Nations Unies

CAT/C/MWI/CO/1

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

9 décembre 2022

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le rapport initial du Malawi *

1.Le Comité a examiné le rapport initial du Malawi à ses 1941e et 1944e séances, les 2 et 3 novembre 2022, et adopté les présentes observations finales à ses 1965e et 1968e séances, les 18 et 21 novembre 2022.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite que l’État partie ait accepté la procédure simplifiée d’établissement des rapports le 8 décembre 2016, et il accueille avec satisfaction la réponse apportée à la liste préalable de points à traiter, qu’il considère comme le rapport initial de l’État partie, ainsi que les informations complémentaires fournies pendant l’examen de ce rapport. Il regrette toutefois que le rapport initial ait été soumis avec vingt-deux années de retard.

3.Le Comité se félicite d’avoir pu engager un dialogue constructif avec la délégation de l’État partie et accueille avec satisfaction les réponses apportées aux questions et aux préoccupations soulevées pendant l’examen du rapport.

B.Aspects positifs

4.Le Comité constate avec satisfaction que, depuis son adhésion à la Convention, l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après, ou y a adhéré :

a)La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, en 2022 ;

b)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en 2017 ;

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en 2010 ;

d)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2009 ;

e)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2009 ;

f)Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en 2005 ;

g)Le Protocole d’extradition de la Communauté de développement de l’Afrique australe, en 2002.

5.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour réviser sa législation et pour adopter de nouvelles lois dans des domaines intéressant la Convention, notamment l’entrée en vigueur des lois suivantes :

a)La Loi sur l’accès à l’information, en 2017 ;

b)La Loi sur la prévention et la prise en charge du VIH/sida, en 2018 ;

c)La Loi sur la traite des personnes, en 2015 ;

d)La Loi sur le mariage, le divorce et les relations familiales, en 2015 ;

e)La Loi sur l’égalité hommes-femmes, en 2014 ;

f)La Loi sur la prise en charge des enfants, la protection de l’enfance et la justice pour enfants, en 2014 ;

g)La Loi sur la prévention de la violence domestique en 2006.

6.Le Comité salue les mesures que l’État partie a prises pour modifier ses politiques et procédures afin de renforcer la protection des droits de l’homme et de donner effet à la Convention, en particulier l’adoption des documents suivants :

a)Le Plan d’action national sur la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité (2021-2025) ;

b)La Stratégie nationale visant à mettre fin aux mariages d’enfants (2018-2023) ;

c)Le Plan national de lutte contre la violence fondée sur le genre au Malawi (2014-2020) ;

d)Le Plan national de lutte contre la traite des personnes (2017-2022) ;

e)Les Instructions générales et Mécanisme national d’orientation pour l’identification des victimes de la traite, en 2019 ;

f)Le Plan d’action national relatif aux personnes atteintes d’albinisme au Malawi (2018-2022) ;

g)Le Plan national de défense des droits de l’homme, en 2018.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition et incrimination de la torture

7.Le Comité note que l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est inscrite à l’article 19 (par. 3) de la Constitution et que, conformément à l’article 44 de la Constitution, cette interdiction n’est pas susceptible de dérogation, mais il regrette que la torture ne soit toujours pas érigée en infraction distincte et définie conformément à l’article premier de la Convention, dans le Code pénal. Il prend note des informations fournies par l’État partie selon lesquelles le Code pénal et d’autres textes législatifs contiennent des dispositions qui érigent en infraction plusieurs actes pouvant être constitutifs de torture. Il note toutefois que ces dispositions ne couvrent pas les actes de torture psychologique, qu’elles ne mentionnent pas les fins énumérées à l’article premier de la Convention et qu’elles prévoient des sanctions qui ne sont pas nécessairement proportionnelles à la gravité de l’infraction. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale no 2 (2007), qui souligne l’effet préventif qu’entraîne le fait de faire de la torture une infraction distincte (art. 1er et 4).

8.Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ inscrire dans sa législation une définition de la torture conforme à celle donnée à l ’ article premier de la Convention. L ’ État partie devrait revoir et modifier sa législation afin qu ’ elle interdise toutes les formes de torture conformément à la définition figurant à l ’ article premier de la Convention, en ayant à l ’ esprit que si la définition de la torture en droit interne est trop éloignée de celle énoncée dans la Convention, le vide juridique réel ou potentiel qui en découle peut ouvrir la voie à l ’ impunité. Le Comité lui recommande en outre de faire en sorte que les peines prévues pour les actes de torture soient à la mesure de la gravité de l ’ infraction, conformément à l ’ article 4 (par. 2) de la Convention.

Garanties juridiques fondamentales

9.Le Comité note que les articles 42 et 44 (par. 2) de la Constitution prévoient des garanties procédurales visant à prévenir la torture et les mauvais traitements en droit et que l’État partie a pris des mesures pour renforcer ces garanties, mais il regrette l’absence d’informations sur les dispositions prises pour assurer le respect des garanties juridiques fondamentales et sur les mesures disciplinaires imposées aux agents de la force publique qui ne les ont pas respectées. Il est en outre préoccupé par les informations indiquant que, dans la pratique, les personnes en détention ne bénéficient pas systématiquement des garanties juridiques ci-après dès le début de la privation de liberté :

a)Notification de leurs droits, y compris du droit d’être libéré sous caution ;

b)Délai constitutionnel de quarante-huit heures pour la présentation devant un juge ;

c)Accès rapide à un examen médical indépendant visant à déceler les signes de torture et de mauvais traitements en garde à vue ;

d)Droit à l’assistance d’un avocat indépendant ou accès à l’aide juridictionnelle, si nécessaire, en raison du nombre insuffisant d’avocats agréés (702), ainsi que du manque d’avocats chargés de l’aide juridictionnelle par rapport à la demande élevée en la matière (41 avocats et 58 assistants juridiques pour plus de 26 000 dossiers à traiter) ;

e)Absence d’enregistrement des entretiens faute d’équipement audio et vidéo dans les salles d’interrogatoire de la police, cet équipement n’étant actuellement installé que dans deux postes de police ;

f)Mauvaise tenue des registres des personnes arrêtées et détenues, qui retarderait les libérations, malgré l’affirmation contraire de l’État partie, et absence de système de registre central adéquat (art. 2).

10. L ’ État partie devrait :

a) Continuer de redoubler d ’ efforts pour que toutes les personnes privées de liberté bénéficient dans la pratique, dès le début de leur détention, de toutes les garanties juridiques fondamentales, notamment des droits d ’ être informées de leurs droits dans une langue qu ’ elles comprennent, d ’ être présentées devant un juge dans les délais prescrits par la loi, d ’ être examinées gratuitement et en toute confidentialité par un médecin indépendant, y compris par le médecin de leur choix, si elles en font la demande, de contester la légalité de leur détention et d ’ avoir rapidement accès à un avocat et, si nécessaire, à une aide juridictionnelle de qualité fournie par un Bureau de l ’ aide juridictionnelle doté de fonds et de ressources suffisants, y compris pendant l ’ interrogatoire initial et l ’ enquête. À cet égard, le Comité encourage l ’ État partie à poursuivre ses efforts pour remédier à la situation précaire de l ’ aide juridictionnelle, notamment en continuant de mettre en place des services téléphoniques gratuits dans les postes de police pour que les personnes arrêtées puissent avoir accès à l ’ aide juridictionnelle et en procédant à l ’ ouverture des bureaux d ’ aide juridictionnelle dans les 28 districts ;

b) Poursuivre l ’ installation de matériel d ’ enregistrement vidéo et audio dans les salles d ’ interrogatoire de la police et veiller à ce que les enregistrements soient mis à la disposition des défendeurs et de leurs conseils, sans frais pour le défendeur, et puissent être utilisés comme éléments de preuves devant les tribunaux ;

c) Établir un registre central dans lequel seront consignées toutes les détentions à tous les stades de la privation de liberté, y compris lors des transferts d ’ un lieu de détention à un autre, et faire en sorte que toutes les personnes placées en détention voient leur détention dûment enregistrée ;

d) Faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations sur les plaintes reçues concernant le non-respect des garanties juridiques fondamentales, notamment sur le nombre et l ’ issue de ces plaintes, y compris les mesures disciplinaires prises à l ’ égard des fonctionnaires qui ne respectent pas les garanties juridiques fondamentales.

Détention provisoire

11.Le Comité accueille avec satisfaction les informations fournies par la délégation concernant les efforts actuellement déployés pour mettre en place un système intégré de gestion des dossiers dans le domaine judiciaire, mais il regrette de constater qu’il n’existe à ce stade aucune procédure efficace permettantde vérifierla durée ou la légalité de la détention après l’arrestation. Il est préoccupé par les informations indiquant que des personnes sont placées en détention provisoire pendant des périodes prolongées, qui vont au‑delà des délais fixés par la loi et correspondent souvent à la durée de la peine maximale prévue pour l’infraction présumée (art. 2, 11 et 16).

12. L ’ État partie devrait veiller à ce que la réglementation relative à la détention provisoire soit scrupuleusement respectée et à ce que cette détention ne soit utilisée que dans des circonstances exceptionnelles, pour des périodes limitées et dans le respect de la loi, en tenant compte des principes de nécessité et de proportionnalité et de la présomption d ’ innocence et en envisageant des mesures de substitution à la détention provisoire, comme le prévoient les Règles minima des Nations Unies pour l ’ élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo), les Lignes directrices sur les conditions d ’ arrestation, de garde à vue et de détention provisoire en Afrique ( Lignes directrices de Luanda ) et l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela). Il devrait poursuivre ses efforts pour rendre opérationnel le système de gestion des dossiers et mettre en place une procédure formelle permettant de suivre la situation de toutes les personnes privées de liberté grâce à un registre consolidé et automatisé des procédures qui permette de connaître la date d ’ expiration du délai de détention provisoire ou de la peine d ’ emprisonnement. Il devrait également promouvoir le recours à des mesures de substitution à la détention provisoire, conformément aux normes internationales, et renforcer la formation des juges à cet égard .

Commission des droits de l’homme du Malawi

13.Le Comité note que la Commission des droits de l’homme du Malawi s’est vu accorder le statut A par l’Alliance mondiale des institutions nationales de défense des droits de l’homme en 2000, mais il est préoccupé par le fait que les ressources financières et humaines allouées à la Commission sont insuffisantes pour lui permettre de s’acquitter efficacement de toutes ses fonctions, en particulier celles qui consistent à recevoir et à instruire les plaintes dénonçant des violations des droits de l’homme, à contrôler les lieux de détention et à surveiller la suite donnée à ses recommandations, outre les attributions qui lui sont conférées par la loi sur l’égalité des sexes et la loi sur l’accès à l’information (art. 2).

14. L ’ État partie devrait garantir l ’ indépendance fonctionnelle de la Commission des droits de l ’ homme du Malawi en la dotant de ressources financières et humaines supplémentaires et d ’ un budget adéquat qui lui permette de s ’ acquitter pleinement de ses fonctions , conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris).

Aveux obtenus par la torture ou par des mauvais traitements

15.Le Comité constate avec une vive préoccupation que les dispositions de l’article 176 du Code de procédure pénale et d’administration de la preuve n’interdisent pas de considérer les aveux obtenus par la torture ou par des mauvais traitements comme recevables et permettent aux tribunaux nationaux de se fonder sur ces aveux s’ils sont convaincus, au-delà de tout doute raisonnable, que ceux-ci sont véridiques sur le fond, indépendamment des allégations de torture formulées. Il est en outre préoccupé par les informations indiquant que la torture ou les mauvais traitements sont couramment utilisés pour extorquer des aveux, que ces actes ne font pas l’objet d’enquêtes et de poursuites, et que les capacités des agents de l’État en matière de collecte de preuves médico-légales sont limitées (art. 15).

16. L ’ État partie devrait :

a) Prendre les mesures législatives et autres nécessaires pour modifier l ’ article 176 du Code de procédure pénale et d ’ administration de la preuve et veiller à ce que les aveux et toute autre déclaration obtenus par la torture ne puisse nt pas être invoqués comme élément s de preuve dans une procédure , sauf lorsqu ’ ils sont utilisés contre une personne accusée de torture pour établir qu ’ une déclaration a été faite , et à ce que les cas de ce type donnent lieu à une enquête ;

b) Élaborer des modules de formation à l ’ intention des agents des forces de l ’ ordre sur les techniques d ’ entretien et d ’ enquête non coercitives, en incluant les Principes relatifs aux entretiens efficaces dans le cadre des enquêtes et de la collecte d ’ informations (Principes de Méndez), mettre au point des outils d ’ enquête avancés et établir un système solide de collecte de preuves médico-légales ;

c) Fournir au Comité des informations sur les affaires dans lesquelles des aveux ont été jugés irrecevables au motif qu ’ ils avaient été obtenus par la torture ou par des mauvais traitements, et indiquer si des fonctionnaires ont été poursuivis et sanctionnés pour avoir extorqué de tels aveux.

Conditions de détention

17.Le Comité prend note avec intérêt des mesures que l’État partie a prises pour remédier à la surpopulation dans les lieux de détention, parmi lesquelles la création de tribunaux itinérants et la construction de nouvelles ailes dans plusieurs prisons, auxquelles s’ajoutent les mesures prévues par le nouveau projet de loi sur les prisons, en cours d’examen. Néanmoins, il constate avec préoccupation que :

a)La surpopulation carcérale reste très élevée (plus de 200 % de la capacité réelle) et les conditions matérielles, notamment pour ce qui est de la ventilation, de l’assainissement et de l’approvisionnement en nourriture et en eau, restent mauvaises dans plusieurs prisons, malgré quelques projets d’amélioration. Le Comité note que la libération de 499 détenus (sur plus de 16 000) qui ont bénéficié d’une grâce présidentielle pendant la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) n’a pas permis de remédier de manière appropriée à la situation désastreuse dans les prisons et ne concernait apparemment pas les détenus vulnérables, tels que les plus âgés et les malades ;

b)Les services médicaux et les soins de santé dans les prisons sont inexistants ou insuffisants, et les détenus n’ont pas accès à des activités récréatives ou éducatives susceptibles de favoriser leur réadaptation;

c)Les personnes présentant un handicap intellectuel ou psychosocial seraient régulièrement placées en détention pendant des périodes prolongées, y compris en prison avec la population carcérale générale, et parfois soumises à des mesures d’isolement et de contention, sans accès à une assistance appropriée, bien que l’État partie affirme le contraire ;

d)L’article 91 (par. 1 b))de la loi sur les prisons actuellement en vigueur prévoit que les détenus âgés de 16 ans ou plus peuvent être placés à l’isolement à titre de sanction pour une période pouvant aller jusqu’à vingt-cinq jours, même si selon les informations fournies par l’État partie, les mesures de placement à l’isolement sont appliquées principalement à des fins de protection pour des durées ne dépassant pas quinze jours, et ne sont jamais appliquées aux enfants (art. 2, 11 et 16).

18. Le Comité engage l ’ État partie à redoubler d ’ efforts pour rendre les conditions de détention conformes aux Règles Nelson Mandela et à l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l ’ administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing). L ’ État partie devrait en particulier :

a) Prendre toutes les mesures législatives et autres nécessaires, notamment en promulguant le projet de loi sur les prisons, pour réduire la surpopulation carcérale, en particulier en ayant davantage recours aux mesures de substitution à la détention, et poursuivre la mise en œuvre des projets de développement et de rénovation des infrastructures dans les prisons et autres lieux de détention ;

b) Veiller à ce que les besoins fondamentaux des personnes privées de liberté, notamment en ce qui concerne l ’ eau, l ’ assainissement et l ’ alimentation, soient satisfaits et à ce que les détenus bénéficient de services médicaux et de soins de santé appropriés, conformément aux règles 24 à 35 des Règles Nelson Mandela, en prenant notamment en considération les besoins particuliers des femmes, des femmes enceintes et des mères avec enfants en détention ;

c) Faciliter l ’ accès aux activités récréatives et culturelles ainsi qu ’ à la formation professionnelle et à l ’ enseignement dans les lieux de détention afin de favoriser la réinsertion des détenus dans la communauté ;

d) Veiller à ce que les détenus qui ont un handicap intellectuel ou psychosocial ne soient pas placés en garde à vue ou en prison, mais soient dirigés vers des établissements de santé appropriés, et à ce que les détenus qui ont besoin d ’ un suivi et d ’ un traitement psychiatriques bénéficient d ’ un hébergement et d ’ une prise en charge psychosociale adaptés ;

e) S ’ assurer que la législation et la pratique en matière de placement à l ’ isolement sont conformes aux normes internationales, notamment aux règles 43 à 46 des Règles Nelson Mandela et à la règle 67 des Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté, et faire en sorte que le nouveau projet de loi sur les prisons, une fois adopté, soit également conforme à ces normes.

Violences et décès en détention

19.Le Comité regrette l’absence de données statistiques complètes, ventilées par lieu de détention, âge, sexe et origine ethnique ou nationalité du défunt et cause du décès, sur le nombre total de décès survenus en détention au cours de la période considérée. Selon les quelques informations fournies par l’État partie, il y a eu 12 décès par suicide en garde à vue depuis 2020, et 414 décès en prison entre 2014 et 2018. Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles la torture et les mauvais traitements ainsi que l’absence de soins de santé adéquats figurent parmi les causes de décès en détention et il n’est pas toujours procédé à une enquête dirigée par un coroner (officier de justice) en cas de décès. Il prend note des informations fournies par la délégation de l’État partie au sujet de deux incidents violents survenus dans la prison centrale de Zomba au cours des quatre dernières années, mais regrette de ne pas avoir reçu d’informations complètes sur les cas de violence entre détenus, de suicides et d’autres décès soudains dans les prisons, et sur le système en place permettant d’enregistrer et de signaler les incidents de ce type et de prendre des mesures de prévention et de protection des détenus en situation de vulnérabilité. Il prend également note des informations fournies par la délégation concernant l’augmentation du nombre de dispensaires dans les prisons, mais regrette l’absence d’informations sur les dispositifs en place permettant d’effectuer des examens médicaux à l’admission dans les prisons, ainsi que dans les centres de détention provisoire, et de repérer et consigner les signes de torture ou de mauvais traitements. Le Comité note que l’Inspection des prisons et la Commission des droits de l’homme du Malawi ont notamment pour mandat de recevoir les plaintes, y compris concernant des actes de torture ou des mauvais traitements, émanant de personnes privées de liberté et de mener des enquêtes, mais il est préoccupé par le faible nombre d’affaires portées devant la Commission (cinq par an en moyenne) et par les deux allégations de torture mettant en cause des agents pénitentiaires des prisons de Zomba et de Chichiri. Il regrette en outre l’absence d’informations complètes sur le nombre de plaintes reçues par l’Inspection des prisons et soumises aux services de poursuites compétents, les peines prononcées et les réparations accordées aux victimes (art. 2, 11 et 16).

20. L ’ État partie devrait :

a) Adopter des mesures pour enregistrer tous les incidents violents, les blessures et les décès survenus dans les locaux de la police et dans les prisons et faire en sorte que ces cas soient immédiatement portés à l ’ attention des autorités compétentes afin qu ’ il soit procédé à une enquête, ainsi qu ’ à un examen médico-légal indépendant −  dans les cas où une autopsie est demandée, celle-ci devrait être effectuée conformément au Protocole du Minnesota relatif aux enquêtes sur les décès résultant potentiellement d ’ actes illégaux − et recueillir et fournir au Comité des informations détaillées sur le nombre de cas de blessures et de décès, y compris par suicide, dans tous les lieux de détention, et sur leurs causes et le résultat des enquêtes s ’ y rapportant ;

b) Veiller à ce que tout le personnel concerné, notamment le personnel médical, les procureurs et les juges, reçoive une formation spéciale concernant la détection des cas de torture et de mauvais traitements, conformément au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul, tel que révisé) ;

c) Faire en sorte qu ’ un examen médical approfondi soit pratiqué lors de l ’ admission en prison (en particulier à la maison d ’ arrêt), sans la présence de policiers ou de fonctionnaires de l ’ administration pénitentiaire, et que le personnel médical chargé de l ’ examen adresse immédiatement un signalement au bureau du procureur ou aux autres autorités compétentes s ’ il a des raisons de croire qu ’ une personne a subi des mauvais traitements ;

d) Adopter des stratégies et des programmes de prévention de la violence, du suicide et de l ’ automutilation en détention, mettre en place un outil d ’ évaluation des risques dans l ’ ensemble du système pénitentiaire, former le personnel pénitentiaire à la gestion des détenus sur ce plan, et recruter des agents pénitentiaires en nombre suffisant pour garantir un taux d ’ encadrement approprié.

Enquêtes sur les actes de torture et les mauvais traitements infligés par des agents de la force publique et mécanisme de plainte indépendant

21.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie concernant les formations aux droits de l’homme dispensées aux policiers, mais il est préoccupé par les informations indiquant que la torture, les mauvais traitements, les violences sexuelles et fondées sur le genre, l’usage excessif de la force et les exécutions extrajudiciaires par des policiers demeurent courants. Il se félicite de la création de la Commission indépendante des plaintes contre la police, en 2021, mais s’inquiète de ce que les ressources financières et humaines dont dispose la Commission ne soient pas suffisantes pour lui permettre d’être pleinement opérationnelle. Il prend note des informations fournies par la délégation selon lesquelles ladite Commission a reçu 105 plaintes depuis 2021, mais reste préoccupé par le fait qu’elle n’a jusqu’à présent recommandé des poursuites que dans deux affaires. Il est en outre préoccupé par l’absence de progrès dans les enquêtes en cours, notamment celle sur la « saga Msundwe », qui concerne des allégations d’agressions sexuelles et de viols de femmes et de filles par la police en 2019 (art. 2, 11 à 13 et 16).

22. L ’ État partie devrait :

a) Faire en sorte que des enquêtes impartiales et efficaces soient ouvertes d ’ office et sans délai sur toutes les allégations de violence, notamment de torture, de mauvais traitements, de violences sexuelles et fondées sur le genre et d ’ usage excessif de la force par des agents des forces de l ’ ordre, que les auteurs présumés soient poursuivis et sanctionnés et que les agents de l ’ État soupçonnés d ’ actes de torture et de mauvais traitements soient immédiatement suspendus de leurs fonctions pour la durée de l ’ enquête, sans préjudice du principe de la présomption d ’ innocence, et informer le Comité du nombre de plaintes reçues, d ’ enquêtes ouvertes et de poursuites engagées, y compris d ’ office, et des réparations accordées aux victimes ;

b) Prendre des mesures pour renforcer les mécanismes de plainte existants en leur allouant des ressources financières et humaines suffisantes, et veiller à ce que les détenus, y compris ceux qui ont été victimes de torture, puissent déposer plainte et soient protégés contre toute forme d ’ intimidation ou de représailles en raison de leurs plaintes et qu ’ il n ’ y ait aucun lien institutionnel ou hiérarchique entre les personnes chargées d ’ enquêter et les auteurs présumés des faits.

Surveillance des lieux de détention

23.Selon les informations fournies par la délégation de l’État partie, l’Inspection des prisons effectue en moyenne quatre visites de contrôle des lieux de privation de liberté par an tandis que la Commission des droits de l’homme du Malawi, dont les visites semblent plutôt irrégulières et sporadiques, en a effectué trois depuis 2018. Les informations dont dispose le Comité ne lui permettent pas de savoir si ces visites sont inopinées, si tous les lieux de privation de liberté peuvent en faire l’objet et si de telles activités de contrôle des lieux de détention et de garde à vue peuvent aussi être confiées à des organisations internationales et à des acteurs de la société civile. Enfin, le Comité regrette l’absence d’informations sur les mesures que l’État partie a prises pour donner suite aux rapports de visite et aux recommandations qui y sont formulées (art. 2, 11 et 16).

24. Compte tenu des engagements pris par l ’ État partie dans le cadre de l ’ Examen périodique universel, en novembre 2020, le Comité encourage l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Dans l ’ intervalle, l ’ État partie devrait renforcer le mandat des organes de contrôle existants et prendre toutes les mesures possibles pour que les acteurs internationaux et nationaux puissent effectuer des visites régulières, indépendantes et inopinées dans tous les lieux de privation de liberté. Il devrait également veiller à ce que les recommandations formulées par les organes de contrôle à l ’ issue de leurs visites dans les lieux de détention soient effectivement appliquées.

Justice pour enfants

25.Le Comité constate avec préoccupation que l’article 14 du Code pénal fixe l’âge de la responsabilité pénale à dix ans. Il est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles les maisons de redressement sont soumises à des contraintes budgétaires, qui sont susceptibles de compromettre la sécurité, la santé et le bien-être des enfants détenus, et il regrette l’absence d’informations détaillées sur les mesures de substitution à la détention qui sont appliquées dans les faits (art. 2, 11 et 16).

26. L ’ État partie devrait relever l ’ âge de la responsabilité pénale et veiller à la pleine application des normes relatives à la justice pour enfants , comme l ’ a recommandé le Comité des droits de l ’ enfant dans son observation générale n o 24 (2019) (par. 20 à 2 8 ). Il devrait promouvoir davantage encore, chaque fois que cela est possible, le recours aux mesures non privatives de liberté et non judiciaires comme la déjudiciarisation, la probation, la médiation, les services d ’ accompagnement ou le travail d ’ intérê t général , pour tous les mineurs délinquants , et veiller à ce que les centres de redressement disposent de financements suffisants , afin que le r é gime de d é tention applicable aux délinquants juvéniles soit globalement conforme aux normes international es .

Peine de mort

27.Le Comité note qu’aucune exécution n’a eu lieu depuis 1994 et que plusieurs condamnations à mort ont été réexaminées depuis 2015, ce qui a permis de commuer les peines de 22 condamnés à mort sur 25 en 2022, mais il constate avec préoccupation que la législation interne, notamment la loi de 2004 sur les forces de défense, continue de prévoir la peine de mort pour nombre d’infractions pénales. Il est préoccupé en outre par les informations selon lesquelles les condamnations à mort reposent souvent sur des aveux obtenus par la contrainte, en l’absence de garanties d’une procédure régulière, et les conditions matérielles de détention des condamnés à mort laissent à désirer (art. 2, 11 et 16).

28. Le Comité invite l ’ État partie à envisager d ’ abolir la peine de mort et de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort . Dans l ’ intervalle , i l l ’ invite à commue r toutes les condamnations à mort en peines de prison , à renforcer les garanties juridiques et les garanties d ’ une procédure régulière à tous les stades de la procédure et pour toutes les infractions , et à faire en sorte que les conditions de d é tention des condamnés soient conformes aux normes international es .

Violence sexuelle et fondée sur le genre

29.Le Comité est préoccupé par les points suivants :

a)Le Comité accueille favorablement plusieurs mesures législatives, générales et institutionnelles prises par l’État partie pour lutter contre la violence à l’égard des femmes et des filles, notamment l’organisation de campagnes d’information et d’activités de formation, la création de 20 centres uniques de prise en charge dans des hôpitaux, la constitution d’unités d’aide aux victimes dans 135 postes de police, l’ouverture de lignes d’assistance téléphonique gratuites et la mise en place de procédures simplifiées de signalement, mais il est préoccupé par les informations selon lesquelles ce type de violence est encore très répandue et va croissant, et les victimes ont de plus en plus de mal à accéder aux services médicaux et psychosociaux et à l’aide juridictionnelle. Le Comité prend note des données fournies par l’État partie sur les cas de violence fondée sur le genre enregistrés depuis 2005, mais il regrette que des informations complètes ne lui aient pas été communiquées en ce qui concerne les enquêtes et les poursuites auxquelles ont donné lieu ces cas, qui comprennent des cas de violence domestique, et l’assistance et les services d’appui fournis aux victimes ainsi que les indemnisations qui leur ont été versées dans toutes les affaires jugées ;

b)Le viol conjugal n’est pas incriminé par le Code pénal. À cet égard, le Comité relève avec inquiétude que l’article 62 de la loi sur le mariage, le divorce et les relations familiales incrimine le viol conjugal exclusivement en cas de séparation de corps ;

c)Les articles 137A, 153 (par. a) et c)), 154 et 156 du Code pénal incriminent les rapports homosexuels consentis et prévoient qu’ils sont passibles d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à quatorze ans. Selon les renseignements reçus, les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT+) sont de ce fait particulièrement exposées à la violence de la part d’agents publics comme de particuliers, et cette violence est généralement peu signalée aux autorités par crainte de représailles, de poursuites et de nouvelles discriminations. À cet égard, le Comité note qu’un moratoire sur l’exercice de poursuites pour rapports homosexuels consentis a été instauré en 2012, mais il reste préoccupé par les informations selon lesquelles une femme transgenre a été inculpée d’infraction à l’article 153 c) du Code pénal en 2021 (art. 2, 12 à 14 et 16).

30. L ’ État partie devrait faire en sorte que tous les cas de violence fondée sur le genre , particulièrement ceux qui procèdent d ’ une action ou d ’ une omission des pouvoirs publics ou d ’ une autre entité qui engage la responsabilit é international e de l ’ État partie au titre de la Convention, fassent l ’ objet d ’ une enquête approfondie qui tienne compte des questions de genre et des particularités culturelles , que les auteurs présumés des faits soient traduits en justice et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées, et que les victimes ou leur famille obtiennent réparation, notamment sous la forme d ’ une indemnisation adéquate . Le Comité recommande en particulier à l ’ État partie  :

a) De garantir la stricte application de la loi sur la prévention de la violence dans la famille et de modifier le Code pénal afin d ’ ériger en infraction le viol conjugal dans toutes les circonstances ;

b) De veiller à ce que les victimes de violence sexuelle et fondée sur le genre bénéficient d ’ une protection, aient accès à des services médicaux et juridiques, notamment à des services de soutien psychologique et à des foyers d ’ accueil sûrs et dotés de moyens financiers suffisants, et puissent obtenir réparation, y compris des moyens de réadaptation ;

c) De redoubler d ’ efforts pour diffuser, auprès des hommes comme des femmes, des informations sur la nature criminelle de la violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, notamment au moyen de campagnes d ’ information et de campagnes médiatiques, afin de remettre en question l ’ acceptation sociale de cette violence et de lutter contre la stigmatisation, qui décourage les victimes de la signaler ;

d) De prendre des mesures visant à prévenir la violence et la discrimination à l ’ égard des personnes LGBT+ fondées sur leur orientation sexuelle, leur expression du genre o u leur identit é de genre , notamment en abrogeant les articles susmentionnés du Code pénal et en veillant à ce que les mécanismes de plainte soient accessible s aux victimes de violence et aux personnes qui y sont exposées, et permettent de les protéger efficacement  ;

e) De re cueillir et de lui fournir des données ventilées par âge , sex e et type d ’ infraction sur le nombre de plaintes déposées et d ’ enquêtes ouvertes , de déclarations de culpabilité prononcées et de peines impos ées pour des faits de violence sexuelle et fondée sur le genre , y compris de violence domestique , de viol , de viol conjugal et de violence ciblant des personnes du fait de leur l ’ orientation sexuelle, leur expression du genre ou leur identité de genre , sur les mesures de protection prises en faveur des victimes et les services juridiques et médicaux mis à leur disposition et sur les réparations qui leur sont accordées .

Pratiques traditionnelles préjudiciables

31.Le Comité salue la détermination exprimée par l’État partie s’agissant de lutter contre les pratiques traditionnelles préjudiciables, ainsi que les mesures législatives et autres qu’il a prises pour y mettre fin, dont l’interdiction du mariage d’enfantsen 2015, mais il s’inquiète de l’augmentation du nombre de mariages d’enfants depuis le début de la pandémie de COVID-19. En outre, il relève avec préoccupation qu’aucune loi n’incrimine expressément les mutilations génitales féminines. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles des femmes accusées de sorcellerie avaient subi des violences physiques. Il regrette l’absence d’informations sur les enquêtes ouvertes et les poursuites engagées concernant les pratiques préjudiciables, ainsi que sur les mesures de protection prises en faveur des victimes et les réparations qui leur sont accordées. Enfin, le Comité est préoccupé par les informations reçues selon lesquelles les peines prononcées contre des personnes reconnues coupables de certaines de ces pratiques sont clémentes (art. 2 et 16).

32. L ’ État partie devrait appliquer strictement la l é gislation relative à l ’ âge minimum du mariage et faire expressément savoir que les mariages d ’ enfants sont sans effets juridiques et constituent une pratique préjudiciable, conformément à la recommandation générale n o 24 (1999) du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes . Le Comité recommande aussi à l ’ État partie d ’ envisager d ’ adopt er une loi érigeant expressément en infraction les mutilations génitales féminines . L ’ État partie devrait enquêter sans délai sur tous les cas de pratiques traditionnelles préjudiciables , poursuivre les auteurs des faits et accorder une réparation aux victimes, prendre des mesures pour mettre fin à ces pratiques et continue r d ’ intensifier ses activités de sensibilisation à leurs effets préjudiciables , particul ièrement auprès des familles , des commun au t é s et des chefs tradition nels .

Personnes atteintes d’albinisme

33.Le Comité prend note des informations communiquées par l’État partie sur les mesures prises pour lutter contre la violence à l’égard des personnes atteintes d’albinisme, notamment les formations dispensées aux fonctionnaires et les campagnes de sensibilisation organisées. Il regrette toutefois le manque d’informations sur les enquêtes ouvertes, les poursuites engagées et les déclarations de culpabilité prononcées, y compris dans les affaires de trafic d’organes de personnes atteintes d’albinisme, sur les mesures de sécurité, de protection et de prévention adoptées, y compris l’assistance fournie et les réparations accordées aux victimes, et sur les initiatives visant à s’attaquer aux causes profondes de ces violences (art. 2, 12, 13 et 16).

34. L ’ État partie devrait prendre des mesures efficaces pour prévenir les agressions rituelles et d ’ autres pratiques traditionnelles préjudiciables et protéger les personnes atteintes d ’ albinisme contre celles-ci , faire en sorte que tous les actes de violence fassent l ’ objet d ’ une enquête , que leurs auteurs soient traduits en justice et que les victimes obtiennent r é paration et bénéficient de services de réadaptation , et s ’ attaquer aux causes profondes de ce s violence s .

Traite des personnes

35.Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie pour lutter contre la traite des personnes et de l’augmentation progressive du nombre de poursuites engagées et de déclarations de culpabilité prononcées contre des auteurs de faits de traite depuis 2013. Il est toutefois préoccupé par plusieurs lacunes signalées concernant la stratégie de l’État partie, à savoir que le cadre juridique ne prend pas correctement en compte le crime de traite à des fins d’exploitation sexuelle, y compris l’exploitation en ligne ou par l’intermédiaire des technologies numériques ; les cas de traite sont trop peu signalés compte tenu de l’ampleur du phénomène, particulièrement en ce qui concerne la traite des enfants ; les données recueillies sur les cas signalés qui ont fait l’objet d’une enquête sont insuffisantes et on manque d’informations ventilées sur l’âge, le sexe et le genre des victimes, le type de traite qu’elles ont subie et les réparations qui leur ont été accordées. Le Comité note en outre avec préoccupation qu’on a récemment découvert au Nord du district de Mzimba un charnier contenant les cadavres de 25 victimes de traite présumées (art. 2 et 16).

36. L ’ État partie devrait  :

a) Prendre des mesures l é gislative s pour que la loi sur la traite des personnes incrimine comme il convient la traite à des fins d ’ exploitation sexuelle, y compris l ’ exploitation en ligne ou par l ’ intermédiaire des technologies numériques ;

b) Redoubler d ’ efforts pour enquêter sur la traite des personnes et les pratiques connexes , et notamment établir les responsabilités concernant le charnier à Mzimba ; poursuivre les auteurs des actes et leur infliger des peines qui soient à la mesure de la gravité de l ’ infraction commise ; fournir au Comité des données complètes ventilées sur le nombre d ’ enquêtes ouvertes, de poursuites engagées et de peines prononcées  ;

c) Allouer des financements suffisants à l ’ application du cadre législatif et des politiques générales visant à prévenir et à réprimer la traite, ainsi qu ’ à protéger les victimes et à leur donner accès à un recours utile , notamment en renforçant la formation spécialisée dispensée aux policiers, aux juges, aux procureurs, aux travailleurs sociaux et aux autres primo intervenants sur les moyens de repérer l es victimes et d ’ enquêter sur les faits de traite, d ’ en poursuivre les auteurs et de les punir conformément à la législation applicable en matière de lutte contre la traite.

Régime de l’asile et non-refoulement

37.Le Comité salue l’action menée par l’État partie pour protéger les demandeurs d’asile, mais il relève avec préoccupation que, selon l’article 11 de la loi sur les réfugiés, on ne peut faire appel d’une décision négative du Comité des réfugiés qu’auprès du ministre compétent, et que ce type de décision n’est pas soumis à un contrôle judiciaire. Il relève aussi avec préoccupation que, selon certaines informations, l’enregistrement et le traitement des demandes issues de demandeurs d’asile perçus comme étant des personnes LGBT+ sont fréquemment refusés. En outre, le Comité constate avec préoccupation qu’il n’existe aucune procédure permettant de repérer les vulnérabilités particulières des demandeurs d’asile, comme le risque d’être soumis à la torture, à la traite ou à des violences sexuelles et fondées sur le genre, ce qui accroît le risque de transgression du principe de non-refoulement. Il s’inquiète vivement de la situation des réfugiés du camp de Dzaleka, tout particulièrement de l’extrême surpeuplement du camp, de l’inaccessibilité des services de base, ainsi que des allégations de violence fondée sur le genre et de restrictions à la liberté de circulation. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles il arrive que des enfants migrants soient placés en détention, souvent avec des adultes, dans de mauvaises conditions et sans qu’ils aient accès à une assistance adéquate compte tenu de leur vulnérabilité (art. 2, 3 et 16).

38. L ’ État partie devrait respecter les obligations qui lui incombent en vertu de l ’ article 3 de la Convention et veiller à ce que, dans la pratique, nul ne puisse être expulsé, renvoyé ou extradé vers un État où il y a des motifs sérieux de croire qu ’ il risquerait d ’ être soumis à la torture ou à des mauvais traitements . E n particul ie r, l ’ État partie devrait garantir à tous les demandeurs d ’ asile l ’ accès à des procédures équitables, notamment à u n entretien détaillé et approfondi ayant pour objet d ’ apprécier le risque qu ’ ils soient soumis à la torture et à des mauvais traitements dans leur pays d ’ origine, compte tenu de leur situation personnelle, et f aire en sorte que les personnes vulnérables soient repérées rapidement et aient dûment accès aux soins de santé et à des services d ’ accompagnement psychologique . Il devrait remédier sans délai aux conditions de précarité qui règnent dans le camp de Dzaleka, veiller à ce que les enfants migrant s ne soient pas détenus du seul fait de leur statut au regard de la législation sur l ’ immigration et à ce qu ’ ils ne soient pas détenus avec des adult e s, à l ’ exception des membres de leur famille , et prendre des mesures de sé curit é afin de protéger toutes les personnes placées dans des camps . L ’ État partie devrait envisager de modifier la loi sur les réfugiés de manière que les décisions administrative s d ’ expulsion fassent l ’ objet d ’ un contrôle judiciaire, et de garantir l ’ effet suspensif des appels.

Défenseurs des droits de l’homme et journalistes

39.Le Comité constate avec préoccupation qu’il n’existe aucune loi qui protège expressément le travail des défenseurs des droits de l’homme et des autres acteurs de la société civile, en particulier compte tenu des allégations selon lesquelles des défenseurs des droits de l’homme, des militants de la société civile et des journalistes ont été menacés, arrêtés, battus, harcelés ou intimidés dans l’exercice de leurs fonctions, y compris dans l’exercice de leur droit de réunion pacifique ou alors qu’ils rendaient compte d’informations d’intérêt public. Le Comité regrette le manque d’informations sur les enquêtes ouvertes et les poursuites engagées et sur leur issue, ainsi que sur les éventuelles mesures de protection prises dans ce cadre (art. 2, 12, 13 et 16).

40. L ’ État partie devrait envisager de d ’ adopter des lois destinées à protéger les défenseurs des droits de l ’ homme et de prendre des mesures afin de promouvoir un e space civique libre et sûr , de protéger les défenseurs des droits de l ’ homme et les journalistes contre tout acte violent ou tout acte d ’ intimidation auquel ils pourraient être expos és en raison de leurs activités de défense des droits de l ’ homme , y compris celles qui portent sur la prévention de la torture et des mauvais traitements et la protection contre de tels actes . Il devrait aussi prendre toutes les mesures possibles pour enquêter sur ce type d ’ all é gations , puni r les responsables et accorder une réparation adéquate aux victimes .

Justice populaire

41.Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour lutter contre les violences collectives, mais il reste préoccupé par les informations selon lesquelles des délinquants présumés ont fait l’objet d’agressions en groupe, entraînant la mort de certains, agressions qui s’expliqueraient par un manque de confiance de la population vis-à-vis de la police et du système de justice pénale. Il est également préoccupé par le manque d’informations concernant les enquêtes ouvertes et les poursuites engagées à cet égard (art. 2, 12 et 16).

42. L ’ État partie devrait intensifier ses efforts visant à mettre fin à la justice populaire et mener des campagne s d ’ information sur le caractère illégal de celle-ci , enquêter sur les cas signalés, poursuivre les auteurs des actes et prendre des mesures pour rétablir la confiance de la population dans la police et les institutions judiciaires .

Mesures de réparation, y compris les indemnisations et les moyens de réadaptation

43.Le Comité prend note des informations communiquées par l’État partie sur le droit à un recours utile, consacré par la Constitution (art. 41 (par. 3)), sur la possibilité de demander des dommages-intérêts au civil et sur les dommages-intérêts effectivement versés dans quelques affaires, mais il relève avec préoccupation qu’hormis les dommages-intérêts compensatoires, les victimes n’ont accès à aucune réparation, y compris les moyens nécessaires à leur réadaptation médicale et psychosociale la plus complète possible, conformément à l’article 14 de la Convention (art. 14).

44. L ’ État partie devrait veiller à ce que les victimes d ’ actes de torture et de mauvais traitements obtiennent réparation, y compris les moyens d ’ une réadaptation aussi complète que possible, et qu ’ elles puissent réclamer des dommages-intérêts pour préjudice pécuniaire et non pécuniaire et avoir accès à une réadaptation médicale et psychosociale. L ’ État partie devrait procéder , e n coopération avec les organisations de la société civile spécialisées , à une évaluation des besoins actuels des victimes de torture en matière de réadaptation .

Formation

45.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour concevoir et mettre en œuvre des programmes d’éducation et de formation aux droits de l’homme destinés aux policiers et aux agents pénitentiaires, qui comprennent des modules sur la Convention couvrant l’interdiction absolue de la torture, y compris la formation dispensée conjointement avec la société civile. Il regrette toutefois qu’aucune information ne lui ait été communiquée sur la formation destinée spécifiquement aux juges, aux procureurs, aux gardes frontière et au personnel militaire (art. 10).

46. L ’ État partie devrait intégrer les dispositions de la Convention dans les programmes d ’ études obligatoires destinés à toutes les autorités concernées , dont les juges, les procureurs , les garde s  frontière et le personnel militaire .

Procédure de suivi

47. Le Comité demande à l ’ État partie de lui faire parvenir le 25 novembre 2023 au plus tard des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée à ses recommandations concernant la détention provisoire , les aveux obtenus par la torture ou par des mauvais tra i t e ment s et les conditions de d é tention ( voir par. 12, 16 a) et b) et 18 a)). L ’ État partie est aussi invité à informer le Comité des mesures qu ’ il prévoit de prendre pour appliquer, d ’ ici la soumission de son prochain rapport, tout ou partie des autres recommandations formulées dans les présentes observations finales.

Autres questions

48. Le Comité encourage l ’ État partie à étudier la possibilité de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

49. L ’ État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, au moyen des sites Web officiels et par l ’ intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales et à rendre compte au Comité de ses activités de diffusion .

50. Le Comité prie l ’ État partie de soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le deuxième , d ’ ici au 25 n ovembre 2026. À cette fin, et compte tenu du fait qu ’ il a accepté d ’ établir son rapport selon la procédure simplifiée, le Comité lui fera parvenir en temps utile une liste préalable de points à traiter. Les réponses de l ’ État partie à cette liste constitueront le deuxième rapport périodique qu ’ il soumettra en application de l ’ article 19 de la Convention .