Nations Unies

CAT/C/SEN/3

Convention contrela torture et autres peinesou traitements cruels,inhumains ou dégradants

Distr. générale

5 octobre 2011

Original: français

Comité contre la torture

Examen des rapports présentés par les états parties en application de l’article 19 de la Convention

Troisième rapport périodique attendu en 1996

Sénégal*,**

[9 février 2011]

Table des matières

ParagraphesPage

Première partieIntroduction générale1−783

I.Aperçu sur les données factuelles et statistiques générales2−283

A.Caractéristiques démographiques, économiques, sociales et culturelles2−213

B.Structure constitutionnelle, politique et juridique22−287

II.Cadre général de la protection des droits de l’homme29−518

A.Acceptation des normes internationales relatives aux droits de l’hommeà l’échelon national29−338

B.Cadre juridique général de protection et de promotion des droitsde l’homme à l’échelon national34−4710

C.Rôle du processus de présentation des rapports dans la promotiondes droits de l’homme à l’échelon national48−5112

III.Mise en œuvre des dispositions de fond relatives aux droits de l’hommecommunes à tous les instruments internationaux ou à plusieurs52−7812

A.Non-discrimination et égalité52−6012

B.Recours effectifs et garanties de procédure61−7213

C.Participation à la vie publique73−7815

Deuxième partieMise en œuvre de la Convention79−28416

I.Renseignements sur les nouvelles mesures prises et faits nouveaux touchantl’application de la Convention79−17616

A.Mesures relatives à l’application des dispositions des articles 1 à 16de la Convention84−16416

B.Cas d’allégations de torture soumis aux autorités judiciaires165−17625

1.L’affaire Dominique Lopy167−17226

2.L’affaire Alioune Badara Diop173−17626

II.Mise en œuvre des conclusions et recommandations du Comité177−28427

A.Respect des conclusions et recommandations du Comité178−23427

B.Respect de la décision du Comite suite à la communication n° 181/2001235−28436

Première partieIntroduction générale

1.L’État du Sénégal a l’honneur de soumettre, conformément à l’article 19 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ses 3èmes, 4ème, 5ème et 6èmerapports regroupés en un seul document. Ladite Convention adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 10 décembre 1984 a été ratifiée par le Sénégal le 26 août 1986.

I.Aperçu sur les données factuelles et statistiques générales

A.Caractéristiques démographiques, économiques, sociales et culturelles

2.Le Sénégal se situe à l’avancée la plus occidentale du continent africain dans l’Océan Atlantique, au confluent de l’Europe, de l’Afrique et des Amériques, et à un carrefour de grandes routes maritimes et aériennes.D’une superficie d’environ 196 722 km2, il est limité au nord par la Mauritanie, à l’est par le Mali, au sud par la Guinée et la Guinée Bissau, à l’ouest par la Gambie, et par l’Océan Atlantique sur une façade de plus de 500 km. Dakar, la capitale, dont la superficie est de 550 km2, est une presqu’île située à l’extrême Ouest du pays. Le climat est de type soudano-sahélien. Il est caractérisé par l’alternance d’une saison sèche allant de novembre à mai et d’une saison des pluies allant de juin à octobre.

3.La population sénégalaise, selon les dernières projections (issues du Recensement général de la population en 2002) compte 11,4 millions d’habitants soit un taux d’accroissement moyen annuel de 2,6 % et une densité moyenne de 48 habitants au km². Cette moyenne cache une répartition inégale de la population, avec une opposition entre le sous-peuplement de l’Est (avec des densités de l’ordre de 1 à 5 habitants au km2), et une forte concentration sur la côte (la densité de la région de Dakar dépasse les 4 000 habitants au km2). Plus de 25 % de la population est concentrée dans la région de Dakar. L’autre pôle de concentration est le centre du pays les régions de Fatick, Kaffrine et Kaolack, qui est le bassin arachidier avec plus de 35 % de la population. L’Est du pays est très faiblement peuplé.

4.Les femmes représentent 52 % de la population. Les étrangers représentent environ 2 %. Ces derniers sont surtout présents dans la capitale Dakar et s’activent dans le commerce, l’industrie, les services et les organismes internationaux. Les religions pratiquées sont l’Islam, le Christianisme et l’animisme (musulmans 94 %, chrétiens 5 %, et animistes 1 %).

5.L’examen de la structure par âge révèle la jeunesse de la population: la moyenne d’âge est de 22 ans et 42,7 % de la population ont moins de 15 ans. La population potentiellement active (15 à 64 ans) représente 53,8 % et celle des personnes âgées (65 ans et plus) 3,6 %. S’agissant de la population scolarisable, c’est-à-dire celle âgée de 7 à 12 ans, elle représente 17 % de la population totale dont les 2/3 vivent en milieu rural.

6.Par ailleurs, la population sénégalaise présente une forte diversité ethnique. Elle compte une vingtaine d’ethnies dont les principales sont les Wolofs (43 % de la population), les Pulaars (24 %) et les Sérères (15 %). Les autres groupes sont constitués de populations vivant dans des zones du Sud du pays, notamment dans la région naturelle de la Casamance. Ce sont les Diolas qui en constituent la communauté la plus importante, les Mandingues et les Bambaras qui constituent de petites communautés dans les régions périphériques proches du Mali ou de la Guinée. D’autres minorités ethniques habitent dans les montagnes du Sud-Est, tels les Bassari dans les contreforts du Fouta-Djalon.

7.Cette diversité ethnique est accompagnée par un dynamisme culturel alimenté par des traditions séculaires propres à chaque groupe. Le Gouvernement depuis l’accession du pays à la souveraineté internationale a toujours mené des politiques de valorisation des cultures traditionnelles authentiques et positives et de développement des langues nationales au même titre que la langue officielle du pays, le français. Les mariages interethniques, la cohabitation pacifique des communautés religieuses et les traditions de «cousinage à plaisanterie», constituent autant de valeurs garantissant une cohésion de la nation sénégalaise.

8.Au point de vue de l’organisation administrative, le Sénégal compte 14 régions et 45 départements. En effet, en 2008, après la création de la 11ème région (Matam), les anciens départements de Kédougou, Kaffrine et Sédhiou ont été érigés en région. Les Départements (circonscriptions administratives de région) sont subdivisés en arrondissements.

9.Par ailleurs, le code des collectivités locales (loi 96-06 du 22 mars 1996 texte de base) a renforcé d’avantage l’autonomie des structures décentralisées en transférant des compétences importantes aux élus locaux. Les régions sont devenues des structures décentralisées administrées par un Président et des conseillers régionaux élus. Les grandes villes sont subdivisées en communes d’arrondissements (43 au total dont 19 à Dakar). Les villes les plus modestes comptent également des communes au nombre de 150. Les communes sont administrées par des maires et des conseillers municipaux élus. Dans les zones rurales, les structures décentralisées sont des communautés rurales au nombre 340 administrées par des présidents et des conseillers ruraux, tous élus au niveau local.

10.Au plan économique, en 2004, selon des sources indépendantes, le produit national brut (PNB) s’élevait à 7,2 milliards de dollars, soit un revenu moyen par habitant de 700 dollars. À la suite d’un ambitieux programme de réformes structurelles lancé en 1994, l’économie sénégalaise est entrée dans une phase de croissance vigoureuse (5 p. 100 de croissance annuelle du produit intérieur brut (PIB) pour la période 1995-2006), portée à partir des années 2000 par le bâtiment, le commerce, les transports et les télécommunications. Si ce programme a permis d’améliorer la situation des finances publiques et la stabilité monétaire, il n’a pas cependant permis de réduire la pauvreté de manière significative (plus de la moitié des Sénégalais vivent en dessous du seuil de pauvreté) et de faire diminuer un chômage touchant 40 à 50 p. 100 de la population, en particulier chez les jeunes.

11.Devant cette politique économique dépendante des performances de la production agricole, le Président Abdoulaye Wade a engagé en 2005 le pays dans une «stratégie de croissance accélérée» visant à le hisser au rang de pays émergent et reposant notamment sur la modernisation de l’agriculture et le développement de l’industrie agroalimentaire. Le plan de Retour vers l’agriculture (REVA) encourageant les jeunes et particulièrement les émigrés et les victimes de la migration clandestine à développer des projets agricoles et la Grande Offensive Agricole pour la Nourriture et l’Abondance (GOANA) entamée au cours de l’année 2008 pour répondre à la crise alimentaire témoignent de la volonté politique de l’État de faire de l’agriculture un levier important du développement économique et social. Le Budget de l’État est estimé pour l’année 2009 à hauteur de 1 800 milliards de FCFA.

12.Le secteur tertiaire (tourisme, télé services), l’industrie textile et l’habillement ainsi que les produits de la mer ont connu des développements importants. Il a également lancé de «grands projets» destinés à combler le déficit d’infrastructures entravant le développement du pays (construction d’infrastructures routières modernes à Dakar et à l’intérieur du pays, nouvel aéroport international à Ndiass, autoroute entre Dakar et Thiès pour décongestionner Dakar, projet de construction d’un port minéralier à Bargny, modernisation du réseau ferroviaire, exploitation des mines de fer du Sénégal oriental, des phosphates de Matam, etc.).

13.Les secteurs prioritaires pour un développement humain durable ont également enregistré des résultats appréciables.

14.Les ressources allouées à l’éducation (du préscolaire à l’enseignement supérieur) sont passées de 35 % en 2003, à 37 % en 2004 et à 40 % en 2005. Selon la situation des indicateurs de l’Éducation 2000-2005 publiée par la Direction de la Planification et de la Réforme de l’Éducation, le ratio de 33 % du budget de fonctionnement de l’État hors services de la dette et hors dépenses communes à allouer au secteur de l’éducation n’est pas atteint de 2000 à 2004; ce n’est qu’en 2005 qu’il est atteint et même largement dépassé pour donner 40 % grâce à une politique volontariste du Président de la République. Par ailleurs, en 2004, le Gouvernement et les partenaires ont dépensé environ 52 millions de dollars EU dans l’enseignement primaire en milieu rural. Le budget de l’État représentait environ 78 % de ces dépenses. Les ménages, par le biais de leurs contributions aux associations de parents d’élèves, représentent 15 %, les bailleurs de fonds 6 % et les administrations locales 2 %. Le Gouvernement a fait des efforts considérables pour augmenter l’offre d’enseignement primaire dans les zones rurales. Au cours de la période 2000-2004, le Gouvernement a construit 7 109 nouvelles classes primaires et a réhabilité 930 autres. Au niveau national, l’enseignement moyen compte en moyenne 295 474 élèves dont 42 % sont des filles.

15.La priorité aux soins de santé primaires donnée au plan national s’est traduite par une distribution correcte des structures de santé. La couverture en postes de santé (≈ 1 poste pour 11 000 habitants), proche de l’objectif national, a été renforcée par des mesures complémentaires conformes aux recommandations de l’initiative de Bamako (réduction des coûts, amélioration de la gestion, participation des populations, rationalisation de la prescription).

16.Ces mesures ont permis l’accès gratuit ou allégé à des prestations de santé, exécutées dans le cadre de programmes et de plans d’action:

Programme Élargi de Vaccination (PEV);

Consultation prénatale (CPN);

Consultation primaire curative (CPC);

;

Programme de Prise en Charge Intégrée des Maladies de l’Enfance (PCIME);

Programme de prise en charge des épidémies;

Programme de Renforcement de la Nutrition (PRN) etc.

17.Par ailleurs, le Gouvernement accorde une priorité absolue à la lutte contre le paludisme et le VIH/SIDA compte tenu de l’impact de ces fléaux sur le développement humain. En effet, leProgramme National de Lutte contre le VIH/Sida avec une composante Orphelins et Enfants rendus Vulnérables par le VIH/SIDA (OEV), a enregistré des résultats satisfaisants. Le taux de prévalence du VIH dans la population en générale est estimé en 2005 à 0,70 % (EDS- 2005) et à 1,5 % au niveau des sites sentinelles. Le Plan d’Action National de Lutte contre le VIH/Sida a été élaboré pour 2002-2006. Un autre Plan d’Action National est en cours d’élaboration.

18.En matière de politique de sécurité sociale, l’État du Sénégal, après avoir ratifié la Convention 102 de l’OIT concernant la sécurité sociale, a mis en place un système moderne de sécurité sociale au profit des travailleurs et des membres de leur famille. La dynamique de revalorisation des prestations amorcée depuis 2000 a permis d’enregistrer de 2002 à 2008 une augmentation des pensions de 55 % en valeur nominale et de 50 % en valeur réelle et le paiement bimensuel des pensions de retraite. En ce qui concerne les prestations familiales, elles sont passées de 750 FCFA par mois à2 400 FCFApar mois et par enfant en charge dans le secteur public. Par ailleurs, dans le secteur privé, le Gouvernement alloue, à travers la Caisse de Sécurité Sociale, des allocations familiales de 6 750 FCFA par trimestre et par enfant. Ces allocations bénéficient aux enfants scolarisés jusqu’à 21 ans, aux non-scolarisés jusqu’à 15 ans et aux enfants en apprentissage (y compris dans le secteur artisanal) jusqu’à 18 ans.

19.A travers son Département pour l’Action Sanitaire, Sociale et Familiale, la Caisse de Sécurité Sociale offre d’autres prestations pour les groupes vulnérables comme l’accès à faible coût aux médicaments ainsi que la récupération nutritionnelle. Le système actuel de sécurité sociale fonctionne sur des dispositifs formels de protection sociale ne prenant en compte que les travailleurs affiliés à la Caisse de Sécurité Sociale. Le Sénégal vient d’élaborer une Stratégie Nationale de Protection Sociale dont l’extension de la protection sociale aux secteurs non formels et la protection sociale des groupes vulnérables constituent des composantes essentielles.

20.Au Sénégal, la catégorie des personnes handicapées regrouperait entre 6 à 10 % de la population sénégalaise répartis comme suit: 32,76 % de handicapés moteurs; 16,60 % de handicapés visuels; 50,64 % des autres catégories, notamment les sourds-muets, albinos, malades mentaux, hanséniens (lépreux lésionnels), etc. Cette catégorie sociale, se trouvant généralement dans une situation de précarité et de dépendance, serait estimée à 10 % d’enfants parmi la population totale de personnes handicapées. Il existe des programmes et services ciblant les handicapés notamment: le Programme d’Éducation avec une dimension d’éducation intégratrice qui a permis la scolarisation de certains enfants handicapés dans les écoles publiques primaires, les institutions préscolaires (type Case des Tout Petits) avec des aménagements d’environnement physique adéquat; le Centre Talibou Dabo pour la réinsertion sociale des handicapés moteurs; le Centre Verbo-tonal pour la réinsertion sociale des sourds muets; le Centre pour enfants handicapés visuels de Thiès;

21.Pour réduire la pauvreté et soutenir les familles démunies, le Gouvernement a mis en place:

Un Fonds de Développement Social (de 2002 à 2005) qui a soutenu la réalisation de 1 172 projets pour un coût global de 10,5 milliards FCFA (dont 2 milliards pour le financement des activités de projets touchant directement les familles) avec 486.

Les Organisations Communautaires de Base (OCB) dont 300 OCB de femmes. En chiffres absolus, le nombre total de bénéficiaires est de 917 385 personnes;

Le Programme d’Appui à la Réduction de la Pauvreté (PAREP) financé entre 2003 et 2005 pour un montant de 1,3 milliards FCFA en faveur des catégories marginalisés et des groupes vulnérables (femmes, jeunes, enfants, handicapés, personnes du 3ème âge, personnes déplacées et réfugiées) à travers leurs organisations:

Le Programme de Lutte contre la Pauvreté (PLCP) pour un coût global de 15 milliards FCFA avec 75 236 bénéficiaires de micro crédits dont 80 % de femmes;

Le Fonds de Solidarité Nationale, dont les dépenses annuelles en 2004 ont été estimées à 650 millions FCFA.

B.Structure constitutionnelle, politique et juridique

22.Dès l’indépendance du Sénégal (1960), la vie politique du pays est dominée par le système de parti unique (l’Union progressiste sénégalaise (UPS)) devenu par la suite le Parti Socialiste PS), alors dirigée par Léopold Sédar Senghor. L’établissement d’institutions démocratiques et du multipartisme, entre 1970 et 1980, sera longtemps cité en exemple sur un continent où dominent les régimes autoritaires. En 1981, Abdou Diouf succède à Senghor à la présidence de la République. Élu en 1983, en 1988 et en 1993, sur fond d’accusations de fraude électorale de la part de l’opposition, il accepte sa défaite en 2000 face au rival de toujours des socialistes, Maître Abdoulaye Wade. Après quarante ans de domination du Parti socialiste, le Président Wade incarne le désir de changement au sein de la population sénégalaise et devient un exemple d’une des rares alternances politiques sur le continent africain. En janvier 2001, les électeurs sénégalais approuvent par référendum la nouvelle Constitution présentée par Abdoulaye Wade (avec plus de 90 p. 100 des suffrages). Le 25 février 2007, Abdoulaye Wade est réélu au premier tour du scrutin avec 55,9 p. 100 des suffrages, à l’issue d’un scrutin supervisé et validé par tous les observateurs internationaux.

23.L’approfondissement de la Démocratie par la réforme des institutions de la République a été également une préoccupation majeure du régime de l’alternance incarné par le Président Wade.

24.En effet, le Sénégal est devenu une démocratie majeure, régie par la Constitution du 22 janvier 2001 qui instaure un régime de type semi-présidentiel. Le pouvoir exécutif est détenu par le président de la République et par le gouvernement. Le chef de l’État est élu au suffrage universel direct (majoritaire à deux tours) pour un mandat de sept ans, renouvelable. Il détermine la politique de la nation et nomme le Premier ministre, qui est le chef du gouvernement, et les ministres, sur proposition du Premier ministre. Le gouvernement conduit et coordonne la politique de la nation.

25.Cette évolution positive et irréversible dans la construction d’un État de droit, a été accompagnée d’une réforme des institutions de la République dans le sens d’un approfondissement de la démocratie participative et d’un renforcement du système judiciaire.

26.C’est ainsi que suite à des révisions constitutionnelles intervenues en 2007 et 2008, il a été institué un Sénat introduisant un pouvoir législatif exercé par un Parlement (bicaméral) composé d’un Sénat et d’une Assemblée nationale. Dans cette même perspective, la loi n° 2008-32 du 7 août 2008 a crée un Conseil économique et social.

27.L’initiative des lois appartient au Président de la République, au Premier ministre, et aux députés. Le président de la République a le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale. Le Gouvernement est responsable devant le président et devant l’Assemblée nationale.

28.Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Le système judiciaire sénégalais s’inspire du modèle français et comprend notamment un Conseil constitutionnel et une cour suprême, et des cours et tribunaux. La Cour de sûreté de l’État, juridiction d’exception héritée de l’ancien régime, a été supprimée.

II.Cadre général de la protection des droits de l’homme

A.Acceptation des normes internationales relatives aux droits de l’homme à l’échelon national

29.En dépit des variations intervenues dans son régime politique, le système constitutionnel de l’État du Sénégal est caractérisé par une réelle continuité. Sous ce rapport, la Constitution du 22 janvier 2001 a consacré et consolidé l’héritage constitué des lignes directrices fondamentales qui guident toutes les Lois fondamentales sénégalaises, parmi lesquelles l’engagement résolu du Sénégal dans le domaine du respect et de la promotion des Droits de l’Homme, en l’occurrence dans la lutte contre la discrimination raciale. Cette volonté se manifeste aussi bien dans le Préambule de la Constitution que dans le corps de celle-ci.

30.Au niveau du Préambule de la Constitution, des dispositions appropriées ont été édictées sur la base de principes intangibles caractérisant la continuité constitutionnelle de l’État sénégalais et suivant les déclarations et engagement ci-après: «Le peuple du Sénégal souverain (…) affirme son adhésion à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et aux instruments internationaux adoptés par l’Organisation de l’Unité Africaine, (l’actuelle Union Africaine), notamment, la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes du 18 décembre 1978, la Convention relative aux Droits de l’Enfant du 20 novembre 1989 et la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 27 juin 1981». La rédaction de cette disposition usant de l’adverbe «notamment» souligne que la Constitution reste ouverte à nombre d’autres instruments relatifs aux Droits de l’Homme auxquels le Sénégal est partie.

31.En effet, les principaux instruments juridiques internationaux des droits de l’homme ont aussi été ratifiés. A titre indicatif, l’État du Sénégal a notamment ratifiée:

La Convention relative au statut des réfugiés signée à Genève le 28 juillet 1951 (date de ratification le 9 mai 1963) et sonProtocolesigné à New York le 31 janvier 1967. (date de ratification 3 octobre 1967).

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté à New York le 16 décembre 1966. (date de ratification 1978).

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels adopté à New York le 16 décembre 1966. (date de ratification 13 février 1978).

Le Protocole Facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté à New York le 16 décembre 1966 (date de ratification 13 février 1978).

La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale signée à New York le 7 mars 1966 (date de ratification 19 avril 1972).

La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes adoptée à New York le 18 décembre 1979 (date de ratification 5 février 1985).

La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée à New York le 10 décembre 1984 (date de ratification 21 août 1986).

La Convention relative aux droits de l’enfant adoptée à New York le 20 décembre 1989 (date de ratification 31 juillet 1990).

Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (date de ratification 31 octobre 2003).

Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale adopté le 17 juillet 1998 (date de ratification 2 février 1999).

La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 18 décembre 1990 dans sa résolution 45/158 entrée en vigueur le 1juillet 2003.

La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, d’autre part, le Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants et enfin, le Protocole additionnel contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, signés à Palerme, en Italie, en décembre 2000 et ratifiée le 19 septembre 2003 en vertu de la loi n° 2003-17 du 18 juillet 2003.

32.Par ailleurs, le Sénégal a ratifié des instruments juridiques africains comme la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples signée à Nairobi (Kenya) le 21 juin 1981 (date de ratification 13 août 1982), la Charte africaine sur les droits et le Bien-être de l’enfant adoptée en juillet 1990 à Addis-Abeba (date de ratification 29 septembre 1996) et le Protocole de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique (adopté à Maputo le 11 juillet 2003). Par ailleurs, les Protocoles portant respectivement création d’une Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (adopté le 10 juin 1998 et entré en vigueur le 25 janvier 2004) et d’une Cour de justice de l’Union Africaine (adopté le 11 juillet 2003) ont été ratifiés. L’État du Sénégal est activement impliqué dans le processus de fusion de ces hautes juridictions africaines par l’institution d’une Cour unique (Cour africaine de justice et des droits de l’homme);

33.Cette importante œuvre normative au plan international et régional témoigne de la volonté politique sans équivoque des pouvoirs publics sénégalais de prendre part à la protection et à la promotion des droits de l’homme.

B.Cadre juridique général de protection et de promotion des droitsde l’homme à l’échelon national

34.L’article 98 de la Constitution dispose expressément que «les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie». Par conséquent chaque instrument juridique international relatif aux droits de l’homme ratifié par le Sénégal constitue un élément de l’ordonnancement juridique interne et partie du corpus juridique national que les organes de l’État ont l’obligation d’appliquer. Plus décisivement, L’État du Sénégal a reconnu sans aucune réserve la compétence des organes de contrôle institués par les principales conventions relatives aux droits de l’homme.

35.Le titre II de la Constitution intitulé: «Des Libertés publiques et de la personne humaine, des droits économiques et sociaux et des droits collectifs»garantit l’exercice des libertés civiles et politiques sans aucune discrimination fondée notamment sur la race: liberté d’opinion, liberté d’expression, liberté de la presse, liberté d’association, liberté de manifestation. Sont aussi expressément consacrés: les libertés culturelles; les libertés religieuses; les libertés philosophiques; les libertés syndicales; le droit à l’expression et à la manifestation; la liberté d’entreprendre; le droit à l’éducation; le droit de savoir lire et écrire; le droit de propriété; le droit au travail; le droit à la santé; le droit à un environnement sain; le droit à l’information plurielle.

36.L’État du Sénégal s’est également distingué très tôt dans la création de mécanismes durables propres à accentuer la lutte contre les violations des droits de l’homme y compris la torture. La peine de mort a été abolie par la représentation nationale à la date symbolique du 10 décembre 2004.

37.A cet égard, les autorités sénégalaises ont poursuivi l’effort de consolidation institutionnelle entamée depuis l’indépendance. Cet élan a été porté très haut, au niveau institutionnel, avec la création en 2004 du Haut Commissariat aux Droits de l’Homme et à la Promotion de la Paix dont la mission de protection et de promotion de tous les droits humains est élevée au rang de priorité absolue.

38.En tant qu’institution rattachée à la Présidence de la République, le Haut Commissariat comprend:

Un guichet des Droits de l’homme qui reçoit les réclamations de toute personne, physique ou morale, ainsi que des organisations œuvrant dans le domaine des Droits de l’homme et du droit international humanitaire.

Une cellule de suivi, de documentation et de promotion des Droits de l’homme et du droit international humanitaire chargée de l’élaboration des rapports périodiques nationaux sur la situation des droits de l’homme ou consignant des réponses aux communications et interpellations adressées au Sénégal par les organes régionaux et internationaux de surveillance des droits humains et du droit international humanitaire.

Une cellule de coordination de la lutte contre la traite des personnes et des pratiques assimilées.

39.Dans le souci de compléter utilement l’action du Haut Commissariat, le Gouvernement a conservé un certain nombre de structures dont le Comité Sénégalais des Droits de l’Homme et le Médiateur de la République. Créé en 1970, à la place de la Commission nationale des Droits de l’Homme, le Comité Sénégalais des Droits de l’Homme a vu son statut renforcé. En effet, initialement régi par le décret n° 93-141 du 16 février 1993, le statut du Comité a été, quatre ans plus tard, rehaussé par une loi promulguée le 10 mars 1997. Le Comité est une structure indépendante et pluraliste dans sa composition et a principalement pour rôle:

De faire connaître les droits de l’homme par la sensibilisation;

D’attirer l’attention des pouvoirs publics sur les violations des droits de l’homme et proposer, le cas échéant, les mesures tendant à y mettre fin;

D’émettre des avis ou recommandations sur toute question relative aux Droits de l’Homme;

De présenter, annuellement, un rapport au Président de la République sur la situation des droits de l’homme au Sénégal.

40.Le Médiateur de la République, par contre, est une autorité administrative indépendante instituée par la loi n° 91-14 du11 février 1991 modifiée par la loi n° 99-04 du 29 janvier 1999. Outre ses prérogatives classiques contenues dans la loi de 1991 et reprises par la nouvelle loi, le Médiateur, généralement saisi par les particuliers, peut intervenir à titre préventif par auto-saisine, depuis la loi n° 99-04 du 29 janvier 1999. Il joue un rôle primordial d’intermédiation entre l’Administration et les citoyens qui s’estiment lésés dans leurs droits ou intérêts.

41.Au niveau du Parlement, une commission des lois et des droits de l’homme a été instituée et des réseaux parlementaires au niveau sous régional s’organisent dans le cadre de la promotion et la protection des droits de l’homme.

42.Par ailleurs, plusieurs organes de régulation ont vu le jour notamment dans le domaine de l’audiovisuel et la supervision des élections.

43.Le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA) crée par la loi n° 2006‑04 du 4 janvier 2006 a pour mission d’assurer la cohésion du secteur de l’audiovisuel et de faire respecter les règles du pluralisme, d’éthique, de déontologie, les lois et règlements en vigueur, ainsi que les cahiers de charges et les conventions régissant les médias. Cette nouvelle institution réactualise et renforce le dispositif de l’audiovisuel en vigueur au Sénégal depuis 1991 en supprimant notamment l’ancien Haut Conseil de l’Audiovisuel (HCA).

44.La Commission Électorale Nationale Autonome (CENA) crée par la loi n° 2005-07 du 11 mai 2005 veille à ce que la loi électorale soit appliquée aussi bien par les autorités administratives que par les partis politiques, les candidats et les électeurs. Elle dispose de prérogatives importantes permettant de garantir des élections libres et transparentes. La numérisation des cartes d’identification nationale et d’électeur et la publication des listes électorales notamment sur Internet facilitent d’avantage les missions de supervision des élections.

45.L’enseignement et la vulgarisation des droits de l’homme sont pris en charge sous différentes formes avec l’implication active des organisations de défense des droits de l’homme.

46.Au niveau national, en application de la Résolution 59/113B de l’Assemblée Générale des Nations Unies relatif au Plan d’Action pour la première phase (2005-2007) du Programme mondial d’éducation aux droits humains dans les systèmes d’enseignement primaire et secondaire, le Gouvernement du Sénégal par le biais du Ministère en charge de l’éducation en étroite collaboration avec les organisations de la société civile, a élaboré un curriculum de l’enseignement de base dans le domaine de l’éducation aux droits humains. Le document dudit ministère a fait l’objet de consultation au niveau national avec l’appui de partenaires au Développement en particulier l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).

47.Au niveau universitaire, l’Institut des Droits de l’Homme et de la Paix (IDHP/Université de Dakar) développe des masters professionnels et de recherche en droits humains.

C.Rôle du processus de présentation des rapports dans la promotiondes droits de l’homme à l’échelon national

48.Dans le souci constant de l’État de porter à la connaissance de la communauté internationale des rapports consensuels reflétant fidèlement les réalités sur le terrain, une longue tradition de concertation avec les acteurs de la société civile a été toujours respectée, permettant la production de documents crédibles et de qualité.

49.La consultation des acteurs non étatiques dans l’élaboration des rapports sur les droits de l’homme est obligatoire en application des dispositions de la loi du 10 mars 1997 relative au Comité Sénégalais des Droits de l’Homme. Le Comité est, en vertu des Principes de Paris sur les institutions nationales, une structure indépendante et pluraliste dans sa composition et a principalement pour rôle d’émettre des avis ou recommandations sur toute question relative aux Droits de l’Homme y compris les rapports élaborés par le Gouvernement destinés aux organes de contrôle des conventions et traités relatifs aux droits de l’homme.

50.Les avant projets de rapports élaborés par un comité technique gouvernemental regroupant le Haut Commissariat aux Droits de l’Homme et à la Promotion de la Paix et les Départements ministériels, sont obligatoirement soumis à la haute appréciation de l’Institution Nationale des Droits de l’Homme pour avis et observations. (Loi du 10 mars 1997 créant le Comité sénégalais des droits de l’homme).

51.Par la suite, une large concertation avec les acteurs de la société civile, notamment des ONG de défense des droits de l’homme parachève ce long processus offrant ainsi les garanties d’une large diffusion des rapports auprès des citoyens.

III.Mise en œuvre des dispositions de fond relatives aux droitsde l’homme communes à tous les instruments internationaux ou à plusieurs

A.Non-discrimination et égalité

52.Au niveau du texte même de la Constitution, des dispositions pertinentes sont consacrées spécifiquement à l’élimination et la condamnation sans équivoque de toutes formes de discrimination dans toutes ses formes. En effet, l’Article 1er de la Constitution dispose: «la République du Sénégal est laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion. Elle respecte toutes les croyances».

53.Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté. Aux termes de l’article 3 de la Constitution: «La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants ou par voie de référendum.»

54.L’article 4 complète cette disposition en indiquant que: «Les partis politiques et coalitions de partis politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils sont tenus de respecter la Constitution ainsi que les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. Il leur est interdit de s’identifier à une race, à une ethnie, à un sexe, à une religion, à une secte, à une langue ou à une région».

55.L’article 5 de la Constitution déclare punis par la loi «tout acte de discrimination raciale, ethnique ou religieuse, de même que tout acte de propagande régionaliste pouvant porter atteinte à la sécurité intérieure de l’État ou à l’intégrité du territoire de la République».

56.L’article 7 de la loi fondamentale proclame avec force que «Le peuple sénégalais reconnaît l’existence des droits de l’homme inviolables et inaliénables comme base de toute communauté humaine, de la paix et de la justice dans le monde. Tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Les hommes et les femmes sont égaux en droit. Il n’y a au Sénégal ni sujet, ni privilège de lieu de naissance, de personne ou de famille.»

57.Par ailleurs, plusieurs dispositions de la nouvelle Constitution consacrent expressément le droit de la femme à un traitement égal devant la loi. Ainsi, les articles 15 alinéas 2 et 19 consacrent le droit de la femme:

a)D’accéder à la possession et à la propriété de la terre;

b)D’avoir en propre son patrimoine et de gérer personnellement ses biens.

58.De plus, l’article 25 interdit «toute discrimination entre l’homme et la femme devant l’emploi, le salaire et l’impôt».

59.La parité hommes-femmes dans l’accès aux fonctions électives et politiques est devenue un principe garanti par la Constitution. En effet suite à la modification de l’article 7 de la Constitution, intervenue en novembre 2007, l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions est désormais consacré.

60. Ces dispositions ont été renforcées par l’adoption d’une loi en date du 28 mai 2010 instituant la parité absolue dans les instances totalement ou partiellement électives comme l’Assemblée nationale, le Sénat, et les conseils régionaux et municipaux.

B.Recours effectifs et garanties de procédure

61.L’aménagement judiciaire des droits de l’homme au Sénégal concerne surtout la haute juridiction constitutionnelle et les juridictions de droit commun. En effet l’article 91 de la Constitution dispose expressément que «Le pouvoir judiciaire est gardien des droits et libertés définis par la Constitution et la loi

62.Dans son œuvre créatrice de droits et obligations, le législateur, comme l’autorité administrative, peuvent bien poser des limites au contenu ou aux conditions d’exercice de dispositions légales relatives aux Droits de l’Homme.

63.Dans ces cas, le Conseil constitutionnel peut être saisi aux fins d’empêcher la promulgation ou l’application de la loi suivant deux procédures, par voie d’action et par voie d’exception:

La saisine par voie d’action: la Constitution du Sénégal donne à Monsieur le Président ou aux députés représentant 1/10è des membres de l’Assemblée Nationale, le pouvoir de saisir le Conseil constitutionnel d’un recours visant à faire contrôler la conformité d’une loi à la Constitution avant sa promulgation. Ainsi, une loi qui méconnaît des dispositions relatives aux droits humains peut être déférée devant le Conseil constitutionnel aux fins d’un tel contrôle.

La saisine par voie d’exception: le constituant a entendu «démocratiser» l’accès au Conseil constitutionnel pour un contrôle de la constitutionnalité de la loi, au moyen du mécanisme de saisine par voie d’exception. Cette saisine est en effet plus ouverte, en ce sens qu’elle est à la portée de tout justiciable qui peut, sous les conditions prévues par la loi, soulever l’exception d’inconstitutionnalité, s’il estime que la loi qui devrait être applicable à son litige ne serait pas conforme à la Constitution. Les juridictions devant lesquelles est soulevée ladite exception, seraient ainsi obligées de saisir le Conseil Constitutionnel et de surseoir à statuer jusqu’à ce que ce dernier se soit prononcé sur la question préjudicielle dont il est, ainsi, saisi.

64.Au niveau des juridictions de droit commun, cette problématique concerne plutôt les questions relatives aux Droits de l’Homme de la première génération. A ce titre, l’individu en procès bénéficie, en sus des droits reconnus à tout homme en procès, de droits prévus spécifiquement dans le procès pénal.

65.Les principes directeurs applicables au procès pénal sont notamment:

Le principe du contradictoire;

Le principe du dispositif;

Le principe du respect des droits de la défense.

66.Ainsi, la partie civile ou la personne poursuivie peut bénéficier, conformément à l’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, de ce que «sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial».

67.En outre, la personne poursuivie a droit au respect de son intégrité physique; ce qui écarte tout acte de torture dans la recherche de preuves. Un tel principe est d’ailleurs contenu dans l’article 5 de la Déclaration précitée.

68.Par ailleurs, la personne poursuivie bénéficie du droit au secret de la correspondance, des communications postales, télégraphiques et téléphoniques.

69.Le droit au respect de la vie privée est également garanti.

70.De manière générale, la personne poursuivie bénéficie de l’ensemble des prescriptions édictées dans le cadre des dispositions des conventions internationales en matière de droits de l’homme auxquelles le Sénégal est partie et celles prévues dans le titre II de la Constitution. En ce qui concerne la situation particulière de la personne détenue, celle-ci, qui a droit à la liberté et à la sécurité, peut faire contrôler la légalité de sa détention. Par ailleurs, elle doit être jugée dans les meilleurs délais.

71.S’agissant des droits spécifiques reconnus aux seules personnes poursuivies en matière pénale, celles-ci bénéficient essentiellement des deux droits fondamentaux ci-après:

La présomption d’innocence: elle est prévue notamment par l’Article 7, paragraphe 1b de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, et l’Article 11-1 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Dans le procès pénal, si l’accusation ne parvient pas à prouver qu’une personne est innocente, le prévenu jouit de la présomption d’innocence jusqu’à ce que la preuve de sa culpabilité soit administrée. Si l’accusation, qui à cette charge, ne l’honore pas, la personne poursuivie est acquittée ou relaxée.

Le respect des droits de la défense: c’est une expression générique qui comporte plusieurs aspects parmi lesquels le droit de se défendre ou d’être défendu par un conseil de son choix ou bien celui d’avoir la parole en dernier lieu, celui d’être informé des accusations dont on fait l’objet, ou encore celui d’interroger ou de faire interroger les témoins.

72.Ces principes ci-dessus spécifiés garantissent l’effectivité des dispositions de l’article 9 de la Constitution qui dispose que «Toute atteinte aux libertés et toute entrave volontaire à l’exercice d’une liberté sont punies par la loi. Nul ne peut être condamné si ce n’est en vertu d’une loi entrée en vigueur avant l’acte commis. La défense est un droit absolu dans tous les états et à tous les degrés de la procédure.»

C.Participation à la vie publique

73.La participation de tous les citoyens, sans aucune discrimination, à la vie publique, est garantie par la loi fondamentale.

74.L’article 3 de la Constitution dispose expressément que «La souveraineté nationale appartient au peuple sénégalais qui l’exerce par ses représentants ou par la voie du référendum. Aucune section du peuple, ni aucun individu, ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté. Le suffrage peut être direct ou indirect. Il est toujours universel, égal et secret. Tous les nationaux sénégalais des deux sexes, âgés de 18 ans accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques, sont électeurs dans les conditions déterminées par la loi.»

75.Comme précisé ci-dessus, les partis politiques et coalitions de partis politiques concourent à l’expression du suffrage. Le multipartisme intégral permet à chaque groupe de citoyens, sous condition de respecter les valeurs fondamentales de la république, de créer une formation politique suite à des formalités souples applicables à la déclaration d’une association. Tous les citoyens ont le droit de constituer librement des associations, des groupements économiques, culturels et sociaux ainsi que des sociétés, sous réserve de se conformer aux formalités édictées par les lois et règlements.

76.La Constitution garantit à chaque citoyen le droit d’exprimer et de diffuser librement ses opinions par la parole, la plume, l’image, la marche pacifique, pourvu que l’exercice de ses droits ne porte atteinte ni à l’honneur et à la considération d’autrui, ni à l’ordre public. (Article 10 de la Constitution).

77.La création d’un organe de presse pour l’information politique, économique, culturelle, sportive, sociale, récréative ou scientifique est libre et n’est soumise à aucune autorisation préalable. (Article 11 de la Constitution).

78.A l’échelle communautaire, les collectivités locales constituent le cadre institutionnel de la participation des citoyens à la gestion des affaires publiques. Elles s’administrent librement par des assemblées élues. (Article 102 de la constitution).

Deuxième partieMise en œuvre de la Convention

I.Renseignements sur les nouvelles mesures prises et faits nouveaux touchant l’application de la Convention

79.Des mesures législatives nouvelles importantes ont été adoptées par le Sénégal pour se conformer aux stipulations des articles 1 à 16 de la Convention contre la torture après la présentation de son dernier rapport.

80.Par ailleurs, de 1996 à 2007, deux cas d’allégations de torture qui ont retenu l’attention des autorités publiques ont été soumis aux instances judiciaires en vue d’un redressement adéquat de la violation invoquée.

81.Il convient de mentionner également la mission du Groupe de travail sur la détention arbitraire, effectuée au Sénégal, du 5 au 15 septembre 2009 et dont le rapport de la visite présenté par le Groupe de travail le mardi 9 mars 2010, au Conseil lui a été avantageux et très encourageant. A ce titre, d’autres visites de détenteurs de mandats ont été effectuées au titre de l’année 2009. Il s’agit, entre autres, de la mission du Rapporteur Spécial sur les droits de l’homme des migrants, effectuée au Sénégal, du 14 au 21 septembre 2009, de la mission du Rapporteur spécial sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants, du 20 au 30 octobre 2009 et la mission de la Commissaire chargée de la promotion et de la protection des droits de l’homme au Sénégal, de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.

82.C’est grâce à l’esprit d’ouverture du Chef de l’État et de son engagement personnel en faveur de la défense des droits humains que notre pays avait répondu favorablement aux demandes de visites exprimées par ces mécanismes d’experts indépendants.

83.Dans ce registre, le Sénégal s’est soumis lors d’un passage réussi, le 6 février 2009, à l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme qui est l’une des principales innovations introduites lors de la création du Conseil, en 2006. Dans la poursuite de cette procédure, le Gouvernement du Sénégal, dans le cadre de l’adoption du document final du Sénégal résultant de cet examen, a présenté dans la journée du 11 juin 2009 les réponses apportées par notre Gouvernement à certaines recommandations du Groupe de travail.

A.Mesures relatives à l’application des dispositions des articles 1 à 16de la Convention

Article premier de la Convention

84.L’article premier de la Convention donne une définition de la torture, qu’elle recommande aux États Parties d’inclure dans leur législation nationale.

85.La loi n° 96-15 du 28 août 1996, complétant les dispositions du Code pénal par l’insertion de l’article 295-1, reprend textuellement la définition de la torture telle que résultant de l’article premier de la Convention.

86.Ainsi, l’article 295-1 dispose que: «Constituent des tortures, les blessures, coups, violences physiques ou mentales ou autres voies de fait volontairement exercés par un agent de la fonction publique ou par toutes autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec consentement exprès ou tacite, soit dans le but d’obtenir des renseignements ou des aveux, de faire subir des représailles ou de procéder à des actes d’intimidation, soit dans un but de discrimination quelconque».

Article 2 de la Convention

Quant au prescrit du paragraphe 1er

87.La loi pénale sénégalaise (article 295-1 alinéa 3 du Code pénal) punit les actes de torture d’un emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende de 100 000 à 500 000 FCFA.

Quant au prescrit des paragraphes 2 et 3

88.La législation sénégalaise interdit de façon explicite toute possibilité de se prévaloir de circonstances exceptionnelles pour justifier des pratiques de torture. C’est ainsi que l’alinéa 4 du même texte prévoit que:

«Aucune circonstance exceptionnelle quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout acte d’exception, ne pourra être invoquée pour justifier la torture .»

89.De même, l’évocation de l’ordre en provenance des supérieurs hiérarchiques est inopérante pour justifier la torture. L’alinéa in fine de l’article 295-1 dispose expressément que: «L’ordre d’un supérieur ou d’une autorité politique ne pourra être invoqué pour justifier la torture».

90.Par ailleurs le Code pénal sénégalais prévoit d’autres dispositions dissuasives punissant sévèrement les atteintes volontaires à l’intégrité physique de la personne et notamment des personnes vulnérables.

91.En effet, avant la ratification de la Convention contre la torture, le titre 2 du livre premier du Code pénal sénégalais du 21 juin 1965, traitant des crimes et délits contre les particuliers, prévoyait et punissait à l’article 294 alinéa premier «d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 20 000 à 250 000 francs, tout individu qui, volontairement, aura causé des blessures ou porté des coups ou commis toute autre violence ou voie de fait, s’il est résulté de ces sortes de violences une maladie ou incapacité totale de travail personnel pendant plus de vingt jours». L’alinéa 2 du même texte dispose que «quand les violences ci-dessus exprimées auront été suivies de mort, mutilation, amputation ou privation de l’usage d’un membre, cécité, perte d’un œil ou d’autres infirmités permanentes, le coupable sera puni d’un emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende de 20 000 à 200 000 francs.»

92.Les articles 106, 296, 297, 298 et 299 du Code pénal prévoient et punissent les mêmes actes lorsque ceux-ci auront occasionné une incapacité inférieure à celle prévue à l’alinéa précédent, ou commis sur un ascendant, descendant ou un mineur au dessous de l’âge de 15 ans.

93.De nouvelles mesures législatives ont été adoptées pour renforcer le dispositif répressif:

La loi 2007-01 du 12 février 2007incriminant les actes deterrorisme et la loi 2007‑04 du 12 février 2007 modifiant le Code de Procédure Pénale relative à l’enquête, la poursuite et le jugement en matière de lutte contre les actes de terrorisme.

La loi n° 2007-02 du 12 février 2007 a intégré dans notre Code pénal les articles 431-1, 431-2, 431-3, 431-4 et 431-5 traitant du crime de génocide, du crime contre l’humanité, des crimes de guerre et d’autres crimes relevant du droit international tels que visés par la Convention de la Haye de 1954, celle de 1976 et 1980, qui n’étaient pas spécifiés dans notre droit répressif.

L’article 431-6 du Code pénal prévoit les auteurs des infractions visées aux articles 431-1 à 431-5, nonobstant les dispositions de l’article 4 du présent code, peuvent être jugés et condamnés en raison d’acte ou d’omission qui, au moment et au lieu où ils étaient commis, étaient tenu pour une infraction pénale d’après les principes généraux de droit reconnus par l’ensemble des nations, qu’ils aient ou non constitué une transgression du droit en vigueur à ce moment et dans ce lieu.

La loi n° 2005-02 du 25 avril 2005relative à la traite des personnes et pratiques assimilées et à la protection des victimes qui incrimine les faits de trafic d’êtres humains et d’exploitation assimilable à la servitude, y compris les faits criminels de prélèvement d’organes humains.

Article 3 de la Convention

94.A ce jour, le Sénégal n’a connu aucun cas d’expulsion, de refoulement ou d’extradition d’une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

95.La loi sénégalaise 71-77 du 28 décembre 1971 relative à l’extradition dispose qu’«en l’absence de traités, les conditions, procédure et les effets de l’extradition sont déterminés par les dispositions de la présente loi qui s’applique également aux points qui n’auraient pas été expressément réglementés par lesdits traités.»

96.Ainsi, la loi sur l’extradition donne expressément primauté au droit international, notamment, à l’article 3 de la Convention qui se trouve être une disposition «self-executing».

97.La loi 71-10 du 25 janvier 1971 relative aux conditions d’admission et de séjour des étrangers ainsi que son Décret d’application 71-860 du 28 juillet 1971 réglemente minutieusement la procédure d’expulsion des étrangers avec des voies de recours appropriées devant la Cour Suprême.

98.L’extradition est refusée si la Cour d’Appel, régulièrement saisie, s’y oppose en application du droit interne et des règles du droit international applicables en la matière.

99.Le recours en annulation a un effet suspensif. Par ailleurs, l’étranger peut librement choisir le pays où il désire se rendre.

Article 4 de la Convention

Quant au prescrit du paragraphe 1er

100.Conformément aux dispositions de l’article 295-1 précité, tous les actes de torture constituent des infractions à la loi pénale punies de peine d’emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende de 100 000 à 500 000 FCFA.

101.La tentative est punie comme le délit consommé, conformément à l’alinéa 2 de l’article susvisé.

102.De façon plus générale, l’article 2 du Code pénal sénégalais dispose que «Toute tentative de crime qui aura été manifestée par un commencement d’exécution, si elle n’a été suspendue ou si elle n’a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur, est considérée comme le crime même.»

Quant au prescrit du deuxième paragraphe

103.En droit pénal sénégalais, la complicité est régie par les articles 45 et 46 du Code pénal. Elle est toujours punissable, sauf en matière de contravention. Par conséquent, le complice d’infractions de torture est toujours punissable des mêmes pénalités que l’auteur principal, en application des dispositions du Code pénal sénégalais.

104.Comme indiqué ci-dessus dans les observations relatives à l’article 2 de la Convention, la torture constitue une infraction sévèrement punie par l’article 295-1 du Code pénal. Compte tenu de la nature des circonstances aggravantes, certains actes de violence particulièrement graves contre les personnes sont qualifiés de crime puni de la peine d’emprisonnement à perpétuité ou à temps.

105.Pour mémoire, la peine de mort est abolie au Sénégal depuis le 10 décembre 2004.

Article 5 de la Convention

Quant au prescrit de l’alinéa a du paragraphe 1er

106.Le droit pénal consacre le principe de territorialité. En effet, l’article 668 du Code de Procédure Pénale dispose que «est réputée commise sur le territoire de la République toute infraction dont un acte caractérisant un des éléments constitutifs a été accompli au Sénégal». Ainsi, toutes les infractions commises sur le territoire de la République sont punies, quelles que soient leur gravité, la nationalité de l’auteur ou de la victime. Les juridictions répressives sénégalaises restent compétentes.

107.Cette compétence territoriale comprend l’espace terrestre situé à l’intérieur des frontières, le plateau continental et la mer territoriale, ainsi que l’espace aérien.

108.En conformité avec l’article 5 de la Convention, cette compétence s’étend également aux infractions commises à bord d’un navire battant pavillon sénégalais ou commises à bord d’un aéronef immatriculé au Sénégal.

Quant au prescrit de l’alinéa b du paragraphe 1er

109.Le droit pénal sénégalais consacre le principe de personnalité active visé par cette disposition qui reprend comme critère de compétence des tribunaux internes la nationalité sénégalaise de l’auteur de l’infraction.

110.C’est ainsi que l’article 664 du Code de Procédure Pénale dispose que: «Tout citoyen sénégalais qui, en dehors du territoire de la République, s’est rendu coupable d’un fait qualifié crime puni par la loi sénégalaise, peut être poursuivi et jugé par les juridictions sénégalaises.

111.Tout citoyen sénégalais qui, en dehors du territoire de la République, s’est rendu coupable d’un fait qualifié délit par la loi sénégalaise, peut être poursuivi et jugé par les juridictions sénégalaises si le fait est puni par la législation du pays où il a été commis.»

Quant au prescrit de l’alinéa c du paragraphe 1er

112.L’adoption récente de la loi n° 2008-23 du 25 juillet 2008, portant insertion d’un article 664 bis dans le Code de Procédure Pénale a permis de consacrer la compétence fondée sur la théorie de la personnalité passive.

113.Cet article dispose ainsi qu’il suit: «Tout citoyen sénégalais, qui, hors du territoire de la république, a été victime d’un crime ou d’un délit peut saisir les juridictions sénégalaises si les faits n’ont pas donné lieu à une décision définitive sur le fond.»

Quant au prescrit du paragraphe 2

114.L’État du Sénégal a, par l’adoption de la loi n° 2007-05 du 12 février 2007 modifiant, le Code de Procédure Pénale, pris les mesures nécessaires pour établir la compétence des juridictions pénales sénégalaises pour connaître de toutes infractions de torture dans le cas où l’auteur présumé de celles-ci se trouve sur tout territoire sous sa juridiction et s’il ne fait pas l’objet d’une décision d’extradition.

115.En vertu de cette loi, tout étranger qui, hors du territoire de la République, s’est vu reprocher d’être l’auteur ou le complice des crimes visés à l’article 295-1 du Code pénal peut être poursuivi et jugé d’après les dispositions des lois sénégalaises ou applicables au Sénégal, s’il se trouve sous la juridiction du Sénégal ou si une victime réside sur le territoire de la République du Sénégal, ou si le gouvernement obtient son extradition.

Article 6 de la Convention

116.Les quatre paragraphes de l’article 6 édictent une obligation de comportement à l’égard de l’État sur le territoire duquel se trouve une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction de torture.

117.Le respect des prescriptions de l’article 6 n’implique pas nécessairement une internalisation par la prise de mesures législatives ou administratives spécifiques. Au regard de l’ordonnancement juridique sénégalais, les autorités administratives et judiciaires sénégalaises sont tenues, le cas échéant, de se conformer aux prescriptions de l’article 6.

118.Le seul cas de figure qui s’est présenté à l’État du Sénégal et qui entre dans le champ d’application de l’article 6 est relatif à l’affaire Hissène Habré. Dans cette affaire un traitement adéquat, conforme aux dispositions de la Convention et aux règles pertinentes du droit international, est en train d’être appliqué.

119.En définitive, la mise en œuvre des prescriptions de l’article 6 de la Convention ne souffre d’une quelconque difficulté.

Article 7 de la Convention

Quant au prescrit du paragraphe premier

120.Comme il est dit plus haut, le seul cas connu met en cause un individu présumé auteur d’actes de torture et vivant sur le territoire sénégalais, est relatif à l’affaire Hissène Habré, ancien Président de la République du Tchad. Dans cette affaire, l’État du Sénégal s’est engagé, conformément au mandat qui lui est donné par l’Union Africaine, à organiser un procès mené par des magistrats sénégalais, dans le respect des principes fondamentaux de droit universellement reconnus en matière de procès juste et équitable. Pour rendre possible la tenue du procès, l’État du Sénégal a procédé à des modifications importantes de ses textes constitutionnels et législatifs, mis en place des organes chargés de l’organisation du procès, commis un Cabinet d’expertise comptable et d’audit pour l’établissement d’un budget prévisionnel et inscrit dans son budget 2008 la somme de un milliard de francs CFA destinée à assurer le démarrage de l’instruction. Toutefois, l’organisation d’un tel procès, qui doit être «irréprochable et exemplaire», exige la mobilisation de moyens exceptionnels. Une contribution de la Communauté internationale s’avère indispensable. Des développements ultérieurs sont consacrés à l’affaire Habré.

121.De façon générale, l’extradition est régie au Sénégal par la loi n° 71-77 du 28 décembre 1971. L’article 5 de ladite loi énumère les cas dans lesquels l’extradition n’est pas accordée. Il en est ainsi que:

1)Lorsque l’individu, objet de la demande, est de nationalité sénégalaise, la qualité de national étant appréciée à l’époque de l’infraction pour laquelle l’extradition est requise;

2)Lorsque le crime ou le délit a un caractère politique ou lorsqu’il résulte des circonstances que l’extradition est demandée dans un but politique. En ce qui concerne les actes commis au cours d’une insurrection ou d’une guerre civile ou par l’un ou l’autre des parties engagées dans la lutte et dans l’intérêt de sa cause, ils ne pourront donner lieu à l’extradition que s’ils constituent des actes de barbaries odieuses et de vandalismes défendus suivant les lois de la guerre et seulement lorsque la guerre civile a pris fin.

3)Lorsque les crimes ou délits ont été commis au Sénégal.

4)Lorsque les crimes ou délits, quoique commis hors du Sénégal, y ont été poursuivis et jugés définitivement.

5)Lorsque, d’après les lois de l’État requérant ou celles de l’État requis, la prescription de l’action s’est trouvée acquise antérieurement à la demande de l’extradition, ou la prescription de la peine antérieurement à l’arrestation de l’individu réclamé et d’une façon toutes les fois que l’action publique sera éteinte.

Quant au prescrit du deuxième paragraphe

122.Les dispositions du Code de Procédure Pénale sénégalais s’appliquent pour tous les crimes ou délits qui relèvent de la compétence des juridictions de droit commun, sans distinction aucune selon le lieu de commission de l’infraction ou la nationalité de l’auteur des faits ou de la victime. Par conséquent, les règles de preuves sont appliquées dans la même rigueur et les décisions de justice rendues dans les mêmes conditions.

Quant au prescrit du troisième paragraphe

123.Le Code de Procédure Pénale sénégalais incorpore l’ensemble des règles résultant des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, garantissant à la personne poursuivie un traitement équitable à tous les stades de la procédure.

124.D’ailleurs, la constitution sénégalaise dispose à son article 9 alinéa 2ème que «La défense est un droit absolu dans les états et à tous les degrés de la procédure.»

125.Les dispositions du Code de Procédure Pénale citées, à titre illustratif, témoigne de l’effectivité de la mise en œuvre de l’engagement des autorités publiques sénégalaises à garantir un procès équitable à toute personne poursuivie devant les juridictions sénégalaises:

126.«Article 298: A l’audience, la présence d’un défenseur auprès de l’accusé est obligatoire. Si le défenseur choisi ou désigné conformément à l’article 257 ne se présente pas, le président en commet un d’office.

127.Article 384: La personne déférée en vertu de l’article 381 est avertie par le président qu’elle a le droit de réclamer un délai pour préparer sa défense; mention de l’avis donné par le président et de la réponse du prévenu est faite dans le jugement. Si le prévenu use de la faculté indiquée à l’alinéa précédent, le tribunal lui accorde un délai de trois jours au moins. Les dispositions du présent article sont prescrites à peine de nullité du jugement.

128.Article 404: Le prévenu qui comparait a la faculté de se faire assister par un défenseur. Le défenseur ne peut être choisi que parmi les avocats inscrits au tableau ou admis au stage. … L’assistance d’un défenseur est obligatoire quand le prévenu est atteint d’une infirmité de nature à compromettre sa défense. Dans ce cas, si le prévenu n’a pas fait choix d’un défenseur, le président en commet un d’office.»

Article 8 de la Convention

129.Même si les conventions sur l’entraide judicaire, notamment l’extradition, conclues par l’État du Sénégal avec les États tiers ne prévoient pas spécifiquement une liste d’infractions pour lesquelles l’extradition est envisageable, cela ne constitue, en aucune manière, un obstacle à ce que les auteurs d’infractions qualifiées de torture fassent l’objet d’une extradition à la demande d’un autre État.

130.L’État du Sénégal ne subordonne pas l’extradition à l’existence d’un traité. La loi n° 71-77 du 28 décembre 1971 s’applique à toutes les demandes émanant des États non liés au Sénégal par une Convention judiciaire.

131.Sauf dans les cas précédemment visés, l’extradition est toujours possible si:

a)Les faits incriminés sont qualifiés et punis de peines criminelles ou correctionnelles d’au moins deux années d’emprisonnement;

b)Les faits sont punissables par la loi sénégalaise.

Article 9 de la Convention

132.Le Sénégal accorde l’entraide judiciaire la plus large durant toutes les phases des procédures pénales relatives à la torture et ce en conformité avec tous ses traités d’entraide judiciaire.

133.Ainsi au niveau des services répressifs, le Sénégal est membre de l’Organisation internationale de la police criminelle (INTERPOL) et à cet égard entretient des relations multiples avec tous les États du monde, dans le domaine de l’échange de renseignements, des éléments de preuve dans les procédures répressives, ou d’arrestation de délinquants de toutes sortes. L’entraide judiciaire se traduit, notamment, par:

L’exécution des commissions rogatoires;

L’extradition des délinquants;

L’échange de renseignements sur l’état civil des personnes poursuivies en justice;

Les procédures d’exequatur pour l’exécution des jugements prononcés à l’étranger;

Les procédures d’exécution des peines.

Article 10 de la Convention

134.L’enseignement et l’information concernant l’interdiction de la torture occupent une bonne place dans les modules de formation dans les écoles de formation de la police, de la gendarmerie, de la douane, de la santé, des armées, des membres du personnel judiciaire et au sein des structures en charge des droits de l’homme.

135.Le Centre de Formation Judiciaire de Dakar (CFJ), établissement d’enseignement supérieur, qui a pour mission principale d’assurer la formation initiale et continue des magistrats et greffiers sénégalais, participe de façon importante au renforcement des capacités des magistrats, avocats, policiers, gendarmes et autres professionnels de la justice du Sénégal et de la sous-région ouest-africaine dans le domaine des droits de l’homme.

136.L’Institut des Droits de l’Homme et de la Paix de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar organise chaque année un Master PRO «Citoyenneté, Droits de l’Homme, Action Humanitaire» à l’occasion duquel des formations sont dispensés aux étudiants en matière de droits de l’homme, de droit international humanitaire, plus particulièrement les protections spécifiques de l’intégrité physique de la personne. Plusieurs membres des forces de sécurité ont eu à bénéficier de cette formation.

137.Le Haut Commissariat aux Droits de l’Homme et à la Promotion de la Paix, ainsi que le Comité Sénégalais des Droits de l’Homme exécutent des programmes de vulgarisation et de formation.

Article 11 de la Convention

138.Le Sénégal assure une surveillance stricte sur les procédures relatives à la détention et le traitement des personnes arrêtées, détenues ou emprisonnées. Les articles 55 et suivants du Code de Procédure Pénale confèrent aux autorités judiciaires des pouvoirs de contrôle et de sanction efficaces. Par ailleurs les règles minima de traitement des détenus ont largement inspirées le régime pénitentiaire sénégalais (décret n° 2001-362 du 4 mai 2001 relatif aux procédures d’exécution et d’aménagement des sanctions pénales).

139.La torture étant généralement le fait d’agents publics, surtout au moment des premières phases de l’enquête préliminaire, la loi sénégalaise a prévu la possibilité pour les victimes d’abus de la part d’officiers de police judiciaire, lors de la garde à vue, de saisir directement la Chambre d’Accusation de la Cour d’Appel, formation surveillant les activités de tous les officiers de police judiciaire pour constater ces abus et prendre les mesures adéquates pour les sanctionner.

140.Ce mécanisme a également une valeur préventive dans la mesure où le retrait de la qualité d’Officier de police judiciaire par la Chambre d’Accusation ôtera toute la substance aux missions de tels agents publics. Il faut rappeler qu’avant cette réforme, seul le Procureur Général près la Cour d’Appel pouvait saisir la Chambre d’Accusation de tels abus.

141.Dans le sens de respecter ses engagements internationaux, notamment ceux contenus dans le Protocole additionnel à la Convention contre la torture ratifié le 20 septembre 2006, le Sénégal a également fait adopter, par son Assemblée nationale, la loi n° 2009-13 du 2 mars 2009 mettant en place un nouveau mécanisme de prévention de la torture désigné sous la dénomination d’Observateur national des lieux de privation de liberté. Cette loi a été élaborée en étroite concertation avec la société civile, dans le cadre du respect de l’obligation faite aux États parties d’établir des mécanismes nationaux de prévention de la torture. Cette institution, jouissant d’une totale autonomie, a pour objectifs, notamment, de prévenir les actes de torture dans ces lieux de détention et de s’assurer que ces derniers sont conformes aux standards internationaux.

142.Enfin, dernière étape, toujours au chapitre du mécanisme de protection de l’intégrité physique des personnes détenues, un pas important a été franchi en 2000 par la mise en place de normes relatives au traitement judiciaire de la peine. En effet les lois n° 2000-38 modifiant le Code pénal et n° 2000-39, modifiant le Code de Procédure Pénale promulguées le 29 décembre 2000, instituent, notamment, un juge chargé de la surveillance de la détention.

143.La médiation pénale, mécanisme permettant un règlement à l’amiable de délits mineurs, introduite en droit sénégalais par cette réforme législative, a l’avantage de réduire les condamnations à une peine d’emprisonnement et participe à la réduction du surpeuplement des prisons.

144.En application de ces lois, la personnalisation de la sanction pénale, prononcée par les juridictions, est réalisée. Ces lois autorisent l’intervention d’acteurs de la société civile dans les lieux de détention selon des procédures garantissant la sécurité.

145.Comme précisé ci-dessus, ce processus, pour assurer une plus grande transparence dans les lieux de détention, est presque arrivé à maturation avec l’adoption envisagée d’un mécanisme de prévention de la torture en application du Protocole facultatif de la Convention.

146.Toutefois, des difficultés réelles subsistent portant notamment sur le surpeuplement des lieux de détention. Des efforts importants ont été consentis par le Gouvernement pour accroître le taux journalier de prise en charge d’un détenu. Afin de résoudre durablement cette question, le Gouvernement, à travers le Programme sectoriel Justice, s’achemine vers la construction de prisons modernes.

Article 12 de la Convention

147.L’article 32 du Code de Procédure Pénale sénégalais dispose que «Le Procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner. Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit, est tenu d’en donner avis sans délai au Procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès verbaux et actes qui y sont relatifs».

148.Les autorités judiciaires procèdent aux enquêtes nécessaires chaque fois qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis sur tout territoire de sa juridiction.

Article 13 de la Convention

149.Toute personne a le droit de saisir le procureur de la République par plaintes ou dénonciations de faits constitutifs d’infraction à la loi pénale en application des dispositions de l’article 32 du Code de Procédure Pénale. En cas de classement sans suite, la personne intéressée peut mettre en mouvement l’action publique en se constituant partie civile devant le juge d’instruction ou citer directement la personne mise en cause devant la juridiction de jugement par la voie de la citation directe.

150.S’agissant du témoin, c’est celui qui, sous la foi du serment, relate ce qu’il a vu ou entendu en liaison à une infraction à la loi pénale ou un litige. Il bénéficie d’une protection efficace qui le met à l’abri de toute menace, intimidation ou mauvais traitement lié à son témoignage.

151.En outre, il est utile de rappeler que le Sénégal reconnaît pleinement la compétence du Comité contre la torture de recevoir et d’examiner les cas de torture dont se plaignent les individus relevant de la compétence de ses juridictions.

Article 14 de la Convention

152.L’article 2 du Code de Procédure Pénale prévoit expressément que «l’action civile en réparation de dommage causé par toute infraction appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction». L’application de ces dispositions permet de réparer tout préjudice subi du fait d’actes de torture. En cas de décès de la victime, ses ayants droit sont titulaires de l’action en réparation.

153.Il faut ajouter que, si le dommage est imputable à l’acte ou au fait d’un agent public, l’article 145 du Code des Obligations de l’Administration a prévu que la responsabilité de l’État sera engagée pour sa réparation.

154.Ainsi, les personnes victimes de torture jouissent d’une garantie certaine de leur droit à une réparation complète et équitable.

155.En vue de renforcer cette garantie, un projet de loi portant sur l’indemnisation des victimes de longue détention ou ayant subi un préjudice d’une particulière gravité est en cours d’élaboration. D’ores et déjà, dans la nouvelle loi du 7 mai 2008, portant création de la Cour Suprême (article 4) il est créé la commission juridictionnelle chargée de statuer sur les demandes d’indemnités.

Article 15 de la Convention

156.Le Code de Procédure Pénale sénégalais ne contient pas une disposition spécifique qui, de façon expresse, interdit l’invocation d’une déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue par la torture comme un élément de preuve dans une procédure.

157.Le juge pénal dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation de la régularité et de la valeur des éléments de preuve produits. Il dispose de la faculté de n’accorder aucun crédit et d’écarter purement et simplement toute déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue de façon illégale ou déloyale, notamment, par la torture, l’usage d’autres formes de violence ou des traitements inhumains ou dégradants, mais aussi la menace.

158.En droit sénégalais, l’aveu peut toujours être rétracté et le doute profite à l’accusé.

159.L’article 57 alinéa 2 du Code de Procédure Pénale a prévu la nullité des procès verbaux d’enquête non signés par les personnes gardées à vue.

Article 16 de la Convention

160.Plusieurs articles du Code pénal comportent des dispositions suffisantes pour poursuivre et réprimer sévèrement les actes de torture et toutes autres formes d’atteinte à l’intégrité physique.

161.C’est ainsi que l’article 166 du Code pénal relatif aux abus d’autorité dispose que «lorsqu’un fonctionnaire ou un officier public, un administrateur, un agent ou un préposé du Gouvernement ou de la police, un exécuteur des mandats de justice ou jugements, un commandant en chef ou en sous-ordre de la force publique, aura, sans motif légitime, usé ou fait user de violences envers les personnes dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, il sera puni selon la nature et la gravité de ces violences, et en élevant la peine suivant la règle posée par l’article 178 ci-après.»

162.Auparavant, il est prévu à l’article 106 relatif aux attentats à la liberté que «lorsqu’un fonctionnaire public, un agent, un préposé ou un membre du Gouvernement, aura ordonné ou fait quelque acte arbitraire, ou attentatoire soit à la liberté individuelle, soit aux droits civiques d’un ou de plusieurs citoyens, soit à la Constitution, il sera condamné à la peine de la dégradation civique.»

163.En outre, la loi pénale sénégalaise réprime les menaces contre les personnes, les blessures ou les coups ou d’autres violences ou voies de fait.

164.Il apparait ainsi que les dispositions pénales relatives aux abus d’autorité, aux attentats à la liberté et aux coups et blessures volontaires, assurent à l’individu une protection effective contre tous actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui ne sont pas des actes de torture commis par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel, ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite.

B.Cas d’allégations de torture soumis aux autorités judiciaires

165.Outre l’affaire Hissène Habré qui a retenu l’attention de toute la communauté internationale, deux cas d’allégations de torture ont été enregistrés. Il s’agit de l’affaire Dominique Lopy et l’affaire Alioune Badara Diop. La qualité des actions de formation et de sensibilisation des forces de sécurité et des officiers et agents chargés des enquêtes judiciaires, mais aussi le dynamisme des acteurs de la société civile dans leur rôle d’alerte et de veille ont fortement contribué à améliorer la situation au Sénégal.

166.L’affaire Hissène Habré ayant été à la base de la décision du Comité lors de sa séance du 17 mai 2006, suite à l’examen de la communication plainte n° 181/2001 initiée par des ressortissants tchadiens, ce point sera largement traité dans la deuxième partie du présent rapport portant sur la mise en œuvre des conclusions et recommandations du Comité.

1.L’affaire Dominique Lopy

167.Faits: Le 10 avril 2007, le Président du Conseil régional de Kolda a déposé au commissariat de police de ladite ville une plainte contre x pour vol portant sur un téléviseur, un matelas et des effets vestimentaires. Il a déclaré avoir été victime d’autres vols, tous commis par le nommé Dominique Lopy, frère cadet de son gardien. C’est ainsi que Dominique Lopy a été arrêté et gardé à vue du 11 au 14 avril 2007, date de son décès dans les locaux de la police. Les parents de la victime alléguant des faits de torture, ont saccagé avec l’aide des jeunes du quartier, le commissariat, le tribunal et le domicile d’un gardien de la paix.

168.Diligences des autorités judiciaires: suite à une enquête judiciaire sur la recherche des causes de la mort de Dominique Lopy, le Docteur Yoro DIALLO de l’hôpital de Kolda, initialement requis, a suggéré une autopsie par un spécialiste légiste. Celle-ci fut effectuée le 18 avril 2007 par le Docteur Gisèle Woto Gaye de l’hôpital Aristide Le Dantec à Dakar.

169.Ce praticien a conclu que la mort de Dominique Lopy est due à «un œdème cérébral survenu chez un sujet porteur d’une cardiopathie préexistante qui se serait décomposée en raison d’une part, du stress occasionné par la détention et, d’autre part, par les coups reçus». Une information judiciaire contre x pour violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner a été aussitôt ouverte au niveau du premier cabinet d’instruction sur la mort de Dominique Lopy. L’instruction judiciaire suit présentement son cours.

170.La manipulation de cette affaire par la presse et certaines organisations de défense des droits de l’homme, a causé un trouble grave à l’ordre public. En effet, après les funérailles le 21 avril 2007, un groupe de manifestants s’attaquaient aux policiers. Au cours de ces échauffourées, deux victimes ont été enregistrées:

171.La première victime, Ousmane DIAO (15 ans) aurait vu ses deux doigts sectionnés par une grenade. Selon le médecin traitant, sa vie ne serait plus en danger. La seconde, Diatoula MANE (25 ans environ), succombait hélas des suites de ses blessures une heure après avoir été transportée à l’hôpital.

172.En attendant les conclusions de l’enquête judiciaire, des mesures disciplinaires conservatoires ont été prises à l’encontre des agents de police impliqués.

2.L’affaire Alioune Badara Diop

173.Faits: Suite à une plainte déposée par un citoyen au Commissariat de Ndorong (région de Kaolack), Alioune Badara Diop a été appréhendé le 12 décembre 2007. Le lendemain, il décède durant la mesure de garde à vue. La famille de la victime et certaines associations de défense des droits de l’homme ont prétendu que la mort d’Alioune Badara Diop est consécutive à des actes de torture commis sur sa personne durant la nuit de son séjour dans le commissariat de police. Des sources policières avancent, quant à elles, la thèse du suicide. Le gardé à vue se serait auto strangulé, dans sa cellule, à l’aide de se chemise.

174.Diligences des autorités judiciaires: Une enquête judiciaire a été ouverte. L’autopsie diligentée et les conclusions de l’expertise médico-légale ont été communiquées à l’autorité judiciaire saisie de l’affaire.

175.Pour tous ces cas d’allégations de torture, le Département de la Justice a instruit les parquets concernés de prendre toutes les mesures nécessaires pour que toutes les personnes qui seraient mises en cause dans ces affaires soient jugées conformément à la loi.

176.L’État du Sénégal ne manquera pas, au moment opportun, de porter à l’attention de l’opinion nationale et internationale les suites réservées à ces cas de torture allégués.

II.Mise en œuvre des conclusions et recommandationsdu Comité

177.Il s’agit des préoccupations et recommandations formulées par le Comité contre la torture, suite à l’examen du dernier rapport de l’État du Sénégal et sa jurisprudenceen date du 17 mai 2006 statuant sur la communication plainte n° 181/2001 initiée par des ressortissants tchadiens contre l’État du Sénégal.

A.Respect des conclusions et recommandations du Comité

Le Comité avait retenu comme facteurs et difficultés entravant l’application de la Convention:

L’absence sur le plan normatif de certaines réglementations qui garantiraient l’application effective de la Convention.

179.L’article 98 de la Constitution du Sénégal consacre la supra-légalité des traités dans l’ordonnancement juridique nationale. Selon ce texte, «Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie

180.Cette disposition traduit, de manière très forte, l’engagement de l’État du Sénégal à respecter et à faire respecter, sur son territoire, les règles du droit international et, plus particulièrement, celles relatives à la sauvegarde des droits de l’homme.

181.En vertu de l’article 98 susvisé, les dispositions de la Convention ont une autorité supérieure à celle des lois nationales. Par conséquent les dispositions de la Convention «self-executing» sont immédiatement applicables en droit interne.

182.Il existe certes des dispositions de la Convention qui bien qu’étant immédiatement applicables, nécessitent l’accomplissement par l’État-partie des mesures législatives ou réglementaires préalables. En effet, l’application de ces dispositions conventionnelles est subordonnée à la prise de mesures d’exécution en droit interne. C’est ce qui a amené la Cour de cassation du Sénégal à juger qu’«aucun texte de procédure ne reconnaît une compétence universelle aux juridictions sénégalaises en vue de poursuivre et de juger, s’ils sont trouvés sur le territoire de la République, les présumés requérants ou complices de faits [de torture] […] lorsque ces faits ont été commis hors du Sénégal par des étrangers».

183.L’État du Sénégal a apporté une solution heureuse à cette préoccupation en procédant à des modifications dans ses textes législatifs, notamment par l’adoption de dispositions législatives incorporées dans le Code de Procédure Pénale. Désormais, en matière d’infraction de torture, la compétence universelle des juridictions sénégalaises est reconnue. (Les réformes législatives ont été présentées de manière exhaustivedans la première partie de ce présent rapport.)

184.S’agissant de la réserve liée à la condition de réciprocité, il y a lieu de préciser qu’elle a pour seul objet de permettre éventuellement à l’État de suspendre l’application d’un traité en raison du non respect par l’autre État, cocontractant de ses obligations résultant du même traité.

185.La réserve est donc inopérante lorsqu’il s’agit d’appliquer les dispositions de la Convention. En effet, les règles du droit international des droits de l’homme en général ne sont pas des obligations réciproques et doivent être observées sans prise en compte du comportement des autres États-parties. Il s’agit de règles protectrices, prescrites au bénéfice de l’individu et non des États.

186.Au regard de ce qui précède, il apparaît certain que l’arsenal juridique sénégalais garantit l’application effective de la Convention.

La situation conflictuelle en Casamance entrave parfois l’application effective de la Convention.

187.En effet, l’Accord Général de Paix du 30 décembre 2004 signé entre le Gouvernement du Sénégal et le Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC) a considérablement pacifié la situation même s’il est regrettable de constater à intervalles irréguliers, des violences commises par des bandes armées isolées et des victimes des mines antipersonnel.

188.En tout état de cause, l’État du Sénégal s’est engagé résolument dans un vaste programme de reconstruction de la Casamance en se fondant naturellement sur la mise en œuvre des droits universels reconnus à toute personne humaine, notamment des droits économiques, sociaux et culturels.

189.La Constitution sénégalaise adoptée en 2001 par référendum, dès l’article 1er consacre «l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion». Le titre II de la Constitution intitulé: «Des libertés publiques et de la personne humaine, des droits économiques et sociaux et des droits collectifs» rend également compte d’une telle préoccupation.

190.C’est ainsi que le Sénégal a initié et appliqué depuis quelques années le Document de Stratégies de Réduction de la Pauvreté (DSRP) qui a été salué du fait de l’approche consensuelle adoptée lors de son élaboration par l’ensemble des acteurs, notamment ceux de la société civile. Aujourd’hui le DSRP en est à sa deuxième phase et des engagements en vue de son financement ont été pris au mois d’octobre 2007 par le Club de Paris. Ce document a pour ambition de résorber la pauvreté en renforçant la capacité des populations vulnérables, notamment les femmes et les gens du monde rural.

191.Plus particulièrement, à propos de la Casamance, il y a lieu de préciser que dans le domaine des droits économiques, culturels et sociaux, cette région du Sénégal n’est nullement défavorisée. Au contraire, la Casamance est privilégiée dans ce domaine. En effet, compte tenu de sa spécificité tant géographique que post-conflictuelle, la Casamance a bénéficié de la mise en œuvre d’un programme de développement spécifique comme prévu par l’Accord Général de Paix précité.

192.Cet engagement contenu dans le préambule du document a été précisé par l’article 4 de l’Accord intitulé «De la relance des activités économiques et sociales» par lequel: «L’État engage l’Agence Nationale pour la Relance des Activités économiques et sociales en Casamance (ANRAC) à mobiliser les ONG et les Organismes spécialisés dans la dépollution, en partenariat avec l’Armée et les ex-combattants du MFDC, à débuter sans délai le déminage humanitaire de la Casamance afin de faciliter la reprise des activités économiques.

193.L’État du Sénégal, qui a entrepris la reconstruction de la Casamance, s’est engagé à prendre toute mesure permettant de faciliter le retour dans leur foyer des réfugiés et personnes déplacées et d’apporter l’appui nécessaire à leur réinsertion sociale.

194.Avec ce nouveau contexte, appuyé par une volonté politique soutenue pour lutter contre les actes de torture et l’impunité, l’État du Sénégal s’accorde parfaitement avec l’affirmation pertinente du Comité, déclarant «qu’une démocratie doit en tout état de cause veiller à ce que, seuls des moyens légitimes soient employés pour assurer la sécurité de l’État, la Paix et la stabilité.»

Le Comité s’est inquiété des nombreux cas de torture qui ont été portés à sa connaissance par des organisations non-gouvernementales, dont la fiabilité est prouvée, mais également signalés dans le rapport de l’État partie, notamment aux paragraphes 12, 37 et 103.

195.Dans un souci de clarté, l’État du Sénégal estime utile de rappeler les paragraphes visés par le Comité et qui sont effectivement mentionnés dans son deuxième rapport présenté en 1996:

«12.A cet égard, plusieurs cas de tortures ont été portés à la connaissance de ces autorités qui ont réagi selon les circonstances, et sur lesquels nous reviendrons un peu plus loin dans ce rapport.»

«37.Les cas de torture portés à la connaissance des autorités judiciaires compétentes, par voie de plainte, font systématiquement l’objet de poursuites à l’encontre de leurs auteurs membres des forces de police ou de gendarmerie. La liste est très longue et peut être tenue à la disposition du Comité en temps opportun.»

«103.La liste est longue des affaires concernant des victimes de torture, dans les locaux de police ou de gendarmes qui ont déposé plainte et obtenu gain de cause auprès de la justice sénégalaise.»

196.L’absence d’informations sur les cas de torture allégués n’a pas permis de mener des recherches pour soumettre a l’attention du Comité les renseignements dont il aurait besoin pour se faire une opinion de la réalité des faits, leur nature et gravité et la réponse procédurale apportée par les autorités publiques.

197.Toutefois, les paragraphes 85 et 98 du deuxième rapport périodique contiennent des indices qui permettent de penser que, sur ce point, le Comité fait référence aux cas de torture soulevés dans le rapport et qui ont été la résultante, d’une part, de la situation de conflit dans la région de la Casamance et, d’autre part, des violences politiques perpétrées contre l’opposition politique d’alors, en particulier, le Parti Démocratique Sénégalais de Son Excellence Maître Abdoulaye Wade, démocratiquement élu Présidente de la République du Sénégal depuis le 19 mars 2000.

198.Les paragraphes susvisés sont ainsi libellés:

«85.Du point de vue des faits, objet de controverse, l’on se rappelle que les années 80 ont été marquées par une instabilité grave au niveau de la région sud du Sénégal, la Casamance, et cela a entraîné l’intervention des forces de sécurité pour le rétablissement et le maintien de l’ordre. Ce conflit entre le pouvoir central et le mouvement séparatiste de cette région (MFDC) avait pris l’allure d’affrontements armés, entraînant des morts et des blessés de part et d’autre.»

«98.Pour les cas de torture qui avaient été commis au cours de l’enquête sur l’affaire Babacar Seye et celle du 16 février 1994, les organes de surveillance des droits de l’homme exigent également du parquet de Dakar des poursuites à l’encontre de leurs auteurs en vertu des dispositions du même article 12 de la Convention.»

199.L’État du Sénégal espère que le Comité trouvera de bonnes raisons d’apaiser ses inquiétudes dans les réponses apportées au point suivant.

Le Comité s’est préoccupé par le fait que l’État partie invoque dans son rapport une divergence entre la légalité internationale et la légalité nationale, afin de légaliser l’impunité d’actes de torture, impunité qui se fonde sur les lois portant amnistie.

200.Sur la situation en Casamance, il est heureux de noter que durant les années 90, dans le cadre des recherches de solutions de sortie de crise, le Parlement a eu à adopter une loi d’amnistie en faveur notamment des combattants du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MDFC), afin d’apaiser les tensions et de créer un cadre propice de concertation et de dialogue devant aboutir à une paix définitive.

201.La sérénité retrouvée a permis au Gouvernement du Sénégal d’ouvrir des pourparlers avec les responsables du Mouvement en cause, et réussi, le 30 décembre 2004, à conclure des accords de paix dont tout le monde a salué l’avènement. La paix retrouvée s’est accompagnée d’un projet de reconstruction de la région sinistrée, l’État ayant mis en place un plan d’investissement qui se chiffre à plusieurs dizaines de milliards de francs CFA, et qui est destiné aussi bien à assurer le relèvement économique que l’insertion professionnelle des anciens combattants.

202.L’état de guerre et les conflits armés sont des porteurs en puissance des facteurs de négation des droits fondamentaux de la personne humaine. Leur prolongement est synonyme de l’instauration durable d’un climat favorable à la commission des actes de torture et autres atteintes à l’intégrité physique de la personne humaine.

203.Par contre, comme cela ressort pertinemment de la Déclaration sur le droit des Peuples à la paix adoptée par les Nations Unies dans sa résolution 39/11 du 12 novembre 1984, «les peuples de la Terre ont un droit sacré à la paix», et que «préserver le droit des peuples à la paix et promouvoir la réalisation de ce droit constituent une obligation fondamentale pour chaque État».

204.L’État du Sénégal adhère parfaitement à l’opinion exprimée par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies dans son observation générale concernant l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains, et dégradants (Observation générale 20 du 10 avril 1992) selon laquelle «les lois d’amnistie qui s’étendent aux violations des droits de l’homme sont généralement incompatibles avec le devoir de l’État partie d’enquêter sur les violations des droits de l’homme, de garantir le droit d’être à l’abri de telles violations dans les limites de sa juridiction et d’assurer que des violations similaires ne se reproduiront pas à l’avenir».

205.Il souhaite cependant que le Comité prenne en considération le fait que les lois d’amnistie avaient pour seul objectif de restaurer la paix et de mettre un terme à une situation favorable à des violations massives des droits fondamentaux de la personne humaine.

206.Les lois d’amnistie adoptées pour pacifier la région casamançaise correspondaient à une nécessité en ce qu’elles répondaient à «un besoin social impérieux» et l’État du Sénégal, dont la bonne foi ne saurait être mise en doute, pense avoir agi dans le sens de la sauvegarde de l’intérêt général, sans, toutefois, remettre fondamentalement en cause les droits fondamentaux de l’individu.

207.En effet, en droit sénégalais, si la loi d’amnistie a pour effet d’éteindre l’action publique et effacer les peines prononcées, pour autant, elle ne fait pas disparaître les faits matériels et leurs conséquences civiles. Les victimes disposent toujours de la possibilité de saisir les tribunaux civils afin d’obtenir le paiement de dommages et intérêts leur procurant une satisfaction équitable.

208.C’est toujours dans ce même esprit d’apaisement et de cohésion sociale que, suite à l’alternance politique intervenue au Sénégal en mars 2000, la représentation nationale a voté une loi d’amnistie relative aux violences politiques consécutives aux élections générales passées, alors même que les victimes d’actes de torture étaient tous des militants du principal parti de l’opposition d’alors, le Parti Démocratique Sénégalais de Son Excellence Maître Abdoulaye Wade, qui, en faveur d’élections transparentes et démocratiques, est aujourd’hui au pouvoir.

Le Comité a exprimé des doutes quant à l’efficacité des dispositions en vigueur au Sénégal concernant le plein respect des droits fondamentaux de la personne placée en garde à vue.

209.Entre 1996 (date d’élaboration du 2ème rapport de l’État du Sénégal soumis à l’examen du Comité contre la torture) et aujourd’hui la procédure pénale sénégalaise en matière de garde à vue a connu des évolutions significatives allant dans le sens du renforcement de la protection et le plein respect des droits fondamentaux de la personne poursuivie.

210.En vue de permettre au Comité de mieux apprécier la qualité de l’évolution législative, les dispositions en vigueur en matière de garde à vue sont ci-dessous reproduites:

211.«Article 55: (Loi n° 99-06 du 29 janvier 1999)

Si, pour les nécessités de l’enquête, l’officier de police judiciaire est amené à garder à sa disposition une ou plusieurs personnes visées aux articles 53 et 54, il ne peut les retenir plus de 24 heures.

S’il existe contre une personne des indices graves et concordants, de nature à motiver son inculpation, l’officier de police judiciaire doit la conduire devant le Procureur de la République ou son délégué, sans pouvoir la garder à sa disposition plus de 48 heures. En cas de difficulté matérielle relative au transfèrement, le Procureur de la République doit être immédiatement averti des conditions et délai de transfèrement.

Dans les deux cas, l’officier de police judiciaire doit immédiatement informer le Procureur de la République, son délégué ou le cas échéant le Président du tribunal départemental investi des pouvoirs de Procureur de la République de la mesure dont il a l’initiative et faire connaître à la personne retenue les motifs de sa mise sous garde à vue.

Lorsque la personne gardée à vue est un mineur de 13 à 18 ans, l’officier de police judiciaire doit la retenir dans un local spécial isolé des détenus majeurs.

La mesure de garde à vue s’applique sous le contrôle effectif du Procureur de la République, de son délégué ou le cas échéant du Président du tribunal départemental investi des pouvoirs du Procureur de la République.

Dans tous les lieux où elle s’applique, les officiers de police judiciaire sont astreints à la tenue d’un registre de garde à vue coté et paraphé par le parquet qui est présent à toutes réquisitions des magistrats chargés du contrôle de la mesure.

Le délai prévu à l’alinéa 2 peut être prorogé d’un nouveau délai de 48 heures par autorisation du Procureur de la République, de son délégué ou du juge d’instruction, confirmé par écrit.

Les délais prévus au présent article sont doublés en ce qui concerne les crimes et délits contre la sûreté de l’État; ils sont également doublés pour tous les crimes et délits en période d’état de siège, d’état d’urgence ou d’application de l’article 47 de la Constitution sans que ces deux causes de doublement puissent se cumuler.

En cas de prolongation de la garde à vue, l’officier de police judiciaire informe la personne gardée à vue des motifs de la prorogation en lui donnant connaissance des dispositions de l’article 56. Il lui notifie le droit qu’elle a de constituer conseil parmi les avocats inscrits au tableau ou admis en stage.

Mention de ces formalités est faite obligatoirement dans le procès verbal d’audition à peine de nullité.

212.Article 55 bis: (Loi n° 99-6 du 29 janvier 1999)

L’avocat désigné est contacté par la personne gardée à vue ou toute autre personne par elle désignée ou par défaut, par l’officier de police judiciaire. L’avocat, peut communiquer, y compris par téléphone ou par tous autres moyens de communication, s’il ne peut se déplacer dans les meilleurs délais, avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l’entretien.

Si l’avocat choisi ne peut être contacté, l’officier judiciaire en fait mention au procès verbal d’audition de la personne gardée à vue.

L’avocat est informé par l’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire de la nature de l’infraction recherchée.

A l’issue de l’entretien qui ne peut excéder trente minutes, l’avocat présente, le cas échéant, des observations écrites qui sont jointes à la procédure.

L’avocat ne peut faire état de cet entretien auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue.

Le Procureur de la République est, dans les meilleurs délais, informé par l’officier de police judiciaire des diligences effectuées dans le cadre de l’application du présent article.

213.Article 55 ter: (Loi n° 99-06 du 29 janvier 1999)

L’officier de police judiciaire mentionne au procès verbal d’audition de toute personne gardée à vue les informations données et les demandes faites en application de l’article 55 bis, ainsi que la suite qui leur a été donnée. Ces mentions doivent être spécialement émargées sur la personne intéressée et, en cas de refus, il en est fait mention.

Ces mentions sont prescrites à peine de nullité du procès verbal.

214.Article 56: (Loi n° 85-25 du 27 février 1985)

Si le Procureur de la République ou son délégué l’estime nécessaire, il peut faire examiner la personne gardée à vue par un médecin qu’il désigne, à n’importe quel moment des délais prévus par l’article précédent. Il peut également être saisi aux mêmes fins et dans les mêmes délais par la personne gardée à vue sous le couvert de l’officier de police judiciaire, par toute personne ou par son conseil; dans ce cas, il doit ordonner l’examen médical demandé.

Cet examen médical est pratiqué sur les lieux mêmes où la personne est gardée à vue et lorsqu’il n’est pas demandé d’office par le Procureur de la République aux frais consignés préalablement par la partie requérante.

Dans ce dernier cas, l’acte de désignation porte mention de l’existence de cette consignation.

215.Article 57: (Loi n° 85-25 du 27 février 1985)

Les procès-verbaux dressés par l’officier de police judiciaire en exécution des articles 46 et 54 sont rédigés sur le champ et signés par lui sur chaque feuillet du procès-verbal.

Le procès-verbal d’audition de toute personne gardée à vue doit mentionner le jour et l’heure à partir desquels elle a été placée dans cette position, les motifs de la mise sous garde à vue, la durée des interrogatoires, la durée des repos, ainsi que le jour et l’heure à partir desquels elle a été soit libérée, soit conduite devant le magistrat compétent.

Cette mention doit être spécialement émargée par les personnes intéressées et en cas de refus, il en est fait mention au procès-verbal, à peine de nullité.

216.Article 58

Dans les corps ou services où les officiers de police judiciaire sont astreints à tenir un carnet de déclaration, les mentions et émargements prévus à l’article précédent doivent être portés sur ledit carnet. Seules les mentions sont reproduites au procès- verbal transmis à l’autorité judiciaire.

217.Article 59: (Loi n° 85-25 du 27 février 1985)

Les dispositions des articles 46 à 58 sont applicables aux cas de délit flagrant ainsi qu’à tous les cas où la loi prévoit une peine d’emprisonnement.

Lorsque des abus sont constatés de la part des officiers de police judiciaire dans l’application des mesures de garde à vue, le Procureur de la République ou son délégué en informe le Procureur Général qui saisit la Chambre d’Accusation.

La victime des abus précisés à l’alinéa précédent peut également saisir par requête la Chambre d’accusation (loi n° 99-06 du 29 janvier 1999).

Celle-ci, en vertu de ses pouvoirs prévus aux articles 213 216 et 217 du présent Code, peut soit retirer temporairement ou définitivement la qualité d’officier de police judiciaire à l’auteur des abus, soit retourner le dossier au Procureur Général pour intenter des poursuites, s’il relève qu’une infraction à la loi pénale a été commise.»

218.A ces dispositions, il faudra ajouter les articles 213 et suivants relatifs au contrôle par la Chambre d’accusation des activités des officiers de police judiciaire.

219.«Article 213

La chambre d’accusation exerce un contrôle sur l’activité des fonctionnaires civils et militaires, officiers de police judiciaire pris en cette qualité.

220.Article 214

Elle est saisie soit par le Procureur Général, soit par son président. Elle peut se saisir d’office à l’occasion de l’examen de la procédure qui lui est soumise.

221.Article 215

La chambre d’accusation, une fois saisie, fait procéder à une enquête; elle entend le Procureur Général et l’officier de police judiciaire en cause.

Ce dernier doit avoir été préalablement mis à même de prendre connaissance de son dossier d’officier de police judiciaire tenu au parquet général de la Cour d’appel. Il peut se faire assister d’un avocat.

222.Article 216

La chambre d’accusation peut, sans préjudice des sanctions disciplinaires qui pourraient être infligées à l’officier de police judiciaire par ses supérieurs hiérarchiques, lui adresser des observations ou décider qu’il ne pourra, soit temporairement, soit définitivement, exercer ses fonctions d’officier de police judiciaire et de délégué du juge d’instruction sur tout l’ensemble du territoire.

Si la chambre d’accusation estime que l’officier de police judiciaire a commis une infraction à la loi pénale, elle ordonne en outre la transmission du dossier au Procureur Général à toutes fins qu’il appartiendra.

Les décisions prises par la chambre d’accusation contre les officiers de police judiciaire sont notifiées, à la diligence du Procureur Général, aux autorités dont ils dépendent.»

223.Ainsi apparait-il que par une série de mesures législatives, notamment les lois n° 85‑25 du 27 février 1985 et 99-06 du 29 janvier 1999, le législateur sénégalais a aménagé des voies de recours effectives pour permettre à toute personne gardée à vue, lors de l’enquête préliminaire, de faire constater tous actes de violation de ses droits individuels et de ses libertés fondamentales.

224.Le suspect placé en garde à vue peut saisir le Procureur de la République, soit sous le couvert l’officier de police judiciaire, soit par toute personne ou par son conseil aux fins de se faire examiner par un médecin à tout moment de la garde à vue. La loi (article 56 alinéa 2 du Code de Procédure Pénale) fait obligation au Procureur de la République d’ordonner l’examen médical sollicité.

225.En cas de prolongation de la garde à vue, la personne détenue peut également solliciter l’assistance d’un conseil parmi les avocats inscrits au tableau de l’ordre des avocats ou admis en stage. L’avocat désigné peut communiquer, y compris par téléphone ou par tous autres moyens de communication, s’il ne peut se déplacer dans les meilleurs délais, avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l’entretien.

226.Lorsque des abus sont constatés, notamment des actes de torture, les faits sont portés à la connaissance du Procureur Général qui engage contre les auteurs présumés, membres des forces de police ou de gendarmerie, des poursuites pénales devant la Chambre d’accusation.

227.L’État du Sénégal espère, légitimement, qu’avec ces précisions apportées au Comité, tous les doutes portant sur l’efficacité de la législation sénégalaise à assurer le plein respect des droits fondamentaux de la personne placée en garde à vue seront dissipés.

Le Comité a recommandé à l’État du Sénégal d’envisager, dans la réforme législative qu’il est en train d’effectuer, d’introduire explicitement dans la législation nationale les dispositions suivantes:

a)Définition de la torture, conformément à l’article premier de la Convention, et incrimination de la torture comme infraction générale, en application de l’article 4 de la Convention; cette dernière disposition rendrait entre autres possible pour l’État partie d’exercer la juridiction universelle prévue par les articles 5 et suivants de la Convention;

b)L’interdiction générale de tout acte de torture devrait insister sur le fait qu’aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier la torture, conformément au paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention;

c)Prescription expressisverbis du fait que l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture, conformément au paragraphe 3 de l’article 2 de la Convention;

d)Interdiction explicite d’obtenir des preuves par la torture, et interdiction d’invoquer toute déclaration dont il a été établi qu’elle a été obtenue de telle manière comme élément de preuve dans une procédure quelconque, conformément à l’article 15 de la Convention.

228.Cette recommandation a été entièrement et parfaitement satisfaite en ce qui concerne les points a, b et c. La reproduction intégrale de l’article 295-1 du Code pénal permet de s’en convaincre:

229.«Constituent des tortures, les blessures, coups, violences physiques ou mentales ou autres voies de fait volontairement exercés par un agent de la fonction publique ou par toutes autres personnes agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec consentement exprès ou tacite, soit dans le but d’obtenir des renseignements ou des aveux, de faire subir des représailles ou de procéder à des actes d’intimidation, soit dans un but de discrimination quelconque.

Aucune circonstance exceptionnelle quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout acte d’exception, ne pourra être invoquée pour justifier la torture.»

L’ordre d’un supérieur ou d’une autorité politique ne pourra être invoqué pour justifier la torture.»

230.Pour ce qui est du point d, il y a lieu de faire observer que la torture est érigée en infraction criminelle dans la législation sénégalaise. Comme il est précisé ci-dessus, les officiers de police judiciaire, qu’ils émanent des forces de police ou de gendarmerie, lorsqu’au cours d’une enquête judiciaire ils sont soupçonnés d’avoir commis des actes de torture, ils sont passibles de poursuites judiciaires au plan pénal, nonobstant les sanctions administratives éventuelles.

231.En ce qui concerne la déclaration obtenue à la suite d’actes de torture, si le Code de Procédure Pénale sénégalais ne comporte pas une interdiction formelle de l’invoquer, il reste certain que si les faits de torture sont établis, le juge, qui dispose d’un pouvoir souverain dans l’appréciation des preuves qui lui sont soumises, n’accordera aucune valeur à une telle déclaration.

Dans ses dernières recommandations, prises de façon globale, le Comité a recommandé l’ouverture d’enquêtes judiciaires pour les cas d’allégations de torture présentées par les organisations non gouvernementales et cela malgré les lois d’amnistie en vigueur au Sénégal, eu égard à l’article 79 (aujourd’hui devenu article 98) de la Constitution sénégalaise, qui institue la primauté du droit international conventionnel ratifié par le Sénégal sur la loi nationale.

232.L’État du Sénégal prie respectueusement aux membres du Comité de se référer aux explications qu’il a fournies aux points 2 et 3 pour trouver des réponses à ce dernier point.

233.Il tient toutefois à préciser, que même si la loi d’amnistie a pour effet de faire obstacle aux poursuites pénales, elle ne remet toutefois pas en cause le droit de la victime à la réparation de son préjudice résultant de l’infraction qu’elle a soufferte.

234.En effet, malgré l’adoption d’une loi d’amnistie, la victime disposera toujours d’un recours utile, devant le juge civil, pour obtenir réparation et être indemnisée équitablement et de manière adéquate.

B.Respect de la décision du Comite suite à la communication n° 181/2001

235.Par requête en date du 18 avril 2001, des victimes allégeant des faits de torture commis par l’ancien Président Tchadien Hissène Habré, avait saisi le Comité contre la torture des Nations Unies d’une communication plainte n° 181/2001 contre l’État du Sénégal. En vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ledit Comité, examinant la communication au fond en sa séance du 17 mai 2006, a sollicité de l’État du Sénégal le respect d’un certain nombre de recommandations.

236.En complément des informations transmises au Comité par l’entremise du Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme, l’État du Sénégal saisit cette occasion pour édifier la communauté internationale sur les importantes évolutions enregistrées dans le traitement de cette affaire.

Rappel des faits et procédures

237.Monsieur Hissène Habré, ancien Président de la République du Tchad de 1982 à 1990 fut renversé du pouvoir le 1 décembre 1990. Après un séjour au Cameroun, il s’installe au Sénégal où il réside depuis lors.

238.En janvier 2000, Souleymane Guengueng et autres ont déposé une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction du tribunal régional hors classe de Dakar pour les infractions suivantes:

Crimes contre l’humanité;

Actes de barbarie et de discrimination;

Violation de la convention contre la torture et peines ou autres traitements cruels inhumains ou dégradants, articles 288 et 295 du Code pénal.

Torture et meurtre;

Disparitions forcées (Statut de la Cour pénale internationale, article 7-(2), (1)).

239.Le doyen des juges inculpa le sieur Hissène Habré, le 3 février 2000 de ces chefs d’inculpation avant de le mettre en liberté provisoire assortie de contrôle judiciaire.

240.Le 18 février 2000, Hissène Habré a déposé une requête en annulation de la procédure devant la Chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Dakar en évoquant les dispositions des articles 27 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 6 de la Constitution du Sénégal, 7 et 669 du Code de Procédure Pénale et 4 du Code pénal pour défaut de base légale et prescription des faits.

241.Le 4 juillet 2001, la Chambre d’Accusation a annulé le procès verbal d’inculpation et la procédure subséquente pour incompétence du juge saisi.

242.Le 20 novembre 2001, la Cour de Cassation sur un pourvoi en date du 7 juillet 2001 des parties civiles, a rejeté le pourvoi formé contre l’arrêt du 4 juillet 2001 rendu par la Chambre d’accusation confirmant ainsi cette décision.

243.En effet, la Cour de Cassation a motivé sa décision de la manière suivante:

«Que l’article 5-2 de la Convention de New York du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants, fait peser sur chaque État partie l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître des infractions visées à l’article 4, dans le cas ou l’auteur présumé de celles-ci se trouve sur tout territoire de sa juridiction et/ou ledit État ne l’extrade pas;

Qu’il en résulte que l’article 79 de la Constitution ne saurait recevoir application dès lors que l’exécution de la Convention nécessite que soient prises par le Sénégal des mesures législatives préalables;

Qu’aucun texte de procédure ne reconnaît une compétence universelle aux juridictions sénégalaises en vue de poursuivre et de juger s’ils sont trouvés sur le territoire de la République des présumés auteurs ou complices de faits qui entrent dans les prévisions de la loi du 28 août 1996 portant adaptation de la législation sénégalaise aux dispositions de l’article 4 de la Convention, lorsque les faits ont été commis hors du Sénégal.»

244.Les victimes ont saisi par la suite la justice belge pour les mêmes faits. Le 19 septembre 2005, le juge d’instruction belge, après des années d’instruction, a délivré un mandat d’arrêt contre Habré et le même jour, la Belgique demande au Sénégal l’extradition de ce dernier.

245.Le 25 novembre 2005, la Chambre d’Accusation de la Cour d’Appel de Dakar, saisie cette fois-ci sur la demande d’extradition de Hissène Habré vers la Belgique, a également rendu un arrêt d’incompétence ainsi motivé:

246.«La constitution du Sénégal en son article 101 et la loi organique du 14 février 2002 sur la Haute Cour de Justice ont institué une procédure pénale exorbitante du droit commun pour tout acte de procédure à l’encontre du Président de la République;

247.Que la Chambre d’Accusation, juridiction ordinaire de droit commun, ne saurait étendre sa compétence aux actes d’instruction et de poursuite engagée contre un chef d’État pour des faits prétendument commis dans l’exercice de ses fonctions;

248.Que cette exception doit donc s’appliquer nécessairement à la demande d’extradition puisque la mise en œuvre de la procédure est subordonnée à l’accomplissement préalable d’actes d’instruction fondamentaux, notamment la comparution et l’interrogatoire du mis en cause. Que du reste, l’extradition procédant elle-même d’actes de poursuite ou d’exécution par délégation de l’État requérant au profit de l’État requis, doit se conformer, en tout cas dans sa phase judiciaire, aux règles d’ordre public de compétence, et d’organisation des juridictions répressives, bastion de la souveraineté nationale. Que Hissène Habré doit de cette immunité de juridiction qui, loin d’être une cause d’exonération de responsabilité pénale, revêt simplement un caractère procédural au sens de l’arrêt Yoro Abdoulaye Ndombassi du 14 février 2002 rendu par la Cour Internationale de Justice dans le litige opposant le royaume belge à la République Démocratique du Congo;

249.Qu’il n’est pas inutile de rappeler que ce privilège à vocation à survivre à la cessation de fonction du Président de la République, quelque soit sa nationalité et en dehors de toute convention d’entraide.

250.Qu’infère de ces remarques l’incompétence de la Chambre d’accusation pour connaître de la régularité d’actes de poursuite et de la validité de mandat d’arrêt s’appliquant à un chef d’État».

251.Le Sénégal, à la suite de cette décision, a saisi l’Union Africaine qui, le 2 juillet 2006, s’appuyant sur les recommandations du comité d’éminents juristes africains désignés en janvier 2006, a demandé au Sénégal de juger Hissène Habré au nom de l’Afrique.

252.Cette demande de l’Union Africaine s’est traduite par la décision (doc Assembly/AU/3/VID) contenant les mesures ci-après:

Le fait de considérer le dossier Hissène Habré comme le dossier de l’Union Africaine;

Le mandat de la République du Sénégal de poursuivre et de faire juger au nom de l’Afrique Hissène Habré par une juridiction sénégalaise compétente avec les garanties d’un procès juste et équitable;

Le mandat donné au Président de la République de l’Union, en concertation avec le président de la commission, d’apporter au Sénégal l’assistance nécessaire pour le bon fonctionnement et le bon aboutissement du procès;

La demande de comparution de tous les États membres avec le Gouvernement sénégalais sur la question;

Un appel lancé à la communauté internationale pour qu’elle apporte son soutien au gouvernement sénégalais.

253.Il faut également relever que préalablement à cette position de l’organisation régionale, les parties civiles qui avaient saisi le doyen des juges du tribunal régional de Dakar, avait par requête du 18 avril 2001 saisi le Comité contre la torture des Nations Unies qui, en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a fait le 17 mai 2006 des recommandations au Gouvernement du Sénégal.

254.En effet, le Comité, se fondant sur l’ensemble des décisions judiciaires ci-dessus relatés a rappelé: qu’en vertu de l’article 5, paragraphe 2 de la Convention, «tout État partie prend les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître desdites infractions dans le cas ou l’auteur présumé de celles-ci se trouve sur tout territoire sous sa juridiction et/ou ledit État ne l’extrade pas».

255.Que le Comité a noté que l’État partie n’a pas contesté, dans ses observations sur le fond, qu’il n’avait pas adopté ces «mesures nécessaires» visées à l’article 5, paragraphe 2 de la Convention et constaté que la Cour de Cassation a considéré elle-même que ces mesures n’avaient pas été prises par l’État partie. De plus, le Comité a considéré que le délai raisonnable dans lequel l’État partie aurait du remplir cette obligation est largement dépassé.

256.Le Comité a rappelé également qu’en vertu de l’article 7 de la Convention «l’État partie sur le territoire ou sous la juridiction duquel l’auteur présumé d’une infraction visée à l’article 4 est découvert, s’il ne l’extrade pas, ce dernier soumet l’affaire dans les cas visés à l’article 5 à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale».

257.Il a noté à cet égard que l’obligation de poursuivre l’auteur présumé d’actes de torture ne dépend pas de l’existence préalable d’une demande d’entraide à son encontre. Cette alternative qui est offerte à l’État partie en vertu de l’article 7 de la Convention n’existe que lorsqu’une telle demande d’extradition a effectivement été formulée. En effet, l’État partie a la faculté de procéder à ladite extradition ou de soumettre l’affaire à ses propres autorités judiciaires par le déclenchement de l’action publique, le but de la disposition étant d’éviter l’impunité pour tout acte de torture.

258.Le Comité a conclu que l’État partie ne peut invoquer la complexité de sa procédure judiciaire ou d’autres raisons dérivées de son droit interne pour justifier le manque de respect à ses obligations découlant de la Convention.

259.Ainsi, le Comité, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention, a estimé que l’État partie «a violé les articles 5, paragraphe 2 et 7 de la Convention.

260.Et que conformément à l’article 5 paragraphe 2 de la Convention, l’État partie est tenu d’adopter les mesures nécessaires, y compris celles législatives pour établir sa compétence relativement aux actes dont il est question dans la présente communication.

261.L’État partie est en outre tenu conformément à l’article 7 de la Convention, de soumettre la présente affaire à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale ou à défaut, dans la mesure ou il existe une demande d’extradition émanant d’un autre État, en conformité avec les dispositions de la Convention.

262.Cette décision n’affecte en aucun cas la poursuite pour les requérants d’obtenir une compensation devant les organes internes de l’État partie en raison de l’absence de mise en œuvre de ses obligations conformément à la Convention.

263.Enfin, le Comité contre la torture estime qu’étant donné qu’en faisant la déclaration prévue à l’article 22 da la Constitution, l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y a eu ou non violation de la Convention, le Comité a souhaité recevoir de l’État partie, dans un délai de 90 jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses recommandations.»

264.L’État du Sénégal a pris bonne note de la décision.

265.Suite à la décision de l’Union Africaine, le Président de la République, Son Excellence Maître Abdoulaye Wade, a pris l’engagement solennel devant ses pairs, de faire juger Monsieur Hissène Habré au Sénégal.

266.Cet engagement politique sans équivoque, vient conforter l’obligation juridique qui découle de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants ratifié par le Sénégal le 21 août 1987 qui est le fondement légal de toute la procédure contre Hissène Habré.

267.C’est ainsi que par arrêté du 23 novembre 2006 de Monsieur le Ministre d’État, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, une commission a été instituée pour étudier la question et proposer les réformes législatives et institutionnelles nécessaires.

268.Cet engagement a encore été rappelé et confirmé par le Président de la République à l’occasion de l’audience solennelle de la rentrée des Cours et tribunaux du 10 janvier 2007.

269.Toutes les réformes législatives tant sur le fond que sur la forme ont été déjà réalisées pour donner plein effet aux dispositions de la Convention et réunir toutes les conditions idéales pour juger Hissène Habré par les juridictions et magistrats sénégalais dans le cadre d’un procès juste, équitable et dans des délais raisonnables.

Réformes législatives (voir les détails dans la première partie du Présent rapport)

270.Plusieurs réformes, modifiant, insérant ou abrogeant certaines dispositions du Code pénal, du Code de Procédure Pénale ont été opérées.

271.Les articles 431-1, 431-2, 431-3, 431-4 et 431-5 traitant du crime de génocide, du crime contre l’humanité, des crimes de guerre et d’autres crimes relevant du droit international tels que visés par la Convention de la Haye de 1954, celle de 1976 et 1980, qui n’étaient pas spécifiés dans notre droit répressif ont été intégrés dans notre Code pénal par la loi n° 2007-02 du 12 février 2007.

272.L’article 431-6 du Code pénal prévoit les auteurs des infractions visées aux articles 431-1 à 431-5, nonobstant les dispositions de l’article 4 du présent code, peuvent être jugés et condamnés en raison d’acte ou d’omission qui, au moment et au lieu où ils étaient commis, étaient tenus pour une infraction pénale d’après les principes généraux de droit reconnus par l’ensemble des nations, qu’ils aient ou non constitué une transgression du droit en vigueur à ce moment et dans ce lieu.

273.L’article 669 du Code de Procédure Pénale a été modifié tel qu’il suit: «tout étranger qui, hors du territoire de la République se voit reproché d’être l’auteur ou le complice d’un des crimes visés aux articles 431-1 à 431-5, d’un crime ou d’un délit visé aux articles 279-1 à 279-3 et 295 du Code pénal peut être poursuivi et jugé d’après les dispositions des lois sénégalaises ou applicables au Sénégal, ou si le Gouvernement obtient son extradition».

274.Il a été inséré au titre douze du livre quatrième du Code de Procédure Pénale un article 664 bis ainsi libellé: «les juridictions nationales sont compétentes pour tout crime ou délit, puni par la loi sénégalaise, commis hors du territoire de la République par un national ou un étranger, lorsque la victime est de nationalité sénégalaise au moment des faits».

275.S’agissant de l’incrimination de la torture, la réforme législative ne s’imposait pas dans la mesure où l’article 295-1 de la loi n° 96-15 du 28 août 1996 prévoyait et punissait déjà cette catégorie d’infraction.

La juridiction compétente pour juger Hissène Habré

276.La Cour d’assises, juridiction compétente en matière criminelle est appelée à connaître du procès de Monsieur Hissène Habré. Afin de renforcer sa célérité, elle a fait l’objet d’une réforme portant suppression des jurés et la simplification des règles de procédure de manière à réduire les délais et minorer les coûts de procédure est en cours d’adoption au niveau du Parlement.

277.Par ailleurs, suite aux recommandations de l’Union Européenne, partenaire de l’État du Sénégal dans la gestion de ce dossier, le Ministre d’État Garde des Sceaux a nommé par arrêté, un haut magistrat sénégalais, chargé de coordonner tous les aspects de ce procès. La même autorité a même donné une suite favorable à la requête des ONG de défense des droits de l’Homme sollicitant leur participation active à la gestion de ce procès.

La prise en charge financière du procès de Hissène Habré

278.L’Union Africaine a demandé à la communauté africaine et internationale d’apporter leur soutien au Sénégal pour faire face, en toute équité, au procès de Monsieur Hissène Habré.

279.Conscient de l’importance du budget que nécessite la bonne tenue du procès de Hissène Habré, les autorités sénégalaises ont très tôt mené des études afin de cerner tous les besoins financiers prévisibles.

280.A cet effet, une société d’expertise comptable d’audit, la Compagnie International de Conseil et d’Expertise (CICE) chargée de déterminer le budget prévisionnel a conclu à 11,5 milliards et 6,4 milliards FCFA, respectivement pour le budget de fonctionnement et le budget d’investissement pour un procès de soixante (60) jours.

281.A la lumière des recommandations contenues dans le rapport des experts de l’Union Européenne venus en mission à Dakar du 20 au 25 janvier 2008, la correction de certains paramètres de temps et de coûts a été sollicitée au cabinet d’expertise CICE par le Département de la Justice.

282.Il faut noter enfin que très conscient de la nécessité d’une contribution sénégalaise au financement du procès en vue surtout du démarrage imminent de l’instruction, les autorités ont prévu à cet effet sur le budget 2008 un budget d’un milliard FCFA.

283.L’État du Sénégal se félicite ainsi d’avoir réagi dans les meilleurs délais à la jurisprudence du Comité contre la torture du 17 mai 2006 suite à l’examen de la communication plainte n° 181/2001 initiée par des ressortissants tchadiens et d’avoir par la même occasion satisfait à ses préoccupations et recommandations émises lors de l’examen du dernier rapport périodique en 1996.

284.L’État du Sénégal renouvelle ici solennellement son engagement à ne ménager aucun effort pour réaliser, sur son territoire, une société de justice, et de participer à l’effort international de lutte contre la torture dans toutes ses formes.