Nations Unies

CCPR/C/TKM/CO/3

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

12 avril 2023

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le troisième rapport périodique du Turkménistan *

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le troisième rapport périodique du Turkménistan à ses 3960e et 3961e séances, les 1er et 2 mars 2023. À sa 3983e séance, le 17 mars 2023, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité sait gré au Turkménistan d’avoir soumis son troisième rapport périodique dans les délais et accueille avec satisfaction les renseignements qui y sont donnés. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de haut niveau de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour appliquer les dispositions du Pacte. Il remercie l’État partie des réponses écrites apportées à la liste de points, qui ont été complétées oralement par la délégation, ainsi que des renseignements supplémentaires qui lui ont été communiqués par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité salue l’adoption par l’État partie des mesures législatives et institutionnelles ci-après :

a)L’adoption en 2021 du plan d’action national en faveur des droits de l’homme pour la période 2021-2025 ;

b)L’adoption en 2021 du plan d’action national pour l’égalité des sexes pour la période 2021-2025 ;

c)L’adoption en 2020 d’un plan national de préparation à la lutte contre les maladies infectieuses aiguës et de riposte face à ces maladies et d’un plan de mesures socioéconomiques concrètes pour lutter contre la pandémie de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) ;

d)L’adoption en 2019 du plan d’action national de lutte contre la traite des êtres humains ;

e)La création en 2017 du Bureau du Médiateur.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Cadre constitutionnel et juridique de la mise en œuvre du Pacte

4.Le Comité salue l’adoption du plan d’action national en faveur des droits de l’homme pour la période 2021-2025, qui prévoit l’adoption d’une nouvelle législation visant à mieux garantir le respect des normes internationales relatives aux droits de l’homme. Malgré les informations communiquées par l’État partie sur les mesures qu’il a prises pour appliquer ledit plan d’action et développer les capacités des représentants du pouvoir judiciaire et des membres des forces de l’ordre, le Comité est préoccupé par les points suivants :

a)Le fait que l’État partie n’a pas donné effet à 23 constatations adoptées par le Comité et n’a pas fourni d’informations précises, comme cela lui avait été demandé dans les précédentes recommandations du Comité, sur la création de mécanismes et de procédures juridiques efficaces permettant aux particuliers auteurs de communications de réclamer, en droit et dans la pratique, la pleine application de ces constatations ;

b)Le manque d’informations sur la manière dont les dispositions du Pacte peuvent être invoquées devant les juridictions et dans les procédures administratives et l’absence d’exemples de l’application desdites dispositions dans des décisions de justice ;

c)Le fait que l’État partie tarde à collaborer avec les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme et à leur donner la permission d’effectuer des visites dans le pays. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que l’État partie refuse de recevoir sur son territoire la Rapporteuse spéciale sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, et les membres du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires (art. 2).

5. L’État partie devrait :

a) Prendre toutes les mesures voulues, notamment créer des mécanismes efficaces, pour donner suite aux constatations adoptées par le Comité le concernant qu’il n’a pas encore mises en œuvre afin de garantir le droit des victimes à un recours utile en cas de violation du Pacte, conformément à l’article 2 (par. 3) ;

b) Diffuser largement les constatations auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et du grand public en vue de faire mieux connaître les droits consacrés par le Pacte, notamment en traduisant lesdites constatations dans les langues parlées sur son territoire et en les publiant sur les sites Web officiels ;

c) Envisager de faciliter l’organisation de visites par les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme et permettre à ceux ‑ ci de se rendre sur son territoire dans les meilleurs délais pour y effectuer des visites.

Institution nationale des droits de l’homme

6.Le Comité accueille avec satisfaction la création du Bureau du Médiateur et la nomination du premier Médiateur en 2017, ainsi que la réalisation en 2022 de l’évaluation des capacités dudit Bureau par le Forum des institutions nationales de défense des droits de l’homme pour la région de l’Asie et du Pacifique, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et le Programme des Nations Unies pour le développement. Il est toutefois préoccupé par l’absence de progrès réalisés en vue de garantir l’indépendance et l’impartialité totales du Bureau du Médiateur. Il regrette de ne pas avoir reçu d’informations détaillées sur l’accès des représentants de la société civile et d’éventuels plaignants au Bureau du Médiateur et la suite donnée aux plaintes déposées. Il regrette également que l’État partie n’ait pas précisé si des représentants de la société civile contribuaient à garantir l’indépendance et l’impartialité dudit Bureau. Le Comité est préoccupé par la capacité limitée du Bureau du Médiateur à traiter les plaintes émanant de particuliers, l’absence de moyens légaux permettant aux victimes de violations des droits de l’homme d’obtenir réparation et les limites imposées audit Bureau en ce qui concerne la réalisation de visites de contrôle dans les lieux de détention (art. 2).

7. L’État partie devrait continuer à s’efforcer de faire en sorte que le Bureau du Médiateur soit pleinement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) et :

a) Doter ledit Bureau de ressources humaines et financières suffisantes pour lui permettre de s’acquitter de son mandat efficacement et en toute indépendance ;

b) Envisager de réviser sa législation nationale afin de garantir aux victimes de violations des droits de l’homme l’accès à des moyens légaux pour obtenir réparation ;

c) Envisager de réviser sa législation nationale pour permettre au personnel dudit Bureau de participer à des visites de contrôle dans les lieux de détention ;

d) Veiller à ce que ledit Bureau coopère largement avec la société civile et les organisations internationales et participe à l’établissement des rapports destinés aux mécanismes de protection des droits de l’homme de l’ONU.

Mesures de lutte contre la corruption

8.S’il salue la création, en 2020, de la commission interdépartementale de lutte contre la corruption, le Comité s’interroge sur l’indépendance et l’efficacité de cette commission. Il prend note des informations concernant les réformes que l’État partie a engagées et les mesures qu’il a prises pour lutter contre la corruption, mais il reste préoccupé par les informations concernant une hausse des faits de corruption, notamment parmi les hauts fonctionnaires et les juges, ainsi qu’au sein de l’administration pénitentiaire. Il s’inquiète en outre de l’instrumentalisation qui est faite des condamnations pénales dans ce domaine à l’égard des opposants politiques. Il regrette de n’avoir pas reçu d’informations détaillées au sujet des enquêtes, des poursuites et des condamnations auxquelles les faits de corruption mis au jour ont pu donner lieu, en particulier dans la haute fonction publique. Il est préoccupé par les informations selon lesquelles les mesures visant à éliminer les situations de conflits d’intérêts dans les marchés publics ne sont pas adaptées (art. 2 et 14).

9.L’État partie devrait renforcer les mesures visant à prévenir la corruption et l’impunité, et à y mettre fin. Il devrait allouer des ressources humaines et financières suffisantes et renforcer l’indépendance opérationnelle et structurelle des membres des forces de l’ordre et des procureurs chargés des affaires de corruption afin qu’ils soient en mesure d’enquêter efficacement sur des affaires de corruption complexes de haut niveau. L’État partie devrait mener sans délai des enquêtes indépendantes et approfondies sur tous les cas de corruption et veiller à ce que les responsables soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, dûment punis au regard de la gravité des faits. Il devrait en outre veiller à ce que les membres des forces de l’ordre, les procureurs et les juges reçoivent une formation efficace sur la détection des faits de corruption, les enquêtes sur ces faits et les poursuites contre leurs auteurs.

État d’urgence et mesures de lutte contre la COVID-19

10.Le Comité salue l’adoption, en 2020, du plan national de préparation à la lutte contre les maladies infectieuses aiguës et de riposte face à ces maladies et du plan de mesures socioéconomiques concrètes pour lutter contre la pandémie de COVID-19. Il est néanmoins préoccupé par les restrictions disproportionnées des droits et libertés fondamentaux imposées par l’État partie, en particulier en ce qui concerne la liberté de circulation. Il est également préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas informé le Secrétaire général des dérogations aux articles 12 et 21 du Pacte, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 4. En outre, il regrette de n’avoir pas reçu d’informations détaillées au sujet des éventuels mécanismes qui ont pu été mis en place pour superviser les mesures et restrictions imposées (art. 4, 12 et 21).

11. L’État partie devrait veiller à ce que la législation nationale relative aux situations d’urgence soit pleinement conforme aux dispositions du Pacte et à l’observation générale n o 29 (2001) du Comité sur les dérogations aux dispositions du Pacte autorisées en période d’état d’urgence. Il devrait garantir que toutes les mesures mises en place pour protéger la population dans le cadre d’un état d’urgence, y compris une pandémie, sont temporaires, limitées à ce qui est strictement exigé par la situation conformément au principe de proportionnalité et soumises à un contrôle juridictionnel.

Non-discrimination

12.Le Comité prend note avec satisfaction des nouvelles dispositions du Code pénal, en particulier celles relatives à la responsabilité pénale en cas de violation du principe d’égalité (art. 145, relatif à la violation du principe d’égalité des citoyens). Il reste toutefois préoccupé de constater qu’aucun progrès n’a été accompli dans l’instauration d’un cadre visant à interdire la discrimination directe et indirecte dans les secteurs public et privé pour tous les motifs visés par le Pacte, à lutter contre les stéréotypes de toute sorte et à sensibiliser la population à la question de l’égalité. Il regrette de ne pas avoir reçu d’informations détaillées sur le nombre de plaintes déposées pour des faits de discrimination, les enquêtes menées sur ces faits, les poursuites engagées et les condamnations prononcées. Il regrette également de manquer d’informations sur les recours dont disposent les victimes de discrimination fondée sur le genre, la race, l’origine ethnique, les convictions politiques ou tout autre motif interdit (art. 2, 20 et 26).

13. Conformément aux précédentes recommandations du Comité , l’État partie devrait :

a) Envisager d’adopter une législation antidiscrimination complète qui protège pleinement et efficacement contre la discrimination fondée sur des motifs de discrimination interdits, dont l’orientation sexuelle et l’identité de genre, et qui prévoie des recours utiles en cas de violation ;

b) Veiller à ce que des mécanismes de plainte accessibles et indépendants soient mis en place, notamment par l’intermédiaire du Bureau du Médiateur, à ce que tous les cas de discrimination signalés donnent lieu à une enquête approfondie, à ce que les auteurs des faits soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes et à ce que les victimes aient accès à des recours utiles, comme prévu à l ’ article 2 (par. 3) du Pacte ;

c) Adopter des mesures concrètes, notamment mettre en place des programmes de formation et de sensibilisation à l’intention des fonctionnaires, des membres des forces de l’ordre et des membres de l’appareil judiciaire, y compris du ministère public, afin de prévenir les actes de discrimination.

Discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre

14.Le Comité regrette de n’avoir pas reçu d’informations sur les éventuelles mesures que l’État partie a prises pour lutter contre le traitement discriminatoire que subissent les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres, notamment contre les actes homophobes et transphobes violents dont elles sont victimes, ainsi que les éventuelles campagnes de sensibilisation et mesures visant à lutter contre les stéréotypes. En outre, compte tenu de ses précédentes recommandations, le Comité demeure préoccupé par le fait que les relations sexuelles entre hommes adultes consentants continuent de constituer une infraction au regard de l’article 135 du Code pénal. Il est également préoccupé par les informations concernant des cas de brutalités policières motivées par l’orientation sexuelle et l’identité de genre des victimes, lesquelles ont par conséquent peur de porter plainte, voire de révéler leur orientation sexuelle (art. 2, 7, 9, 17 et 26).

15. Conformément aux précédentes recommandations du Comité , l’État partie devrait :

a) Abroger l’article 135 du Code pénal afin de mettre sa législation en conformité avec le Pacte ;

b) Prendre des mesures pour lutter efficacement contre toutes les formes de stigmatisation sociale, de harcèlement, de discours haineux, de discrimination ou de violence fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, notamment former les membres des forces de l’ordre et de l’appareil judiciaire, y compris les procureurs, et mener des activités de sensibilisation auprès du grand public pour encourager l’ouverture à la diversité et promouvoir le respect de celle-ci.

Égalité entre hommes et femmes

16.Le Comité salue l’adoption du plan d’action national pour l’égalité des sexes pour la période 2021-2025 et prend note des mesures que l’État partie a prises pour accroître la représentation des femmes dans la vie politique, en particulier au Parlement national. Il reste toutefois préoccupé par la sous-représentation des femmes aux postes de décision, notamment dans les organes judiciaires, législatifs et exécutifs, et particulièrement aux postes de haut niveau. Le Comité prend note avec satisfaction de l’enquête nationale qui a été menée sur la santé et la place des femmes dans la famille au Turkménistan, mais s’inquiète de l’absence d’informations sur les mesures que l’État partie a prises pour donner suite aux résultats de ladite enquête, notamment les éventuelles réformes législatives et politiques visant à promouvoir l’égalité entre hommes et femmes. Il est préoccupé par la persistance des stéréotypes patriarcaux concernant le rôle des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, et par la discrimination fondée sur le genre que les femmes continuent de subir (art. 3, 25 et 26).

17. L’État partie devrait renforcer les mesures visant à permettre aux femmes de participer pleinement et dans des conditions d’égalité avec les hommes à la vie politique et publique, notamment au sein des organes exécutifs, judiciaires et législatifs aux niveaux national, régional et local, et particulièrement aux postes de décision. Il devrait sensibiliser le public au principe de l’égalité entre femmes et hommes et à la nécessité d’éliminer les stéréotypes sexistes et encourager les médias à donner une image positive des femmes en tant que participantes actives à la vie publique et politique.

Violence à l’égard des femmes et violence familiale

18.Le Comité salue les efforts que fait l’État partie pour fournir des services d’aide spécialisés à l’intention des femmes victimes de violence familiale, en collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour la population, l’association Keïik Okara et le groupement Beïik Eïïyam, mais il regrette de n’avoir pas reçu d’informations détaillées au sujet du nombre de plaintes déposées pour violence fondée sur le genre et des enquêtes menées sur ces faits, des poursuites engagées et des condamnations prononcées. Il est préoccupé par le nombre élevé d’actes de violence familiale signalés et par le manque de centres financés par l’État pour l’accueil des victimes de violence familiale dans toutes les régions du pays (art. 2, 3, 7, 23 et 26).

19. L’État partie devrait :

a) Prendre des mesures efficaces pour prévenir les violences familiales, enquêter sur ces actes, poursuivre leurs auteurs et, si leur culpabilité est établie, prononcer des sanctions adéquates ;

b) Développer et renforcer les services d’aide aux victimes et la protection accordée aux femmes et aux filles qui ont subi des violences familiales, en leur donnant accès à un hébergement, à une assistance psychosociale et à d’autres services d’aide, conformément aux meilleures pratiques observées à l’échelle mondiale ;

c) Mieux faire connaître aux femmes et aux filles, notamment dans les zones rurales, les recours dont elles peuvent se prévaloir pour obtenir la protection de leurs droits.

Mesures de lutte contre le terrorisme

20.S’il note que, selon les informations qui lui a communiquées l’État partie, les tribunaux nationaux n’ont pas eu à connaître d’affaires liées au terrorisme ou à l’extrémisme au cours de la période considérée, le Comité reste préoccupé par le caractère trop large et imprécis des définitions figurant dans la législation nationale relative à la lutte contre le terrorisme. Il prend note avec préoccupation des informations concernant le recours arbitraire à des mesures antiterroristes pour restreindre l’exercice légitime des droits et libertés garantis par le Pacte, notamment des libertés de religion, d’expression et d’association et du droit de ne pas être détenu arbitrairement, ainsi que l’absence de garanties suffisantes à cet égard. Il s’inquiète en outre des informations selon lesquelles un nombre croissant de personnes sont déclarées coupables d’« extrémisme islamique ». Il regrette que l’État partie n’ait pas fourni d’informations détaillées sur la prison d’Ovadan Depe, notamment sur le nombre de personnes qui y sont incarcérées et sur leur état de santé. Le Comité prend note des informations communiquées par la délégation de l’État partie, mais il reste préoccupé par les nombreuses informations selon lesquelles des personnes ayant des points de vue dissidents et des membres de leur famille voient leurs déplacements restreints (art. 2, 4, 7, 9, 12, 14 et 15).

21. L’État partie devrait :

a) Clarifier et préciser les définitions générales figurant dans la législation nationale relative à la lutte contre le terrorisme, notamment en introduisant le critère de la violence dans les définitions du terrorisme et de l’extrémisme et en veillant à ce que ces définitions soient conformes aux principes de sécurité juridique, de prévisibilité et de proportionnalité ;

b) Prévoir des garanties efficaces, notamment un contrôle juridictionnel, pour toute restriction des droits de l’homme imposée pour des raisons de sécurité nationale et veiller à ce que de telles restrictions visent des objectifs légitimes et soient nécessaires et proportionnées, comme l’exige le Pacte ;

c) S’abstenir d’imposer des interdictions de voyager aux personnes ayant des points de vue dissidents ainsi qu’aux membres de leur famille et garantir le plein respect de leur liberté d’expression et de leur droit de quitter le pays.

Droit à la vie

22.Le Comité prend note des renseignements communiqués par l’État partie sur la législation nationale régissant l’usage de la force et l’emploi d’armes à feu par les forces de l’ordre. Il est cependant préoccupé par l’absence, dans ladite législation, de dispositions définissant clairement les conditions dans lesquelles l’usage de la force et l’emploi des armes à feu sont considérés comme légaux. Il est également préoccupé par le manque d’informations concernant la loi de 2011 sur les organes du Ministère turkmène de l’intérieur, qui régit l’usage de la force et l’emploi des armes à feu par les forces de l’ordre, et la compatibilité de cette loi avec les principes fondamentaux de légalité, de nécessité, de proportionnalité et de responsabilité (art. 6).

23. L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir l’usage excessif de la force pendant les opérations de maintien de l’ordre, et pour ce faire :

a) Envisager de revoir la législation nationale et les consignes générales régissant l’usage de la force et l’emploi d’armes à feu par les membres des forces de l’ordre afin de les rendre conformes aux Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois et aux Lignes directrices des Nations Unies basées sur les droits de l’homme portant sur l’utilisation des armes à létalité réduite dans le cadre de l’application des lois ;

b) Mettre en place un mécanisme de contrôle indépendant pour faire en sorte que tous les cas signalés d’usage excessif de la force par les forces de l’ordre donnent rapidement lieu à une enquête efficace et impartiale et que les victimes de telles violations obtiennent réparation, notamment qu’elles soient indemnisées ;

c) Former régulièrement les membres des forces de l’ordre à l’usage de la force et veiller à ce que les principes de nécessité et de proportionnalité soient strictement respectés dans la pratique.

Détention secrète et disparitions forcées

24.Le Comité se félicite de la libération de Pygambergeldy Allaberdyev, Sergey Babaniyazov, Khursanay Ismatullayeva et Dmitriy Medvedev, qui ont été graciés par le Président en décembre 2022. Il note toutefois avec une vive préoccupation que, selon certaines informations, la pratique de la détention secrète et des disparitions forcées a toujours cours et que les faits de cette nature ne donnent pas lieu à une enquête ; en outre, il prend note avec une profonde inquiétude des cas présumés de disparition forcée qui lui ont été signalés, notamment celle d’Annageldy Akmuradov, de Mamour Atayev, d’Esen Buriev, d’Isa Grataev, de Bazar Gurbanov, de Konstantin Shikhmuradov, de Rustem Djumaev, de Saparmurat Mukhammedov, de Batyr Sardzhaev, d’Orazmammet Yklymov et d’Ovezmurat Yazmuradov. D’autre part, il note avec préoccupation que des procès se tiennent encore à huis clos, en l’absence d’avocats de la défense (art. 2, 6, 7, 9, 14 et 16).

25. Conformément aux précédentes recommandations du Comité , l’État partie devrait :

a) Mettre fin à la pratique de la détention secrète et des disparitions forcées ;

b) Réviser son cadre juridique de sorte que toutes les formes de disparition forcée soient clairement interdites par le droit pénal ;

c) Redoubler d’efforts pour que toutes les disparitions forcées signalées donnent lieu, dans les meilleurs délais, à une enquête approfondie et indépendante, veiller à ce que les auteurs soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes et garantir que les victimes de disparition forcée ont accès à des recours utiles.

Interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

26.Le Comité prend note avec satisfaction de la modification de la définition de la torture dans le nouveau Code pénal adopté en 2022. Il se félicite en outre du fait que des moyens techniques de vidéosurveillance et du matériel audiovisuel ont été installés dans certains postes de police, centres de détention provisoire et autres lieux de détention dans le but de prévenir la torture et les mauvais traitements à l’égard des détenus. Toutefois, s’il prend note des informations concernant les visites de contrôle menées par la Commission centrale de surveillance et le Médiateur dans les lieux de détention, le Comité reste préoccupé par l’absence d’un contrôle et d’un suivi efficaces, indépendants et impartiaux de la situation dans ces lieux. Il s’inquiète du degré élevé d’impunité dont jouissent les auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements à l’égard de personnes privées de liberté et de l’absence d’enquêtes efficaces sur de tels faits. Il reste surtout vivement préoccupé par les nombreuses allégations d’actes de torture, de traitements inhumains, de conditions de détention dégradantes et de privation de soins médicaux à la prison de haute sécurité d’Ovadan Depe. De plus, il regrette que l’État partie n’ait pas donné effet aux constatations qu’il a adoptées (CCPR/C/122/D/2252/2013) sur les actes de torture subis par Ogulsapar Muradova et son décès en détention (art. 2, 6, 7 et 14).

27. L ’ État partie devrait :

a) Veiller à ce que toutes les allégations d’actes de torture et de mauvais traitements donnent lieu, dans les meilleurs délais, à une enquête impartiale, approfondie et effective, à ce que les auteurs soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes, et à ce que les victimes disposent d’un recours utile, comme prévu à l’article 2 (par. 3) du Pacte ;

b) Effectuer des visites de contrôle indépendantes et impartiales dans les lieux de détention, notamment dans la prison de haute sécurité d’Ovadan Depe, en y associant éventuellement des membres de la société civile et d’organisations internationales ;

c) Dispenser aux juges, aux procureurs, aux avocats, aux agents de sécurité et aux membres des forces de l’ordre des formations sur le Pacte et les autres normes internationales relatives aux droits de l’homme, notamment le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) ;

d) Envisager de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et créer une institution indépendante chargée d’effectuer des visites de contrôle dans les lieux de privation de liberté, par exemple un mécanisme national de prévention.

Liberté et sécurité de la personne

28.Le Comité prend note des informations communiquées par la délégation, mais il est préoccupé par le fait que le personnel du Bureau du Médiateur n’est pas habilité à effectuer des visites de contrôle dans les lieux de détention ni à prendre part à ces dernières en toute indépendance. Il est également préoccupé par les nombreuses allégations selon lesquelles, dans la pratique, toutes les personnes privées de liberté ne jouissent pas des garanties juridiques fondamentales et, en particulier, ne peuvent pas s’entretenir avec un avocat en toute confidentialité. Il s’inquiète en outre des nombreuses informations qu’il a reçues sur des cas de détenus n’ayant pas été autorisés à communiquer avec leur famille. D’autre part, le Comité regrette de ne pas avoir reçu d’informations sur les plaintes déposées, les enquêtes menées et les poursuites intentées concernant des allégations de violations du droit au maintien des communications familiales et du droit de comparaître devant un tribunal dans les quarante-huit heures suivant l’arrestation (art. 9, 14, 17 et 23).

29. L’État partie devrait veiller à ce que toutes les personnes privées de liberté bénéficient en pratique de toutes les garanties juridiques dès leur placement en détention, notamment en leur garantissant le droit de prendre rapidement contact avec un membre de leur famille ou une autre personne de leur choix et le droit de s’entretenir dans les plus brefs délais et en toute confidentialité avec un avocat qualifié indépendant ou, au besoin, un avocat commis d’office au titre de l’aide juridictionnelle.

Traitement des personnes privées de liberté

30.Le Comité prend note des informations communiquées par l’État partie concernant la rénovation et la construction d’établissements pénitentiaires, mais il reste préoccupé par l’absence d’un mécanisme indépendant et impartial de surveillance des conditions de vie dans les lieux de détention et par le fait que la société civile ne prenne pas part aux visites de contrôle. Il prend également note des informations fournies par l’État partie concernant le taux élevé de vaccination contre la COVID-19 dans les établissements pénitentiaires, mais il est préoccupé par la propagation de maladies infectieuses, telles que la COVID-19 et la tuberculose, dans nombre de ces établissements, l’absence de traitement médical approprié et les lenteurs ou négligences observées pour ce qui est du transfert de détenus vers les hôpitaux, ces dysfonctionnements ayant entraîné des décès. En outre, le Comité s’inquiète des restrictions arbitraires qui ont été imposées aux détenus concernant leurs communications avec leurs proches pendant la pandémie (art. 7 et 10).

31. L’État partie devrait, dans les meilleurs délais, redoubler d’efforts pour améliorer les conditions de détention et faire en sorte que, dans tous les lieux de privation de liberté, en particulier ceux dans lesquels des foyers de maladies infectieuses comme la tuberculose ont été recensés, les détenus aient dûment accès aux soins de santé.

Élimination de l’esclavage, de la servitude et de la traite des personnes

32.Le Comité prend note avec satisfaction des informations relatives à la visite de l’organe de contrôle de l’Organisation internationale du Travail dans l’État partie prévue en mars 2023 et de l’intention de l’État partie de ratifier la Convention de 1947 sur l’inspection du travail (no 81). Il se félicite de la ratification, au cours de la période considérée, de la Convention de 1964 sur la politique de l’emploi (no 122) et de la Convention de 1976 sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail (no 144). Il reste toutefois préoccupé par le recours généralisé au travail forcé des fonctionnaires (principalement des femmes) pendant la récolte du coton, sous la menace de sanctions telles que la résiliation de leur contrat de travail ou des pertes ou réductions salariales, ou encore de peines d’autre nature. Le Comité s’inquiète du fait que les personnes employées dans l’industrie du coton doivent payer elles-mêmes leur transport, leur hébergement et leur nourriture. Il s’inquiète également du niveau extrêmement bas des salaires, qui ne donne pas aux travailleurs les moyens de payer des soins médicaux (art. 2, 7, 8, 24 et 26).

33. Conformément aux précédentes recommandations du Comité , l’État partie devrait redoubler d’efforts pour mettre fin au travail forcé, notamment en multipliant les inspections du travail et en mettant en place un mécanisme de plainte efficace, en particulier dans le secteur du coton, et en accordant une attention particulière au travail effectué par les femmes et les enfants. Il devrait également améliorer les conditions de travail et de vie des personnes travaillant dans l’industrie du coton, notamment en adoptant des mesures ciblées pour protéger les femmes et les enfants.

Liberté de circulation

34.Le Comité réaffirme l’inquiétude que lui inspire le système de déclaration obligatoire du lieu de résidence (propiska), qui empêche les Turkmènes de se déplacer librement et de choisir leur lieu d’installation dans leur propre pays. Il prend note de l’explication donnée par la délégation de l’État partie concernant les raisons pour lesquelles les Turkmènes sont obligés d’obtenir un visa pour travailler en Türkiye, mais il reste préoccupé par le fait que cette obligation est incompatible avec le Pacte. Il est en outre vivement préoccupé par les interdictions arbitraires de voyager imposées à certains défenseurs des droits de l’homme, journalistes, avocats et étudiants (art. 9, 12, 17 et 19).

35.Le Comité recommande à nouveau à l’État partie de mettre son système de déclaration obligatoire du lieu de résidence (propiska) en pleine conformité avec le Pacte. L’État partie devrait également, dans les meilleurs délais, mettre fin à la pratique généralisée des interdictions de voyager arbitraires imposées aux défenseurs des droits de l’homme, journalistes, avocats et étudiants, et supprimer le système de visa de sortie.

Accès à la justice, indépendance du pouvoir judiciaire et procès équitable

36.Le Comité salue l’adoption du cadre stratégique national pour la période 2017‑2021, qui vise à améliorer l’administration de la justice et à garantir l’indépendance de la magistrature. Il reste toutefois préoccupé par les informations concernant le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire, le Président étant notamment seul habilité à nommer les juges. Il est également préoccupé par les nombreuses informations concernant la tenue à « huis clos » de procès pénaux intentés pour des raisons politiques, avec un accès limité aux informations sur le lieu de détention des accusés et le traitement qui leur est réservé, ainsi que l’état d’avancement de leur procès. En outre, le Comité s’inquiète du fait qu’il n’existe pas de base de données des jugements qui soit publiquement accessible. Il relève avec préoccupation que les juges, les procureurs et les avocats ne se voient pas dispenser de formations sur le Pacte et les autres normes internationales relatives aux droits de l’homme. Il prend note avec satisfaction de la hausse du nombre d’affaires pénales dans lesquelles l’accusé a bénéficié des services d’un avocat commis d’office au titre de l’aide juridictionnelle, mais reste préoccupé par la qualité des services d’aide juridictionnelle et par la pénurie générale d’avocats dans le pays (art. 14).

37. L’État partie devrait :

a) Veiller à ce que les procédures de sélection, de nomination, de promotion et de révocation des juges respectent les dispositions du Pacte et les normes internationales pertinentes, notamment les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature ;

b) Veiller à ce que toute restriction ou limitation des garanties d’un procès équitable, notamment le recours à un procès à huis clos, soit pleinement conforme aux obligations mises à sa charge par le Pacte ;

c) Redoubler d’efforts pour remédier au nombre insuffisant d’avocats dans le pays et améliorer la qualité de l’aide juridictionnelle de l ’ État .

Droit au respect de la vie privée

38.Le Comité se dit à nouveau préoccupé par l’absence de cadre juridique clair régissant les activités de surveillance, dont celles menées par les services de renseignement. Il regrette que les allégations de violations des droits de l’homme, notamment celles qui auraient été commises dans le cadre d’activités de surveillance menées par des membres des forces de l’ordre, ne donnent pas lieu à une enquête efficace et que l’État partie n’accorde pas réparation aux victimes (art. 17).

39. Rappelant ses précédentes recommandations , le Comité demande instamment à l’État partie :

a) De faire en sorte que toutes les formes de surveillance et tous les actes afférents au droit au respect de la vie privée, dont la surveillance en ligne aux fins de la sécurité de l’État, soient régis par une législation appropriée et pleinement conforme au Pacte, en particulier à son article 17 ;

b) De garantir que les activités de surveillance sont soumises à un contrôle juridictionnel indépendant et impartial ;

c) D’enquêter efficacement sur toutes les allégations de violations des droits de l’homme, dont celles résultant d’activités de surveillance menées par les services de police, et d’accorder une juste réparation aux victimes.

Liberté de conscience et de croyance religieuse

40.Le Comité reste préoccupé par les restrictions imposées, en droit et dans la pratique, à certaines communautés de croyants, notamment aux Témoins de Jéhovah, qui ne sont pas reconnues par la loi et dont l’enregistrement ou le réenregistrement sont refusés par les services de l’État partie. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles des mesures dites préventives ont été prises contre des Témoins de Jéhovah, qui ont été convoqués par les forces de l’ordre ou interrogés sur leur lieu de travail. Le Comité prend note des informations communiquées par la délégation de l’État partie selon lesquelles le nombre de poursuites au titre de l’article 219 (insoumission) du Code pénal a été divisé par dix au cours de la période considérée. Il regrette toutefois que le droit à l’objection de conscience au service militaire obligatoire ne soit pas reconnu et que l’État partie ne propose pas de solutions de substitution au service militaire, comme le Comité l’avait préconisé dans ses constatations (art. 2, 14, 18 et 26).

41.L’État partie devrait garantir l’exercice effectif de la liberté de conscience et de religion et s’abstenir de tout acte susceptible de le restreindre au-delà de ce que permet l’article 18 du Pacte interprété au sens strict. Il devrait également veiller à ce que l’enregistrement des organisations religieuses se fasse sur la base de critères clairs et objectifs, compatibles avec les obligations mises à sa charge par le Pacte. L’État partie devrait en outre se doter de la législation nécessaire pour reconnaître le droit à l’objection de conscience au service militaire obligatoire et veiller à ce que le service de remplacement ne soit pas punitif ni discriminatoire par sa nature ou sa durée par rapport au service militaire.

Liberté d’expression

42.Le Comité prend note avec satisfaction des informations communiquées par la délégation de l’État partie concernant le projet de gracier Nurgeldy Khalykov, Murat Dushemov et Mansur Mingelov. Il note toutefois avec préoccupation que l’État partie n’a pas pris de mesure concrète pour appliquer les dispositions constitutionnelles garantissant la liberté d’opinion, de pensée et d’expression et donner suite à la recommandation du Comité d’instaurer un environnement propice à la création et au fonctionnement de médias libres et indépendants. Il s’inquiète vivement de l’absence d’un accès libre et non censuré à différentes sources d’information et des restrictions disproportionnées apportées aux contenus en ligne et aux réseaux sociaux. Il est en outre profondément préoccupé par les informations selon lesquelles les représentants de la société civile qui exercent pacifiquement leur liberté d’expression au Turkménistan et à l’étranger, ainsi que leurs proches, font l’objet de persécutions généralisées (art. 19 et 20).

43. L’État partie devrait sans délai :

a) Appliquer pleinement les dispositions constitutionnelles garantissant la liberté d’opinion, de pensée et d’expression, notamment en instaurant un environnement propice à la création et au fonctionnement de médias libres et indépendants ;

b) Garantir un accès libre et non censuré aux différentes sources d’information, dont Internet et les médias étrangers, comme l’exige l’article 19 du Pacte tel qu’interprété dans l’observation générale n o 34 (2011) du Comité sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression ;

c) S’abstenir de persécuter, d’intimider, de harceler ou d’emprisonner les représentants de la société civile, ainsi que leurs proches, qui exercent pacifiquement, entre autres droits, leur liberté d’expression au Turkménistan et à l’étranger ;

d) Procéder à la remise en liberté de Nurgeldy Khalykov, Murat Dushemov et Mansur Mingelov.

Liberté de réunion pacifique

44.Le Comité accueille avec intérêt les informations communiquées par l’État partie concernant le projet de rendre la loi sur l’organisation et le déroulement des réunions, assemblées, manifestations et autres rassemblements publics conforme au Pacte. Il regrette toutefois que des informations détaillées n’aient pas été fournies au sujet des mesures que l’État partie a prises pour appliquer les recommandations formulées en 2017 par le Comité afin de veiller à ce que toute restriction de la liberté de réunion soit conforme aux exigences strictes de l’article 21 du Pacte. Le Comité prend note des informations communiquées par la délégation de l’État partie, mais il reste préoccupé par les allégations de participation forcée à des rassemblements publics organisés par l’État. En outre, il est profondément préoccupé par les restrictions injustifiées imposées à des résidents vivant à l’étranger qui avaient organisé des manifestations spontanées et des protestations pacifiques sur des questions qui les préoccupaient et qui avaient trait à leur pays d’origine, et par la persécution dont ces personnes font l’objet (art. 9, 19 et 21).

45. L’État partie devrait sans délai :

a) Envisager de rendre la loi sur l’organisation et le déroulement des réunions, assemblées, manifestations et autres rassemblements publics conforme à l’article 21 du Pacte, en tenant compte de l’observation générale n o 37 (2020) du Comité sur le droit de réunion pacifique ;

b) Veiller à ce que toutes les allégations d’actes de violence et d’intimidation commis contre des manifestants pacifiques et leurs proches donnent lieu, dans les meilleurs délais, à une enquête approfondie et impartiale, et à ce que les responsables de ces actes soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes ;

c) Dispenser aux fonctionnaires, aux autorités locales, aux membres des forces de l’ordre, aux procureurs et aux juges une formation sur l’observation générale n o 37 (2020) sur le droit de réunion pacifique afin de mieux les familiariser avec les principes qui devraient guider l’application de tout type de restriction au droit de réunion pacifique.

Liberté d’association

46.Le Comité réaffirme l’inquiétude que lui inspire la loi de 2014 sur les associations, qui impose à ces dernières des procédures d’enregistrement excessives et contraignantes. En outre, il reste préoccupé par le fait que les organisations religieuses et les organisations de la société civile étrangères ne peuvent toujours pas se faire officiellement enregistrer. S’il prend note des informations communiquées par l’État partie, le Comité est préoccupé par le fait qu’aucune organisation de la société civile s’occupant de questions relatives aux droits de l’homme ne semble être enregistrée (art. 19, 22 et 25).

47. L’État partie devrait envisager de réviser les dispositions de la loi de 2014 sur les associations afin de les rendre pleinement conformes aux articles 19, 22 et 25 du Pacte. Il devrait veiller à ce que ses autorités n’utilisent pas les lois régissant les organisations de la société civile en vue de contrôler celles-ci, de s’immiscer dans leur fonctionnement ou de porter atteinte à leurs droits.

Participation à la conduite des affaires publiques

48.Le Comité se félicite des informations que lui a communiquées l’État partie concernant son intention de prendre des mesures pour garantir le droit de vote aux personnes purgeant une peine de prison. S’il salue l’adoption de modifications constitutionnelles et d’un cadre législatif prévoyant la mise en place du multipartisme et le droit des citoyens de participer aux opérations électorales, il est préoccupé par le pluralisme théorique de l’environnement politique et l’absence de médias indépendants, qui privent les électeurs de la possibilité de faire des choix éclairés. Il est également préoccupé par le manque d’indépendance et de transparence de la Commission électorale centrale, le Président étant seul habilité à nommer, sanctionner et révoquer ses membres (art. 2, 10 et 25).

49. L’État partie devrait sans délai :

a) Favoriser une culture de pluralisme politique et garantir la liberté de prendre part à un débat politique pluraliste, notamment en veillant au pluralisme des médias ;

b) Veiller à ce que les procédures de sélection, de nomination et de révocation des membres de la Commission électorale centrale respectent les dispositions du Pacte et les normes internationales pertinentes ;

c) Envisager de réviser le cadre juridique national en tenant compte de l’observation générale n o 25 (1996) du Comité sur la participation aux affaires publiques et le droit de vote afin de garantir le droit de vote des détenus.

D.Diffusion et suivi

50. L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, des deux Protocoles facultatifs s’y rapportant, de son troisième rapport périodique et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public pour faire mieux connaître les droits consacrés par le Pacte. L’État partie devrait faire en sorte que le rapport périodique et les présentes observations finales soient traduits dans sa langue officielle.

51. Conformément à l’article 75 (par. 1) du Règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à faire parvenir, le 24 mars 2026 au plus tard, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 7 (institution nationale des droits de l’homme), 21 (mesures de lutte contre le terrorisme) et 25 (détention secrète et disparitions forcées) ci-dessus.

52.Conformément au cycle d’examen prévisible du Comité, l’État partie recevra en 2029 la liste de points établie par le Comité avant la soumission du rapport et devra soumettre dans un délai d’un an ses réponses à celle-ci, qui constitueront son quatrième rapport périodique. Le Comité demande à l’État partie, lorsqu’il élaborera ce rapport, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots. Le prochain dialogue constructif avec l’État partie se tiendra en 2031, à Genève.