Nations Unies

CAT/C/IRL/CO/2

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

31 août 2017

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le deuxième rapport périodique de l’Irlande *

1.Le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport périodique de l’Irlande (CAT/C/IRL/2) à ses 1548e et 1551e séances (voir CAT/C/SR.1548 et 1551), les 27 et 28 juillet 2017, et a adopté les observations finales ci-après à ses 1565e et 1566e séances, les 9 et 10 août 2017.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique de l’État partie, qui a été soumis dans les délais, et se félicite du dialogue qu’il a eu avec la délégation de l’État partie et des réponses apportées oralement et par écrit aux préoccupations soulevées par le Comité.

B.Aspects positifs

3.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a adhéré au Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications et l’a ratifié, en septembre 2014.

4.Le Comité accueille également avec satisfaction les mesures ci-après, prises par l’État partie depuis l’examen du précédent rapport :

a)L’adoption de la loi de 2014 relative à la Commission irlandaise des droits de l’homme et de l’égalité et le fusionnement de la Commission des droits de l’homme et de l’Autorité pour l’égalité aux fins de la création de la Commission irlandaise des droits de l’homme et de l’égalité en tant qu’institution nationale des droits de l’homme, le 1er novembre 2014 ;

b)L’adoption, le 1er octobre 2011, de la loi portant modification de la loi relative à la justice pénale (Travaux d’intérêt général), qui prévoit notamment l’imposition de travaux d’intérêt général en remplacement d’une peine de prison ; la loi relative à la justice pénale (Sanctions communautaires), qui a remplacé la loi de 1907 sur la probation des délinquants en février 2014 ; la loi relative aux amendes (Paiement et recouvrement) qui a permis de réduire considérablement la population carcérale féminine, le 16 avril 2014 ; et la mise en œuvre du Programme de réinsertion, qui prévoit une libération provisoire anticipée au mérite moyennant des travaux d’intérêt général supervisés, y compris dans le cadre du Plan stratégique conjoint du Service pénitentiaire et du Service de probation irlandais pour 2015-2017 ;

c)L’adoption de la loi de 2015 portant modification de la loi relative aux enfants, qui abroge les textes qui permettaient la détention des enfants dans des prisons pour adultes et la fermeture, le 7 avril 2017, de l’Institution de détention pour mineurs Saint-Patrick après la signature, le 30 mars 2017, d’une ordonnance ministérielle mettant fin à l’application aux enfants de peines de prison à exécuter dans des prisons pour adultes en Irlande ;

d)La publication du rapport de la Commission d’enquête sur la mort de Gary Douch, le 1er mai 2014, et la soumission aux ministres du plan de mise en œuvre, en septembre 2014 ; l’élaboration du Plan stratégique pour l’Initiative Travellers en prison pour 2015-2018 ; et le lancement du Plan stratégique relatif au Service pénitentiaire irlandais pour 2016-2018, qui prévoit la suppression de l’emploi des tinettes et la modernisation de la prison de Limerick et du « Bloc E » de la prison de Portlaoise ;

e)L’adoption, en 2012, de la loi relative au fonds statutaire des institutions destiné à pourvoir aux besoins des personnes ayant subi des violences en institution ; la publication, le 5 février 2013, du rapport du Comité interdépartemental chargé d’établir les faits relatifs à l’implication de l’État dans l’affaire des blanchisseries de la Madeleine, dit « rapport McAleese » ; les excuses faites devant le Parlement (Dáil) le 19 février 2013 par le Premier Ministre irlandais (Taoiseach), Enda Kenny, aux personnes qui ont subi des violences en institution ; la création, en mars 2013, du Fonds statutaire des institutions (Caranua) ; la publication, en mai 2013, du rapport du juge John Quirke sur la mise en place d’un programme d’indemnisation discrétionnaire au profit des femmes qui ont été admises dans les blanchisseries de la Madeleine ; la création, en février 2015, de la Commission d’enquête sur les foyers pour mères et nourrissons et certaines affaires connexes ; et l’adoption de la loi de 2015 relative aux réparations pour les femmes ayant séjourné dans certaines institutions, qui prévoit la fourniture de soins de santé gratuits aux femmes qui ont vécu dans les blanchisseries de la Madeleine, à partir du 1er juillet 2015 ;

f)La mise en place de bureaux du service d’aide aux victimes de An Garda Síochána dans 28 divisions de la Garda, en 2015 ; et le lancement, le 20 janvier 2016, de la Stratégie nationale relative à la violence familiale, à la violence sexuelle et à la violence sexiste pour 2016-2021 ;

g)La création, en 2016, de l’Assemblée des citoyens chargée d’examiner certaines questions, y compris les lois sur l’avortement ;

h)L’adoption, le 2 avril 2012, de la loi relative à la justice pénale (Mutilations génitales féminines) ; et l’entrée en vigueur, en août 2012, de la loi relative à la justice pénale (Non-communication d’informations sur des infractions commises contre des enfants et des personnes vulnérables) ;

i)L’adoption, en 2013, de la loi relative à l’enfance et à la famille, concernant les services de protection et d’aide sociale ; la création, le 1er janvier 2014, de l’Office pour l’enfance et la famille ; et l’adoption de la loi de 2015 intitulée « Les enfants d’abord », qui a supprimé l’excuse du « châtiment raisonnable » des textes de loi portant sur les voies de fait contre des enfants ;

j)L’adoption de la loi de 2015 relative à la protection internationale, qui remplace la loi de 1996 sur les réfugiés ; et l’adoption en 2012, par le Service irlandais des naturalisations et de l’immigration, des Directives sur l’immigration concernant les victimes de violence familiale ;

k)L’adoption de la loi de 2014 sur les divulgations protégées, qui permet aux membres de la Garda de communiquer des informations à la Commission du Médiateur de la Garda Síochána ; et la loi de 2015 portant modification de la loi relative à la Garda Síochána, qui élargit les compétences et les pouvoirs de la Commission ;

l)L’adoption, en 2015, de la loi relative à la prise de décisions assistée (Capacité).

5.Le Comité se félicite de l’invitation permanente adressée par l’Irlande aux titulaires de mandat au titre de toutes les procédures spéciales thématiques du Conseil des droits de l’homme et de la déclaration faite par la délégation irlandaise pendant le dialogue avec le Comité selon laquelle l’Irlande accepterait une visite du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Questions en suspens issues du cycle précédent

6.Au paragraphe 33 de ses précédentes observations finales (CAT/C/IRL/CO/1), le Comité demandait à l’Irlande de lui fournir un complément d’information sur certains points particulièrement préoccupants qu’il avait recensés. Le Comité remercie l’État partie de lui avoir communiqué des informations sur ces questions (CAT/C/IRL/CO/1/Add.1 et Add.2). Au vu de ces informations et des réponses apportées pendant le dernier dialogue avec le Comité, le Comité considère que ses recommandations portant sur l’allocation de ressources à l’institution nationale des droits de l’homme (qui est aujourd’hui la Commission des droits de l’homme et de l’égalité) et sur la nécessité de garantir l’indépendance de cette institution ont été effectivement mises en œuvre. Le Comité considère que ses recommandations tendant à ce que les recommandations qui figurent dans le rapport de la Commission chargée d’enquêter sur les violences à enfants, dit « Rapport Ryan », soient mises en œuvre et celles tendant à ce que des enquêtes soient menées sur les allégations de torture et de mauvais traitement dans les établissements de redressement et les écoles professionnelles administrés par des ordres religieux catholiques, à ce que les auteurs de ces actes soient poursuivis et punis et à ce qu’une réparation soit accordée aux victimes, ont été partiellement mises en œuvre (voir le paragraphe 23 du présent document). Le Comité considère que ses recommandations tendant à ce que des enquêtes soient menées sur les allégations de mauvais traitement à l’égard de femmes dans les blanchisseries de la Madeleine, administrées par des ordres religieux catholiques, à ce que les auteurs de ces actes soient poursuivis et à ce que les victimes obtiennent réparation et aient droit à une indemnisation n’ont pas été mises en œuvre (voir par. 25). Le Comité considère que ses recommandations concernant l’adoption de la loi relative à la justice pénale (Mutilations génitales féminines), la mise en œuvre de programmes de sensibilisation aux mutilations génitales féminines et la reconnaissance explicite des mutilations génitales féminines comme étant des actes de torture ont été partiellement mises en œuvre (voir par. 33).

Surveillance indépendante des lieux de privation de liberté et Protocole facultatif

7.Le Comité note que le l’Inspecteur des prisons, les Comités d’inspection pénitentiaire, l’Autorité de l’information sanitaire et de la qualité des services de santé et l’Inspecteur des services de santé mentale ont accès aux lieux de détention, mais il est préoccupé par ce qui suit :

a)L’État partie n’a toujours pas ratifié le Protocole facultatif dix ans après l’avoir signé et n’a par conséquent pas été en mesure de créer un mécanisme national de prévention ;

b)Le rapport annuel le plus récent de l’Inspecteur des prisons a été publié en 2014 et ne porte que sur 7 des 14 établissements pénitentiaires irlandais ;

c)Les organes existants n’effectuent pas de visites systématiques dans tous les lieux de détention, comme les postes de la Garda, les institutions pour personnes handicapées, les établissements médicalisés pour personnes âgées et autres structures d’accueil (art. 2, 11 et 16).

8. L ’ État partie devrait  :

a) Ratifier immédiatement le Protocole facultatif et mettre en place un mécanisme national de prévention, en veillant à ce que cet organe ait accès à tous les lieux de privation de liberté, dans tous les contextes ;

b) Veiller à ce que les organes existants qui surveillent actuellement les lieux de détention, ainsi que les organisations de la société civile, soient autorisés à effectuer des visites répétées et inopinées dans tous les lieux de privation de liberté, publient des rapports et voient leurs recommandations mises en œuvre par l ’ État partie.

Garanties juridiques fondamentales

9.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les garanties fondamentales contre la torture pour les personnes privées de liberté ne sont pas toujours respectées dans la pratique, y compris par les informations indiquant que le droit à la présence d’un représentant légal pendant les interrogatoires de police n’est pas prévu par la loi et que la police ne tient pas de registre de détention précis ou n’utilise pas de système de surveillance en circuit fermé des salles d’interrogatoire de manière systématique. Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie selon lesquelles le droit à la présence d’un représentant légal pendant les interrogatoires est prévu par le code de bonnes pratiques de la police et a fait l’objet d’un texte de loi qui a été adopté mais n’est pas encore entré en vigueur, mais il constate avec préoccupation qu’il n’existe pas d’autorité indépendante chargée de surveiller les conditions de détention dans les postes de police du pays et qu’il n’est pas procédé à une surveillance effective de l’octroi par la police des garanties fondamentales. À cet égard, il prend note de la déclaration faite pendant le dialogue par la délégation, qui a indiqué n’avoir connaissance d’aucun cas d’application de sanctions disciplinaires à un policier qui n’aurait pas permis à une personne privée de liberté de bénéficier des services d’un avocat (art. 2, 11, 12, 13, 14 et 16).

10. L ’ État partie devrait  :

a) Accélérer l ’ entrée en vigueur de l ’ article 9 de la loi de 2011 relative à la justice pénale pour faire en sorte que toutes les personnes privées de liberté par la police aient le droit de bénéficier des services d ’ un avocat, y compris pendant l ’ entretien initial et les interrogatoires, dès le moment de leur arrestation, et veiller à ce que ce droit soit respecté en droit et dans la pratique ;

b) Accélérer la rédaction du projet de loi relatif à l ’ inspection des lieux de détention et veiller à ce que ce texte ou toute autre loi nationale prévoie la prompte mise en place d ’ un organe indépendant chargé d ’ inspecter les postes de police et de surveiller l ’ octroi par la police de toutes les garanties fondamentales contre la torture aux personnes privées de liberté, y compris le respect du droit d ’ avoir rapidement accès à un avocat ; la tenue rigoureuse de registres de détention, notamment d ’ un registre centralisé ; et la surveillance systématique des salles d ’ interrogatoire par un système en circuit fermé  ;

c) Recueillir des données sur les résultats de la police en matière d ’ octroi des garanties fondamentales contre la torture aux personnes privées de liberté, y  compris des données sur les cas dans lesquels des agents de police ont été soumis à des mesures disciplinaires ou à d ’ autres mesures pour n ’ avoir pas respecté ces garanties, et fournir ces informations dans le prochain rapport au Comité.

Situation des demandeurs d’asile et des migrants

11.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption par l’État partie de la loi de 2015 relative à la protection internationale, qui introduit une procédure unique d’évaluation des demandes d’asile et de protection subsidiaire, et les informations fournies par l’État partie pendant le dialogue selon lesquelles les demandeurs d’asile ne sont placés en détention qu’à titre exceptionnel, mais il constate encore avec préoccupation que les immigrants placés en détention, y compris les personnes qui ont besoin d’une protection internationale, sont toujours détenus, dans un certain nombre de prisons et de postes de police, avec des personnes en détention provisoire et des condamnés et que l’État partie n’a pas donné suite à son projet d’ouverture d’un centre réservé à la détention d’immigrants à l’aéroport de Dublin. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni les informations demandées sur le nombre de personnes à qui l’autorisation d’entrer sur le territoire a été refusée et qui n’ont par conséquent pas pu entrer dans le pays en tant que demandeurs d’asile en 2016, ventilées par pays d’origine. Le Comité rappelle que les personnes qui n’ont pas été autorisées à entrer sur le territoire devraient avoir accès à une aide juridique et à des services d’interprétation avant d’être renvoyées vers leur point d’embarquement pour l’Irlande (art. 3, 11, 12, 13 et 16).

12. L ’ État partie devrait  :

a) Consacrer dans sa législation le principe selon lequel les demandeurs d ’ asile ne devraient être placés en détention qu ’ en dernier ressort, pour la période la plus courte possible et dans des structures adaptées à leur statut ;

b) Mettre en place un mécanisme officiel d ’ examen de la vulnérabilité pour les victimes de torture et les autres personnes ayant des besoins spéciaux et offrir à ces personnes des soins et une protection pour éviter un nouveau traumatisme, y compris pendant les procédures relatives à la protection internationale ;

c) Allouer des ressources financières suffisantes pour que toutes les personnes qui font l ’ objet de la procédure unique prévue par la loi relative à la protection internationale aient accès en temps voulu à des services médico-légaux qui attestent les faits de torture, veiller à ce que tous les réfugiés qui ont été torturés puissent bénéficier de services de réadaptation spécialisés accessibles dans tout le pays et appuyer et former le personnel qui travaille avec des demandeurs d ’ asile ayant des besoins spéciaux ;

d) Veiller à ce que les personnes détenues à des fins d ’ immigration ne soient pas détenues avec des personnes en détention provisoire ou avec des condamnés, soient informées de leur situation dans une langue qu ’ elles comprennent et aient un accès effectif à des conseils juridiques et à la procédure de demande d ’ une protection internationale ;

e) Veiller à ce que toutes les personnes auxquelles l ’ entrée sur le territoire est refusée aient accès à des conseils et à des informations juridiques concernant la protection internationale dans une langue qu ’ elles comprennent et faire figurer dans le prochain rapport périodique qui sera soumis au Comité des données sur les pays d ’ origine des personnes auxquelles l ’ entrée sur le territoire a été refusée et sur leur point d ’ embarquement pour l ’ État partie, vers lequel elles ont été renvoyées.

Formation

13.Le Comité est préoccupé par l’absence de formation spécifique pour les agents de l’État sur l’interdiction absolue de la torture et sur la prise en charge des victimes de violence sexiste, y compris la violence familiale et la violence sexuelle, et par le manque de programmes de formation sur la manière de constater les blessures et les autres conséquences d’actes de torture et de mauvais traitement sur la santé, qui soient fondés sur le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) (art. 10).

14. L ’ État partie devrait  :

a) Rendre obligatoire la formation aux dispositions de la Convention et à l ’ interdiction absolue de la torture, ainsi qu ’ aux méthodes d ’ interrogatoire non coercitives, pour les agents de l ’ État, en particulier les membres de la police et du personnel pénitentiaire, y compris les forces de défense, ainsi que pour tous les autres fonctionnaires qui ont affaire à des personnes privées de liberté ;

b) Prévoir des formations obligatoires sur la violence sexiste et la violence familiale pour la police et les autres agents chargés de faire appliquer la loi, les travailleurs sociaux, les avocats, les procureurs, les juges et les autres fonctionnaires qui s ’ occupent de victimes de violences sexistes, y compris la violence familiale et la violence sexuelle ;

c) Faire figurer dans les matériels de formation pertinents pour les agents chargés de faire appliquer la loi et les autres fonctionnaires des informations sur la Convention et sur l ’ interdiction absolue de la torture ;

d) Veiller à ce que le Protocole d ’ Istanbul soit un élément essentiel de la formation de tous les professionnels de la médecine et des agents de l ’ État qui travaillent avec des personnes privées de liberté ;

e) Recueillir systématiquement des informations sur la formation des agents de l ’ État et des membres des forces de l ’ ordre et élaborer et mettre en œuvre des méthodes spécifiques visant à évaluer l ’ efficacité de la formation et ses effets en matière de réduction de l ’ incidence de la torture.

Conditions de détention

15.Le Comité prend note de la diminution de la population carcérale globale et des mesures adoptées pour remédier au surpeuplement carcéral et améliorer les conditions matérielles, y compris de la diminution considérable du nombre de détenus contraints d’utiliser les tinettes, mais il est préoccupé par ce qui suit :

a)Alors que la population carcérale a diminué à la suite de l’adoption de la loi de 2014 relative aux amendes (Paiements et recouvrements), le nombre global de femmes en détention a continué d’augmenter ;

b)Les personnes en détention provisoire et les condamnés continuent d’être détenus ensemble dans certains établissements ;

c)Le surpeuplement persiste dans le centre de détention pour femmes de Dochás de la prison de Mountjoy, ainsi que dans le quartier pour les hommes et le quartier pour les femmes de la prison de Limerick ;

d)Les installations sanitaires dans les cellules restent problématiques puisque 56 personnes doivent encore utiliser des tinettes et 1 539 détenus sont contraints d’utiliser les toilettes en présence d’un autre détenu, dans des cellules où les détenus doivent aussi prendre leurs repas ;

e)Les services de santé du système pénitentiaire présentent des insuffisances systématiques et en particulier manquent gravement de personnel pénitentiaire ainsi que de personnel médical et psychiatrique et de psychologues qualifiés ;

f)La mise à l’isolement est appliquée pour de longues périodes, notamment comme mesure disciplinaire ;

g)Le régime de détention des personnes qui ont besoin d’une protection n’est pas adéquat, s’agissant notamment du manque d’exercice en plein air et de l’absence presque totale de contacts avec le monde extérieur ;

h)Les détenus continuent d’être menottés lorsqu’ils sont transférés d’un établissement dans un autre et pendant les examens médicaux pratiqués à l’extérieur.

16. L ’ État partie devrait  :

a) Continuer de renforcer les mesures visant à faire encore diminuer le nombre de personnes placées dans le système pénitentiaire et réduire le surpeuplement afin de mettre les conditions de détention en conformité avec les normes internationales définies dans l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) ;

b) Poursuivre ses efforts visant à réduire le surpeuplement et à améliorer les conditions matérielles dans tous les lieux où des femmes sont détenues, conformément aux Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l ’ imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok) ;

c) Envisager d ’ appliquer davantage de mesures non privatives de liberté et de mesures de substitution à la détention, conformément à l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour l ’ élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) ;

d) Veiller à séparer les personnes en détention provisoire de celles qui ont été condamnées et fournir au Comité des renseignements sur le nombre de personnes en détention provisoire et sur la durée de cette détention ;

e) Mettre en œuvre le Plan stratégique du Service pénitentiaire irlandais pour 2016-2018, y compris en ce qui concerne la rénovation des établissements existants et la construction de nouveaux établissements ; moderniser la prison de Limerick et le « Bloc E » de la prison de Portlaoise pour éliminer complétement la pratique du vidage des tinettes ; et améliorer les installations sanitaires des cellules dans tous les établissements qui le nécessitent et garantir l ’ intimité lors de l ’ utilisation des toilettes, et la séparation des toilettes des lieux où les détenus prennent leurs repas ;

f) Prendre d ’ urgence des mesures visant à augmenter le taux d ’ encadrement des détenus, engager du personnel médical supplémentaire, y compris du personnel psychiatrique et des psychologues, et permettre que les détenus qui ont besoin de soins spécialisés soient adressés à des établissements médicaux extérieurs, sans retard dû à des motifs administratifs et au manque de personnel pénitentiaire susceptible d ’ assurer leur escorte ;

g) Veiller à ce que la mise à l ’ isolement reste une mesure de dernier ressort, imposée pour la période la plus courte possible, ne soit jamais appliquée aux mineurs, fasse l ’ objet d ’ une stricte supervision et d ’ un réexamen judiciaire, à ce que son utilisation soit soumise à des critères clairs et précis et à ce qu ’ il soit strictement interdit d ’ imposer des mises à l ’ isolement prolongées et consécutives comme sanction disciplinaire ;

h) Mettre en place un outil d ’ évaluation des risques liés au partage de cellules dans l ’ ensemble des établissements pénitentiaires et veiller à ce que les détenus qui ont besoin d ’ une protection ne soient pas pénalisés par leur situation et aient des contacts avec le monde extérieur, pratiquent des activités constructives et puissent faire de l ’ exercice hors de leur cellule et recevoir des visites de leur famille ;

i) Entreprendre d ’ urgence un examen indépendant et approfondi de l ’ ensemble du système de santé en milieu pénitentiaire, conformément aux recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

j) Veiller à ce que les détenus qui sont transférés d ’ un établissement dans un autre ne soient pas blessés pendant le trajet et à ce qu ’ ils ne soient menottés qu ’ à titre exceptionnel, après une évaluation des risques appropriée ;

k) Prendre les mesures nécessaires pour que le personnel médical extérieur consulté par les détenus respecte les principes du secret médical et de la dignité humaine.

Violence entre détenus

17.Le Comité prend note des progrès accomplis pour ce qui est de réduire le niveau de violence dans les prisons, mais il est préoccupé par :

a)L’augmentation du niveau de violence, y compris la violence sexuelle, aussi bien entre les hommes qu’entre les femmes en détention ;

b)Le fait que 78 % du personnel pénitentiaire signalent avoir été agressés dans l’exercice de leurs fonctions ;

c)Les violents incidents qui se sont produits dans le centre de détention pour mineurs d’Oberstown en 2016 et en 2017 ;

d)Les informations faisant état du placement de mineurs qui posent des problèmes de discipline en « cellule séparée » pendant des semaines, ce qui pourrait s’apparenter à une mise à l’isolement ;

e)Le décès en prison de Gary Douch, dû à l’absence de soins de santé mentale appropriés pour les détenus qui souffrent de troubles mentaux et de handicaps psychosociaux (art. 2, 11 et 16).

18. L ’ État partie devrait  :

a) Mener des enquêtes approfondies et impartiales sur tous les actes de violence commis dans les établissements pénitentiaires et centres de détention  ;

b) Étoffer les mesures visant à prévenir et à réduire la violence entre détenus en améliorant la gestion des prisons et en augmentant le taux d ’ encadrement des détenus, et améliorer la surveillance et la protection des prisonniers vulnérables et de ceux qui posent des problèmes de discipline  ;

c) Former le personnel pénitentiaire et le personnel médical à la communication avec les détenus et à la gestion des détenus, y compris les mineurs, ainsi qu ’ au repérage des signes de vulnérabilité et des problèmes de discipline  ;

d) Abolir le placement à l ’ isolement de mineurs en tant que mesure disciplinaire, renforcer les programmes d ’ éducation et de réadaptation qui visent à encourager un comportement prosocial et en élaborer de nouveaux, et améliorer les activités para carcérales pour les mineurs  ;

e) Faire en sorte que la mise à l ’ isolement ne soit jamais appliquée à des personnes atteintes d ’ un handicap psychosocial et veiller à ce que ces personnes bénéficient d ’ une thérapie adaptée.

Mécanisme de plainte de la police

19.Tout en prenant note avec satisfaction de la création de la Commission du Médiateur de la Garda Síochána, le Comité est préoccupé par :

a)La question de la capacité de la Commission à fonctionner de manière indépendante et efficace et à enquêter sur les allégations de torture et de mauvais traitements, notamment en raison des limitations imposées en matière financière et en matière d’effectifs ;

b)La pratique du « renvoi » selon laquelle les plaintes adressées à la Commission sont renvoyées à la Garda pour enquête, ce qui revient à ce que la police enquête sur elle-même ;

c)L’absence de renseignements sur le nombre de plaintes qui peuvent avoir trait à des actes de torture et à des mauvais traitements et le faible nombre de poursuites engagées contre des membres de la Garda ;

d)Le manque de sensibilisation de la population aux activités et responsabilités de la Commission (art. 2, 11, 12, 13, 14 et 16).

20. L ’ État partie devrait  :

a) Renforcer l ’ indépendance et l ’ efficacité de la Commission du Médiateur de la Garda Síochána en ce qui concerne la réception des plaintes relatives à des violences ou mauvais traitements infligés par la police et la conduite en temps voulu d ’ enquêtes impartiales et exhaustives sur ces plaintes ;

b) Poursuivre les personnes soupçonnées d ’ avoir infligé des violences ou des mauvais traitements et, lorsqu ’ elles sont reconnues coupables, veiller à ce qu ’ elles soient condamnées à des peines à la mesure de la gravité de leurs actes ;

c) Fournir des informations sur le nombre de plaintes adressées à la Commission qui peuvent concerner des actes de torture ou des mauvais traitements et sur l ’ issue de ces plaintes traitées par la Commission ;

d) Faire en sorte que les victimes aient accès à des voies de recours effectives et à une réparation ;

e) Faire connaître l ’ existence et le fonctionnement de la Commission à la population.

Plaintes dans le système pénitentiaire

21.Le Comité prend note de la politique du Service pénitentiaire irlandais relative aux plaintes adoptée en 2014, qui a établi un nouveau modèle comportant quatre catégories distinctes de plainte (allant de A à D), ainsi que des informations fournies par l’État partie sur les plaintes déposées en 2016, mais il constate avec préoccupation que le système comporte des insuffisances telles que l’absence ou le manque de renseignements sur les plaintes, les retards dans les enquêtes menées par des enquêteurs externes, les lacunes en matière de transmission des affaires à la police lorsqu’il y a lieu et la confusion concernant la classification des plaintes ainsi que les retards pris dans leur règlement ; que personne ne semble faire confiance au système de plainte et que les détenus ont peur de ne pas être protégés s’ils portent plainte, ce qui les dissuade donc de le faire (art. 2, 11, 12, 13, 14 et 16).

22. L ’ État partie devrait  :

a) Envisager d ’ instaurer un mécanisme totalement indépendant d ’ examen des plaintes émanant de détenus ainsi qu ’ une nouvelle procédure d ’ examen des plaintes individuelles, compte tenu des problèmes précités ;

b) Prévoir une procédure de recours indépendante, qui soit extérieure au système pénitentiaire ;

c) Prévoir la participation et la supervision plus importantes d ’ un organe indépendant ;

d) Informer le Comité des sanctions ou des peines qui ont été appliquées aux responsables d ’ actes de torture ou de mauvais traitements, sur la base des plaintes jugées fondées.

Enquêtes, responsabilités et réparations dans le contexte des établissements de redressement et des écoles professionnelles − Rapport Ryan

23.Rappelant ses recommandations antérieures au sujet du rapport de la Commission d’enquête sur les violences à enfants, dit Rapport Ryan, et des allégations de torture et de mauvais traitements dans les établissements de redressement et les écoles professionnelles, et prenant note des réparations accordées à plus de 15 000 victimes par le Comité de réparation pour les victimes de maltraitances en institution, le Comité constate avec une vive préoccupation que l’État partie n’a pas communiqué de complément d’information à l’appui de sa déclaration dans laquelle il indiquait que ses autorités avaient mené une « somme assez considérable d’investigations » au sujet des allégations d’actes de violence en institution, qui avaient donné lieu à des poursuites et à la condamnation de responsables, ni les informations qu’il lui avait demandées sur les mesures prises pour encourager les victimes d’actes criminels à se manifester. Le Comité est également préoccupé par l’affirmation du Gouvernement qui a déclaré qu’il n’entendait pas continuer à fournir le financement qui pourrait être nécessaire pour offrir une assistance aux victimes au-delà de 2019, date à laquelle le Programme de réparation et Caranua, l’organe de l’État chargé de fournir l’assistance, cesseront de fonctionner (art. 2, 4, 12, 14 et 16).

24. L ’ État partie devrait  :

a) Encourager les victimes d ’ actes de violence subis dans des institutions à coopérer avec la Garda et faire en sorte que toutes les personnes qui bénéficient du Programme de réparation sachent qu ’ elles ne sont pas « empêchées » d ’ entreprendre une telle action ;

b) Réunir des données sur toutes les enquêtes pénales engagées par la Garda sur les allégations d ’ actes de violence en institution examinées dans le Rapport Ryan, en indiquant si ces enquêtes ont abouti à des poursuites et à des condamnations et en précisant les peines éventuellement prononcées contre les responsables, et faire figurer ces informations dans le prochain rapport périodique de l ’ État partie au Comité ;

c) Continuer d ’ honorer l ’ obligation qui lui incombe de veiller à ce que les victimes d ’ actes de torture ou de mauvais traitements obtiennent réparation, y compris les moyens nécessaires à leur réadaptation la plus complète possible.

Enquêtes, responsabilités et réparation dans le contexte des blanchisseries de la Madeleine

25.Tout en prenant note des mesures que l’État partie a adoptées pour traiter les allégations de mauvais traitements infligés à des femmes dans les blanchisseries de la Madeleine, y compris la création d’un dispositif d’indemnisation discrétionnaire qui a permis de verser, à ce jour, plus de 25,5 millions d’euros à 677 femmes qui avaient vécu dans l’institution de la Madeleine, le Comité regrette profondément que l’État partie n’ait pas engagé d’enquête indépendante, approfondie et efficace sur les allégations de mauvais traitements infligés à des femmes et à des enfants dans les blanchisseries de la Madeleine ou poursuivi et puni les auteurs, comme cela lui avait été recommandé dans les précédentes observations finales. Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles l’État partie n’a pas pris suffisamment de mesures pour que tous les éléments de preuve disponibles relatifs aux violences commises dont disposent les institutions privées soient révélés, pas plus qu’il n’a pris les mesures nécessaires pour assurer aux victimes l’accès à des informations qui pourraient venir étayer leurs allégations, en partie parce que, comme l’État partie l’a reconnu, « les documents fournis par les congrégations religieuses leur avaient été restitués ». Le Comité constate également avec préoccupation que le dispositif d’indemnisation discrétionnaire de l’État partie ne s’applique pas à toutes les femmes qui ont travaillé dans les blanchisseries de la Madeleine et que les anciennes victimes qui vivent ailleurs qu’en Irlande n’ont peut-être pas connaissance de son existence. Il regrette également que certaines recommandations faites par le juge Quirke concernant l’indemnisation des anciennes victimes des blanchisseries de la Madeleine n’aient pas été entièrement appliquées (art. 2, 4, 12, 14 et 16).

26. L ’ État partie devrait  :

a) Engager une enquête approfondie et impartiale sur les allégations de mauvais traitements infligés à des femmes dans les blanchisseries de la Madeleine, qui soit à même d ’ imposer la production de tous les faits et éléments de preuve pertinents, et veiller à ce que les responsables soient poursuivis et punis, s ’ il y a lieu  ;

b) Redoubler d ’ efforts pour que toutes les victimes de mauvais traitements qui ont travaillé dans les blanchisseries de la Madeleine obtiennent réparation et, à cette fin, veiller à ce que toutes les victimes aient le droit d ’ engager une action civile, même si elles ont bénéficié du système d ’ indemnisation, et à ce que ces plaintes concernant des actes de violence commis dans le passé puissent continuer d ’ être déposées « dans l ’ intérêt de la justice » ; prendre de nouvelles mesures pour faire connaître le dispositif discrétionnaire aux victimes des blanchisseries de la Madeleine qui vivent ailleurs qu ’ en Irlande ; mettre pleinement en œuvre les recommandations restantes du juge Quirke sur les réparations ; améliorer l ’ accès des victimes et de leurs représentants aux informations pertinentes concernant les blanchisseries de la Madeleine qui sont conservées dans des archives privées et publiques ; et fournir des informations sur ces mesures supplémentaires dans le prochain rapport de l ’ État partie au Comité.

Responsabilité pour les actes de maltraitance commis autrefois dans des institutions : foyers pour mères et nourrissons

27.S’il salue la création par l’État partie, en février 2015, d’une commission d’enquête sur les foyers pour mères et nourrissons, le Comité est préoccupé par les informations indiquant que le mandat de cette commission ne lui permet pas d’enquêter sur toutes les institutions du pays où des maltraitances, y compris des adoptions forcées et illégales, peuvent avoir eu lieu et que les archives de la Commission seront fermées et ne seront pas accessibles au public une fois que la Commission aura achevé ses travaux, ce qui est prévu pour février 2018 (art. 2, 4, 12, 13, 14 et 16).

28. L ’ État partie devrait veiller à ce qu ’ une enquête indépendante, approfondie et efficace soit conduite sur toutes les allégations de mauvais traitements, y compris les cas d ’ adoption forcée, constitutifs de violations de la Convention, survenus dans tous les foyers pour mères et nourrissons et institutions analogues, à ce que les auteurs de tels actes soient poursuivis et punis et à ce que toutes les victimes de violations de la Convention obtiennent réparation. Il devrait veiller à ce que les informations concernant les actes de maltraitance commis dans ces institutions soient mises à la disposition du public dans la mesure du possible.

Symphyséotomie

29.Le Comité est préoccupé par la pratique appliquée dans le passé à des femmes et à des filles dans l’État partie, qui consistait à sectionner le fibro-cartilage unissant les deux os du pubis au moment de l’accouchement, et par les informations selon lesquelles de nombreuses femmes continuent de ressentir des douleurs et d’endurer des souffrances aiguës résultant de cette intervention. Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les médecins refusaient, pour des raisons plus religieuses que médicales, de recourir à d’autres interventions, qui auraient entraîné beaucoup moins de douleurs et de souffrances. Tout en notant que l’État partie a commandé des études sur cette pratique et mis en place un plan d’indemnisation dont plus de 570 femmes ayant subi une symphyséotomie ont bénéficié, le Comité constate avec préoccupation que les indemnités versées aux victimes ne sont pas calculées sur la base d’une évaluation individuelle de leurs besoins (art. 2, 12, 13, 14 et 16).

30. L ’ État partie devrait ouvrir une enquête impartiale et approfondie sur les cas de femmes qui ont subi une symphyséotomie, veiller à ce que des poursuites pénales soient engagées contre les auteurs de violations de la Convention et garantir aux victimes une réparation, y compris une indemnisation et des mesures de réadaptation, déterminées au cas par cas.

Violence à l’égard des femmes, y compris violence familiale et violence sexuelle

31.Tout en prenant note des mesures que l’État partie a mises en place pour lutter contre les violences faites aux femmes, notamment les violences familiales et les violences sexuelles, et des données actualisées qu’il a fournies après le dialogue sur les plaintes reçues et les poursuites engagées concernant les infractions sexuelles et le non-respect d’ordonnances de protection dans des affaires de violence familiale, le Comité demeure préoccupé par le fait qu’un nombre important d’Irlandaises ont signalé avoir subi des violences physiques et/ou sexuelles, et par les informations indiquant que, dans de nombreux cas, les autorités n’ont pas requis les peines appropriées pour les auteurs de violences sexuelles et de violences familiales. Le Comité accueille avec satisfaction le projet de loi sur la violence familiale, mais exprime une nouvelle fois sa préoccupation quant au fait que ce texte n’érige pas expressément la violence familiale en infraction distincte ; il se félicite de ce que la délégation ait déclaré pendant le dialogue que le Gouvernement examinait la possibilité de modifier ce texte. Il constate de nouveau avec préoccupation que ce projet de loi ne prévoit pas d’exception pour ceux qui ne peuvent pas verser la contribution minimale prévue pour bénéficier de l’aide juridictionnelle. Rappelant ses précédentes observations finales et prenant note du rapport de l’Assemblée des citoyens convoquée par le Gouvernement, qui devrait donner lieu à un référendum dans l’État partie, et du débat qui a actuellement lieu en Irlande au sujet d’une éventuelle réforme législative sur l’avortement, le Comité exprime sa préoccupation face à la grande souffrance physique et morale et à l’anxiété dans laquelle vivent des femmes et des filles en raison de la politique de l’État en matière d’interruption de grossesse (art. 2, 4, 10, 12, 13, 14 et 16).

32. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De modifier le projet de loi sur la violence familiale afin d ’ y inclure une infraction pénale spécifique de violence familiale qui englobe les actes de maltraitance physique et psychologique commis au sein du couple et d ’ exempter les femmes qui demandent une protection contre des actes de violence familiale de la contribution minimale exigée pour bénéficier de l ’ aide juridictionnelle, si elles n ’ ont pas les moyens de s ’ en acquitter ;

b) D ’ assurer la pleine mise en œuvre de la Stratégie nationale de lutte contre la violence familiale, la violence sexuelle et la violence sexiste pour 2016-2021, notamment en recueillant des données sur l ’ ampleur de cette violence ;

c) De veiller à ce que toutes les allégations de violence à l ’ égard des femmes, y compris la violence familiale et la violence sexuelle, soient enregistrées par la police et donnent rapidement lieu à des enquêtes impartiales et efficaces, et à ce que les auteurs soient poursuivis et punis en fonction de la gravité du crime ;

d) De faire en sorte que les fonds alloués par l ’ État aux services de lutte contre la violence familiale et la violence sexiste soient suffisants pour garantir à toutes les victimes de ces infractions, y compris les migrants et les indigents, l ’ accès à des services médicaux et juridiques, à des consultations psychologiques et à un hébergement d ’ urgence ou à des refuges ;

e) De garantir aux femmes la fourniture de soins post avortement, que l ’ avortement pratiqué ait été légal ou illégal.

Mutilations génitales féminines

33.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption, par l’État partie, d’une loi incriminant le fait d’emmener une fille hors d’Irlande pour lui faire subir des mutilations génitales et la non-dénonciation de cette infraction aux autorités, mais il demeure préoccupé par les informations selon lesquelles la loi n’a pas été utilisée pour engager des poursuites contre les auteurs de tels actes, alors que le nombre de femmes victimes de mutilations génitales en Irlande a augmenté pendant la période considérée.

34. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ enquêter sur l ’ infraction consistant à faire quitter l ’ Irlande à une fille pour lui infliger des mutilations génitales, de poursuivre les auteurs de tels actes, de redoubler d ’ efforts pour décourager cette pratique et de reconsidérer sa position quant à la modification du critère de la double incrimination prévu en droit interne, et souligne que le fait qu ’ un autre État partie n ’ incrimine pas cette pratique ne relève pas l ’ Irlande des obligations qui lui incombent au titre de la Convention.

Maltraitance des personnes âgées et des personnes présentant un handicap psychosocial placées en institution

35.Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que des personnes âgées et d’autres adultes vulnérables sont gardés dans des institutions publiques ou privées, dans une situation de détention de fait, et par les informations selon lesquelles certaines de ces personnes ont été soumises à des traitements pouvant être qualifiés d’inhumains ou de dégradants, y compris l’utilisation abusive de moyens de contrainte chimique. Il regrette que, même si l’État partie a adopté un nouveau texte législatif (la loi de 2015 sur la prise de décisions assistée (Capacité)), qui modifiera considérablement les procédures en matière de placement sans consentement dans ces établissements, les dispositions de fond de cette loi ne sont pas entrées en vigueur, ce qui fait que la loi de 1871 sur les règles applicables à l’aliénation mentale (Irlande) reste applicable. Le Comité est également préoccupé par les informations indiquant que les autorités actuellement chargées de surveiller les établissements de soins ne sont pas suffisamment indépendantes ni dotées de ressources suffisantes pour s’acquitter de cette fonction efficacement, et par les informations selon lesquelles le Médiateur ne peut pas recevoir de plainte concernant les jugements cliniques émis dans des maisons de retraite médicalisées privées.

36. L ’ État partie devrait ériger en priorité l ’ entrée en vigueur de la loi de 2015 sur la prise de décisions assistée (Capacité) et allouer des ressources suffisantes à sa mise en œuvre, et abroger dès que possible la loi de 1871 sur les règles applicables à l ’ aliénation mentale (Irlande) et veiller à ce que la capacité des personnes actuellement placées sous tutelle soit réévaluée dans le cadre de la nouvelle loi et à ce que les personnes dont la capacité est réévaluée bénéficient de l ’ aide juridictionnelle. L ’ État partie devrait également faire en sorte que le projet de loi sur l ’ inspection des lieux de détention prévoie un contrôle indépendant des institutions de soins et des centres d ’ hébergement collectifs pour les personnes âgées et les personnes handicapées, dans le cadre du mécanisme national de prévention, et que les personnes qui résident dans ces structures puissent soumettre des plaintes, y compris concernant des jugements cliniques, à ces mécanismes de contrôle indépendants. L ’ État partie devrait aussi veiller à ce que toutes les allégations de mauvais traitements en institution fassent rapidement l ’ objet d ’ une enquête impartiale et efficace par ses autorités, que les auteurs de tels actes soient poursuivis et punis et que les victimes bénéficient d ’ une réparation.

Procédure de suivi

37.Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, au plus tard le 11 août 2018, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée à ses recommandations concernant la ratification du Protocole facultatif, le renforcement de l’indépendance de la Commission du Médiateur de la Garda Síochána, ainsi que la nécessité d’enquêter sur les allégations de mauvais traitements infligés aux femmes dans les blanchisseries de la Madeleine et de faire en sorte que toutes les victimes obtiennent réparation (voir par. 8, 20 et 26). Dans ce contexte, l’État partie est invité à informer le Comité des mesures qu’il prévoit de prendre pour mettre en œuvre, d’ici la soumission de son prochain rapport, tout ou partie des autres recommandations formulées dans les présentes observations finales.

Autres questions

38. Le Comité invite l ’ État partie à ratifier les pri ncipaux instruments des Nations  Unies relatifs aux droits de l ’ homme auxquels il n ’ est pas encore partie.

39.L ’ État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, au moyen des sites Web officiels et par l ’ intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales.

40. L ’ État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le troisième, le 11 août 2021 au plus tard.