a pas commis d’acte de discrimination envers elle puisqu’elle a participé à l’examen d’entrée dans des conditions d’égalité théorique.

5.3L’auteure considère que l’État partie feint d’ignorer que la seule manière pour elle d’avoir les mêmes chances que les autres candidats d’être admis en licence d’arts visuels était de bénéficier d’aménagements raisonnables, compte tenu de son handicap intellectuel. Le handicap de l’auteure n’aurait jamais dû être pour l’École d’art de l’État de Morelos un motif de discrimination et d’exclusion. Le défaut d’aménagements raisonnables a empêché l’auteure de participer pleinement et concrètement à la vie de la société dans des conditions d’égalité avec les autres. Plus précisément, l’auteure a été privée d’accès à un établissement d’enseignement supérieur parce que les programmes d’études ne prévoyaient pas les aménagements nécessaires aux étudiants comme elle.

5.4L’auteure soutient que des modifications ou des adaptations auraient dû être apportées à l’examen d’entrée en licence d’arts visuels et au cursus (plans et programmes d’études) pour que son droit à l’enseignement supérieur fut garanti ; faute de quoi, le libre développement de sa personnalité a été indirectement affecté. Selon l’auteure, la position de l’État partie supposerait le refus à toute personne handicapée d’un accès effectif à l’enseignement supérieur.

Observations de l’État partie sur le fond

6.1Dans ses observations en date du 13 mars 2020, l’État partie affirme qu’il n’a pas violé le droit de l’auteure à l’éducation. Il a garanti l’accès de l’auteure à l’enseignement de base et à l’enseignement secondaire dans des écoles ordinaires, qui n’étaient pas réservées à des élèves handicapés. En ce qui concerne l’accès à l’enseignement supérieur, l’État partie note que l’auteure n’a pas dit avoir rencontré des obstacles physiques, linguistiques, communicationnels, financiers ou juridiques pendant l’examen d’entrée, ni s’être heurtée à des barrières comportementales en présence des membres de l’établissement.

6.2L’État partie souligne que l’auteure a eu le temps nécessaire pour passer les épreuves de sélection, qu’aucun facteur extérieur n’est venu perturber sa concentration pendant celles‑ci et qu’elle n’a pas eu besoin de l’aide d’une autre personne ou d’une quelconque technologie, car elle avait démontré qu’elle pourrait passer les épreuves toute seule. En outre, l’auteure n’a pas dit avoir été victime de stéréotypes, de préjugés ou de pratiques préjudiciables pendant l’examen d’entrée en licence.

6.3L’État partie fait observer que la licence d’arts visuels exige des étudiants qu’ils soient motivés et généreux de leur temps, et qu’ils aient des connaissances spécialisées, par exemple qu’ils soient capables de manier et de maîtriser des instruments tels que des presses, des produits chimiques pour la photographie et la sérigraphie et des fours en céramique. De plus, il est indispensable que les étudiants sachent parfaitement lire et écrire, soient capables de comprendre et d’analyser des textes, et connaissent l’histoire de l’art et la culture. Les étudiants doivent pouvoir monter leurs œuvres et concevoir des projets complexes. La licence d’arts visuels proposée par l’École d’art de l’État de Morelos suit un modèle de formation qui encourage le développement de processus créatifs multidisciplinaires en vue d’une production artistique visuelle de qualité, en dialogue avec le monde de l’art et le contexte social. En conséquence, les critères d’admission qui s’appliquent ne sont pas les mêmes que pour les cours et ateliers libres qui sont proposés par le même établissement à des fins d’initiation et non de professionnalisation.

6.4L’État partie explique que, compte tenu de ce qui précède, l’École d’art de l’État de Morelos a décidé que les candidats à l’entrée en licence d’arts visuels devaient satisfaire aux critères définis dans le plan d’études, à savoir : a) avoir 18 ans (critère rempli par l’auteure) ; b) manifester un intérêt manifeste pour la profession (intérêt exprimé par l’auteure) ; c) être créatif/créative et doté(e) de qualités humaines (critère partiellement rempli par l’auteure) ; d) présenter leurs œuvres au moyen d’un dossier ou de documents (critère rempli par l’auteure) ; e) réussir l’examen d’entrée, qui consiste en un entretien individuel et des épreuves pratiques de sélection (critère non rempli par l’auteure) ; f) assister au cours d’introduction (critère rempli par l’auteure).

6.5L’État partie explique que l’examen d’entrée en licence d’arts visuels consiste en un entretien individuel et des épreuves pratiques de sélection, portant sur les matériaux et l’expression, le dessin et la peinture, la photographie, la création tridimensionnelle et l’écriture sur l’art. L’auteure a obtenu cinq notes éliminatoires, de 5 sur 10, et une seule note qualifiante, de 6 sur 10, à l’épreuve sur les matériaux et l’expression. Or, selon l’article 26 du Règlement relatif à la sélection, à l’admission, à la scolarité des élèves de l’École d’art de l’État de Morelos, à la remise des diplômes et aux droits et frais d’inscription applicables, les travaux des élèves sont évalués selon une échelle de notation allant de 1 à 10, et pour réussir une épreuve : I. En licence et dans les programmes d’enseignement antérieurs, la note minimale à obtenir est de 6. L’État partie signale que, pour être admis en licence, les candidats doivent satisfaire à des critères minimaux dans le cadre d’une procédure respectueuse de l’égalité et de l’équité. Il ajoute que les examinateurs ont fait preuve de souplesse au moment de noter les travaux de l’auteure.

6.6L’État partie considère que l’auteure aurait pu satisfaire aux critères d’admission en licence d’arts visuels si elle s’était seulement mieux préparée. L’auteure ayant réussi l’épreuve sur les matériaux et l’expression, l’on pouvait raisonnablement penser que, si elle s’était préparée aux autres épreuves, elle aurait eu de meilleures chances de réussir l’examen d’entrée.

6.7L’État partie signale que l’École d’art de l’État de Morelos répond aux exigences d’accessibilité pour les personnes handicapées, car elle en compte parmi ses enseignants et ses élèves − élèves qui ont dû passer et réussir un examen d’entrée. En outre, bien qu’elle ne soit pas un établissement pour personnes handicapées, l’École d’art de l’État de Morelos fait en sorte d’offrir à celles-ci les mêmes chances qu’aux autres. L’État partie souligne que les aménagements raisonnables varient en fonction des compétences requises des étudiants selon les licences et les cours.

6.8L’État partie indique que les candidats à l’entrée en licence d’arts visuels doivent faire la preuve de leur capacité d’observation, de leur créativité, de leur esprit critique et de leur compréhension des arts visuels et de leurs contextes. L’auteure en a été informée. Les 4 et 25 août 2014, il lui a été dit que les élèves de l’École d’art de l’État de Morelos non seulement apprenaient des procédures et techniques artistiques, mais aussi se livraient à de nombreux débats et discussions théoriques sur l’histoire de l’art. Les élèves devaient donc être parfaitement capables de comprendre des textes, d’exprimer des idées et de communiquer oralement. Il a été expliqué à l’auteure qu’à l’issue des épreuves de sélection, il n’avait pas pu être établi qu’elle remplissait les critères requis pour entrer en licence. Dénué de toute volonté d’offenser, l’État partie note que, selon le profil neuropsychologique établi par des spécialistes du centre de réadaptation pédiatrique de Cuernavaca, l’auteure a des difficultés de compréhension des concepts abstraits et de mémorisation verbale. L’État partie considère que ce diagnostic n’est pas compatible avec les compétences requises des candidats à l’entrée en licence d’arts visuels.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie concernant le fond

7.1Le 14 octobre 2020, l’auteure a présenté ses commentaires sur les observations de l’État partie concernant le fond de la communication. Elle maintient que l’État partie a violé les droits qu’elle tient des articles 1er, 2, 4, 5, 6, 8, 9 et 24 de la Convention.

7.2L’auteure estime que l’État partie, au vu des observations qu’il a formulées, défend un modèle éducatif totalement contraire au modèle universel de l’éducation inclusive, lequel se caractérise par l’inclusion des personnes handicapées dans tous les établissements académiques. Lorsqu’il dit que « bien qu’elle ne soit pas un établissement pour personnes handicapées, l’École d’art de l’État de Morelos fait en sorte d’offrir à celles-ci les mêmes chances qu’aux autres », l’État partie fait référence à des établissements d’enseignement qui différencient les personnes handicapées des autres personnes, et, par voie de conséquence, il établit l’existence de structures éducatives où la ségrégation et la discrimination des personnes handicapées sont la règle. L’auteure estime qu’en s’exprimant ainsi, l’État partie l’invitait à s’inscrire dans une école pour personnes handicapées, plutôt qu’à l’École d’art de l’État de Morelos, qui était un établissement d’enseignement ordinaire. Elle considère que cela revient à nier les droits des personnes handicapées à l’inclusion sociale, à la participation pleine et concrète à la vie de la société, à l’égalité des chances et à l’accès aux établissements d’enseignement, en violation des principes de la Convention.

7.3L’auteure prend note qu’aux dires de l’État partie, les candidats à l’entrée en licence d’arts visuels doivent prouver qu’ils sont parfaitement capables de comprendre des textes, d’exprimer des idées et de communiquer oralement, et qu’elle-même n’y était pas parvenue parce qu’elle avait des difficultés de compréhension des concepts abstraits et de mémorisation verbale. Elle considère que, par cette affirmation, l’État partie a admis que l’examen d’entrée ne répondait pas aux exigences d’accessibilité et d’aménagements raisonnables.

7.4L’auteure accepte l’idée que l’admission en licence soit subordonnée au respect de certaines conditions et exigences. Cependant, avant de s’assurer du respect de celles-ci, il aurait fallu garantir l’accessibilité et les aménagements raisonnables qui étaient pour elle le seul moyen d’exercer son droit à l’éducation et l’unique gage d’une évaluation dans des conditions d’égalité.

7.5L’auteure réaffirme que sa difficulté à comprendre certains concepts à cause de son handicap intellectuel n’aurait pas dû motiver son exclusion de l’enseignement supérieur. Il est évident qu’en limitant les chances qu’elle avait d’être admise en licence au vu de ses problèmes de communication et de compréhension, l’État partie a indûment subordonné l’admission de l’auteure à la mesure de ses potentialités. L’auteure aurait dû être évaluée avec une certaine souplesse, il n’aurait pas dû être attendu d’elle qu’elle se fonde dans un système d’évaluation standard. Les règles d’admission en licence auraient dû faire l’objet d’aménagements raisonnables en fonction des besoins de l’auteure, sans qu’il en résulte une charge excessive pour l’École d’art de l’État de Morelos. Par exemple, les notes obtenues par l’auteure auraient pu être pondérées au regard de ses capacités, et non établies selon les mêmes critères que pour les personnes n’ayant pas un handicap intellectuel. Une autre option aurait été de permettre à l’auteure d’être accompagnée par un psychologue ou un spécialiste en communication qui lui aurait rendu les épreuves de l’examen plus compréhensibles.

7.6L’auteure fait observer que l’École d’art de l’État de Morelos savait qu’elle avait un handicap intellectuel et des déficits cognitifs et linguistiques, puisqu’elle avait déjà suivi des cours dans cet établissement, et, par voie de conséquence, qu’elle était manifestement désavantagée par rapport aux autres candidats à l’entrée en licence. En outre, l’auteure considère que l’État partie a confirmé implicitement ce que le recteur leur avait dit, à elle et à sa mère, à savoir qu’aucun budget n’était prévu pour l’admission de personnes handicapées, que les programmes d’études n’étaient pas conçus pour les personnes handicapées et que tous les candidats étaient évalués selon les mêmes critères par souci d’équité.

7.7L’auteure soutient que, contrairement à ce que l’État partie affirme, elle n’a cessé de souligner que le non-respect des exigences d’accessibilité avant l’examen d’entrée et le défaut d’aménagements raisonnables pendant les épreuves étaient, en soi, des obstacles qui l’empêchaient de participer à l’examen d’entrée en licence dans des conditions d’égalité avec les autres.

7.8Quant au fait que, selon l’État partie, elle aurait disposé du temps nécessaire et prouvé qu’elle était capable de passer les épreuves toute seule, l’auteure estime qu’il s’agit de pures conjectures, subjectives et sans fondement. Seule une personne spécialisée dans la prise en charge de personnes handicapées pourrait déterminer si le temps qui lui a été imparti était suffisant pour elle compte tenu de son handicap intellectuel, si des facteurs extérieurs ont perturbé sa concentration pendant les épreuves, si elle aurait eu besoin de l’aide d’un tiers ou si elle était capable de passer les épreuves toute seule. L’État partie n’ayant fourni aucun élément à l’appui de ses affirmations, celles-ci ne sauraient être prises en considération. En outre, en avançant de tels arguments, l’État partie ne tient pas compte du fait que l’auteure, en raison de son handicap intellectuel, ne jouit pas de ses pleines capacités cognitives, ce qui influe sur sa perception, voire sa concentration.

7.9De même, l’auteure estime que l’État partie n’a pas étayé l’affirmation selon laquelle les examinateurs auraient dû faire preuve de souplesse au moment de noter son travail. Au contraire, dans ses observations, l’État partie souligne que l’auteure n’avait reçu aucune forme d’assistance pour l’examen et avait été évaluée exactement de la même façon que les autres candidats, alors qu’une distinction aurait dû être faite à son égard au moyen d’aménagements raisonnables.

7.10L’auteure conteste l’affirmation de l’État partie selon laquelle elle n’a pas dit avoir été victime de stéréotypes, de préjugés ou de pratiques préjudiciables pendant l’examen d’entrée en licence. Elle n’a cessé de dire que le défaut d’accessibilité et d’aménagements raisonnables avait été la cause de son exclusion du système d’enseignement supérieur. D’évidence, ces faits sont constitutifs de pratiques préjudiciables. L’auteure admet qu’elle n’a pas dit expressément avoir été victime de stéréotypes et de préjugés fondés sur son handicap. Cependant, le fait que l’État partie oppose de façon répétée les difficultés de compréhension des concepts abstraits et de mémorisation verbale que présente l’auteure et les compétences requises des candidats à l’entrée en licence démontre que l’auteure a bien été la victime de préjugés et de stéréotypes. De manière délibérée, il a été décidé qu’en raison de son handicap, l’auteure ne satisfaisait pas aux critères d’admission en licence, sans que sa situation individuelle fasse l’objet d’une évaluation qui aurait permis d’analyser, de reconnaître et de développer ses capacités. De plus, l’État partie adopte une vision stéréotypée et préconçue en affirmant que l’auteure, en tant que personne handicapée, n’est pas capable d’écrire, de présenter et de défendre des projets, de monter des œuvres et de créer des projets complexes − en cela, il ne fait que confirmer la discrimination dont celle-ci fait l’objet.

7.11De même, l’auteure considère que l’État partie se fonde sur des appréciations subjectives sans apporter nul élément à l’appui de ses dires lorsqu’il affirme de manière catégorique qu’elle a échoué à l’examen d’entrée en licence parce qu’elle ne s’y était pas bien préparée. D’évidence, l’État partie estime que les personnes handicapées ne se préparent pas aux examens et sont donc seules responsables de leur échec, et ne tient pas compte du défaut d’accessibilité et d’aménagements raisonnables qui les prive de toute chance de réussite. En cela, l’État partie contredit une nouvelle fois son assertion précédente selon laquelle les difficultés de compréhension des concepts abstraits et de mémorisation verbale de l’auteure étaient incompatibles avec les compétences requises des candidats à l’entrée en licence.

7.12Enfin, l’auteure fait observer que l’État partie ne donne aucun élément à l’appui de l’affirmation selon laquelle l’École d’art de l’État de Morelos a des enseignants ou des étudiants handicapés.

Intervention de tiers

8.1Le 12 février 2021, l’Institut technologique autonome de México est intervenu en qualité de tiers. Il fait observer que l’affaire est représentative des violations répétées des droits des personnes handicapées dans les établissements d’enseignement supérieur de l’État partie. En affirmant que, « bien qu’elle ne soit pas un établissement pour personnes handicapées, l’École d’art de l’État de Morelos fait en sorte d’offrir à celles-ci les mêmes chances qu’aux autres », l’État partie met en évidence la ségrégation des élèves handicapés. L’Institut technologique autonome de México affirme que l’État partie aurait notamment dû veiller à ce que l’École d’art de l’État de Morelos prenne des mesures administratives et normatives, forme son personnel, mette en place des protocoles et apporte des aménagements à l’examen d’entrée.

8.2Le 1er mars 2021, le Bureau du Défenseur public fédéral est intervenu en qualité de tiers. Il affirme que les faits en cause ne sont pas isolés, mais récurrents sur l’ensemble du territoire de l’État partie. Il indique qu’au Mexique, de nombreuses personnes ayant un handicap intellectuel voient leurs possibilités de développement professionnel limitées, faute d’un système élaboré selon le principe de la conception universelle ou de dispositions qui permettent l’adoption d’aménagements raisonnables propres à garantir l’accès à l’enseignement supérieur ; leurs perspectives sont ainsi réduites aux emplois non professionnels, qui sont bien moins rémunérés. Il ajoute que la Cour suprême elle-même a considéré que le modèle d’éducation spéciale établi par la loi générale sur l’éducation, qui ségréguait les personnes handicapées et créait deux systèmes éducatifs distincts, était inconstitutionnel, car il portait atteinte au droit à l’éducation inclusive consacré par l’article 24 (par. 1) de la Convention.

B.Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

9.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 2 du Protocole facultatif et à l’article 65 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

9.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions de l’article 2 (al. c)) du Protocole facultatif, qu’il n’avait pas déjà examiné la même question et que la question n’avait pas déjà été examinée ou n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

9.3Le Comité prend note que l’auteure affirme avoir épuisé tous les recours internes disponibles et utiles. En l’absence d’objection de l’État partie à cet égard, le Comité considère que les conditions requises à l’article 2 (al. d)) du Protocole facultatif sont réunies.

9.4Le Comité prend note que, selon l’État partie, la communication devrait être déclarée irrecevable au regard de l’article 2 (al. e)) du Protocole facultatif parce qu’elle était manifestement infondée. L’État partie considère que l’examen d’entrée en licence d’arts visuels auquel l’auteure a participé respectait le principe de l’égalité des chances et, par voie de conséquence, que l’auteure n’a pas été victime d’une discrimination ni d’une violation de son droit à l’enseignement supérieur. Cependant, le Comité prend aussi note des arguments de l’auteure, selon lesquels l’État partie : a) n’a pas pris les mesures qui s’imposaient pour garantir l’accessibilité de l’enseignement supérieur aux personnes ayant un handicap intellectuel, dont l’auteure faisait partie ; b) n’a pas garanti des conditions d’égalité effective pendant l’examen d’entrée en licence d’arts visuels, car l’auteure ne s’est pas vu proposer les aménagements raisonnables dont elle avait besoin en raison de son handicap intellectuel, ce qui a entravé son développement personnel et son accès à de meilleures possibilités d’emploi ; c) n’a pas garanti un recours utile à l’auteure pour obtenir réparation des violations qu’elle avait subies. Le Comité prend également note que, selon l’auteure, le traitement qui lui a été réservé par l’École d’art de l’État de Morelos porte à croire que l’État partie n’a pas pris les mesures nécessaires pour lutter contre les stéréotypes, préjugés et pratiques préjudiciables visant les personnes ayant un handicap intellectuel. Compte tenu de ce qui précède, le Comité considère que l’auteure a suffisamment étayé ses griefs aux fins de la recevabilité.

9.5Cependant, le Comité considère que les articles 1er et 2 de la Convention, en raison de leur caractère général, ne peuvent pas, en principe, être seuls invoqués dans des communications présentées en application de la Convention ; ces articles peuvent uniquement être invoqués dans des communications présentées par des particuliers en application du Protocole facultatif, en conjonction avec d’autres droits fondamentaux garantis par la Convention. Dans les circonstances de l’espèce, le Comité considère que cette partie de la communication est irrecevable au regard de l’article 2 (al. e)) du Protocole facultatif.

9.6En outre, le Comité prend note des allégations de l’auteure selon lesquelles l’État partie a violé les droits qu’elle tient de l’article 6 de la Convention, car celui-ci n’a pas pris les mesures nécessaires pour qu’elle puisse s’épanouir pleinement en tant que femme handicapée. Cependant, le Comité considère que ces allégations ne sont pas suffisamment étayées et les déclare irrecevables au regard de l’article 2 (al. e)) du Protocole facultatif.

9.7Compte tenu de ce qui précède, et en l’absence de tout autre obstacle à la recevabilité, le Comité déclare la communication recevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif en ce qui concerne les allégations de violation des articles 5 et 24 de la Convention, lus séparément et conjointement avec les articles 4, 8 et 9, et va procéder à l’examen au fond.

Examen au fond

10.1Conformément à l’article 5 du Protocole facultatif et à l’article 73 (par. 1) de son règlement intérieur, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui avaient été communiquées.

10.2En ce qui concerne les griefs que l’auteure tire des articles 5 et 24 de la Convention, lus séparément et conjointement avec les articles 4 et 9, le Comité doit déterminer si l’État partie a porté atteinte au droit de l’auteure à une éducation supérieure inclusive en omettant de lui garantir l’accessibilité de l’enseignement supérieur et de lui procurer les aménagements raisonnables que son handicap intellectuel rendait nécessaires pendant l’examen d’entrée en licence d’arts visuels − omissions qui, en outre, ont constitué une violation du droit de l’auteure à l’égalité et à la non-discrimination, et entravé le développement personnel de celle-ci et son accès à de meilleures possibilités d’emploi.

10.3En ce qui concerne le défaut présumé d’accessibilité de l’enseignement supérieur, le Comité prend note en particulier des allégations de l’auteure selon lesquelles l’État partie n’a pas pris de mesures d’ordre législatif, administratif ou autre, telles que des mesures visant à former le personnel de l’École d’art de l’État de Morelos, qui soient propres à garantir l’effectivité du droit de l’auteure à l’enseignement supérieur dans des conditions d’égalité. À cet égard, le Comité prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle l’École d’art de l’État de Morelos répond aux exigences d’accessibilité pour les personnes handicapées, que celles-ci fassent partie du corps enseignant ou des élèves, et fait en sorte de leur offrir les mêmes chances qu’aux autres. Cependant, il relève que l’État partie formule des généralités et n’a pas fourni d’informations détaillées qui prouvent que l’École d’art de l’État de Morelos satisfait effectivement aux exigences d’accessibilité pour les personnes ayant un handicap intellectuel. Il prend note de l’affirmation de l’auteure, que l’État partie n’a pas contestée, selon laquelle aucune information ou documentation établissant l’existence d’enseignants ou d’élèves handicapés à l’École d’art de l’État de Morelos n’a été fournie. Il prend note également de l’affirmation de l’auteure, que l’État partie n’a pas contestée, selon laquelle le recteur de l’École d’art de l’État de Morelos aurait dit à l’auteure qu’aucun budget n’était prévu pour l’admission de personnes ayant un handicap intellectuel et que les programmes d’études n’étaient pas conçus pour des personnes dans sa situation. Enfin, le Comité constate que l’État partie n’a communiqué aucune information sur les autres mesures qui auraient été prises afin de garantir l’accessibilité de l’enseignement supérieur aux personnes qui, comme l’auteure, ont un handicap intellectuel.

10.4Le Comité rappelle que « [c]onformément au paragraphe 1 de l’article 24 de la Convention, les États parties doivent faire en sorte que les personnes handicapées exercent leur droit à l’éducation, grâce à un système éducatif qui pourvoie à l’inclusion de tous les élèves, notamment de ceux qui présentent un handicap, à tous les niveaux d’enseignement, y compris aux niveaux primaire, secondaire et tertiaire, dans la formation professionnelle et la formation permanente, dans les activités extrascolaires et sociales, sans discrimination et sur la base de l’égalité avec les autres ». Il rappelle aussi que « [c]onformément à l’article 9 de la Convention et à l’observation générale no 2 (2014) du Comité sur l’accessibilité, les établissements d’enseignement et les programmes éducatifs doivent être accessibles à tous, sans discrimination. Le système éducatif doit être accessible dans son intégralité, ce qui inclut les bâtiments, les outils d’information et de communication […], les programmes d’études, les supports pédagogiques, les méthodes d’enseignement, les évaluations, les services linguistiques et les mesures d’accompagnement ». Il rappelle également que « [l’]accessibilité concerne les groupes, alors que les aménagements raisonnables concernent les individus. Cela signifie que l’obligation de garantir l’accessibilité est une obligation ex ante. Les États parties ont donc l’obligation d’assurer l’accessibilité avant que l’individu ne demande à entrer dans un espace ou à utiliser un service ».

10.5Le Comité prend note de l’affirmation des tiers-intervenants selon laquelle les violations présumées en l’espèce ne sont pas isolées, mais représentatives des difficultés que rencontrent les personnes ayant un handicap intellectuel dans leur accès à une éducation supérieure inclusive dans l’État partie. Le Comité rappelle que, dans ses dernières observations finales en date concernant l’État partie, il s’est déclaré préoccupé par le maintien d’une éducation spéciale, l’absence de stratégie d’éducation inclusive qui tienne compte de tous les enfants handicapés et s’applique à tous les niveaux de l’État partie, l’exclusion généralisée des femmes et filles handicapées des établissements d’enseignement − de l’enseignement préscolaire à l’enseignement supérieur − en raison notamment de leur handicap et de leur sexe, du manque d’accessibilité et de l’absence d’aménagements raisonnables, et d’une connaissance insuffisante des besoins des élèves handicapées.

10.6Pour les raisons exposées, et à la lumière des informations versées au dossier, le Comité considère que l’État partie n’a pas démontré qu’il avait pris les mesures législatives, administratives et d’autre nature qui s’imposaient − notamment en faveur des aménagements raisonnables et de la formation professionnelle dans les établissements d’enseignement supérieur − pour que l’auteure, en tant que personne ayant un handicap intellectuel, ait accès à une éducation supérieure inclusive, en particulier à la licence d’arts visuels de l’École d’art de l’État de Morelos, y compris aux épreuves d’admission, aux outils d’information et de communication, aux programmes d’études, aux supports pédagogiques, aux méthodes d’enseignement, aux évaluations et aux mesures d’accompagnement, dans des conditions d’égalité et sans discrimination, comme l’exigent les articles 5 et 24 de la Convention, lus séparément et conjointement avec les articles 4 et 9.

10.7En ce qui concerne le défaut présumé d’aménagements raisonnables pendant l’examen d’entrée en licence d’arts visuels, le Comité prend note que l’État partie considère qu’il n’a pas violé les droits de l’auteure à l’enseignement supérieur ni ne lui a fait subir une discrimination fondée sur le handicap, car l’échec de l’auteure à l’examen d’entrée ne résultait pas d’une discrimination à son endroit, mais du fait qu’elle n’avait pas réussi les épreuves de sélection que tous les candidats avaient passées dans des conditions d’égalité. Le Comité prend aussi note que l’État partie considère que l’auteure a disposé d’un temps suffisant pour passer les épreuves et prouvé qu’elle pouvait les passer toute seule, et qu’elle aurait dû mieux se préparer. Il prend également note que, selon l’État partie, les élèves en licence d’arts visuels doivent posséder certaines compétences, par exemple savoir comprendre et analyser des textes et créer des projets complexes, et doivent montrer qu’ils sont parfaitement capables de comprendre des textes, d’exprimer des idées et de communiquer oralement, ce dont l’auteure n’avait pas fait la preuve pendant les épreuves de sélection. En outre, le Comité relève que l’État partie se fonde sur le diagnostic posé par le centre de réadaptation pédiatrique de Cuernavaca, selon lequel l’auteure a des difficultés de compréhension des concepts abstraits et de mémorisation verbale, pour établir que l’auteure présente un profil incompatible avec les compétences requises des candidats à l’entrée en licence d’arts visuels. À cet égard, le Comité prend note des arguments de l’auteure selon lesquels : a) bien que son handicap intellectuel fût connu, parce qu’elle avait suivi d’autres cours à l’École d’art de l’État de Morelos par le passé, elle n’a pas bénéficié des aménagements raisonnables dont elle avait besoin en tant que personne ayant un handicap intellectuel pendant l’examen d’entrée en licence ; b) le défaut d’aménagements raisonnables était constitutif de discrimination, car l’auteure n’a pas pu participer aux épreuves de sélection dans des conditions d’égalité effective avec les autres candidats, ce qui a eu pour résultat de l’exclure du système d’enseignement supérieur ; c) en limitant les chances qu’elle avait d’être admise en licence en raison de ses problèmes de compréhension, l’on a indûment subordonné l’admission de l’auteure à la mesure de ses potentialités ; d) les affirmations de l’État partie selon lesquelles l’auteure a disposé d’un temps suffisant pour passer les épreuves et prouvé qu’elle pouvait les passer toute seule, et aurait dû mieux se préparer, sont subjectives, ne tiennent pas compte du handicap intellectuel de l’auteure et contredisent l’assertion de l’État partie selon laquelle l’auteure n’avait pas les compétences requises pour entrer en licence à cause de ses difficultés de compréhension des concepts abstraits et de mémorisation verbale ; e) l’auteure n’a pas disposé de recours utiles pour obtenir réparation des atteintes portées à ses droits, car son recours en amparo a été rejeté sans que le tribunal se prononce sur ses allégations de défaut d’aménagements raisonnables.

10.8Le Comité rappelle que l’article 5 de la Convention met à la charge des États parties l’obligation générale de respecter les principes d’égalité et de non-discrimination à l’égard des personnes handicapées. Il rappelle aussi que, selon ce même article, le refus d’aménagement raisonnable est une forme de discrimination prohibée. Il rappelle également que les aménagements raisonnables constituent une obligation ex nunc, c’est-à-dire que l’obligation de procéder à des aménagements raisonnables doit être respectée dès le moment où une personne handicapée doit accéder à des situations ou des environnements non accessibles, ou veut exercer ses droits. À cette fin, il faut que le garant des droits entame un dialogue avec la personne handicapée. L’obligation de procéder à des aménagements raisonnables ne se limite pas aux situations dans lesquelles une personne handicapée a demandé un aménagement ou dans lesquelles il est possible de démontrer que le garant des droits en question savait que la personne avait un handicap. Elle s’applique aussi lorsque le possible garant des droits aurait dû se rendre compte que la personne concernée avait un handicap tel qu’il était tenu de procéder à des aménagements raisonnables pour que celle-ci puisse surmonter les obstacles à l’exercice de ses droits.

10.9En outre, le Comité rappelle que, selon le paragraphe 5 de l’article 24 de la Convention, « [l]es États parties veillent à ce que les personnes handicapées puissent avoir accès, sans discrimination et sur la base de l’égalité avec les autres, à l’enseignement tertiaire général, à la formation professionnelle, à l’enseignement pour adultes et à la formation continue. À cette fin, ils veillent à ce que des aménagements raisonnables soient apportés en faveur des personnes handicapées ». Il rappelle aussi qu’« [a]ux fins de l’alinéa a) du paragraphe 2 de l’article 24 de la Convention, les personnes handicapées ne sauraient être exclues du système d’enseignement général, notamment par la voie de dispositions législatives ou réglementaires qui limitent leur inclusion au motif de leur handicap ou du degré de leur handicap, par exemple, en faisant dépendre leur inclusion de la mesure de leurs potentialités ou en permettant d’arguer de contraintes excessives et injustifiées pour se soustraire à l’obligation de procéder à des aménagements raisonnables. […] Une exclusion indirecte consisterait à subordonner la scolarisation à la réussite d’un concours commun d’entrée, sans procéder à des aménagements raisonnables ni proposer des mesures d’accompagnement ». « Les systèmes d’évaluation normalisés, notamment les examens d’entrée qui − directement ou indirectement − excluent les élèves handicapés, sont discriminatoires et contraires aux articles 5 et 24 ».

10.10Le Comité rappelle enfin que les États parties sont tenus de « [m]ettre en place des voies de recours accessibles et utiles et [de] garantir aux victimes de discrimination fondée sur le handicap l’accès à la justice, dans des conditions d’égalité avec les autres. Cela suppose de garantir l’accès de toutes les personnes handicapées aux procédures judiciaires et/ou administratives, y compris à des mécanismes de plainte efficaces et accessibles et − le cas échéant, et sous réserve d’un examen légal des ressources de la personne et du bien-fondé de sa demande − à des services d’aide juridictionnelle de qualité, appropriés et à un prix abordable ».

10.11Le Comité considère que, si des critères s’imposent pour évaluer les connaissances et aptitudes nécessaires à l’entrée dans l’enseignement supérieur, ceux-ci doivent tenir compte des besoins particuliers des personnes handicapées. En l’espèce, le Comité note que l’École d’art de l’État de Morelos, qui savait que l’auteure avait un handicap intellectuel, n’a pas pris contact avec elle, lorsqu’elle a présenté sa candidature à l’examen d’entrée en licence d’arts visuels, afin de déterminer quels aménagements raisonnables devraient être prévus pendant les épreuves de sélection communes à tous les candidats − par exemple, lui accorder plus de temps ou lui fournir l’assistance d’un professionnel qui se serait assuré qu’elle comprenait bien ce qui était demandé. En conséquence, le Comité estime que, faute d’avoir procédé aux aménagements raisonnables nécessaires pendant l’examen d’entrée, l’État partie n’a pas garanti la participation de l’auteure dans des conditions d’égalité avec les autres candidats, qui n’avaient aucun handicap, ce qui a exclu celle-ci de l’enseignement supérieur. En outre, le Comité estime que l’auteure n’a pas eu accès à un recours utile pour obtenir réparation. Compte tenu de ce qui précède, le Comité considère que l’État partie a violé les droits que l’auteure tient des articles 5 et 24 de la Convention, lus séparément et conjointement avec les articles 4 et 9.

10.12Enfin, le Comité prend note des affirmations de l’auteure selon lesquelles les violations de ses droits découlant du manque d’accessibilité de l’enseignement supérieur et du défaut d’aménagements raisonnables pendant l’examen d’entrée en licence d’arts visuels montrent que l’État partie n’a pas rempli son obligation de lutter contre les stéréotypes, les préjugés et les pratiques préjudiciables visant les personnes handicapées dans tous les domaines, en particulier dans celui de l’éducation, ce qui est contraire à l’article 8 de la Convention. À cet égard, il prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle l’auteure n’aurait pas dit avoir été victime de stéréotypes, de préjugés ou de pratiques préjudiciables pendant l’examen d’entrée en licence. Cependant, il prend aussi note que l’auteure considère que le simple fait qu’elle ait été jugée comme ne satisfaisant pas aux critères d’admission en licence à cause de ses difficultés de compréhension et de mémorisation verbale, sans que l’on reconnaisse ni cherche à développer ses capacités et sans que l’on procède à des aménagements raisonnables, est la preuve qu’elle a été victime de préjugés et de stéréotypes en raison de son handicap, même si elle ne l’a pas dénoncé expressément. Le Comité prend également note que l’auteure considère que l’État partie a fait preuve d’une vision stéréotypée et préconçue en affirmant qu’en tant que personne handicapée, elle n’était pas capable de présenter et de réaliser des projets complexes. En outre, il relève que l’État partie n’a fourni aucune information sur les mesures qu’il a prises pour lutter contre les stéréotypes, les préjugés et les pratiques préjudiciables visant les personnes ayant un handicap intellectuel dans le domaine éducatif. Compte tenu de ce qui précède, le Comité considère que l’État partie n’a pas rempli les obligations mises à sa charge par l’article 24 de la Convention, lu séparément et conjointement avec les articles 4 et 8.

10.13Le Comité rappelle qu’en application de l’article 4 de la Convention, les États parties ont l’obligation générale de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour garantir et promouvoir le plein exercice de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales des personnes handicapées. En conséquence, et au vu des arguments exposés dans les paragraphes précédents, le Comité conclut que l’État partie n’a pas assumé les obligations mises à sa charge par les articles 5 et 24 de la Convention, lus séparément et conjointement avec les articles 4, 8 et 9.

C.Conclusions et recommandations

11.Le Comité, agissant en vertu de l’article 5 du Protocole facultatif, considère que l’État partie a manqué aux obligations qui lui incombent au titre des articles 5 et 24 de la Convention, lus conjointement avec les articles 4, 8 et 9. En conséquence, le Comité adresse à l’État partie les recommandations suivantes :

a)S’agissant de l’auteure, l’État partie a pour obligation :

i)De lui accorder une réparation effective, y compris le remboursement de tous les frais de justice qu’elle aurait pu avoir à supporter, et une indemnisation suffisante au regard du dommage subi, en tenant compte des débouchés professionnels dont elle a été privée parce que son droit à l’enseignement supérieur n’a pas été garanti ;

ii)Si l’auteure le souhaite toujours, de lui permettre d’exercer son droit à l’enseignement supérieur en garantissant l’accessibilité de l’examen d’admission dans l’établissement d’enseignement de son choix, y compris par la réalisation des aménagements raisonnables nécessaires ;

iii)De reconnaître publiquement, en accord avec les présentes constatations, la violation du droit de l’auteure à une éducation supérieure inclusive ;

iv)De publier les présentes constatations et de les diffuser largement, sous des formes accessibles, auprès de tous les secteurs de la population ;

b)D’une manière générale : l’État partie est tenu de prendre des mesures pour empêcher que des violations analogues se produisent à l’avenir. À cet égard, le Comité renvoie aux recommandations qu’il a formulées dans ses observations finales et demande en particulier à l’État partie, en étroite concertation avec les personnes handicapées et les organisations qui les représentent, de :

i)Faire figurer, dans sa législation et ses politiques, la mise en place d’un système d’éducation inclusive à tous les niveaux − enseignement primaire, enseignement secondaire, enseignement tertiaire et formation professionnelle − qui prévoit des mesures d’accompagnement, l’apport d’aménagements raisonnables, un financement suffisant et la formation du personnel enseignant. L’État partie doit se doter d’indicateurs pour surveiller l’application des mesures adoptées ;

ii)Mettre en place des mécanismes de plainte et des moyens de recours indépendants, efficaces, accessibles, transparents, sûrs et applicables aux cas de violation du droit à l’éducation ; veiller à la formation des professionnels de la justice ; faire en sorte que les informations relatives au droit à l’éducation et aux moyens de recours en cas de déni ou de violation de ce droit soient publiées et largement diffusées auprès des personnes handicapées, avec le concours des organisations qui les représentent ;

iii)Mettre en garde et lutter contre les stéréotypes, les préjugés et les pratiques préjudiciables visant les personnes handicapées, en accordant une attention particulière aux pratiques visant les femmes et filles handicapées, les personnes ayant un handicap intellectuel et les personnes ayant besoin d’un accompagnement poussé.

12.Conformément à l’article 5 du Protocole facultatif et à l’article 75 du règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à soumettre au Comité, dans un délai de six mois, une réponse écrite, dans laquelle il indiquera toute mesure qu’il aura prise à la lumière des présentes constatations et recommandations du Comité.