NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l'élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/304/Add.97

19 avril 2000

FRANÇAIS

Original : ANGL.AIS

COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE

LA DISCRIMINATION RACIALE

Cinquante-sixième session

6-24 mars 2000

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES

CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale

Rwanda

1.Le Comité a examiné les huitième, neuvième, dixième, onzième et douzième rapports périodiques du Rwanda, soumis en un seul document (CERD/C/335/Add.1), à ses 1385ème et 1386ème séances (CERD/C/SR.1385 et 1386) tenues les 14 et 15 mars 2000. À sa 1397ème séance, le 23 mars 2000, il a adopté les conclusions suivantes.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction les rapports périodiques soumis par l'État partie et les renseignements complémentaires apportés oralement et par écrit par la délégation, qui a donné des réponses constructives aux questions posées par les membres du Comité. Il se félicite également de pouvoir renouer le dialogue avec l'État partie dans le cadre de la procédure normale de présentation des rapports.

3.Le Comité constate que malgré le long intervalle de temps qui s'est écoulé depuis l'examen du précédent rapport de l'État partie en 1988 et les évènements tragiques survenus depuis cette date au Rwanda, le rapport porte essentiellement sur les mesures législatives et pratiques prises par l'État partie pour éliminer les formes institutionnalisées et autres de discrimination raciale, mais contient peu d'informations sur les actes de discrimination raciale commis.

B. Facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention

4.Le Comité garde à l'esprit les évènements survenus en 1994 et après - le génocide et le nombre considérable de morts - et reconnaît qu'il est difficile pour la population de l'État partie à tourner cette page récente de son histoire. Le Comité est conscient que les effets du génocide continuent de se faire sentir dans presque tous les domaines de la vie dans l'État partie. Il reconnaît aussi les problèmes posés par les attaques que des groupes armés d'opposition basés hors du territoire rwandais mènent depuis 1994.

5.Le Comité note également que les ressources financières et matérielles de l'État partie ont été réduites au minimum du fait des actes de destruction et des vols commis durant les conflits armés de 1994. Tout en prenant acte des progrès réalisés par l'État partie en vue de résoudre certains problèmes économiques, en particulier de réduire le taux d'inflation, il est conscient que la persistance des difficultés économiques, la forte dépendance de l'État partie à l'égard d'une assistance internationale rare et la modicité des ressources dont celui-ci dispose sont des obstacles importants à l'application pleine et entière de la Convention au Rwanda.

C. Aspects positifs

6.Le Comité félicite l'État partie des progrès sensibles réalisés en vue d'éliminer les formes institutionnelles de discrimination. Il note avec satisfaction la mise en place d'une commission nationale des droits de l'homme indépendante, chargée de surveiller et de promouvoir le respect des droits de l'homme ainsi que de veiller au fonctionnement des institutions de l'État responsables de la mise en œuvre et de la protection des droits de l'homme, y compris de ceux qui sont consacrés dans la Convention.

7.Le Comité prend également note des efforts déployés par l'État partie pour faire disparaître toute référence aux distinctions ethniques dans les textes et les discours officiels ainsi que sur les cartes d'identité. En outre, il prend acte des efforts déployés par l'État partie pour que les actes de génocide et les autres violations des droits de l'homme ne restent pas impunis et que les principaux responsables soient traduits en justice. Il est encouragé par les efforts que l'État partie déploie pour réorganiser le système judiciaire, notamment en assurant la formation des fonctionnaires de l'appareil judiciaire et des responsables de l'application des lois.

8.Le Comité note avec satisfaction les efforts déployés par l'État partie pour mieux assurer l'exercice des droits économiques et sociaux de la population, notamment par la fourniture de logements.

9.Le Comité salue les efforts déployés par l'État partie pour accueillir les réfugiés de pays voisins.

D. Sujets de préoccupation et recommandations

10.Le Comité reste préoccupé par la question de l'impunité notamment en ce qui concerne certains cas où des actes illégaux ont été commis par des membres des forces de sécurité. Il recommande à l'État partie de poursuivre le combat qu'il mène contre l'impunité par la voie judiciaire et l'invite instamment à s'employer plus encore à prendre les mesures qui s'imposent pour que des actes illégaux ne soient pas commis par des agents des autorités militaires ou civiles.

11.Le Comité note qu'en raison de la nature du génocide récemment perpétré, les nombreux détenus appartiennent en majorité à l'ethnie Hutue. Il est préoccupé par leurs mauvaises conditions de détention et par leur taux de mortalité. Il recommande à l'État partie de poursuivre les efforts déployés en vue de respecter un minimum de règles pour le traitement des détenus.

12.Le Comité est conscient des difficultés rencontrées dans l'administration de la justice et des efforts déployés par l'État partie pour trouver des moyens concrets de renforcer les procédures judiciaires, notamment en ayant recours aux pratiques du droit coutumier. Il demande instamment à l'État partie de prendre de nouvelles mesures pour réduire la durée de la détention provisoire et veiller à ce que le droit à un traitement égal devant les tribunaux, défini à l'article 5 a) de la Convention, soit respecté dans les procédures judiciaires nationales et coutumières.

13.Le Comité prend note des efforts qu'a déployés l'État partie pour introduire des procédures de "tri" comme les commissions de triage. C'est un moyen supplémentaire de libérer rapidement les auteurs présumés d'infractions pénales contre lesquels on dispose de peu d'éléments de preuve. Il recommande à l'État partie de faire de nouveaux efforts dans ce sens et de veiller à ce que la population générale soit bien informée de ces procédures, afin que les personnes libérées puissent réintégrer leur communauté en sécurité. Il recommande d'amnistier également les auteurs d'infractions moins graves qui reconnaissent leur culpabilité.

14.Le Comité note avec satisfaction que l'État partie a repris sa coopération avec le Tribunal international pour le Rwanda et lui recommande d'apporter au Tribunal son assistance et de coopérer pleinement avec lui.

15.Tout en notant que les mesures adoptées par l'État partie pour réinstaller des groupes importants de population en milieu semi‑urbain visent à améliorer l'accès à l'eau et à la santé, entre autres services, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des réinstallations forcées ont eu lieu et certaines des personnes réinstallées ne disposent pas d'un logement décent. Il recommande à l'État partie de veiller à ce que toutes les réinstallations se fassent sur une base non discriminatoire et à ce que les personnes réinstallées jouissent, sans discrimination, des droits énoncés à l'article 5 de la Convention.

16.Le Comité est conscient des efforts déployés par l'État partie pour mettre en place un centre spécialisé pour les mineurs accusés de participation au génocide, mais demeure préoccupé par les conséquences néfastes pour les enfants d'une détention de longue durée. Tout en reconnaissant que ces jeunes sont accusés d'avoir commis des actes très graves et tragiques, il recommande néanmoins que l'État partie fasse tout son possible pour les réinsérer dans la société dès que possible.

17.Le Comité est préoccupé par des informations récentes faisant état de la mise en place, dans les villages, de forces locales de défense qui seraient munies d'armes à feu et de machettes, recevraient une formation rudimentaire et compteraient dans leurs rangs de très jeunes recrues. Il recommande à l'État partie d'éviter toute action qui risquerait de provoquer de nouvelles explosions de violences à caractère ethnique, auxquelles seraient notamment associés des mineurs.

18.Rappelant les décisions qu'il a adoptées dans le cadre de ses procédures d'alerte rapide et d'urgence, notamment les décisions 5(53) du 19 août 1998 et 3(54) du 19 mars 1999, le Comité est également préoccupé par le fait que, dans leurs tentatives pour ouvrir des enquêtes et engager des poursuites concernant les violations des droits de l'homme commises depuis 1994 contre les Hutus de souche, les autorités judiciaires seraient victimes d'actes d'intimidation.

19.Le Comité prie l'État partie de redoubler d'efforts pour enquêter sur les allégations faisant état de graves violences à caractère ethnique et de graves violations du droit humanitaire et traduire leurs auteurs en justice, tout en veillant à ce que les droits fondamentaux des personnes accusées et détenues soient pleinement respectés et à ce que les juges et les fonctionnaires de justice puissent exercer leurs fonctions sans faire l'objet d'intimidations ou d'autres formes de pression.

20.L'État partie est invité à donner dans son prochain rapport de plus amples renseignements sur les questions ci‑après : a) mesures prises dans le domaine des droits de l'homme pour favoriser une meilleure compréhension entre tous les membres de la population; b) nouvelles dispositions prises pour réprimer les violations des droits de l'homme liées à un traitement discriminatoire; et c) activités entreprises et résultats obtenus par la Commission nationale des droits de l'homme.

21.Le Comité recommande à l'État partie de ratifier les amendements au paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention, adoptés le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties à la Convention.

22.Il est noté que l'État partie n'a pas fait la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention, et certains membres du Comité ont demandé que cette possibilité soit envisagée.

23.Le Comité recommande à l'État partie de rendre les rapports publics dès le moment où ils sont soumis et de diffuser de la même manière les conclusions du Comité.

24.Le Comité recommande que le prochain rapport périodique de l'État partie, qui doit être présenté le 16 mai 2000, constitue une mise à jour et traite de toutes les questions soulevées dans les présentes observations.

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