Nations Unies

CMW/C/LBY/CO/1

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

8 mai 2019

Français

Original : anglais

Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Observations finales concernant le rapport initial de la Libye *

1.Le Comité a examiné le rapport initial de la Libye (CMW/C/LBY/1) à ses 417e et 418e séances (CMW/C/SR.417 et CMW/C/SR.418), les 4 et 5 avril 2019. À la lumière des informations reçues, notamment d’autres organes de l’Organisation et d’autres entités des Nations Unies, le Comité a adopté, à sa 429e séance, le 12 avril 2019, les présentes observations finales.

A.Introduction

2.La Libye a adhéré à la Convention le 18 juin 2004. L’État partie était tenu de soumettre son rapport initial, en application du paragraphe 1 de l’article 73 de la Convention, au plus tard le 1er octobre 2005. À sa vingt-septième session, en septembre 2017, le Comité a adopté une liste de points avant la soumission du rapport initial (CMW/C/LBY/QPR/1), conformément à l’article 31 bis de son Règlement intérieur provisoire, qui a été communiquée à l’État partie le 9 octobre 2017.

3.Le Comité note que l’État partie lui a adressé une réponse le 10 janvier 2019, mais regrette que celui-ci n’ait pas répondu à la liste de points établie avant la soumission du rapport initial (CMW/C/LBY/QPR/1). Les réponses à cette liste ont été reçues le 27 mars 2019. Le Comité prend note avec satisfaction des renseignements supplémentaires fournis par la délégation multisectorielle de haut niveau. Il se félicite du dialogue ouvert et constructif qu’il a eu avec la délégation.

4.Le Comité relève que la Libye était traditionnellement un pays de destination pour les travailleurs migrants des pays nord-africains et subsahariens. Elle est devenue, de plus en plus, un pays de transit pour les migrants d’Afrique subsaharienne (venus en particulier du Ghana, du Mali, du Niger, du Nigéria et du Tchad), d’Afrique du Nord (Égypte et Soudan), du Bangladesh ainsi que de la République arabe syrienne. Il note en outre l’existence d’un grand nombre de personnes ayant besoin d’une protection internationale.

5.Le Comité relève également que certains des pays dans lesquels des travailleurs migrants libyens sont employés ne sont pas parties à la Convention, ce qui peut constituer un obstacle à l’exercice par les intéressés des droits qu’ils tiennent de la Convention.

B.Aspects positifs

6.Le Comité note avec satisfaction :

a)La ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et du Protocole facultatif s’y rapportant, en février 2018 ;

b)L’adhésion à la Convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritimes (telle que modifiée), en avril 2005 ;

c)La ratification de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et des Protocoles additionnels y relatifs, en juin 2004.

7.Le Comité salue en outre les mesures législatives et institutionnelles ci-après prises par l’État partie :

a)L’article 10 de la déclaration constitutionnelle provisoire de 2011, qui interdit l’extradition des « réfugiés politiques » et garantit le droit d’asile ;

b)L’article 10 de la loi no 19 sur la lutte contre la migration irrégulière, qui dispose que les migrants doivent être traités avec humanité, en préservant leur dignité et de leurs droits, sans atteinte à leur argent ou à leurs biens.

8.Le Comité salue aussi les mesures institutionnelles et gouvernementales suivantes :

a)Les instructions données depuis mars 2017 par le Département de la lutte contre les migrations illégales (Ministère de l’intérieur), aux centres de détention sous son contrôle, quant au traitement humain des détenus et à la fermeture des centres où des violations des droits de l’homme ont été signalées ;

b)La mise en place d’un système d’enregistrement des migrants à la suite de leur interception ou de leur sauvetage en mer, en coopération avec l’Organisation internationale pour les migrations, au début de 2018.

9.Le Comité note avec satisfaction l’invitation permanente adressée le 15 mars 2012 par l’État partie aux titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme, notamment à la Rapporteuse spéciale sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays, en 2018.

C.Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

10.Le Comité est conscient des effets particulièrement dévastateurs du conflit en cours et des instabilités auxquelles l’État partie est confronté en matière sécuritaire, politique, économique et sociale, ainsi que de leurs graves conséquences pour les travailleurs migrants et les membres de leur famille, qui constituent un important obstacle à la mise en œuvre des droits consacrés par la Convention et des obligations venues d’autres instruments pertinents du droit international. Le Comité est conscient des problèmes que rencontre l’État partie dans l’exercice des pouvoirs qui sont les siens, et du contrôle du territoire qui lui incombe. Il note la difficulté qu’il y a à garantir les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille dans des territoires où le contrôle de l’État partie n’est pas effectif. Toutefois, le Comité est troublé par les informations qu’il a reçues concernant les conditions de vie imposées aux migrants, qui mènent à la mort ou à des lésions corporelles graves, à des souffrances ou des dommages graves pour leur santé physique ou mentale. Selon les informations reçues, ces traitements sont répandus tant dans les zones sous le contrôle de l’État partie que dans celles où il n’exerce pas un contrôle effectif. Les actes de violence commis contre des migrants (meurtre, torture et autres formes de mauvais traitements, disparition forcée, agressions physiques, privation de liberté, enlèvement et viol, violence sexuelle et prostitution forcée assimilables à des situations d’esclavage sexuel), ne sont pas seulement des violations graves des droits de l’homme mais pourraient constituer des crimes au regard du droit international.

11.Le Comité demande instamment à l’État partie et aux autres acteurs ayant un rôle de contrôle territorial de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour assurer la protection des migrants, notamment des travailleurs migrants et des membres de leur famille, dans toute situation susceptible de violer les droits qui leur sont garantis par la Convention et par le droit international.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Mesures d’application générale (art. 73 et 84)

Législation et application

12.Le Comité note que l’État partie élabore actuellement une nouvelle législation du travail dans le but de renforcer la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Il est toutefois préoccupé par l’absence de mesures législatives après la signature de la Convention visant à mettre la législation nationale en conformité avec les dispositions de ladite Convention. Il se déclare particulièrement préoccupé de ce que la loi no 6 (1987) qui régit l’entrée, le séjour et la sortie des ressortissants étrangers en Libye ou hors de Libye, modifiée par la loi no 2 (2004) ainsi que la loi no 19 (2010) sur la lutte contre les migrations irrégulières, qui criminalisent l’entrée et le séjour irrégulier dans l’État partie et la sortie de celui-ci, exigent de tous les non‑ressortissants, à l’exception de ceux provenant de certains pays, d’être détenteurs d’un visa valide et prévoient l’emprisonnement et l’expulsion en l’absence d’un tel visa, n’ont pas encore été mises en conformité avec les dispositions de la Convention.

13. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une législation complète en matière de migration et d ’ harmoniser sa législation nationale avec les dispositions de la Convention et les observations générales du Comité.

Articles 76 et 77

14.Le Comité note que l’État partie n’a pas encore fait les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention par lesquelles il reconnaîtrait la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications d’États parties et de particuliers concernant des violations des droits consacrés par la Convention.

15. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ étudier la possibilité de faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention.

Ratification des instruments pertinents

16.Le Comité note que l’État partie a ratifié presque tous les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ainsi qu’un certain nombre de conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT). Il note toutefois que l’État partie n’a pas encore ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, la Convention de 1949 sur les travailleurs migrants (révisée) (no 97) de l’OIT, la Convention de 1975 sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires) (no 143) de l’OIT, la Convention de 1969 sur l’inspection du travail (agriculture) (no 129) de l’OIT, et la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (no 189) de l’OIT.

17. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de ratifier les instruments ci-dessus ou d ’ y adhérer dans les meilleurs délais.

Politique et stratégie globales

18.Le Comité note la création, au Ministère de la justice, du poste de Ministre chargé des migrants et des personnes déplacées, ainsi que du poste de Ministre adjoint pour les questions relatives aux droits de l’homme et, sous la tutelle du Ministère de l’intérieur et du Ministère de la défense, des départements chargés des enquêtes sur les violations des droits de l’homme. Il est toutefois préoccupé par l’absence d’informations sur les mesures particulières que l’État partie a prises pour mettre en œuvre la Convention.

19. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer une stratégie globale conformément à la Convention et d ’ allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour sa mise en œuvre et son suivi.

Collecte de données

20.Le Comité relève que, depuis le début de 2018, des migrants ont été enregistrés aux points de débarquement après leur interception et leur sauvetage en mer, mais regrette que ce système d’enregistrement ne soit pas intégré aux enregistrements formels et informels effectués par certains centres de détention, et que les entités des Nations Unies et les acteurs humanitaires n’aient pas accès à un minimum de données collectées, ce qui aiderait à s’acquitter de leur mandat. Il est également préoccupé par le manque de statistiques sur les travailleurs migrants et les membres de leur famille en situation irrégulière, sur les travailleurs migrants en détention dans l’État partie et ceux revenant dans l’État partie, ainsi que sur le nombre d’enfants migrants non accompagnés ou séparés de leurs parents dans l’État partie.

21. Le Comité recommande que les statistiques recueillies aux points de débarquement soient intégrées dans les systèmes de collecte de données des centres de détention, et qu ’ une base de données complète et centralisée, couvrant tous les aspects de la Convention, soit créée et soumise à des mesures de contrôle externe.

Suivi indépendant

22.Le Comité note avec satisfaction la création du Conseil national des libertés civiles et des droits de l’homme le 28 novembre 2011, en application de la loi no 5 (2011), la constitution de son Conseil d’administration par le décret no 185 (2011) et son accréditation en octobre 2014 par l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme avec statut B. Toutefois, le Comité est vivement préoccupé de ce que le mandat du Conseil national n’a pas été officiellement renouvelé depuis 2014 et que, selon des informations reçues par le Comité, il a cessé de fonctionner en 2016 à la suite de menaces à l’encontre de ses administrateurs et de son personnel.

23. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller, malgré les problèmes institutionnels et de sécurité, à ce que le Conseil national puisse fonctionner en tant qu ’ institution nationale des droits de l ’ homme respectant pleinement les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris), conformément aux engagements pris par l ’ État partie dans le cadre de l ’ Examen périodique universel (A/HRC/30/16, par. 137.54 et 137.55).

Formation et diffusion de l’information sur la Convention

24.Le Comité prend note des déclarations de la délégation quant aux mesures que l’État partie a prises pour diffuser des informations auprès de diverses parties prenantes et leur dispenser une formation sur les droits des travailleurs migrants. Il est toutefois préoccupé par le fait que les efforts ont été insuffisants.

25. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer des programmes d ’ éducation et de formation aux droits garantis par la Convention aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille, en tenant compte des questions de genre, et de faire en sorte que ces programmes soient mis à la disposition de l ’ ensemble des fonctionnaires et du personnel travaillant dans le domaine des migrations, en particulier les fonctionnaires de l ’ immigration, les membres des forces de l ’ ordre et des services chargés de la surveillance des frontières, les juges, les procureurs, les fonctionnaires des organes nationaux et locaux ainsi que les agents consulaires concernés, les travailleurs sociaux et les organisations de la société civile.

Corruption

26.Le Comité est préoccupé par le grand nombre de rapports faisant état de la collusion et de la complicité entre d’une part des représentants d’institutions de l’État, notamment la Direction de la lutte contre les migrations illégales, la Garde côtière libyenne ainsi que des groupes armés non étatiques officiellement intégrés dans les institutions de l’État et, d’autre part, les réseaux de trafic et de traite des êtres humains. Il est également préoccupé par les informations reçues sur des cas d’extorsion impliquant les familles de travailleurs migrants détenus dans les centres de détention des migrants, officiels ou non.

27.Ayant à l ’ esprit la responsabilité première qui incombe à l ’ État partie, de protéger les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille sur son territoire, le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ enquêter de manière approfondie sur tous les cas de corruption, y compris toutes les affaires de collusion et de complicité, relatifs à la contrebande, au trafic et à l ’ extorsion de migrants, et d ’ adopter des mesures préventives et répressives appropriées, y compris le licenciement des fonctionnaires, le cas échéant. Il recommande également la création d ’ espaces sûrs, tenant compte des questions de genre, et de mécanismes pour protéger les plaignants de représailles.

2.Principes généraux (art. 7 et 83)

Principe de non-discrimination

28.Le Comité note la déclaration de la délégation selon laquelle la loi no 10 (2013) relative à l’incrimination de la torture, des enlèvements et de la discrimination fait de toute discrimination un acte passible de sanctions. Cependant, il regrette l’absence d’informations sur la question de savoir si le cadre constitutionnel et législatif de l’État partie prend en considération les dispositions relatives aux motifs de discrimination énumérés et proscrits par la Convention (au paragraphe 1 de son article premier et à son article 7). Il est également préoccupé par les informations concernant des traitements discriminatoires et des agressions physiques et verbales, des détentions arbitraires, des actes d’esclavage et de violence sexuelle à l’encontre des travailleurs migrants et des membres de leur famille, en particulier ceux d’Afrique subsaharienne appartenant à des minorités religieuses, notamment chrétiennes, par des responsables libyens, y compris des représentants de la Direction de la lutte contre les migrations illégales et de la Garde côtière libyenne, par des groupes criminels armés et par des particuliers.

29. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires, notamment en modifiant sa législation ou en adoptant une législation pertinente visant à :

a) Faire en sorte que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille, avec ou sans papiers, qu ’ ils se trouvent sur son territoire ou relèvent de sa compétence, jouissent sans discrimination des droits consacrés par la Convention, conformément au paragraphe 1 de son article premier et à son article 7, et adopter une loi contre toutes les formes de discrimination, en particulier le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l ’ intolérance qui en découle ;

b) P révenir et combattre la violence et la discrimination fondée sur la race et la religion, de la part d ’ agents de l ’ État, de groupes armés criminels et de citoyens, et veiller à ce que les actes commis soient enregistrés, fassent l ’ objet d ’ enquêtes et de sanctions, et que les victimes obtiennent réparation.

Accès à un recours effectif

30.Le Comité note que la loi no 12 (2010) sur les relations employés-employeurs prévoit des mécanismes de règlement des conflits du travail et interdit toute discrimination fondée sur la nationalité. Il note cependant aussi, avec une vive préoccupation, l’impunité généralisée dont jouissent les auteurs de violations des droits reconnus par la Convention, et le fait que les travailleurs migrants en situation irrégulière, victimes de la traite et de la prostitution forcée, ne sont pas en mesure de demander justice pour les violations de leurs droits lorsqu’ils se trouvent dans des situations de détention arbitraire, ou parce qu’ils craignent d’être arrêtés pour entrée ou séjour irréguliers en vertu de la loi no 6 (1987) (modifiée par la loi no 2 (2004)), de la loi no 19 (2010) et de la législation interne incriminant la prostitution et les relations sexuelles hors mariage.

31. Le Comité recommande à l ’ État partie de :

a) V eiller à ce que, en droit et en pratique, les travailleurs migrants et les membres de leur famille, quel que soit leur statut, aient les mêmes possibilités que les nationaux de l ’ État partie de porter plainte et d ’ obtenir réparation en justice, et de lancer une enquête immédiate sur les crimes et les violations des droits lorsqu ’ ils sont portés à son attention ;

b) Fournir une assistance juridique, des services d ’ interprétation, garantir le droit à un examen individuel, mener les entretiens en intégrant les questions de genre, assurer le droit de faire appel, et à réparation et/ou indemnisation des victimes ;

c) Veiller à ce que les travailleurs migrants et les membres de leur famille aient accès à des services de justice et aux services de la police, sans crainte d ’ être arrêtés, placés en détention ou expulsés par les autorités.

3.Droits de l’homme de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

Liberté de quitter tout État

32.Le Comité prend note avec préoccupation des nombreuses informations selon lesquelles des navires transportant des migrants, y compris des travailleurs migrants et des membres de leur famille, sont interceptés en Méditerranée et leurs occupants renvoyés dans l’État partie, parfois contre leur gré, dans le cadre d’opérations dites de « renvoi au point de départ ».

33.Le Comité demande instamment à l ’ État partie de mettre fin à toute opération menée par les garde s -côtes libyens et d ’ autres membres des forces de l ’ ordre qui violerait le droit qu ’ ont les travailleurs migrants et les membres de leur famille de quitter tout État, y compris l ’ État partie. Il recommande à l ’ État partie d ’ adopter une approche des migrations fondée sur les droits, et lui demande instamment de veiller à ce que les activités de la Garde côtière libyenne visent à assurer la sécurité des migrants, y compris des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Protection contre la violence, les agressions physiques, les menaces et les actes d’intimidation

34.Le Comité constate que le Code pénal (1953) et la loi no 10 (2013) relative à l’incrimination de la torture, des enlèvements et de la discrimination érige en infractions divers actes de violence. Il prend acte de la déclaration de la délégation selon laquelle l’État partie veille à ce que les auteurs de tels actes fassent l’objet d’une enquête, de poursuites et de sanctions, y compris lorsqu’il s’agit de fonctionnaires. Il est toutefois vivement préoccupé par ce qui suit :

a)Des actes de violence graves, y compris des homicides illicites, des actes de torture et de mauvais traitements, de viol et de violences sexuelles, d’agression physique et verbale, d’extorsion, de menaces et d’intimidation, sont commis contre des travailleurs migrants et des membres de leur famille, en particulier ceux qui se trouvent en situation irrégulière, par des fonctionnaires de l’État partie, des membres de groupes armés, des passeurs, des trafiquants et des membres de groupes criminels, à l’intérieur et à l’extérieur des centres de détention officiels et non officiels ;

b)Des fonctionnaires, notamment de la Direction de la lutte contre les migrations illégales et de la Garde côtière libyenne seraient impliqués dans des actes de violence graves et ces crimes seraient souvent commis dans un climat d’impunité généralisée ;

c)Selon des informations reçues par le Comité, la Direction de la lutte contre les migrations illégales et les agents de l’État font un usage excessif et injustifié de la force létale dans des opérations de maintien de l’ordre menées contre des migrants, y compris des travailleurs migrants ;

d)Des trafiquants, des passeurs et des bandes criminelles font subir des violences extrêmes à des migrants, y compris des travailleurs migrants, notamment dans le but d’extorquer de l’argent à leur famille, ainsi que des viols et d’autres formes de violence sexuelle, dont le viol collectif et l’exploitation sexuelle dans des conditions assimilables à l’esclavage sexuel ;

e)L’incrimination de l’entrée et du séjour illégal dans l’État partie, ainsi que de la sortie illégale, en application de la loi no 6 (1987) telle que modifiée par la loi no 2 (2004), et de la loi no 19 (2010), et l’incrimination de la prostitution, des rapports sexuels extraconjugaux et de l’avortement, empêchent les survivants, y compris des travailleurs migrants et des membres de leur famille, de signaler ces crimes.

35. Le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) De f aire appliquer le Code pénal (1953) et la loi n o 10 (2013) en ce qui concerne les crimes commis contre les travailleurs migrants et les membres de leur famille, de veiller à ce que des enquêtes approfondies soient menées en cas d ’ infraction, en tenant compte des liens existant entre des agents de l ’ État et des réseaux de passeurs et de trafiquants, et d ’ imposer des peines proportionnées à la gravité du crime commis ;

b) De v eiller à ce que les victimes soient identifiées et orientées vers des services appropriés et adaptés à leur situation, y compris des services médicaux et psychosociaux  ;

c) De p rendre d ’ urgence des mesures pour que les agents de l ’ État respectent les normes internationales relatives à l ’ usage de la force et des armes à feu, et protéger les migrants contre toutes les formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

d) D ’ a dopter des mesures globales d ’ assistance, de protection et de réadaptation au bénéfice des travailleurs migrants et des membres de leur famille qui sont victimes d ’ infractions graves, notamment de viols, de violences sexuelles et de violences fondées sur le genre ; retrouver, localiser et libérer les personnes privées de leur liberté par des passeurs, des trafiquants et des groupes criminels, ou les personnes disparues ; en cas de décès de personnes disparues, exhumer et identifier leur dépouille et organiser leur restitution dans la dignité ;

e) De v eiller à ce que les victimes de tels crimes, y compris les travailleurs migrants et les membres de leur famille, ne puissent être arrêtées, détenues ou expulsées au motif qu ’ elles se trouvent en situation irrégulière ou en application de la législation interne relative à la prostitution, aux relations sexuelles hors mariage ou à l ’ avortement.

Exploitation par le travail et autres formes de mauvais traitements

36.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les travailleurs migrants et les membres de leur famille détenus par la Direction de la lutte contre les migrations illégales, par des groupes armés, des passeurs ou des trafiquants, sont fréquemment soumis au travail forcé. Il est également préoccupé par la grande fréquence avec laquelle les migrants en situation irrégulière ne sont pas rémunérés pour le travail accompli, ne reçoivent pas la rémunération convenue ou sont dénoncés à la Direction par leur employeur, une fois le travail accompli.

37. Le Comité recommande à l ’ État partie de :

a) P oursuivre les personnes ou groupes qui exploitent des travailleurs migrants ou les soumettent au travail forcé, y compris à la prostitution et à l ’ exploitation sexuelle forcées, et de condamner les coupables à des peines appropriées ;

b) Veiller à ce que les travailleurs migrants et les membres de leur famille aient accès à des mécanismes de plainte indépendants et bénéficient des services d ’ un conseiller juridique et de mesures de protection et de réparation.

Régularité de la procédure, détention et égalité devant les tribunaux

38.Le Comité relève que le Code de procédure pénale prévoit un certain nombre de garanties contre l’arrestation et la détention arbitraires, y compris l’obligation de présenter un mandat d’arrêt et de renvoyer l’intéressé devant le ministère public dans un délai de vingt-quatre heures. Il relève également que la législation interne garantit le droit à un procès équitable et à l’assistance d’un avocat. Il est toutefois vivement préoccupé par ce qui suit :

a)La loi no 6 (1987), modifiée par la loi no 2 (2004), et la loi no 19 (2010), prévoient des sanctions pénales, y compris la détention et l’expulsion de l’État partie, en cas d’entrée, de résidence ou de sortie illégale ;

b)Selon des informations reçues par le Comité, la détention, telle qu’elle est appliquée par la Direction de la lutte contre les migrations illégales et d’autres organes de l’État est une mesure automatique et n’est pas toujours justifiée par la nécessité et le caractère raisonnable au vu des situations individuelles, et un nombre indéterminé de migrants sont détenus arbitrairement dans des centres présentés comme des « refuges », ce qui laisse entendre qu’ils ont une fonction de protection ; un nombre indéterminé de centres de détention sont sous le contrôle de groupes armés ;

c)Les enfants migrants sans papiers, y compris les enfants migrants non accompagnés, sont détenus dans des centres pendant des mois, voire des années, dans un environnement sordide et violent, ce qui constitue une violation des droits de l’enfant et de l’intérêt supérieur de l’enfant ;

d)Les migrants, y compris les travailleurs migrants, en détention pour des motifs liés à la migration sont privés des garanties d’une procédure régulière, comme la présentation immédiate devant un juge indépendant et impartial et l’accès à un avocat, et leur détention peut être considérée comme arbitraire au regard de la Convention et d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ;

e)Le fait que les migrants ne sont pas enregistrés rend la localisation et la réunification des familles de migrants, y compris les travailleurs migrants, quasiment impossible et facilite la disparition de personnes détenues, en toute impunité ;

f)Les travailleurs migrants sont exposés à la détention arbitraire sur la base d’accusations non liées aux migrations, comme le vol, la prostitution, des infractions liées à la drogue, au terrorisme et à la sécurité, et se heurtent à des actes de violence et à un déni du droit à une procédure régulière.

39. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que ses lois, ses politiques et ses pratiques nationales respectent pleinement le droit à la liberté des travailleurs migrants et des membres de leur famille et l ’ interdiction de détenir arbitrairement ces personnes. Il lui recommande en particulier, à titre prioritaire :

a) De réviser la loi n o 6 (1987), modifiée par la loi n o  2 (2004), et la loi n o  19 (2010), afin de dépénaliser la migration irrégulière ;

b) De libérer tous les migrants détenus de manière arbitraire, notamment ceux qui sont détenus en raison de leur situation migratoire ; de veiller à ce que la détention de migrants soit une mesure exceptionnelle, de dernier recours et limitée à la durée la plus brève possible, qu ’ elle soit fondée sur le cas d ’ espèce, notamment s ’ agissant des raisons pour lesquelles des mesures de substitution ne peuvent pas être mises en œuvre, et qu ’ elle soit examinée sous vingt-quatre  heures par une juridiction d ’ instruction indépendante et impartiale ; et de mettre en place des mesures de substitution à la détention, non privatives de liberté ;

c) D ’ interdire, en droit et dans la pratique, la détention des enfants migrants, conformément aux observations générales conjointes n o s 3 et 4 (2017) du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, et n o s 22 et 23 (2017) du Comité des droits de l ’ enfant, consacrées aux droits fondamentaux des enfants dans le contexte des migrations internationales ;

d) De veiller à ce que les travailleurs migrants et les membres de leur famille aient accès à l ’ aide juridictionnelle, à des recours utiles, à la justice et aux services consulaires, et à ce que les garanties énoncées dans la Convention soient respectées, en pleine conformité avec les articles 16 et 17 de cet instrument ;

e) De mettre en place un système d ’ enregistrement des migrants détenus qui soit intégré dans le système d ’ enregistrement utilisé par les garde s -côtes libyens au débarquement des migrants secourus ou interceptés en mer, tout en respectant les droits de l ’ homme des migrants, y compris leur droit au respect de la vie privée ;

f) De veiller à ce que, dans les procédures administratives et judiciaires, y compris lorsque les faits reprochés ne sont pas liés au statut migratoire, les travailleurs migrants et les membres de leur famille bénéficient des garanties d ’ une procédure régulière, sur un pied d ’ égalité avec les citoyens de l ’ État partie, devant les tribunaux et les cours de justice.

Conditions de détention

40.Le Comité relève la déclaration de la délégation selon laquelle la plupart des lieux de détention de migrants qui ne sont pas sous le contrôle de la Direction de la lutte contre les migrations illégales ont été fermés, tandis que des installations pour femmes migrantes ont été mises en place, ce qui crée des conditions qui respectent leurs droits fondamentaux. Il est toutefois préoccupé par le fait que, dans la majorité des cas, les conditions de vie dans les centres de détention pour migrants ne sont pas conformes aux normes internationales et équivalent à un traitement cruel, inhumain et dégradant.

41. Dans les circonstances exceptionnelles où la détention ne peut être évitée, le Comité engage vivement l ’ État partie à assurer des conditions dignes et appropriées dans les centres de détention pour migrants, lesquels ne sauraient avoir des caractéristiques et un objectif similaires à ceux d ’ un établissement pénitentiaire. Plus particulièrement, il engage vivement l ’ État partie à :

a) Mettre un terme à la surpopulation et faire en sorte que les détenus aient accès à des soins de santé, y compris des services de santé sexuelle et procréative, à un soutien psychologique, à l ’ eau, à l ’ assainissement et à l ’ hygiène, à l ’ alimentation, à suffisamment d ’ espace et de ventilation, à des activités récréatives en plein air et des produits de première nécessité, y compris des articles de literie, d ’ habillement et d ’ hygiène personnelle ;

b) Veiller à ce que les enfants soient séparés des adultes auxquels ils ne sont pas apparentés et reçoivent un acte de naissance valide, s ’ ils sont nés en détention ;

c) Veiller à ce que les femmes détenues soient séparées des hommes, surveillées uniquement par des fonctionnaires de sexe féminin dûment qualifiées, soient protégées contre la violence sexuelle et la violence fondée sur le genre, et que des dispositions spéciales soient prises pour les femmes enceintes et les femmes allaitantes ;

d) Établir des règles de comportement strictes à l ’ intention des gardiens et des fonctionnaires des centres de détention, former ces agents aux questions relatives aux droits de l ’ homme, à l ’ égalité femmes-hommes, à l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant et au principe de non-discrimination, et rechercher et sanctionner de manière appropriée les agents de l ’ État qui violent les droits des migrants ;

e) Renforcer les mécanismes permettant un suivi régulier des conditions qui règne nt dans les centres de détention pour migrants et veiller à la mise en œuvre de la politique du Ministère de l ’ intérieur visant à accorder aux observateurs de la situation des droits de l ’ homme et aux organismes humanitaires un accès libre, inopiné et sans entrave à tous les centres de détention pour migrants.

Assistance consulaire

42.Le Comité prend note de l’assistance consulaire et diplomatique fournie par l’État partie aux travailleurs migrants résidant à l’étranger, mais il s’inquiète de n’avoir pas reçu suffisamment d’informations concrètes sur l’assistance spécialement destinée aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille.

43. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour que ses services consulaires et diplomatiques puissent répondre efficacement aux besoins des travailleurs migrants libyens et aux membres de leur famille résidant à l ’ étranger en protégeant leurs droits et en leur apportant une assistance, indépendamment de leur statut.

Soins médicaux et éducation

44.Le Comité prend note de la déclaration de la délégation selon laquelle les soins de santé sont dispensés sans discrimination, mais il est préoccupé par des informations indiquant que les travailleurs migrants, en particulier ceux qui sont en situation irrégulière, n’ont que peu ou pas d’accès aux services de santé, notamment aux soins médicaux d’urgence. Il relève également avec préoccupation que la délégation a indiqué que l’accès à l’éducation était subordonné à la conclusion d’accords bilatéraux avec les pays d’origine.

45. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre les mesures nécessaires pour garantir que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille, quel que soit leur statut migratoire, puissent jouir, en droit et en pratique, de l ’ accès à des soins médicaux d ’ urgence et aux services de santé de base, sur la base de l ’ égalité de traitement avec les ressortissants de l ’ État partie ;

b) D ’ a dopter des mesures concrètes et efficaces pour permettre aux enfants de travailleurs migrants, quel que soit le statut migratoire de leurs parents, d ’ intégrer le système éducatif et d ’ y demeurer, et de faire en sorte que les enfants migrants sans papiers ne soient pas signalés aux services de l ’ immigration par les membres du système éducatif.

4.Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille pourvus de documents ou en situation régulière (art. 36 à 56)

Liberté de circulation et droit de transférer ses gains et ses économies

46.Le Comité prend note avec préoccupation des actes de violence commis contre les travailleurs migrants. Il est également préoccupé par le fait que des travailleurs migrants légalement employés dans l’État partie se trouvent fréquemment dans l’incapacité de retirer ou transférer leurs salaires durant de longues périodes en raison du manque de liquidités des banques dans l’État partie.

47. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De p rotéger les travailleurs migrants contre tout acte de violence et contre le vol ou la destruction de leurs biens, et de garantir leur droit à la liberté de circulation ;

b) De p rendre les mesures nécessaires pour permettre aux travailleurs migrants d ’ accéder à leurs revenus et à leur épargne et de faciliter les transferts de fonds.

5.Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 64 à 71)

Coopération internationale avec les pays de transit et les pays de destination

48.Le Comité relève que l’État partie a signé des accords de coopération sur les migrations avec la France, l’Italie et l’Union européenne, ainsi que des accords sur la surveillance commune des frontières avec les pays voisins, notamment le Niger, le Soudan et le Tchad. Il est toutefois préoccupé par le fait que les mémorandums d’accord et les accords multilatéraux ou bilatéraux peuvent ne pas couvrir de façon adéquate les dispositions de la Convention. Compte tenu de la situation dans l’État partie, le Comité est préoccupé par la mesure dans laquelle cet État pourrait assurer la sécurité des migrants, y compris des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

49. Le Comité recommande à l ’ État partie de :

a) Garantir , dans la mise en œuvre des accords bilatéraux ou multilatéraux, la vie et l ’ intégrité physique des migrants, y compris des travailleurs migrants et des membres de leur famille, compte tenu de la situation actuelle dans l ’ État partie, et de veiller à ce que ces accords multilatéraux et bilatéraux soient pleinement conformes à la Convention, aux observations générales du Comité n o 1 (2011) sur les travailleurs domestiques migrants, et n o 2 (2013) sur les droits des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille, ainsi qu ’ aux observations générales n o s 3 et 4 (2017) du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n o s 22 et 23 (2017) du Comité des droits de l ’ enfant sur les droits des enfants dans le contexte des migrations internationales ;

b) Dialoguer avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme (HCDH) et de demander une assistance technique pour ce qui concerne la mise en œuvre desdits accords et la négociation de futurs autres accords, afin de s ’ assurer de leur conformité à la Convention.

Traite des personnes et trafic de migrants

50.Le Comité relève que, selon les informations fournies par la délégation, la législation nationale interdit la traite des personnes, que des permis de séjour provisoires sont délivrés aux victimes de la traite et qu’une formation est dispensée aux agents de l’État qui travaillent sur des questions liées à la migration. Il est cependant préoccupé par :

a)L’absence d’informations sur les mesures législatives et autres prises par l’État partie pour protéger les personnes victimes de la traite et de mauvais traitements infligés par des passeurs, en particulier en ce qui concerne l’incrimination de la migration irrégulière dans la loi no 6 (1987), modifiée par la loi no 2 (2004), et dans la loi no 19 (2010) ;

b)Le fait que des travailleurs migrants et des membres de leur famille en transit dans l’État partie, en particulier des personnes en provenance d’Afrique subsaharienne, ont été victimes de la traite, soumis au travail forcé et à l’exploitation sexuelle, et ont été vendus comme esclaves ;

c)Les efforts insuffisants qui ont été faits pour repérer les victimes de la traite et du trafic de migrants, et par le fait que ces victimes sont privées de liberté dans les centres de détention pour migrants, où elles n’ont pas accès aux autorités judiciaires, ne bénéficient pas de services de réadaptation et d’une aide médicale et psychologique convenables, et risquent d’être à nouveau victimes de ces abus ;

d)L’absence de données statistiques sur les enquêtes menées par le Bureau du Procureur général dans les affaires de traite des êtres humains et de violences infligées par des passeurs.

51. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour lutter contre la traite des personnes et les violences infligées par les passeurs, conformément aux Principes et directives concernant les droits de l ’ homme et la traite des êtres humains, établis par le HCDH, et en particulier de prendre les mesures suivantes :

a) Adopter rapidement des mesures de lutte contre la traite, conformément à l ’ engagement pris par l ’ État partie dans le cadre de l ’ Examen périodique universel (A/HRC/WG.6/22/LBY/1, par. 72) ;

b) Intensifier ses campagnes de prévention de la traite des travailleurs migrants et prendre des mesures appropriées pour diffuser l ’ information sur les risques liés au transit par l ’ État partie ;

c) Allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes à la mise en œuvre effective des lois et stratégies visant à prévenir et à éliminer la traite des personnes, mettre en place un mécanisme national d ’ orientation afin de repérer les victimes de la traite et les personnes qui ont subi des mauvais traitements de la part de passeurs et protection et assistance à ces victimes ;

d) Mener rapidement des enquêtes efficaces et impartiales sur tous les cas de traite des personnes et de mauvais traitements infligés par des passeurs, et poursuivre et punir les auteurs de ces actes et leurs complices, y compris lorsqu ’ il s ’ agit d ’ agents de l ’ État.

Migrations irrégulières et interception et sauvetage dans les eaux libyennes et internationales

52.Le Comité relève que l’État partie coopère avec des pays méditerranéens aux fins de la coordination des opérations de sauvetage des migrants en détresse en Méditerranée (A/HRC/WG.6/22/LBY/1, par. 70 et 71). Il est néanmoins préoccupé par :

a)Le risque que des migrants de plus en plus nombreux perdent la vie dans les eaux côtières de l’État partie et dans les eaux internationales au large de ses côtes, constaté de 2017 à 2018 malgré l’élargissement de sa zone de recherche et de sauvetage à 94 milles marins au large de ses côtes à partir d’août 2017 ;

b)Le retour automatique de toute personne interceptée ou secourue en mer par des agents de l’État partie dans les centres de détention pour migrants, et l’insuffisance des informations sur les mécanismes et procédures visant à faciliter le repérage des personnes nécessitant une protection internationale ;

c)Des allégations selon lesquelles les gardes-côtes libyens mettraient souvent en danger la vie de migrants se trouvant à bord d’embarcations en train de faire naufrage ou impropres à la navigation, en faisant usage d’armes à feu ou en employant la violence physique ou un langage menaçant ou raciste, ou par un comportement susceptible de faire chavirer le navire ou d’inciter les migrants à se jeter à l’eau sans gilet de sauvetage ;

d)Des informations indiquant que les gardes-côtes libyens ont entravé des opérations de sauvetage menées par des organisations humanitaires dans les eaux internationales ;

e)Le manque d’informations sur la législation interne régissant l’usage de la force et des armes à feu par les gardes-côtes libyens dans le cadre des opérations d’interception et de sauvetage dans les eaux de l’État partie et dans les eaux internationales et sur l’existence et la nature d’un système national d’établissement des responsabilités.

53. Se référant au rapport du Haut-Commissariat aux droits de l ’ homme sur la situation des migrants en transit (A/HRC/31/35) et aux Principes et directives recommandés du HCDH sur les droits de l ’ homme aux frontières internationales, le Comité recommande ce qui suit à l ’ État partie :

a) Mettre en place, exploiter et de renforcer des services de recherche et de sauvetage en mer appropriés et efficaces, et veiller à ce qu ’ aucune mesure visant à lutter contre les migrations irrégulières ou le trafic de migrants ne porte atteinte aux droits de l ’ homme des travailleurs migrants et aux membres de leur famille ;

b) Respecter le principe de non-refoulement et, à cette fin, s ’ abstenir de renvoyer de force les migrants vers des centres de détention dans l ’ État partie, et élaborer et mettre en place des mécanismes qui permettent d ’ évaluer la situation individuelle des migrants en transit pour leur assurer une protection internationale fondée sur le droit international ;

c) E nquêter sur tous les cas de mauvais traitements infligés ou de décès survenus durant des opérations d ’ interception et de sauvetage de navires transportant des migrants dans les eaux côtières de l ’ État partie, dans sa zone de recherche et de sauvetage et dans d ’ autres zones des eaux internationales où les garde s -côtes libyens sont présents et prendre les sanctions qui s ’ imposent, et adopter des mesures pour prévenir de telles violations des droits de l ’ homme à l ’ avenir ;

d) Établir des directives internes donnant instruction aux garde s -côtes libyens de ne pas entraver les opérations de sauvetage menées par des organisations humanitaires , et enquêter rapidement sur toute allégation de telles organisations faisant état d ’ ingérences des garde s -côtes libyens dans les opérations qu ’ elles mènent pour sauver la vie de migrants en détresse en mer ;

e) Veiller à ce que les garde s -côtes libyens se conforment aux normes internationales sur l ’ usage de la force et des armes à feu et reçoivent une formation sur ces normes, et à ce qu ’ un mécanisme interne de traitement des plaintes et des allégations soit mis en place.

Régularisation

54.Le Comité relève que la délégation a affirmé que les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux qui sont entrés illégalement dans l’État partie, peuvent régulariser leur situation en application de la loi no 19 (2010). Il s’inquiète toutefois du manque d’informations sur les procédures correspondantes.

55. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de fournir de plus amples informations sur les mesures de régularisation et de veiller à la mise en œuvre de ces mesures, sans discrimination.

Rapatriement des corps

56.Le Comité prend note de la réponse de la délégation selon laquelle les frais de rapatriement du corps d’un travailleur migrant décédé, pourvu de ses documents ou en situation régulière, doivent, conformément à la législation nationale, être pris en charge par son employeur. Il s’inquiète du nombre de migrants disparus ou non identifiés sur le territoire de l’État partie, y compris dans ses eaux territoriales, et du fait que le rapatriement des corps des travailleurs migrants décédés est limité aux pays avec lesquels, selon la réponse de la délégation, l’État partie a conclu un accord bilatéral.

57.Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place des procédures et des règlements efficaces, d ’ allouer des ressources suffisantes pour le rapatriement des dépouilles mortelles des travailleurs migrants et des membres de leur famille, quelle que soit leur situation, et de faciliter ce rapatriement en coopération étroite avec les pays d ’ origine. Il recommande également à l ’ État partie d ’ assurer les enquêtes et les protocoles médico-légaux, un traitement digne de la dépouille mortelle des travailleurs migrants décédés et l ’ identification et la recherche des familles en s ’ appuyant, en toute sécurité sur des échanges d ’ informations ante-mortem et post-mortem, et sur les ADN.

6.Diffusion et suivi

Diffusion

58. Le Comité demande à l ’ État partie de garantir la diffusion rapide des présentes observations finales aux institutions d ’ État pertinentes, notamment auprès des ministères, du Parlement, de l ’ appareil judiciaire et des autorités locales concernées, ainsi qu ’ aux membres de la société civile.

Assistance technique

59. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire appel à l ’ assistance internationale pour la mise en œuvre des recommandations contenues dans les présentes observations finales, et l ’ engage à poursuivre sa coopération avec les institutions spécialisées et les programmes des Nations Unies, notamment le Haut ‑ Commissariat aux droits de l ’ homme et la Mission d ’ appui des Nations Unies en Libye.

Suivi des observations finales

60. Le Comité invite l ’ État partie à lui fournir, dans les deux ans (c ’ est-à-dire le 1 er  mai 2021 au plus tard), des informations écrites sur la mise en œuvre des recommandations figurant aux paragraphes 35, 41, 51 et 53 ci-dessus.

Prochain rapport périodique

61.Le Comité prie l ’ État partie de soumettre son deuxième rapport périodique d ’ ici au 1 er  mai 2024. Pour ce faire, l ’ État partie souhaitera peut-être suivre la procédure simplifiée de présentation des rapports. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur ses directives harmonisées (HRI/GEN.2/Rev.6).