NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l'élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/304/Add.76

12 avril 2001

FRANÇAIS

Original : ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DELA DISCRIMINATION RACIALECinquante-cinquième session

Examen des rapports prÉsentés par les états partiesconformément à l’article 9 de la Convention

Conclusions du Comité pour l’éliminationde la discrimination raciale

Colombie

Le Comité a examinéleshuitième et neuvièmerapportspériodiques de la Colombie (CERD/C/332/Add.1) à ses 1356e et 1357e séances (voir CERD/C/SR.1356 et 1357), les 17 et 18 août 1999, et adopté, à sa 1362e séance (voir CERD/C/SR.1362), le 20 août 1999, les conclusions ci-après.

A.Introduction

Le Comitéaccueilleavec satisfaction le rapport détaillésoumis par le Gouvernementcolombien qui contientnotammentdesinformationssurlesimportantescommunautésautochtones et afro-colombienne. Il se féliciteégalementdesinformationscommuniquées par la délégation de l’Étatpartie au cours de l’examen oral du rapport, notammentsurlescommunautésroma, juive et libanaise.

B.Aspects positifs

Le Comité se félicite en particulier de la franchise aveclaquellel’Étatpartiereconnaîtquelescommunautés afro-colombienne et autochtonescontinuent d’être victimesd’une discrimination racialesystémique qui est à l’origine de leurmarginalisation, de leurétat de pauvreté et de leurvulnérabilité à la violence.

Le Comité note avec satisfaction que la Constitution colombienne de 1991 contientdes dispositions antidiscriminatoiresprotégeantlesdroitsdescommunautésminoritaires, et reconnaîtofficiellement le droitdescommunautésautochtones et afro-colombienne de revendiquer la propriété de certainesterresancestrales. Par ailleurs, la Constitution reconnaît et cherche à protéger la diversitéculturelle et ethnique de la nation.

Le Comité se félicitedes initiatives prises par le Gouvernementcolombien, dont la mise en place de programmes de développementpluriannuels en faveurdescommunautésautochtones et afro‑colombienneainsique la créationd’une nouvelle commission interorganisationsdesdroits de l’hommesousl’autorité du Vice‑Présidentcolombien, qui estchargée de coordonner la politique et le plan d’action de l’Étatpartieconcernantlesdroits de l’homme et le droithumanitaire international.

Le Comitéprend note de l’importantedécisionsurlesmesures correctives à prendre, adoptée par la Courconstitutionnelledansl’affaireCimarrón.

Le Comitéaccueilleavec satisfaction la déclarationdanslaquellelesreprésentants de l’Étatpartieontannoncéqueplusieursmesuresavaientétéprises pour promouvoir le respect desdroits de l’hommedansl’armée et restreindre la compétencedestribunauxmilitaires pour connaîtredes affaires relatives auxdroits de l’hommedanslesquellesétaientimpliquésdesmembresdes forces armées.

C.Principauxsujets de préoccupation

Tout en notantque le cadre constitutionnelinterdisant la discrimination racialeestsolidementétabli, le Comité se déclarenéanmoinspréoccupé par le fait quetouslestexteslégislatifsrequis pour donnereffet à ces dispositions n’ont pas étépromulgués.

Le Comité se déclare de nouveau préoccupé par le fait quel’Étatpartien’a pas adopté de législationconformément à l’article 4 de la Convention, qui exige la promulgation de loispénalesprécises.

Des préoccupationsontétéexprimées au sujetdesinformationsindiquantque la violence en Colombieétaitlargementconcentréedanslesrégionsoùviventlescommunautésautochtones et afro‑colombienne; quecescommunautéssont de plus en plus la cible de groupesarmés et quelestactiquesadoptées par le Gouvernement pour combattre le traficdes drogues ontprovoquéunemilitarisation accrue de cesrégions, créantunclimat favorable aux violations desdroits de l’homme et la destruction de l’autonomie et de l’identitéculturelles.

Prenant note égalementdesinformationsselonlesquellesunclimatd’impunitérégnaitdans le systèmejudiciaire à touslesniveaux et quetrèspeud’affairesconcernantlesdroits de l’hommeavaientétéjugéesavecsuccèsdanslestribunauxcivils, le Comitécraintquececlimatd’impuniténeportegravementatteinteauxdroitsdescommunautésautochtones et afro‑colombienne, cescommunautésminoritairesétant plus quetoutesautresvictimes de violations desdroits de l’homme et desprincipeshumanitairesinternationaux.

De vivesinquiétudesontétéexprimées au sujetdesinformationsselonlesquelles plus de 500 chefs autochtonesavaientétéassassinés au coursdes 25 dernièresannées et quelesdirigeants de la communauté afro‑colombienneavaientétévictimesd’attentats analogues. S’ilestvraiquetoutesles parties au conflitavaientcontribué à l’escalade de la violence, le Comité note quedesgroupesparamilitairesopérantdans le pays seraientresponsables de la plupart de cesactes.

Le Comitéconstatequelescommunautésautochtones et afro‑colombiennesontsous-représentéesdansles institutions de l’État, notammentdans la législature, dans le systèmejudiciaire, danslesministères, dansl’armée, dans la fonctionpublique et dans le corps diplomatique.

Soulignantque la violence généralisée qui sévit en Colombie a créél’undesgroupes de personnesdéplacéesles plus importants au monde et quelescommunautés afro‑colombienne et autochtonesontétéparticulièrementtouchées, le Comités’estdéclarépréoccupé par le fait quelesmesuresprises par le Gouvernementcolombien pour aiderlespersonnesdéplacéesonteuuneportéelimitée et quecertaines de cespersonnesontétécontraintes de retournerdansdesrégionsoùdes conditions minimales de sécuriténepouvaientêtregaranties.

Reconnaissant en outreque, parmilespersonnesdéplacées, les femmes sontfortementmajoritaires, le Comités’estinquiété de cequelesprogrammesgouvernementauxnetiennent pas comptedesbesoins de nombreuses femmes autochtones et afro-colombiennes qui sontsoumises à de multiples formes de discrimination en raison de leursexe, de leur race ou de leurappartenanceethniqueainsique de leur condition de personnesdéplacées.

Le Comitéestpréoccupé par le fait quelesprogrammes de développement et d’explorationdesressources tenant comptedesdroits de propriétédescommunautésautochtones et afro-colombienneontétémis en oeuvre sans avoirdûmentconsultélesreprésentants de cescommunautésnisuffisammenttenucomptedesrépercutionsécologiques et socioéconomiques de cesactivités.

Des préoccupationsontégalementétéexprimées au sujetdesinformationsdiffusées par lesmédiassurlescommunautésminoritaires, notamment la popularitédontcontinuent de jouirlesémissionstélévisées qui véhiculentdesstéréotypesraciaux et ethniques. Le Comité note quecesstéréotypescontribuent à renforcer le cycle de violence et la marginalisation qui portent déjà gravementatteinteauxdroitsdescommunautéstraditionnellementdéfavorisées en Colombie.

De vivesinquiétudesontégalementétéexprimées à proposdesinformationsfaisantétatd’opérations de «nettoyage social» danslescentresurbains, au coursdesquellesdesprostituées et desenfantsdes rues afro-colombiensontétéassassinés, crimes apparemmentmotivésdanscertainscas par desconsidérations de race.

Le Comités’estdéclarépréoccupé par le fait quelesprogrammes de développement en faveurdescommunautésautochtone et afro-colombiennen’ont pas étépleinementexécutés et nedevraient pas l’être en raison de difficultésfinancières.

Le Comités’inquièteaussi du fait quepeu de titresfonciersontétéoctroyésdans le cadre desprogrammeslégislatifsreconnaissantlesdroits de propriétédescommunautésautochtones et afro-colombienne et quedes obstacles bureaucratiquessemblentavoircompliquéceprocessus.

D.Suggestions et recommandations

Ilestrecommandéd’adopter au plus tôtunelégislation qui donneexpressément et pleinementeffetaux obligations énoncéesaux articles 2 et 4 de la Convention.

Constatantque de nombreux Afro-colombiensviventdansunétatd’extrêmepauvretédansdestaudisurbains, le Comitérecommandequel’Étatpartieprennelesmesures pour remédier à la ségrégationraciale de facto danslescentresurbains. Ilsouhaiteaussirecevoirdans le prochain rapport périodiquedesinformationscomplémentairessur la structure de l’habitat en milieu urbain et sur la législationvisant à combattre la discrimination dans le secteur du logement.

Le Comitérecommande à l’Étatpartie de mettre en oeuvre desmesures correctives et efficaces pour améliorerlespossibilitésd’emploidescommunautésminoritaires et autochtonesdanslessecteurs public et privé et pour promouvoir la condition descommunautéshistoriquementmarginaliséessurles plans social, politique, économique et éducatif.

Le Comitédemande à l’Étatpartied’incluredans son prochain rapport desinformationssurl’application et l’impactdesmesuresrécemmentannoncées pour promouvoir le respect desdroits de l’hommedansl’armée, dans le cadre de l’application de la Convention.

Le Comité invite instammentl’Étatpartie à prendredesmesures de tout ordre pour assurer la sécurité et promouvoir le bien-êtredesnombreusespersonnesdéplacées en Colombie qui sontessentiellement issues descommunautésautochtones et afro-colombienne et, à titrehautementprioritaire, de garantir la sécuritédesdirigeantsdescommunautésautochtones et afro-colombienne et desdéfenseursdesdroits de l’homme qui s’efforcent de protégerlesdroits de cescommunautés.

Le Comitérecommande à l’Étatpartie de ratifierlesamendements au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adoptés le 15 janvier 1992, au cours de la quatorzièmeréuniondesÉtats parties.

Ilestpris note du fait quel’Étatpartien’a pas fait la déclarationprévue à l’article 14 de la Convention. Certainsmembres du Comitéontdemandéquecettepossibilitésoitenvisagée.

Le Comitérecommande à l’Étatpartie de veiller à ceque son prochain rapport périodiquesoitun rapport complet, établiconformémentaux directives du Comité en la matière et abordetousles points soulevésdanslesprésentes conclusions.

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