Nations Unies

CAT/OP/UKR/3

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

18 mai 2017

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol, français et russe seulement

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Visite en Ukraine menée du 19 au 25 mai et du 5 au 9 septembre 2016 : observations et recommandations adressées à l’État partie

Rapport établi par le Sous-Comité * , **

Table des matières

Page

I.Introduction3

II.Mécanisme national de prévention4

III.Problèmes généraux6

A.Cadre juridique6

B.Cadre institutionnel6

IV.Situation des personnes privées de liberté9

A.Garanties fondamentales9

B.Préoccupations particulières14

V.Répercussions de la visite19

Annexes

I.List of places of deprivation of liberty visited by the Subcommittee21

II.List of government officials and other persons with whom the Subcommittee met23

I.Introduction

1.Conformément au mandat que lui confèrent les articles 11 et 13 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après « le Protocole facultatif »), le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci‑après « le Sous-Comité ») a effectué sa seconde visite en Ukraine en 2016. Cette visite, qui avait débuté le 19 mai 2016, a été suspendue par le Sous-Comité le 25 mai, faute de coopération ; la seconde partie de la visite a été menée du 5 au 9 septembre 2016.

2.En mai 2016, le Sous-Comité a cherché à se rendre dans divers types d’établissements dans différentes régions du pays, notamment des centres de détention provisoire et de détention temporaire, des établissements pénitentiaires, un hôpital psychiatrique, un centre de protection sociale et des structures rattachées au Service de sûreté de l’État (voir l’annexe I). Il n’a cependant pas pu s’acquitter pleinement de son mandat car il s’est vu refuser l’accès à tous ces établissements, à l’exception d’un de ceux relevant du Service de sûreté de l’État, qui ne lui a été ouvert qu’après un délai tel que la délégation ne pouvait pas être sûre de la fiabilité de ses conclusions.

3.En outre, malgré la coopération des autorités pendant la phase préparatoire de la visite, le Sous-Comité n’a pas reçu la liste complète de tous les lieux de privation de liberté, ni leur adresse. Les autorisations d’accès prévues n’étaient de plus pas pleinement conformes à ses demandes ni aux normes établies dans le Protocole facultatif.

4.Concluant donc qu’il ne serait pas en mesure d’accomplir les tâches relevant de son mandat tel qu’il est défini par le Protocole facultatif, la délégation a décidé, en concertation avec le Bureau du Sous-Comité, de suspendre sa visite le 25 mai 2016. Elle en a donné les raisons aux autorités ukrainiennes oralement et en toute confidentialité, tout en les informant brièvement des observations préliminaires qu’elle avait pu formuler à cette date.

5.À l’issue de discussions fructueuses avec le Gouvernement ukrainien, le Sous‑Comité a pu reprendre sa visite et la mener à son terme en septembre 2016, et visiter ou revisiter neuf centres de détention provisoire et centres de détention temporaire, ainsi que des structures rattachées au Service de sûreté de l’État. Au cours de cette période, la délégation s’est vu accorder un accès complet et immédiat à tous les lieux qu’elle a demandé à visiter. Néanmoins, le Sous-Comité demeure préoccupé par la politique de « nettoyage » des locaux qui semble avoir été menée avant les visites de manière à minimiser les chances qu’il ne mette en évidence d’éventuels motifs d’inquiétude, et a eu la nette impression que certaines pièces et certains espaces avaient été vidés pour faire croire qu’ils n’avaient pas été utilisés à des fins de détention.

6.Outre ses visites de lieux de privation de liberté, la délégation du Sous-Comité s’est entretenue avec les autorités gouvernementales concernées, le mécanisme national de prévention et des organisations de la société civile, ainsi que des représentants d’organismes des Nations Unies et d’autres organisations internationales dans le pays (voir l’annexe II). Elle s’est aussi entretenue avec des personnes privées de liberté, des agents des forces de l’ordre et des membres du personnel médical et du personnel des établissements pénitentiaires. Elle remercie toutes ces parties prenantes des précieux renseignements qu’elles lui ont fournis et sait tout particulièrement gré à la Mission de l’ONU de surveillance des droits de l’homme en Ukraine pour son appui technique.

7.En Ukraine, le Sous-Comité était représenté par Malcolm Evans (Président du Sous‑Comité et chef de la délégation), Victor Zaharia (coordonnateur pour les questions de représailles), Mari Amos (en mai 2016), June Caridad Pagaduan Lopez (en mai 2016) et Marija Definis-Gojanović (en septembre 2016). La délégation était assistée de spécialistes des droits de l’homme et d’agents de sécurité du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) ainsi que d’interprètes.

8.Le Sous-Comité considère que son mandat couvre l’ensemble du territoire ukrainien à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, conformément à la résolution 68/262 de l’Assemblée générale. Il regrette de ne pas avoir pu accéder aux zones de la région de Donetsk aux mains de groupes armés alors qu’il souhaitait y visiter des lieux de privation de liberté, car il a connaissance des vives préoccupations que suscite la situation de personnes qui y sont détenues et qu’il n’a pas été en mesure de rencontrer.

9.On trouvera dans le présent rapport les constatations et les recommandations du Sous‑Comité concernant la prévention de la torture et des mauvais traitements dont peuvent être victimes les personnes privées de liberté (ci-après « les détenus ») en Ukraine. Lors de l’élaboration de ce rapport, le Sous-Comité a tenu compte du rapport qu’il avait établi à l’issue de sa première visite dans l’État partie, en 2011, et de la mise en œuvre des recommandations qui y figuraient (CAT/OP/UKR/1). On entend par « mauvais traitements » toutes les formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

10. Le Sous-Comité demande aux autorités ukrainiennes de lui répondre dans les six mois suivant la date de transmission du présent rapport, en lui rendant compte des mesures prises et en lui présentant une feuille de route en vue de la pleine application des recommandations qui y figurent .

11.Le rapport se veut un moyen de poursuivre le dialogue entre le Sous-Comité et les autorités ukrainiennes sur la question de la prévention de la torture et des autres formes de mauvais traitements. Il contient des observations d’ordre général, qui sont applicables à un grand nombre de lieux de privation de liberté (ci-après « lieux de détention ») et visent à ce que les autorités puissent mettre en œuvre les recommandations formulées dans des contextes institutionnels précis. Si tous les lieux de détention dans lesquels il s’est rendu ne sont pas mentionnés dans le présent rapport, le Sous-Comité se réserve néanmoins le droit de faire des observations au sujet de tout établissement qu’il aura visité dans le cadre de son dialogue futur avec l’État partie. L’absence d’observations au sujet d’un établissement particulier visité par le Sous-Comité n’est le signe ni d’un avis positif ni d’un avis négatif de sa part concernant celui-ci. Le Sous-Comité considère qu’organiser une table ronde sur les mesures de suivi serait le moyen le plus efficace d’approfondir le dialogue sur les questions soulevées.

12. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ expliquer dans sa réponse la manière dont les recommandations qui lui sont adressées seront appliquées, au niveau des différents établissements ainsi que, le cas échéant, dans le cadre de sa politique générale. Il lui recommande aussi de faire figurer dans sa réponse des propositions quant à l ’ assistance et aux avis que le Sous-Comité pourrait encore lui offrir en application d e son mandant défini à l ’ article 11 du Protocole facultatif.

13.Le présent rapport restera confidentiel jusqu’à ce que l’État décide de le rendre public, conformément au paragraphe2 de l’article16 du Protocole facultatif. Le Sous-Comité est fermement convaincu que sa publication contribuerait positivement à la prévention de la torture et des mauvais traitements dans l’État partie, car une large diffusion des recommandations formulées favoriserait un dialogue national transparent et fructueux sur les questions qui y sont examinées. Le Sous-Comité recommande par conséquent à l ’ État partie d ’ autoriser la publication du rapport. Il se félicite en outre que l ’ État partie se soit engagé oralement à ce que ce soit le cas.

14.Le Sous-Comité tient à appeler l’attention de l’État partie sur le Fonds spécial créé en vertu de l’article 26 du Protocole facultatif. Les recommandations formulées par le Sous‑Comité dans ses rapports de visites qui ont été rendus publics peuvent servir de base pour faire une demande de financement de projets spécifiques auprès du Fonds spécial.

II.Mécanisme national de prévention

15.La désignation du Commissaire aux droits de l’homme du Parlement ukrainien (« Médiateur ») en tant que mécanisme national de prévention compte parmi les changements positifs intervenus depuis la première visite du Sous-Comité. De plus, la création d’un département à cet effet au sein du bureau du Médiateur montre que la nécessité de disposer d’une expertise spécialisée pour accomplir les fonctions de mécanisme national de prévention a été bien comprise (voir CAT/OP/UKR/1, par. 14 à 16).

16.Pour autant, le Sous-Comité constate avec préoccupation que le mécanisme national de prévention n’a pas les moyens nécessaires pour assumer pleinement les fonctions qui devraient être les siennes en application du Protocole facultatif, en particulier au vu du fait que l’Ukraine compte plusieurs milliers de lieux de détention. Il note aussi avec préoccupation que, si le mécanisme national de prévention a noué des relations fructueuses avec des réseaux internationaux et régionaux qui lui ont permis de développer ses capacités, son autonomie risque d’être compromise s’il doit être tributaire de donateurs internationaux pour être pleinement opérationnel.

17.Le Sous-Comité note avec satisfaction que le mécanisme national de prévention a procédé à plusieurs centaines de visites de lieux de détention, dont une bonne part de manière inopinée. Il note aussi qu’il entretient de solides relations avec les acteurs de la société civile, puisqu’il les associe régulièrement à ses visites et ses consultations, ainsi qu’à sa structure de base. Le Sous-Comité est cependant préoccupé de voir que le mécanisme ne peut pas, concrètement, visiter tous les lieux de privation de liberté étant donné qu’il n’a qu’un accès limité aux locaux du Service de sûreté de l’État, où des individus sont susceptibles d’être détenus à des fins d’enquête.

18.Le Sous-Comité estime que les activités de prévention du mécanisme national mériteraient d’être renforcées. Il estime en particulier que ce mécanisme gagnerait à être perçu comme une entité distincte du bureau du Médiateur. De plus, il note qu’une bonne partie de son travail consiste en fait à répondre à des plaintes individuelles. Il croit en outre comprendre qu’il n’existe pas de procédure établie pour permettre à l’État de réfléchir à la façon de donner suite aux recommandations du mécanisme.

19. Rappelant que le paragraphe 3 de l ’ article 18 du Protocole facultatif fait obligation aux États parties de dégager les ressources nécessaires au fonctionnement des mécanismes nationaux de prévention, le Sous-Comité recommande que le mécanisme national de prévention dispose d ’ un budget suffisant pour lui permettre d ’ assumer toutes les tâches qui relèvent de son mandat. Il recommande qu ’ une ligne budgétaire spécifique soit créée à cet effet dans le budget annuel national (voir CAT/C/57/4, annexe, par. 11 et 12) . Il recommande aussi que les fonds qui sont alloués au mécanisme national de prévention soient suffisants pour lui permettre de mener à bien son programme de visites, d ’ engager des experts extérieurs selon que de besoin, d ’ accroître ses effectifs et de bénéficier régulièrement de formations, selon un plan de travail qui lui soit propre .

20. Pour déterminer ce qui constitue un lieu de privation de liberté, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d’adopter une approche qui optimise l’effet préventif des activités du mécanisme national de prévention (voir CAT/C/57/4, annexe, par. 1 à 3) . Il lui recommande aussi de veiller à ce que le mécanisme national de prévention ait légalement et concrètement la possibilité d ’ accéder à tout lieu dans lequel il estime que des personnes sont ou pourraient être privées de liberté, conformément à l ’ article 4 du Protocole facultatif.

21. En outre, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ aider le mécanisme national de prévention à accroître sa visibilité afin que son mandat et ses travaux soient mieux connus et reconnus. Cela pourrait passer, par exemple, par la coordination de campagnes publiques de sensibilisation, la distribution de supports d ’ information sur le mandat et les activités du mécanisme national de prévention dans différentes langues auprès du personnel des lieux de détention, des détenus et de la société civile, et des actions d ’ information en direction des associations d ’ usagers, des avocats et du personnel judiciaire concernant le mandat du mécanisme national de prévention. Le Sous-Comité recommande de plus à l ’ État partie de mettre en place des moyens institutionnels qui lui permette nt d ’ examiner systématiquement les recommandations et le rapport annuel du mécanisme national de prévention et d ’ en débattr e avec lui.

III.Problèmes généraux

A.Cadre juridique

Évolutions positives

22.Un certain nombre d’évolutions positives sont intervenues sur le plan juridique en Ukraine depuis la visite effectuée en 2011 par le Sous-Comité. En particulier, la révision du Code de procédure pénale tendant à renforcer l’application des mesures non privatives de liberté au cours des procédures pénales a permis de réduire sensiblement le nombre de personnes en détention provisoire (voir CAT/OP/UKR/1, par. 59, 60, 65, 66, 97 et 98), ce qui a contribué à réduire le surpeuplement et à améliorer les services. De plus, la loi de 2011 sur l’aide juridictionnelle gratuite a permis à l’État partie d’améliorer sensiblement son système d’aide juridictionnelle (voir CAT/OP/UKR/1, par. 28 et 29), et le plan d’action pour les droits de l’homme de 2015 prévoit un renforcement des mesures visant à lutter contre la torture et les mauvais traitements.

23. Le Sous-Comité accueille avec satisfaction les réformes positives du système juridique ukrainien, qui devraient contribuer à réduire le risque de torture et de mauvais traitements. Il recommande à l’État partie de mettre en œuvre le plan d’action pour les droits de l’homme de 2015, en particulier l’engagement de poursuivre le développement du système d’enregistrement des détenus, de consolider le mécanisme national de prévention et de renforcer le système d’enquête sur les actes de torture et les mauvais traitements .

Criminalisation de la torture

24.Le Sous-Comité demeure préoccupé par le fait que le Code pénal ne reprend pas tous les éléments constitutifs de l’infraction de torture telle que définie à l’article premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (voir CAT/OP/UKR/1, par. 18 à 20). Il note en particulier avec préoccupation que la définition donnée à l’article127 du Code pénal ne contient pas l’expression « agent de la fonction publique » et ne couvre que les souffrances découlant d’actes de violence physique. En outre, le Sous-Comité a reçu des informations indiquant que des actes qui pouvaient être constitutifs de torture et de mauvais traitements au sens de l’article premier de la Convention contre la torture étaient, dans la pratique, poursuivis au titre des articles du Code pénal relatifs à l’abus de pouvoir ou d’autorité.

25. Le Sous-Comité réitère sa recommandation précédente tendant à ce que les dispositions du Code pénal relatives à la définition de la torture soient mises en pleine conformité avec l’article premier de la Convention, ce qui éliminerait toutes les lacunes potentielles ou effectives pouvant laisser place à l’impunité . Il recommande par ailleurs que l’infraction de torture soit poursuivie en vertu de la disposition relative à la torture, et non en tant qu’abus de pouvoir ou d’autorité, et que les actes de torture ou les mauvais traitements soient punissables de peines proportionnelles à la gravité des actes commis.

B.Cadre institutionnel

Évolutions positives

26.Le Sous-Comité note que depuis 2011, outre qu’il a mis en place son mécanisme national de prévention, l’État partie a opéré plusieurs changements d’ordre institutionnel. En mai 2016, un processus a été engagé dans le but de dissoudre le service pénitentiaire, créer un système de probation et placer les institutions pénitentiaires sous l’autorité directe du Ministère de la justice. Le Sous-Comité croit également comprendre que l’État partie envisage de transférer la responsabilité des services de médecine pénitentiaire au Ministère de la santé. Il félicite en outre l’État partie des mesures qu’il a prises pour rénover les établissements pénitentiaires les plus anciens.

27. Le Sous-Comité accueille avec satisfaction les réformes du cadre institutionnel de l’Ukraine , qui sont susceptibles de contribuer à améliorer les conditions matérielles et les services fournis dans les établissements pénitentiaires. Il recommande à l’État partie de poursuivre son programme de rénovation des établissements pénitentiaires vétustes et le prie de lui fournir des renseignements concernant les progrès accomplis dans le cadre de ce programme. Il lui recommande également de faire en sorte que les services de santé des institutions pénales soient placés sous la tutelle du Ministère de la santé afin de permettre aux détenus de recevoir des soins de santé d’un niveau équivalent à ceux dont bénéficie le reste de la population et de garantir l’indépendance des services médicaux en prison.

Réinsertion sociale et réadaptation

28.Le Sous-Comité constate un manque général de services sociaux et de programmes de réinsertion permettant de préparer les détenus au retour à la vie en société après leur détention. Dans presque tous les établissements que le Sous-Comité a visités, les détenus et le personnel pénitentiaire ont indiqué ne pas avoir connaissance de l’existence de programmes de réinsertion et de services sociaux visant à apporter un soutien aux détenus après leur remise en liberté. Lorsque de tels programmes existent, les détenus n’en bénéficient pas de façon systématique. Par exemple, dans les quartiers qui accueillent des mères avec enfant en bas âge, il existe des programmes destinés aux femmes six mois avant leur libération, mais ces programmes ne sont pas proposés automatiquement et environ la moitié seulement des femmes y participent. Le Sous-Comité redoute que l’absence de services d’assistance sociale spécifiques soit préjudiciable aux mères et à leurs enfants après leur libération. De plus, le fait que tous les détenus ne reçoivent qu’un appui social limité les expose à un risque de récidive élevé.

29. Le Sous-Comité recommande à l’État partie de renforcer la prise en charge sociale des détenus, notamment de mettre en place et coordonner des services d’aide à la vie autonome et d’accompagnement psychologique, dans le but de faciliter la réinsertion des détenus dans la société et d’éviter un retour en prison.

Santé psychique et toxicomanie

30.Le Sous-Comité note avec préoccupation que le système de soins de santé mentale en milieu carcéral est très limité malgré le nombre élevé de détenus présentant des troubles mentaux. Il constate que, d’une manière générale, l’état de santé psychique des détenus n’est pas évalué systématiquement et que les traitements requis sont souvent administrés avec retard, ou ne le sont pas du tout, ce qui peut être source de danger pour les détenus.

31.De plus, le dépistage de la toxicomanie n’est pas systématique. Le Sous-Comité a observé que, dans certains cas, le traitement de la toxicodépendance était interrompu dès le début de la détention et que, dans certains établissements, les professionnels de la santé ne travaillaient pas dans les mêmes unités que les travailleurs sociaux et les psychologues. De plus, l’absence de coordination ou la pénurie générale de spécialistes en santé mentale se traduisaient par une mauvaise prise en charge des symptômes annonciateurs de troubles psychiques. En outre, certains établissements ne disposaient ni de psychologues ni de travailleurs sociaux.

32. Rappelant qu ’ un suivi régulier de l ’ état psychologique des détenus est fondamental pour réduire les risques de mauvais traitements, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prévoir un dépistage systématique des troubles mentaux dans le cadre de l ’ examen médical pratiqué au moment du placement en détention et d ’inclure une évaluation de la santé mentale réalisé e par des professionnels qualifiés dans le suivi médical régulier des détenus. Il lui recommande aussi de garantir aux détenus la possibilité d’accéder dans les meilleurs délais aux services et programmes de santé mentale et de consulter un psychiatre, que ce soit de leur propre initiative ou sur avis du personnel pénitentiaire.

33. Le Sous-Comité recommande en outre à l’État partie de faire en sorte que tout détenu puisse avoir accès à des services de réadaptation pour les toxicomanes et d’étudier les moyens d’améliorer la communication et la collaboration entre les professionnels de la santé, les psychologues et les travailleurs sociaux qui interviennent en milieu carcéral.

Torture et mauvais traitements

34.Le Sous-Comité a reçu de nombreuses allégations graves faisant état d’actes qui, s’ils étaient avérés, seraient constitutifs d’actes de torture et à de mauvais traitements. Les personnes que le Sous-Comité a interrogées en divers endroits du pays ont déclaré qu’elles-mêmes ou des membres de leur famille avaient subi des passages à tabac, électrocutions, simulacres d’exécutions, asphyxies, actes d’intimidation et menaces de violence sexuelle. Au vu du travail qu’il a accompli et de l’expérience qu’il a acquise au cours de sa visite, le Sous-Comité n’a aucun mal à conclure que ces allégations sont très vraisemblables.

35.Dans bien des cas, les actes susmentionnés ont, semble-t-il, été commis sur des personnes qui étaient placées sous le contrôle du Service de sûreté de l’État ou détenues dans des lieux non officiels. Des actes de torture auraient été commis contre certains détenus accusés d’infractions en lien avec le conflit armé dans l’est de l’Ukraine, notamment au titre des articles 109 à 115, 258, 260, 261, 437 et 438 du Code pénal, dans le but de leur extorquer des renseignements concernant leur rôle ou celui de leurs complices dans les activités « séparatistes » et de localiser les positions militaires des groupes armés. D’autre part, le Sous-Comité croit savoir que, dans certains cas, ces actes auraient été commis par des personnes privées ou des bataillons de volontaires avec le consentement exprès ou tacite d’agents publics.

36.Comme lors de sa visite de 2011 (voir CAT/OP/UKR/1, par. 64, 93 et 94), le Sous‑Comité a reçu des allégations selon lesquelles certaines personnes, notamment des mineurs, auraient été maltraitées par la police au moment de leur arrestation et de leur interrogatoire. Les récits selon lesquels des mineurs auraient reçu des coups de poing et des coups de pied et subi des brûlures et des décharges de pistolet à impulsion électrique (taser) ont été corroborés par les entretiens, l’observation des lésions et l’examen des registres (mêmes si ces derniers étaient parfois incomplets). Beaucoup de détenus ont rapporté que leur placement en centre de détention provisoire (SIZO) avait été retardé parce qu’ils portaient des marques visibles de blessures dues aux mauvais traitements infligés par la police ; ils avaient donc été maintenus dans les centres de détention temporaire de la police (ITT) en attendant que les marques sur leur visage disparaissent, avant d’être enregistrés et examinés par un médecin au moment de leur placement dans un centre de détention provisoire.

37.Il apparaît en outre que les procureurs et les juges ne sont pas particulièrement sensibles ou réceptifs aux plaintes pour torture et mauvais traitements, une situation qui peut s’expliquer par un certain nombre de facteurs, notamment la charge de travail déjà importante et la formation insuffisante des procureurs, l’attitude de déférence des procureurs à l’égard des enquêteurs de police dont ils sont tributaires pour d’autres affaires, et la tolérance pour les actes de torture commis par les « défenseurs » (c’est-à-dire les volontaires qui combattent dans l’est de l’Ukraine) en raison de sympathies pour la cause qu’ils défendent. Durant sa visite, le Sous-Comité a constaté que les allégations de torture et de mauvais traitements ne donnaient lieu à aucune plainte, ou uniquement à des plaintes tardives, les avocats de la défense préférant se concentrer sur les accusations pénales portées contre leurs clients étant donné que leur rémunération en dépendait. De plus, nombre des fonctionnaires que le Sous‑Comité a rencontrés, y compris des responsables administratifs, des membres des forces de l’ordre et des professionnels de la santé, avaient le sentiment qu’il ne leur appartenait pas de signaler les cas présumés de torture et de mauvais traitements.

38.Lorsqu’il était donné suite aux allégations de torture, certaines mesures d’enquête telles que les examens médicaux, l’interrogatoire des témoins ou l’accès aux lieux en temps voulu étaient fortement retardées ou totalement omises. En outre, le Sous-Comité a constaté que les témoignages faisant état de lésions douteuses étaient traités de façons très diverses. Dans certains cas, les services du Procureur étaient saisis, alors que dans d’autres, le signalement était adressé à la police. En tout état de cause, on ne pouvait affirmer avec certitude que de tels signalements donnaient systématiquement lieu à l’ouverture d’une enquête, peut-être parce qu’ils étaient parfois adressés aux policiers accusés d’avoir commis les actes incriminés. De plus, un certain nombre de signalements restaient sans réponse ou ne donnaient lieu qu’à un accusé de réception.

39. Le Sous-Comité recommande à l’État partie de prendre de toute urgence des mesures pour prévenir et réprimer tous les actes de torture et mauvais traitements commis par des agents de l’ État ou avec leur consentement exprès ou tacite . À cette fin, le Sous-Comité recommande à l’État partie : a) d’enquêter sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements au moyen de procédures rapides, impartiales et transparentes mais aussi efficaces et effectives ; et b) de poursuivre les responsables. Les personnes reconnues coupables d’actes de torture et de mauvais traitements devraient être condamnées à des peines à la mesure de la gravité des crimes qu’elles ont commis.

40. Le Sous-Comité recommande également à l’État partie d’enquêter systématiquement de la même manière sur toute allégation de torture et de mauvais traitements ainsi que sur tout soupçon de tels actes résultant de lésions observables directement et/ou dans le cadre d’un examen médical et de veiller à ce que les auteurs de tels signalements soient protégés contre les représailles.

41. Le Sous-Comité recommande en outre à l’État partie de créer et tenir à jour un registre national des allégations de torture et de mauvais traitements dans lequel les renseignements ci-après soient consignés :

a) Détails de chaque allégation reçue ;

b) Établissement ou lieu dans lequel l’acte ou la situation se serait produit ;

c) Date à laquelle l’allégation a été reçue ;

d) Motif et date de la décision rendue au sujet de l’allégation ;

e) Mesure s prises en conséquence.

42. Le Sous-Comité recommande à l’État partie de réformer le système de l’aide juridictionnelle de façon à ce que les représentants des détenus soient rémunérés pour l’ensemble du travail réalisé au nom de leurs clients et pas uniquement pour le travail se rapportant spécifiquement aux charges retenues contre eux.

IV.Situation des personnes privées de liberté

A.Garanties fondamentales

Information sur les droits et sur la détention

43.Le Code de procédure pénale accorde aux personnes détenues dans des institutions de justice pénale le droit de consulter les documents exposant les raisons de leur détention et d’obtenir des informations sur leurs droits. Or, le Sous-Comité a constaté que, dans la pratique, de nombreux détenus n’étaient pas informés soit de leurs droits soit des raisons de leur détention au début de celle-ci. Dans certains cas, il leur était demandé, au moment de leur arrestation, de signer un document énumérant les dispositions pertinentes du Code de procédure pénale, qu’ils n’avaient pas le temps de lire et de comprendre. Dans d’autres cas, les détenus se voyaient remettre ce document mais le texte était écrit trop petit, incomplet ou à peine lisible. Le Sous-Comité a noté que le document en question ne contenait guère ou pas d’informations sur la procédure à suivre pour porter plainte en cas de violation de leurs droits. Il est également préoccupé par le fait que de nombreux détenus semblent avoir signé des formulaires par lesquels ils renoncent à leur droit à une aide juridictionnelle, ce qui donne à penser qu’une telle pratique est courante.

44. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que tous les détenus soient pleinement informés des raisons de leur arrestation ou détention ainsi que de leurs droits en tant que détenus , dès le début de la privation de liberté. Il recommande aussi que les informations sur les droits soient communiquées de façon claire et aisément compréhensible, par exemple au moyen d ’ affiches ap posées dans tous les lieux de détention, y compris dans les chambres et les cellules, et de fiches d ’ information qui soient à la fois exhaustives, lisibles et intelligibles p ou r les détenus , dans leur propre langue. Il recommande en outre que toutes les personnes privées de liberté soient informées (au moyen de brochures et d ’ affiches, par exemple) de leur droit de soumettre des plaintes directement et de manière confidentielle aux responsables des lieux de détention et aux autorités supérieures, y compris les autorités de recours, et de la procédure qu ’ elles peuvent suivre à cet effet dans des conditions sûres et confidentielles.

Notification de placement en garde à vue

45.Le Sous-Comité regrette que le droit d’informer de sa détention un membre de sa famille ou une autre personne de son choix ne soit pas toujours respecté dans la pratique. Il est préoccupé en particulier par le fait que les personnes détenues dans un lieu qui n’est pas reconnu par l’État partie comme un lieu de détention officiel ne peuvent parfois fournir que des informations limitées aux personnes de l’extérieur. Par exemple, elles peuvent être autorisées à indiquer le fait qu’elles sont en détention mais pas le lieu où elles se trouvent, ou bien être empêchées d’aviser un tiers de leur détention pendant plusieurs semaines, ce qui fait de leur situation un cas de disparition forcée.

46. L e Sous-Comité recommande à l ’ État partie de garantir que toutes les personnes privées de liberté soient toujours assurées qu ’ un tiers de leur choix est notifié de la date et du lieu de leur détention dès le début de celle-ci.

Accès à un avocat

47.Le Sous-Comité est préoccupé de constater que le droit à un avocat n’est pas systématiquement garanti dans tous les établissements. Au cours de sa visite, il a relevé des cas où les enquêteurs avaient omis de contacter rapidement les avocats des détenus après l’arrestation. Il a également constaté que les détenus n’avaient pas toujours accès en permanence à un avocat, par exemple, lorsqu’ils étaient transférés dans un centre de détention temporaire. En outre, les personnes détenues de manière non officielle avaient accès à un avocat non pas dès leur privation de liberté mais seulement après leur transfert dans un établissement reconnu par l’État partie comme lieu de détention officiel, ce qui signifie que des personnes pouvaient être maintenues en détention et interrogées pendant de longues périodes sans pouvoir exercer leur droit de consulter un avocat.

48.Comme indiqué précédemment, le Sous-Comité accueille avec satisfaction la création et le développement constant de dispositifs d’aide juridictionnelle financés par l’État. Toutefois, il est préoccupé par le fait que, dans de nombreux cas, les avocats ont des échanges limités avec leurs clients ; souvent, ils les rencontrent pour la première fois alors qu’ils sont en détention provisoire, ou seulement à l’audience, et ils ne peuvent donc pas s’entretenir avec eux de la stratégie de défense. C’est le cas en particulier des avocats commis d’office par l’État partie, que les détenus jugent souvent peu qualifiés ou partiaux car ils secondent indûment les enquêteurs et font pression sur les détenus pour les contraindre à avouer.

49.En outre, le Sous-Comité est préoccupé par le fait que dans certains établissements, les consultations entre les avocats et les détenus se déroulent dans des salles d’interrogatoire qui sont sous surveillance électronique. Dans d’autres établissements, les communications écrites entre avocats et détenus sont limitées, ce qui signifie que les détenus ne peuvent communiquer de manière confidentielle qu’au cours d’entretiens en face à face.

50. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que tous les détenus ai en t accès à un conseil dès le début de leur privation de liberté et durant toute la durée de la détention.

51. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller en outre à ce que les conseils juridiques fournis dans le cadre de son système d ’ aide juridictionnelle soient professionnels, immédiats et dans l ’ intérêt du détenu, non celui des autorités pénitentiaires. Une formation adaptée devrait être dispensée par des organismes professionnels indépendants aux avocats fournissant une aide juridictionnelle. Le Sous ‑ Comité recommande que cette formation soit étendue aux conseils représentant les personnes accusées d’infractions liées au conflit armé dans l’est de l’Ukraine . Il réitère la recommandation qu ’ il a formulée au paragraphe 42 ci-dessus.

52. Le Sous-Comité engage l ’ État partie à garantir la confidentialité absolue des communications entre les avocats et leurs clients.

Soins et examens médicaux

53.En analysant les registres médicaux dans tous les établissements et en s’entretenant avec des détenus, le Sous-Comité a constaté que les détenus faisaient l’objet d’un examen médical de routine, notamment d’un test de dépistage du VIH et de la tuberculose, au début de leur privation de liberté. Malgré cela, certains dossiers médicaux lui ont paru répétitifs, ou bien maigres, ce qui donne à penser que ces examens sont superficiels. Dans plusieurs centres de détention provisoire, en particulier, les détenus doivent simplement indiquer s’ils ont des plaintes à formuler concernant leur état de santé et ils ne sont pas examinés par un professionnel de la santé. Lorsque des blessures sont constatées, les dossiers n’en indiquent pas la cause. En outre, les examens médicaux sont souvent réalisés en présence d’autres agents − membres de l’escorte ou gardiens de service −, ce qui constitue une atteinte au principe de confidentialité et risque de décourager tout dialogue concernant des blessures résultant d’actes de torture ou de mauvais traitements. Le Sous-Comité a également relevé que des examens médicaux avaient été effectués à travers les barreaux des cellules ou dans des « cages » en métal à l’intérieur des cellules.

54.Le Sous-Comité constate avec préoccupation que, comme c’est le cas pour d’autres garanties fondamentales, les examens médicaux ne semblent pas être garantis aux personnes qui, bien que privées de liberté, ne se trouvent pas dans des lieux reconnus par l’État partie comme des lieux de détention officiels.

55.Le Sous-Comité a également constaté que le personnel médical connaissait généralement mal le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (« Protocole d’Istanbul »). Tout en jugeant encourageant le fait que les professionnels de la santé dans les centres de détention provisoire, les centres de détention temporaire et les établissements pénitentiaires ont le sentiment d’être soutenus comme il se doit et de pouvoir s’acquitter de leurs tâches en toute autonomie, le Sous-Comité est préoccupé de noter qu’ils ne considèrent pas qu’il est de leur devoir de chercher à savoir si les blessures constatées pourraient résulter d’actes de torture ou de mauvais traitements. Le Sous-Comité note en outre que les membres du personnel médical des établissements de justice pénale considèrent que leur supérieur hiérarchique immédiat est le directeur de l’établissement. Cette structure hiérarchique peut entraîner des conflits d’intérêts qui risquent de dissuader les professionnels de la santé de signaler des blessures liées à des actes de torture ou des mauvais traitements.

56.En outre, le Sous-Comité relève que l’accès aux soins médicaux est irrégulier, comme en témoignent les nombreux cas signalés d’assistance médicale retardée ou refusée. Si les lieux de détention disposent généralement de personnel médical, ils sont diversement équipés et les détenus doivent souvent demander à des membres de leur famille ou à d’autres personnes de leur fournir les médicaments dont ils ont besoin et des produits d’hygiène personnelle. Ils peuvent rarement obtenir des consultations avec des spécialistes et dans des établissements à l’extérieur. En outre, au cours de sa visite, le Sous-Comité a régulièrement rencontré des professionnels de la santé qui se sont montrés insensibles aux besoins médicaux des détenus, y compris des fonctionnaires qui hésitaient à donner suite aux informations faisant état d’une aggravation des symptômes physiques et psychiatriques, qu’ils interprétaient comme étant la conséquence d’une simple mauvaise conduite.

57. Réitérant les recommandations qu’il avait faites en 2011 (voir CAT/OP/UKR/1/, par. 76 et 80) , le Sous-Comité invite l ’ État partie à veiller à ce que tous les détenus soient systématiquement soumis à un examen médical approfondi dès le début de leur privation de liberté. Il est recommandé que cet examen consigne  :

a) Les antécédents médicaux du détenu, y compris toute allégation de cas récent de violence, de torture ou de mauvais traitements ;

b) L’existence de douleurs ou de symptômes ;

c) Le résultat de l’examen clinique, notamment la description des éventuelles blessures constatées et de la manière dont les blessures ont été subies ;

d) Le fait que tout le corps ait été examiné ou non ;

e) La conclusion du professionnel de la santé indiquant si tous les éléments consignés sont cohérents.

58. Le Sous-Comité recommande que l es examens médicaux soient toujours effectués dans le respect du principe du secret médical  : seul le personnel du corps médical devrait assister à l ’ examen. En outre, il recommande à l ’ État partie de mettre fin à la pratique consistant à effectuer des examens médicaux à travers d es barreaux, car celle-ci est par nature dégradant e et ne répond pas à l ’ exigence d ’ exhaustivité établie par le Protocole d ’ Istanbul.

59. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que toutes les personnes privées de liberté bénéficient d ’ un examen médical approfondi, qu ’ elles soient ou non détenues dans un lieu enregistré officiellement comme lieu de détention dans l ’ État partie.

60. Le Sous-Comité recommande également à l ’ État partie d ’ améliorer la formation du personnel médical qui travaille dans les lieux de détention, particulièrement au sujet du Protocole d ’ Istanbul et des autres normes internationales pertinentes, ainsi que du devoir qui leur incombe de détecter et signaler les cas de torture et de mauvais traitements. Lorsqu ’ un professionnel de la santé a des raisons de supposer que des actes de torture ou des mauvais traitements ont été commis , le cas devrait être consigné dans un registre national d ’ allégations de torture et de mauvais traitements, avec référence expresse à l ’ intéressé si celui-ci y consent ou, à défaut, mention anonyme. En outre, les professionnels de la santé devraient signaler immédiatement les soupçons de torture et de mauvais traitements aux autorités compétentes , avec le consentement du détenu, afin qu ’ un examen indépendant puisse être effectué conformément au Protocole d ’ Istanbul. Le rapport médical confidentiel devrait être remis au détenu et à son conseil.

61. Enfin , le Sous-Comité recommande qu ’ une assistance et des soins médicaux soient garantis et accessibles à tous les détenus qui en font la demande.

Registres

62.Le Sous-Comité note que le système actuel d’enregistrement de la situation des détenus doit être amélioré. Au cours de sa visite, il a en particulier constaté que les registres des centres de détention provisoire contenaient des feuillets mobiles qui provenaient d’établissements différents, réunis dans un même dossier. Les transferts de détenus, et avec eux de leur dossier, depuis les centres de détention provisoire vers des centres de détention temporaire − parfois situés dans d’autres régions du pays − aux fins de l’enquête ou pour des audiences, venaient compliquer encore le système. Ces transferts étant consignés de manière irrégulière, il était difficile de suivre la localisation d’une personne qui faisait l’objet d’une enquête. En outre, il arrivait qu’aucun document attestant de la présence ou de l’absence d’un détenu transféré ne soit laissé à l’établissement de départ. Avec un tel système, une personne est plus facilement « perdue » que « trouvée ». Cette manière de procéder est inefficace, incohérente et, dans l’optique de la prévention, totalement insuffisante pour permettre à des mécanismes extérieurs de contrôler facilement et en toute indépendance la circulation des personnes.

63.Le Sous-Comité a également constaté que dans les locaux relevant du Service de sûreté de l’État, des personnes pouvaient parfois être privées de liberté pour des périodes allant de quelques heures à plusieurs jours avant d’être officiellement considérées comme détenues. Même si ces personnes étaient déjà sous la garde d’unités d’enquête, les informations concernant l’endroit où elles se trouvaient et leur condition n’étaient pas systématiquement consignées et ne pouvaient donc pas être contrôlées.

64. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de revoir et de réformer son système de tenue des dossiers afin de garantir que ceux -ci soient en permanence complets, exacts, précis et à jour. Il est recommandé que les registres soient normalisés et accessibles aux représentants autorisés et aux proches des détenus ainsi qu ’ au mécanisme national de prévention. En outre, le Sous-Comité recommande que le système mis en place permette à un tiers de suivre facilement les déplacements , la localisation et les conditions de vie des détenus sans qu ’ il soit nécessaire pour cela d ’examiner de multiples dossiers, documents ou fiches.

65. Le Sous- Comité recommande à l ’ État partie de tenir de tels dossiers pour toutes les personnes privées de liberté, qu ’ elles soient ou non détenues dans un lieu enregistré officiellement comme lieu de détention par l ’ État partie.

Contacts avec le monde extérieur

66.Le Sous-Comité demeure préoccupé par le fait que les personnes placées en détention avant jugement ne peuvent recevoir la visite des membres de leur famille et d’autres personnes qu’avec l’autorisation expresse des enquêteurs (voir CAT/OP/UKR/1, par. 105 et 106). Dans la pratique, ces autorisations sont rarement accordées, ce qui entraîne l’isolement des détenus du monde extérieur. Les règles en matière d’appels téléphoniques diffèrent selon les centres de détention ; certains lieux permettent les appels vidéo en présence d’un gardien tandis que d’autres restreignent strictement les appels. Les services de courrier étant inexistants dans de nombreuses zones touchées par le conflit dans l’est de l’Ukraine, le fait de limiter les appels téléphoniques risque d’empêcher totalement les détenus de communiquer avec des personnes vivant dans ces zones. Les autorisations pour l’envoi de courrier à des proches et d’autres personnes sont également accordées de manière variable ; certains centres de détention provisoire restreignent ce droit. Il a également été signalé que certains établissements limitent à tel point les contacts que, dans la pratique, les visites et les communications téléphoniques sont plus restreintes que ce que la loi ne l’exige.

67.Cette situation est exacerbée pour les détenus accusés d’infractions en lien avec le conflit armé dans l’est de l’Ukraine, qui font l’objet de longues enquêtes et donc de longues périodes de détention avant jugement, ce qui prolonge d’autant la période durant laquelle leurs contacts avec le monde extérieur se trouvent restreints.

68. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de permettre aux membres de la famille et à d ’ autres personnes de rendre visite aux personnes placées dans des centres de détention avant jugement et de communiquer avec elles, en droit et dans la pratique . Il recommande également que des restrictions sur les contacts ne soient imposées que dans des circonstances exceptionnelles, et que l ’ État partie veille à ce que sa politique concernant les contacts avec le monde extérieur s ’ applique de la même manière dans tous les établissements du même type, par exemple dans tous les centres de détention provisoire.

Mécanismes de plainte et de contrôle

69.Comme indiqué aux paragraphes 18, 37, 38 et 43 ci-dessus, les mécanismes actuellement en place pour répondre aux préoccupations relatives à la procédure, portant par exemple sur les conditions de détention ou sur des allégations de torture et de mauvais traitements, pourraient être renforcés. D’après les détenus, les dispositifs de plainte existants, notamment auprès du parquet général, des tribunaux et du mécanisme national de prévention, s’avèrent inefficaces car ils ne permettent pas aux plaignants d’obtenir des audiences sur le fond ou des recours utiles.

70.Le Sous-Comité observe en outre avec préoccupation que la crainte manifeste de représailles empêche certains détenus d’utiliser ces dispositifs pour demander une protection. Des détenus ont déclaré que, s’ils portaient plainte, ils risquaient de faire l’objet de sanctions disciplinaires pour « désobéissance » (art. 391 du Code pénal). La crainte d’être soumis à des mauvais traitements par le personnel pénitentiaire ou par d’autres détenus constituait un autre facteur dissuasif. En outre, le Sous-Comité a été informé que dans certains centres de détention provisoire, seules les plaintes adressées au tribunal étaient scellées, les autres étant transmises à l’administration par les gardiens sous pli ouvert, ce qui avait, là aussi, pour effet de dissuader les détenus de signaler d’éventuels problèmes.

71.En outre, le Sous-Comité demeure préoccupé par la multiplicité des rôles joués par les procureurs, qui sont chargés à la fois de mener l’enquête pénale, d’engager les poursuites et de contrôler la légalité de ces procédures et le respect des droits de l’homme dans ce cadre (voir CAT/OP/UKR/1, par. 25 à 27). Les conflits d’intérêts qui en découlent peuvent empêcher la réalisation d’enquêtes promptes et approfondies sur les allégations de torture et de mauvais traitements. Le Sous-Comité a par exemple consulté pendant sa visite des documents concernant un cas de mauvais traitements présumés qui avait été rejeté sommairement par le parquet sans la moindre justification, ce qui laisse supposer qu’aucune enquête n’a été menée.

72. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de garantir, dans la législation comme dans la pratique, le droit de soumettre des plaintes ( voir CAT/OP/UKR/1, par. 18 à 20) . Il recommand e également que les détenus soient autorisés à soumettre leurs griefs directement et en toute confidentialité à l ’ administration des lieux de détention, aux autorités supérieures, selon que de besoin, et aux autorités de recours. Il invite l ’ État partie à renforcer ses mécanismes de contrôle et de plainte en les habilitant à offrir des recours utiles.

73. L ’ État partie est instamment prié de protéger contre les représailles et toute autre forme de préjudice les personnes qui soumettent des plaintes.

74. Enfin, le Sous-Comité réitère sa recommandation tendant à ce que les multiples rôles du ministère public soient revus de façon à renforcer l ’ indépendance et l ’ efficacité des enquêtes sur les allégations de torture et de mauvais traitements ( CAT/OP/UKR/1, par. 55) .

B.Préoccupations particulières

Détenus accusés d’infractions en lien avec le conflit armé dans l’est de l’Ukraine

75.Pendant sa visite, le Sous-Comité a constaté avec une vive préoccupation que les garanties fondamentales n’étaient pas accordées aux détenus accusés d’infractions en lien avec le conflit armé dans l’est de l’Ukraine, dont la plupart affirmaient qu’ils avaient tout d’abord été détenus dans un lieu secret, où ils avaient été interrogés parfois pendant plusieurs jours, avant d’être transférés dans des établissements officiels. Leur détention n’avait été enregistrée qu’après leur transfert, mais avec mention d’une date d’arrestation erronée. Il est inquiétant que les intéressés aient apparemment été détenus au secret et qu’ils n’aient eu pas accès à un médecin ni à un avocat dès le début de leur détention, officielle ou non.

76.Ainsi qu’indiqué plus haut, le Sous-Comité a reçu des informations concordantes faisant état d’actes de torture et de mauvais traitements pendant ce processus (voir par.35).

77.Le Sous-Comité note également avec préoccupation que le placement en détention est, en vertu du paragraphe 5 de l’article 176 du Code pénal, la seule mesure coercitive applicable aux personnes accusées d’infractions liées au conflit, sachant la rigueur du régime de la détention préventive et les délais dans lesquels ces affaires sont traitées (plusieurs mois en général). Étant donné que tous les tribunaux prolongent la détention jusqu’aux limites de sa durée légale et que les reports d’audience ne sont pas rares, les personnes accusées d’infraction liées au conflit armé dans l’est de l’Ukraine sont maintenues sous un régime qui restreint considérablement leurs possibilités d’activités professionnelles, de contacts avec le monde extérieur et de promenade pendant des périodes pouvant excéder dix-huit mois.

78. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les garanties fondamentales, notamment les droits à l ’ assistance d ’ un avocat, à la notification de la détention et à des contacts avec le monde extérieur, soient accordées à tous les détenus quels que soient le motif ou le lieu de leur détention.

79. Le risque de torture et de mauvais traitements étant accru dans les lieux de détention tenus secrets, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de cesser d ’ utiliser de tels lieux.

80. Le Sous- Comité recommande à l’État partie de garantir aux observateurs internationaux et nationaux, notamment aux observateurs du mécanisme national de prévention, de la Mission de l’ONU de surveillance des droits de l’homme en Ukraine, de la Mission spéciale d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), un accès total et sans restriction à tous les lieux où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté, qu’il s’agisse de lieux de détention officiels ou non.

81. Le Sous-Comité recommande en outre à l ’ État partie de veiller à ce que toutes les personnes, y compris celles qui sont accusées d ’ infractions visées aux articles 109 à 115, 258, 260 , 261 , 437 et 438 du Code pénal, soient jugées sans retard excessif, conformément aux normes relatives à un procès équitable prévues par le droit international des droits de l ’ homme.

82. Rappelant le principe de l ’ interdiction absolue de la torture énoncé au paragraphe 2 de l ’ article 2 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants , en vertu duquel les États ne peuvent invoquer « aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu ’ elle soit, qu ’ il s ’ agisse de l ’ état de guerre ou de menace de guerre, d ’ instabilité politique intérieure ou de tout autre état d ’ exception […] pour justifier la torture », le Sous-Comité réitère sa recommandation tendant à ce que toutes les allégations relatives à des actes de torture et des mauvais traitements donnent lieu à une enquête, à des poursuites et à l ’ application de sanctions proportionnées à la gravité des faits.

Personnes purgeant une peine de réclusion à perpétuité

83.Comme il l’avait indiqué dans son rapport sur sa visite de 2011, le Sous-Comité est préoccupé par les conditions de détention inhumaines des personnes purgeant une peine de réclusion à perpétuité (voir CAT/OP/UKR/1, par. 128 à 132). Dans les centres de détention provisoire de l’ensemble du pays, notamment ceux qu’il a visités à Kharkiv, Lviv, Bakhmut, Mariupol et Zaporizhzhia, le Sous-Comité a constaté que ces prisonniers occupaient des cellules exiguës, mal aérées, humides, insalubres et dépourvues d’équipements sanitaires. Ces cellules étaient en outre rudimentaires et équipées de toilettes et de matériel de couchage inappropriés. Dans certaines d’entre elles, les prisonniers vivaient dans l’obscurité, tandis que dans d’autres, ils étaient soumis à une lumière artificielle constante.

84.Ces conditions de détention étaient encore aggravées par la rigueur du régime carcéral imposé aux intéressés. Présumés à risque sans qu’il ait été procédé à l’examen individuel de leur dangerosité, ces prisonniers restaient enfermés dans leur cellule vingt‑trois heures par jour et étaient privés d’activités professionnelles ou récréatives. Leur accès aux équipements sportifs n’était pas satisfaisant. Certains ont de surcroît indiqué qu’ils étaient menottés quand ils étaient extraits de leur cellule pour la promenade, ou pendant les examens médicaux. L’application systématique de ce régime, plus strict que celui appliqué aux autres détenus, revient à soumettre ces prisonniers à des mesures disciplinaires pendant toute la durée de leur détention.

85. Le Sous-Comité recommande à nouveau à l ’ État partie d ’ améliorer les conditions matérielles dans les cellules, notamment l ’ accès à l ’ eau et aux équipements sanitaires et de remédier au manque d ’ activités des prisonniers purgeant une peine de réclusion à perpétuité ( v oir CAT/OP/UKR/1, par. 132) .

86. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de réformer le régime appliqué aux prisonniers purgeant une peine de réclusion à perpétuité pour que les intéressés ne soient pas uniformément sanctionnés plus sévèrement que leur condamnation ne l ’ exige. Il recommande également que, comme tous les autres détenus, ces prisonniers exécutent leur peine dans le cadre d ’ un plan établi sur la base d ’ une évaluation des risques au cas par cas.

Transferts

87.Le Sous-Comité est préoccupé par la pratique du transfert de détenus d’un établissement à l’autre. Plus précisément, les transferts fréquents de détenus entre les centres de détention provisoire des différentes régions du pays et entre ces établissements et les centres de détention temporaire perturbent leurs activités quotidiennes et, entre autres garanties, leurs contacts avec le monde extérieur et leur accès à un avocat. Du fait de tels transferts, des prisonniers peuvent se trouver relégués pendant de longues périodes dans des établissements tels que les centres de détention temporaire où les conditions matérielles ne sont pas les mêmes que dans les prisons et où il n’y a pas de possibilité d’activités professionnelles. De surcroît, s’ils ne sont pas justifiés par les nécessités de l’enquête, les transferts fréquents peuvent être utilisés pour intimider ou sanctionner des détenus. Ainsi qu’indiqué au paragraphe 61 ci-dessus, l’enregistrement de ces transferts pose aussi un problème.

88.Le Sous-Comité a également observé que les véhicules utilisés pour ces transferts étaient sombres, mal ventilés et équipés de cages minuscules, dont une ne faisait pas plus de 90 centimètres carrés. Le Sous-Comité est aussi préoccupé par les informations selon lesquelles les détenus ne reçoivent pas de nourriture ni d’eau quand ils sont transférés pour participer à des actes de procédure ou à des audiences, alors que les trajets peuvent durer plusieurs jours.

89. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de réexaminer son système de transferts et de veiller à ce que chaque transfert soit dûment justifié et ne se traduise pas par le placement de prisonniers dans des centres de détention à court terme, tels que les centres de détention temporaire de la police, pendant une période prolongée. Le Sous-Comité recommande également à l ’ État partie de veiller à ce que le respect des garanties fondamentales, notamment les contacts entre le détenu et le monde extérieur, le droit à l ’ assistance d ’ un conseil et le droit de recevoir des soins médicaux, ne soit pas inutilement interrompu par des transferts récurrents.

90. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de remplacer les véhicules trop petits et mal ventilés. Il lui recommande aussi de cesser d ’ utiliser des cages entièrement métalliques qui peuvent occasionner des blessures pendant le transport. Le Sous-Comité recommande également à l ’ État partie de faire en sorte que les détenus reçoivent la quantité de nourriture et d ’ eau requise pendant leur privation de liberté.

Mineurs et détention

Unités maternelles et infantiles

91.Le Sous-Comité relève avec satisfaction la propreté, la clarté et l’équipement satisfaisant des installations réservées aux mères et aux nourrissons dans les colonies pénitentiaires de Chernihiv et de Chornomorsk. L’unité de Chernihiv, en particulier, possède une salle de jeux, des équipements et des dortoirs séparés où les détenues qui viennent d’accoucher peuvent rester avec leur enfant. Le Sous-Comité considère toutefois que des améliorations pourraient être apportées à ces installations pour les adapter davantage encore aux besoins des enfants. Ainsi, les salles réservées à la visite des proches sont aseptisées et manquent d’attrait pour les enfants. À Chernihiv et à Chornomorsk, les salles de visite sont équipées de cloisons vitrées qui empêchent les détenues et leurs enfants de nouer des liens avec leurs proches dans une atmosphère familiale. Enfin, les femmes enceintes sont détenues avec le reste de la population carcérale dans des dortoirs collectifs situés dans des installations plus anciennes qui manquent de clarté.

92.En dépit des conditions matérielles relativement satisfaisantes dans les unités maternelles et infantiles, le Sous-Comité s’inquiète de l’état de santé mentale des mères qui y sont détenues. Il note avec préoccupation que les nourrissons sont séparés de leur mère pendant plusieurs jours après l’accouchement ou lorsque l’enfant souffre d’une maladie grave, ce qui est une source d’anxiété pour les mères et peut entraver la socialisation de l’enfant. Si, à Chernihiv, les mères qui viennent d’accoucher sont détenues avec leur nourrisson dans des chambres suffisamment claires, tel n’est pas le cas à Chornomorsk où elles sont séparées de leur bébé et ne peuvent le voir que deux fois deux heures par jour, ce qui n’est pas suffisant pour créer des liens avec lui compte tenu de son très jeune âge. De plus, les repas étant distribués aux mêmes heures pour tout le monde, les mères n’ont d’autre choix que d’y renoncer si elles veulent être aux côtés de leur enfant à ce moment-là. Le Sous‑Comité note avec satisfaction qu’un pédopsychologue a été nommé à la tête de l’unité de Chernihiv, où les mères et les enfants ont également accès à une large gamme d’activités. Tel n’est pas le cas à Chornomorsk où les antécédents psychologiques et psychiatriques des détenues ne sont pas consignés. En outre, les détenues de Chornomorsk ont montré des signes de détresse affective, notamment d’anxiété, et certaines d’entre elles portaient des traces de lacération sur les bras.

93.Le Sous-Comité est préoccupé par la manière dont les femmes sont traitées à Chornomorsk et par les informations faisant état de cas d’abus et de travail forcé dans cet établissement. Plus précisément, le Sous-Comité a reçu des informations faisant état de cas de violence verbale à l’égard de mères de la part des agents pénitentiaires ou des membres du personnel soignant qui feraient preuve d’agressivité avec les enfants en bas âge. Pendant la visite, le Sous-Comité a constaté que les détenues étaient intimidées et que l’ordre leur était donné de se lever à l’arrivée du personnel pénitentiaire. Qui plus est, le Sous-Comité a appris qu’en cas de comportement répréhensible, des mesures sévères, notamment la mise à l’isolement pour une période allant jusqu’à dix jours ou la séparation de la mère et de l’enfant, étaient appliquées à titre de sanction disciplinaire. Le Sous-Comité note également que toutes les détenues, sauf si elles sont enceintes, ont l’obligation de travailler contre une rémunération dérisoire. De plus, d’après certaines informations, des mères détenues ont été sanctionnées à titre de représailles, et contraintes par exemple à effectuer des travaux manuels non rémunérés, parce qu’elles avaient signalé des abus.

94. Le Sous -Comité recommande à l ’ État partie d ’ adapter les unités maternelles et infantiles pour permettre le resserrement des liens familiaux entre la mère détenue et l ’ enfant et entre les intéressés et ceux qui leur rendent visite. Il recommande également de détenir les femmes enceintes dans des installations rénovées de façon à préserver à la fois leur vie privée et leur santé.

95. Le Sous-Comité recommande en outre à l ’ État partie de veiller à ce qu ’ un soutien psychologique approprié soit offert aux femmes enceintes et aux jeunes mères afin de réduire les risques de troubles mentaux et d ’ atténuer les conséquences négatives de la détention sur les enfants. L’ État partie devrait proposer aux femmes qui en ont besoin un accompagnement , un traitement et des médicaments supplémentaires.

96. De même, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de réorganiser l ’ unité maternelle et infantile de Chornomorsk en prenant pour modèle celle de Chernihiv de façon que les mères et les nouveau-nés puissent vivre ensemble dans des locaux adaptés. Il recommande aussi de ne pas séparer la mère de l ’ enfant, sauf urgence médicale, et de veiller à ce que les décisions relatives à de telles séparations soient prises au cas par cas, dans l ’ intérêt supérieur des intéressés. En outre, l e Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ accroître les ressources allouées à ces unités pour réduire leur dépendance à l ’ égard de donateurs extérieurs.

97. Le Sous-Comité prie également l ’ État partie d ’ examiner sans délai les cas signalés de mauvais traitements infligés à des femmes dans l ’ unité maternelle et infantile de la colonie pénitentiaire de Chornomorsk. L ’ État partie est invité à contrôler plus strictement cette unité et, ce faisant, à garantir des recours efficaces, y compris par le licenciement du personnel fautif. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de protéger les détenues contre les représailles de manière à ce que les mécanismes de contrôle puissent obtenir des renseignements fiables.

Centres d’accueil pour mineurs

98.Le Sous-Comité relève que le statut juridique des centres d’accueil pour mineurs n’est pas clairement défini et que ces centres n’hébergent qu’un nombre limité de mineurs depuis la réforme du Code de procédure pénale en 2012. Celui de Kiev, par exemple, n’en accueille pas plus de cinq à la fois, nonobstant une capacité de 40 places et une équipe de 20 personnes. Le Sous-Comité comprend que les mineurs sont placés dans ces centres à titre de mesure transitoire avant d’être transférés dans un autre lieu de détention ou à l’étranger. Cependant, ces établissements ne semblent pas être régis par des règles de fonctionnement précises, leur rôle au sein du système carcéral n’est pas clairement défini et le Sous-Comité est préoccupé par le fait que des enfants peuvent y être maintenus jusqu’à trente jours, sans possibilité d’accès aux activités éducatives et sociales réglementaires.

99. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de préciser le rôle d es centres d ’ accueil pour mineurs dans son système carcéral, en dotant les institutions qui n ’ ont pas été supprimées par la réforme du Code de procédure pénale d ’ une base juridique appropriée et d’ un budget suffisant. Il recommande aussi à l ’ État partie d ’allouer des ressources suffisant es à la prestation de services adaptés aux différents âges des détenus, comme dans les autres lieux de détention, notamment de services d ’ éducation continue et de services sociaux et médicaux.

Établissements de santé mentale

100.Le Sous-Comité est préoccupé par la procédure d’admission des mineurs dans les établissements de santé mentale puisque cette procédure et le traitement administré ne font apparemment l’objet d’aucune supervision judiciaire. Les administrateurs de ces établissements confirment que les mineurs de plus de 14 ans sont légalement tenus de consentir à leur admission dans un établissement de santé mentale, mais le Sous-Comité n’est pas certain que leur consentement soit systématiquement recueilli dans la pratique. Il apparaît en outre que les enfants de moins de 14 ans reçoivent des soins psychiatriques sans avoir été consultés, ni informés au préalable. Ainsi, le Sous-Comité a appris que lorsque des mineurs internés dans des établissements de santé mentale refusaient leur traitement, celui-ci pouvait être incorporé dans leur nourriture. Qui plus est, il n’y a apparemment pas de mécanisme officiel de plainte au sein de l’unité pour enfants de l’hôpital psychiatrique de Pavlova. Au lieu de cela, les problèmes relatifs aux traitements involontaires sont signalés et réglés oralement.

101. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de procéder à des vérifications systématiques, au cas par cas, de la capacité juridique des patients lors de leur admission, avant de remplacer leur décision par celle d ’ autrui − y compris les proches et le personnel médical. Les patients mineurs devraient recevoir des informations, d ’ une manière adaptée à leur âge, sur leur état de santé et sur leurs droits ainsi que sur les interventions psychiatriques possibles et les solutions de substitution à l ’ administration d ’ un traitement médical , afin de pouvoir comprendre leur pathologie et connaître les possibilités de traitement et les recours qui l eur sont offerts. Les décisions concernant la capacité juridique ainsi que l ’ hospitalisation et le traitement sans consentement devraient faire l ’ objet d ’ une supervision judiciaire.

Internats

102.S’il relève avec satisfaction la présence de personnels spécialisés et l’atmosphère communautaire à l’orphelinat de Darnytskyi à Kiev, le Sous-Comité est préoccupé par le fait que les mineurs qui y vivent ne peuvent pas être pris en charge conformément aux normes internationales pertinentes, faute de moyens suffisants. Il constate que le nombre d’enfants par éducateur est d’environ 15 pour 1, ce qui pose problème compte tenu des divers troubles mentaux et physiques dont les mineurs sont atteints et du fait que chaque employé doit à la fois s’occuper des enfants placés sous sa responsabilité, les élever et les surveiller. Le Sous‑Comité est préoccupé par la rémunération insuffisante du personnel de service, qui est d’environ 2 400 hryvnias (90 dollars des États-Unis) par mois, et par l’absence de moyens permettant de faire face à des situations difficiles, par exemple aux accès de violence et comportements récalcitrants inévitables. Le Sous-Comité a également constaté que les espaces de vie prévus pour les mineurs et le personnel étaient exigus, un grand nombre de personnes partageant des pièces relativement petites.

103. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ allouer des ressources financières et humaines supplémentaires à l ’ internat de l ’ orphelinat de Darnytskyi −  et aux autres établissements du même type  − pour leur permettre d ’ accueillir les enfants atteints de handicaps mentaux et physiques conformément aux normes internationales applicables. Des crédits supplémentaires devraient être alloués à la rénovation des installations pour que les résidents aient davantage d ’ espace privé pour dormir et d ’ espace de vie. Enfin, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d’augmenter les rémunérations du personnel.

Établissements pénitentiaires

104.S’il comprend que l’État partie s’emploie à faire en sorte que les mineurs ne soient pas isolés, le Sous-Comité est préoccupé par le fait que les enfants peuvent être détenus dans les mêmes ailes que les adultes dans les établissements pénitentiaires, ce qui peut notamment les exposer au risque de violences sexuelles. Il relève en particulier que les mineures peuvent être détenues avec des femmes au Centre de détention provisoire de Mikolayiv, sur autorisation du procureur. De plus, lorsqu’il s’est rendu au Centre de détention provisoire de Kiev, le Sous-Comité a pu constater qu’une fille partageait sa cellule avec une femme adulte dans une aile distincte de celle qui accueille les mineurs de sexe masculin, ce qui porte à croire que l’intéressée ne bénéficiait peut-être pas des mêmes possibilités d’éducation et d’interaction sociale que ces derniers. Le Sous-Comité a également relevé que des garçons étaient détenus dans le quartier des hommes adultes du Centre de détention provisoire de Kiev.

105.Pendant la visite, le Sous-Comité a rencontré des mineurs détenus dans des centres de détention provisoire où les installations étaient assez lumineuses, où ils avaient accès à des livres et où les conditions d’hygiène étaient convenables. Il a cependant noté que ces conditions satisfaisantes s’expliquaient par le soutien apporté par les parents et par d’autres donateurs extérieurs. Il n’en demeure pas moins préoccupé de constater que des enfants sont placés dans des centres de détention provisoire et dans des centres de détention temporaire, où ils occupent aussi des cellules mal éclairées, dont l’hygiène laisse à désirer, et portent des vêtements sales, et où des cas d’intoxication alimentaire ont été signalés.

106. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures de substitution à la détention de mineurs, laquelle ne devrait être ordonnée qu ’ en dernier recours. Il recommande à l ’ État partie, dans les cas où le placement en détention est une nécessité absolue, de veiller à ce que chaque mineur détenu ait accès à des services d ’ éducation et à des activités de loisirs et puisse interagir avec d ’ autres détenus mineurs, dans des conditions d’égalité . Le Sous-Comité rappelle à l ’ État partie que les directives internationales pertinentes prévoient des régimes distincts pour les détenus mineurs et les détenus adultes .

107. Le Sous-Comité recommande également d ’ améliorer les conditions d ’ hygiène et les systèmes de ventilation et de chauffage dans les cellules occupées par des mineurs, conformément aux normes internationales applicables. Les installations pour mineurs devraient être éclairées par la lumière du jour et les repas fournis être d ’un e bonne qualité nutritionnelle et équilibrés.

V.Répercussions de la visite

108.Le Sous-Comité engage l’Ukraine à garantir que, conformément à l’article 15 du Protocole facultatif, aucunes représailles ne soient exercées après sa visite. À cette fin, il demande à l’État partie de lui fournir, dans sa réponse, des renseignements détaillés sur ce qui a été fait pour prévenir de possibles représailles contre quiconque lui a communiqué des renseignements.

109.Le Sous-Comité invite instamment l’État partie à coopérer pleinement avec lui et lui demande que, lors de prochaines visites, il n’y ait pas d’obstacles à l’exercice de son mandat l’amenant une nouvelle fois à considérer que le succès de sa mission est compromis. S’il devait rencontrer de tels obstacles, le Sous-Comité utiliserait tous les moyens appropriés pour y faire face, y compris la publication d’une déclaration ou la diffusion de ses conclusions préliminaires, comme prévu au paragraphe 4 de l’article 16 du Protocole facultatif. Le Sous‑Comité peut aussi faire appel à tous les bons offices du système des Nations Unies ou à d’autres instances appropriées.

Annex I

List of places of deprivation of liberty visited by the Subcommittee

I.May 2016

Facilities under the Ministry of Internal Affairs

Pre-trial centre of the Main department of the National Police in Odesa (‘Odesa ITT’)

Pre-trial centre of the Main department of the National Police in Druzhkivka (‘Druzhkivka ITT’)

Pre-trial centre of the Main department of the National Police in Kramatorsk (‘Kramatorsk ITT’)

Reception centre for kids of the Main Department of the National Police in Kyiv

Facilities under the Ministry of Justice

Artemivsk penitentiary institution of the Department of the State Penitentiary Service of Ukraine in Donetsk region (№6) (‘Artemivsk SIZO’)

Chernihiv Penitentiary Colony of the Department of the Penitentiary Service of Ukraine in Chernihiv region (№ 44)

Kharkiv penitentiary institution of Department of the State Penitentiary Service of Ukraine in Kharkiv region (№ 27)

Kyiv detention facility of the Department of the Penitentiary Service of Ukraine in Kyiv and Kyiv region (‘Kyiv SIZO’)

Kherson detention facility of the Department of the Penitentiary Service of Ukraine in Kherson region (‘Kherson SIZO’) (MOJ)

Mykolaiv detention facility of the Department of the State Penitentiary Service of Ukraine in Mykolaiv region (‘Mykolaiv SIZO’)

Mariupol detention facility of the Department of the State Penitentiary Service of Ukraine in Donetsk region (‘Mariupol SIZO’)

Odesa penitentiary institution of Department of the State Penitentiary Service of Ukraine in Odesa region (№ 21) (‘Odesa SIZO’)

Dnipropetrovsk penal institution of the Department of the State Penitentiary Service of Ukraine in Dnipropetrovsk region (№4) (‘Dnipropetrovsk SIZO’)

Chornomorsk penal colony of Department of the State Penitentiary Service of Ukraine in Odesa region (№ 74)

Facilities under the Ministry of Health

Pavlova City Psychiatric Hospital, Kyiv

Facilities under the Ministry of Social Policy

Darnytskyi orphanage boarding school, Kyiv

Facilities under the State Security Service

SBU Premises in Kharkiv (delayed access)

Places of deprivation of liberty obstructed from visiting

Facilities under the State Security Service

SBU Premises in Kramatorsk

SBU Premises in Konstantinovka

SBU Premises in Mariupol

SBU Premises in Odesa

II.September 2016

Facilities under the Minsitry of Internal Affairs

Pre-trial centre of the Main department of the National Police in Pustomiti (‘Pustomiti ITT’)

Pre-trial centre of the Main department of the National Police in Mariupol (‘Mariupol ITT’)

Mariupol

Pre-trial centre of the Main department of the National Police in Kramatorsk (‘Kramatorsk ITT’)

Facilities under the Ministry of Justice

Lviv pre-trial institution of the State Penitentiary Service of Ukraine in Lviv region (‘Lviv SIZO’)

Zaporizhzhia pre-trial institution of the State Penitentiary Service of Ukraine in Zaporizhzhia region (‘Zaporizhzhia SIZO’)

Facilities under the State Security Service

SBU Premises in Lviv

SBU Premises in Zaporizhzhia

SBU Premises in Mariupol

SBU Premises in Kramatorsk

Annex II

List of government officials and other persons with whom the Subcommittee met

I.May 2016

Authorities

Ministry of Foreign Affairs

Antonina Vitaliivna Shlyakotina, First Secretary, Human Rights and Council of Europe Unit, Department for International Organizations

Ministry of Justice

Sergiy Petukhov, Deputy Minister of Justice for European Integration

Natalia Sevosianova, First Deputy Minister of Justice for European Integration

Tamara Andriieva, Director of the International Law Department

Luidmyla Sugak, Deputy Director of the International Law Department

Olena Orendivska, International Law Department, International Treaties Division, Deputy Head of Legal Expertise

Office of the Prosecutor General

Dmytro Volodymyrovych Huzyr, Prosecutor, Division of International Legal Cooperation, International Cooperation Unit

State Penitentiary Service

Vladyslav Ivanovych Klysha, Head of international activities and cooperation with the media

Mykola Petrovych Ityai

Oleksandr Lvovych Etnis

Vitalli Vasylovych Khvedchuk

Oleksandr Volodymyrovych Nuzhnyui

State Migration Service

Ivan Anatoliyovych Rybalko, Head of the organization of reception centers and temporary stay of refugees and foreigners, Department of Foreigners and Stateless Persons

State Border Service

Oleg Oleksiyovych Laba, Head of the analysis of illegal migration and readmission unit; Colonel

State Security Service

Olexander Petrovych Sychevskii, Central Investigation Department

Igor Vasylovych Demchenko, Head of Preliminary Investigation Division; Colonel

Ministry of Defense

Olexandr Radyslavovych Pelts, Head of the Division of Health, Patrol-guard service and Investigation, Main Department of Military Service; Colonel

Ministry of Internal Affairs

Eugeniy Valeriyovych Dziuba, Acting Head of the Human Rights Division, National Police

Olexandr Mykhailovych Guzmenuik, Deputy Head of the Department of Analytical Provision and Rapid Response, National Police

Ministry of Social Policy

Oksana Sulima, Deputy Director of the Department of Social Services

Lilia Voloshenko, Chief Specialist of the Department of Social Protection of Children’s Rights and Adoption

Alla Anatoliivna Karpova, Head of the organization of social service institutions unit, Division for the elderly and social services

Olena Mykhailivna Osypenko, Chief Expert of the organization of social service institutions unit, Division for the elderly and social services

Kyrylo Gyrgorovych Dombrowskyi, Head of the sector on protection of housing and property rights of the Department for the protection of children and adoption

Ministry of Education and Science

Viktoriia Borysivna Sydorenko, Chief Specialist, Organizational and educational activities and social issues Unit, Professional and Technical Work Department

Valentyna Oleksandrivna Klemyuk, Chief Specialist, Education of children with Special Needs Unit, Department of Secondary and Primary Education

Ministry of Health

Vasyl Vitaliyovych Kravchenko, Director of the Medical Department

Sergiy Sergiyovych Shum, Member, Acting Commission on Issues of Change (Correction) of Sexuality

Yuriy Borysovych Polischuik, Chief Specialist, Medical Department

Olexandr Vadymovych Tsiomik, Secretary of the Permanent Acting Commission on Issues of Change (Correction) of Sexuality

The Verkhovna Rada (Parliament) of Ukraine

Ruslan Mykhailovych Sydorovych, Member

Igor Sergiyovch Alekseev, Member

Igor Vasyliovych Kolisnyk, Member

Valeriy Vasyliovych Patskan, Member

Tetiana Mykolaivna Kyrylyuk, Senior Consultant of the Secretariat of the Committee on Legal Policy and Justice

Andriy Vasyliovych Koshman, Senior Consultant of the Secretariat of the Committee on Legal Policy and Justice

National Preventive Mechanism

Ukrainian Parliament Commissioner for Human Rights

Valeriya Lutkovska, Parliament Commissioner for Human Rights

Bohdan Kryklyvenko, Head of the Secretariat of the Ukrainian Parliament Commissioner for Human Rights

Ekaterina Chumak, Acting Head of the National Preventive Mechanism Department, Secretariat of the Ukrainian Parliament Commissioner for Human Rights

(And additional staff)

Others

United Nations Agencies

United Nations Human Rights Monitoring Mission in Ukraine

Other International Organizations

European Union Delegation

Organization for Security and Co-operation in Europe Special Monitoring Mission to Ukraine

Civil Society

Amnesty International Ukraine

Centre for Civil Liberties

Health Right International

Human Rights Information Centre

Insight

International Medical Rehabilitation Center

Kharkiv Human Rights Protection Group

Ukrainian Helinski Human Rights Union

II.September 2016

Authorities

Ministry of Foreign Affairs

Antonina Vitaliivna Shlyakotina, First Secretary, Human Rights and Council of Europe Unit, Department for International Organizations

Ministry of Justice

Natalia Sevosianova, First Deputy Minister of Justice for European Integration

Luidmyla Sugak, Deputy Director of the International Law Department

Office of the Prosecutor General

Maksym Vorotintsev, Prosecutor, Department for International Cooperation

Oleksandr Prokopov, Head of Branch for Oversight over Compliance with Laws and Execution of Court Decisions in Criminal Proceedings, Department for Investigation of Crimes against the National Security of Ukraine, Office of the Chief Military Prosecutor

Oleksandr Sorochko, Prosecutor, Branch for Oversight over Compliance with Laws and Execution of Court Decisions in Criminal Proceedings, Department for Investigation of Crimes against the National Security of Ukraine, Office of the Chief Military Prosecutor

State Penitentiary Service

Vladyslav Ivanovych Klysha, Head of international activities and cooperation with the media

State Migration Service

Ivan Anatoliyovych Rybalko, Head of the organization of reception centers and temporary stay of refugees and foreigners, Department of Foreigners and Stateless Persons

State Border Service

Andrii Ivanskyi, Senior Officer, Department of Administrative Proceedings

State Security Service

Oleksandr Tkachuk, Director of the Office of the Head

Oleh Riznychenko, Deputy Head, Centre for International Cooperation

Ihor Huzkov, Central Apparatus

Ministry of Defense

Yurii Khoroshunov, Deputy Head, Department for Organization of Security Patrol, Checkpoint Service and Search, Main Department of Military Police, Armed Forces of Ukraine

Oleh Hushchin, Assistant to the Head of the Administrative Department of the General Staff of the Armed Forces of Ukraine

Ministry of Internal Affairs

Olexandr Mykhailovych Guzmenuik, Deputy Head of the Department of Analytical Provision and Rapid Response, National Police

Ministry of Social Policy

Oksana Sulima, Deputy Director of the Department of Social Services

Ministry of Education and Science

Viktoriia Borysivna Sydorenko, Chief Specialist, Organizational and educational activities and social issues Unit, Professional and Technical Work Department

Valentyna Oleksandrivna Klemyuk, Chief Specialist, Education of children with Special Needs Unit, Department of Secondary and Primary Education

Ministry of Health

Yuriy Borysovych Polischuik, Chief Specialist, Medical Department

National Preventive Mechanism

Ukrainian Parliament Commissioner for Human Rights

Valeriya Lutkovska, Parliament Commissioner for Human Rights

Bohdan Kryklyvenko, Head of the Secretariat of the Ukrainian Parliament Commissioner for Human Rights

Others

United Nations Agencies

United Nations Human Rights Monitoring Mission in Ukraine

United Nations Resident Coordinator and UNDP Resident Representative