Nations Unies

CCPR/C/133/D/3004/2017

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

7 février 2022

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Décision adoptée par le Comité en vertu du Protocole facultatif, concernant la communication no 3004/2017 * , **

Communication présentée par :

H. J. T. (représenté par Willem Hendrik Jebbink)

Victime(s) présumée(s) :

L’auteur

État partie :

Pays-Bas

Date de la communication :

3 octobre 2016 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 92 du Règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 7 juillet 2017 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision :

5 novembre 2021

Objet :

Droit de former un recours contre une déclaration de culpabilité et une condamnation pénale

Question(s) de procédure :

Recevabilité ; épuisement des recours internes

Question(s) de fond :

Recours utile ; droit de faire appel

Article(s) du Pacte :

2 (par. 3) et 14 (par. 5)

Article(s) du Protocole facultatif :

5 (par. 2 b))

1.1L’auteur de la communication est H. J. T., de nationalité néerlandaise, né en 1966. Il affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient des articles 2 (par. 3) et 14 (par. 5) du Pacte. Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte est entré en vigueur pour l’État partie le 11 mars 1979. L’auteur est représenté par un conseil.

1.2Le 23 mai 2019, en application de l’article 93 de son règlement intérieur, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial sur les nouvelles communications et les mesures provisoires, a décidé de rejeter la demande de l’État partie tendant à ce que la recevabilité et le fond de la communication soient examinés séparément.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 23 juillet 2007, l’auteur a été cité à comparaître le 28 août 2007 devant le tribunal de district d’Arnhem, au motif qu’il était soupçonné d’avoir agressé un policier en service ou entravé l’action légitime d’un policier, et d’avoir refusé de décliner son identité.

2.2En droit néerlandais, l’agression d’un policier en service est un délit et le refus de décliner son identité une contravention. L’audience prévue pour le 28 août 2007 a été reportée au 10 octobre 2007 afin de permettre à l’auteur de lire le dossier, qu’il n’avait pas reçu à la date initialement fixée.

2.3L’auteur n’était pas représenté par un conseil pendant les audiences. Immédiatement après avoir entendu l’affaire, le 10 octobre 2007, le juge de police du tribunal de district a déclaré l’auteur coupable d’avoir agressé un policier en service et d’avoir refusé de décliner son identité. Il a condamné l’auteur à payer des amendes de 170 euros et 50 eurosrespectivement pour chacune de ces infractions. Dans son jugement oral, il n’a exposé aucun élément de preuve à l’appui de la déclaration de culpabilité de l’auteur. La décision rendue a simplement été enregistrée sous la forme d’une note de jugement oral.

2.4Le jugement était conforme aux articles 365 (al. a)), 378 et 378 (al. a)) du Code de procédure pénale des Pays-Bas, selon lesquels un juge peut rendre un jugement « abrégé » dans une affaire comme celle de l’auteur. Un jugement abrégé n’a pas besoin d’être complété par des éléments de preuve ni assorti d’une énumération des moyens de preuve utilisés, et il n’est pas nécessaire de produire un compte rendu d’audience.

2.5Le 10 octobre 2007, dans le délai prescrit par la loi, l’auteur a demandé l’autorisation de faire appel de la décision du juge de police du tribunal de district. Le même jour, il a reçu une convocation à une audience d’appel fixée au 28 février 2008. Le droit de faire appel dans ce type d’affaire est régi par les dispositions de l’article 410 (al. a)) du Code de procédure pénale néerlandais. Dans cet article, il est dit que lorsqu’il est possible d’interjeter appel et lorsqu’il a été interjeté appel d’un jugement portant exclusivement sur une ou plusieurs infractions mineures qui, selon la description qu’en fait la loi, sont passibles d’une peine de prison ne dépassant pas quatre ans, et lorsqu’il n’a pas été prononcé d’autre peine ou injonction qu’une amende d’un montant n’excédant pas 500 euros − ou deux ou plusieurs amendes d’un montant total n’excédant pas 500 euros − l’appel interjeté est examiné par la cour seulement si son président l’estime nécessaire dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice. ».

2.6Il ressort expressément des travaux parlementaires ayant conduit à l’adoption de l’article 410 (al. a)) du Code de procédure pénale que dans des cas comme celui de l’auteur, la décision de première instance n’a pas à être assortie de preuves ou d’un compte rendu d’audience, que ce soit au moment du prononcé du jugement ou après la formation d’un appel. Cette règle a été dictée par une volonté de réduire les coûts.

2.7Le 8 janvier 2008, avant l’audience prévue, le Président de la Cour d’appel d’Arnhem a rejeté la demande d’autorisation d’appel de l’auteur. Le Président a estimé que les moyens invoqués par l’appelant, à supposer qu’ils soient exacts, ne devaient pas nécessairement ni raisonnablement conduire à d’autres conclusions en appel. Après examen, il n’a pas semblé pertinent au Président, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de renvoyer l’affaire devant la Cour d’appel ; le dossier ne serait donc pas examiné en appel. Le Président de la Cour d’appel a fondé sa décision sur lespièces du dossier et sur l’article 410 (al. a)) du Code de procédure pénale.

2.8L’auteur a épuisé les recours internes étant donné qu’il n’est pas possible de se pourvoir en cassation contre la décision de la Cour d’appel. Néanmoins, l’auteur a formé un recours extraordinaire devant la Cour suprême pour solliciter un réexamendes décisions de la juridiction inférieure. Le 19 mars 2013, la Cour suprême a rejeté le recours de l’auteur. L’auteur n’a pas saisi d’autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient de l’article 14 (par. 5) du Pacte. En vertu du Code de procédure pénale, l’auteur a le droit de faire appel, ou de demander l’autorisation de faire appel, devant la Cour d’appel. Toutefois, le droit interne n’exigeait pas du juge de police du tribunal de district qu’il rende un jugement écrit et motivé, ni qu’il produise un compte rendu d’audience. L’auteur s’est vu refuser l’accès à ces documents tant en première qu’en deuxième instance, et n’a donc pas pu exercer effectivement son droit de faire appel.

3.2De plus, la Cour d’appel d’Arnhem, qui a rejeté la demande d’autorisation de faire appel de la décision du juge de police du tribunal de district présentée par l’auteur, n’a pas procédé à un réexamen complet de la déclaration de culpabilité et de la condamnation de l’auteur. L’État partie devait garantir que la juridiction supérieure statuant sur la demande d’autorisation de faire appel effectue un examen au fond de la déclaration de culpabilité et de la condamnation, en s’appuyant tant sur les faits que sur les éléments de droit. Dans le cas de l’auteur, un tel examen au fond n’a pas eu lieu car la juridiction supérieure ne disposait pas d’un jugement dûment motivé émanant du tribunal de première instance. Il n’y avait en particulier aucune mention des moyens de preuve retenus. De plus, la juridiction supérieure ne disposait pas d’un compte rendu de l’audience de première instance et ne pouvait dès lors pas réexaminer les preuves sur lesquelles la déclaration de culpabilité était fondée. Pour satisfaire aux critères énoncés à l’article 14 (par. 5) du Pacte, la juridiction supérieure doit examiner de manière très détaillée tant les éléments de preuve qui ont conduit à ladéclaration de culpabilité que les arguments avancés en appel par la personne déclarée coupable. L’auteur cite longuement la jurisprudence du Comité dans les affaires Mennen c. Pays-Bas et Timmer c. Pays-Bas,dont la deuxième concerne son frère. Dans ces affaires, le Comité a conclu à des violations de l’article 14 (par. 5) du Pacte. La présente affaire présente des circonstances analogues. L’État partie n’a pas donné suite aux constatations du Comité dans les affaires Mennen c. Pays-Bas et Timmer c. Pays-Bas afin d’empêcher que de telles violations ne se produisent à nouveau.

3.3L’auteur demande une indemnisation pour tous les préjudices matériels et moraux, notamment les atteintes à la réputation, qu’il a subis du fait de la violation du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans ses observations en date du 4 septembre 2017, l’État partie affirme que la communication est irrecevable parce que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes disponibles. Il fait savoir qu’une proposition de loi tendant à supprimer le système d’autorisation d’interjeter appel prévu à l’article 410 (al. a)) du Code de procédure pénale est à l’examen dans le cadre d’une refonte plus générale du Code. Des propositions législatives concrètes sont en cours d’élaboration, sur la base d’un mémorandum final qui a été soumis à la Chambre des représentants à l’issue de larges consultations. Ces propositions sont présentées à la Chambre des représentants en plusieurs parties. La dernière partie est annoncée pour 2019, après quoi une loi sera adoptée pour appliquer leschangements.

4.2Dans le cadre du processus législatif en cours, il est devenu possible d’engager une procédure en responsabilité civile contre l’État partie devant le Conseil de la magistrature. Si, après avoir évalué le bien-fondé d’une affaire, le Conseil de la magistrature estime qu’un règlement s’impose, celui-ci comprend : le remboursement de l’amende qui a été payée ; le remboursement des frais de justice et des dépenses liées à la procédure d’autorisation de faire appel ; la suppression de la mention de l’infraction dans le casier judiciaire de l’intéressé. L’auteur de la communication a été informé de cette procédure le 7 novembre 2016, mais ne s’en est pas prévalu.

4.3Dans ses constatations concernant l’affaire Timmer c. Pays-Bas, le Comité a estimé qu’en l’espèce un recours utile consisterait à permettre un réexamen de la déclaration de culpabilité et de la condamnation par une juridiction supérieure ou la mise en œuvre de toute autre mesure propre à supprimer les effets préjudiciables causés à l’auteur, et à accorder à celui-ci une indemnisation adéquate. Dans la présente affaire, il existait des mesures appropriées qui pouvaient être considérées comme de voies de recours internes. Étant donné que l’auteur ne s’en est pas prévalu, il n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Dans ses commentaires en date du 19 avril 2019, l’auteur soutient que la procédure devant le Conseil de la magistrature ne constitue pas une mesure propre à supprimer les effets préjudiciables qui lui ont été causés, pour les raisons suivantes : cette procédure ne permet pas un réexamen complet de la déclaration de culpabilité ; la procédure est de nature administrative et non civile, car elle ne fait pas intervenir un juge civil indépendant ; la procédure repose sur un examen de l’affaire au fond et ne saurait donc être considérée comme adéquate ; dans d’autres affaires portant sur la même question, l’État partie a spontanément proposé un règlement concret.

5.2Dans ses commentaires en date du 21 novembre 2019, l’auteur cite plusieurs sources pour étayer l’argument selon lequel la procédure devant le Conseil de la magistrature ne peut être considérée comme un recours utile. Il cite le texte de l’article 2 (par. 2 et 3) du Pacte. Il souligne aussi qu’au paragraphe 15 de son observation générale no 31 (2004), le Comité a expliqué qu’il attachait de l’importance à la mise en place, par les États parties, de mécanismes juridictionnels et administratifs appropriés pour examiner les plaintes faisant état de violations des droits en droit interne. Il a aussi noté que les tribunaux pouvaient de diverses manières garantir effectivement l’exercice des droits reconnus par le Pacte, soit en statuant sur son applicabilité directe, soit en appliquant les règles constitutionnelles ou autres dispositions législatives comparables, soit en interprétant les implications qu’avaient pour l’application du droit national les dispositions du Pacte. L’auteur renvoie également au mémoire explicatif du Gouvernement des Pays‑Bas relatif à l’approbation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, document législatif historique dans lequel il est indiqué que l’article 2 (par. 3) du Pacte oblige les États parties à mettre en place une protection juridique par l’intermédiairedes organes judiciaires.

5.3Dans l’affaireMennen c. Pays-Bas, le Comité a demandé à l’État partie de fournir à l’auteur un recours utile permettant le réexamen de sa déclaration de culpabilité et de sa condamnation par une juridiction supérieure, ainsi qu’une indemnisation adéquate. Dans l’affaire Timmer c. Pays-Bas, il a déclaré que conformément à l’article 2 (par. 3 a)) du Pacte, l’État partie était tenu d’assurer à l’auteur un recours utile. Il a également indiqué qu’il prenait acte de l’argument de l’auteur selon lequel l’indemnité de 1 000 euros proposée par l’État partie ne constituait pas un recours utile dès lors que cette proposition ne prévoyait ni le réexamen de sa déclaration de culpabilité et de sa condamnation ni une réparation de l’atteinte portée à sa réputation. Il estimait qu’en l’espèce, un recours utile consisterait à permettre un réexamen de la déclaration de culpabilité et de la condamnation par une juridiction supérieure ou la mise en œuvre de toute autre mesure propre à supprimer les effets préjudiciables causés à l’auteur et à lui accorder une indemnisation suffisante. L’auteur renvoie également à la jurisprudence du Comité dans les affaires Sabirova et consorts c. Ouzbékistan et S. Y. c. Pays-Bas.

5.4En ce qui concerne l’affirmation de l’État partie selon laquelle le système d’autorisation d’interjeter appel serait en cours de suppression, l’auteur note que dans les observations qu’il avait soumises dans l’affaire Timmer c. Pays-Bas, l’État partie avait affirmé que les propositions législatives à cet effet seraient présentées à la Chambre des représentants en 2018. Toutefois, cela n’a pas eu lieu en 2018 ni en 2019. Plus de neuf ans se sont écoulés depuis que le Comité a adopté ses constatations concernant l’affaire Mennen c. Pays-Bas, dans lesquelles il demandait à l’État partie de rendre sa législation conforme aux dispositions de l’article 14 (par. 5) du Pacte. Depuis, l’adoption d’un code de procédure pénale révisé a été reportée à plusieurs reprises ; il est très peu probable qu’elle ait lieu en 2020. Même dans ce cas, l’entrée en vigueur du nouveau texte pourrait prendre des années. Il suffirait d’une simple mesure législative pour abolir l’article 410 (al. a)) du Code de procédure pénale.

Observations complémentaires de l’État partie sur la recevabilité

6.1Dans des observations complémentaires en date du 19 septembre 2019, l’État partie maintient sa position, à savoir que la communication est irrecevable parce que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes disponibles. Selon la jurisprudence du Comité, l’auteur d’une communication doit se prévaloir de tous les recours internes, pour autant que ces recours semblent être utiles et lui soient ouverts de facto. De fait, les auteurs doivent utiliser toutes les voies de recours judiciaires ou administratives qui leur offrent des chances raisonnables d’obtenir réparation. L’État partie rappelle les différentes formes de réparation que permetla procédure devant le Conseil de la magistrature. Ce dernier a pour pratique d’accueillir les demandes dûment fondées, y compris les demandes d’indemnisation pour préjudice moral.

6.2En l’espèce, l’État partie n’a pas jugé bon de proposer un règlement amiable à l’auteur, car il l’avait expressément informé de la possibilité de saisir le Conseil de la magistrature. L’auteur ne s’est pas prévalu de cette possibilité.

6.3En outre, l’État partie rappelle qu’il a lancé un processus tendant à supprimer le système d’autorisation d’interjeter appel, dans le cadre de larefonte du Code de procédure pénale. Un projet de nouveau code de procédure pénale sera envoyé pour avisau Conseil d’État en 2020, et devrait probablement être soumis au Parlement fin 2020 ou début 2021. La procédure devant le Conseil de la magistrature a été introduite en attendant l’issue du processus législatif, compte tenu des constatations du Comité, notamment dans l’affaire Timmer c. Pays-Bas.

6.4Dans ses observations complémentaires en date du 26 février 2021, l’État partie maintient sa position selon laquelle la procédure en responsabilité civile devant le Conseil de la magistrature constitue un recours utile. Dans l’affaire Timmer c. Pays-Bas, qui est semblable à la présente affaire, le Comité a expressément déclaré qu’un recours utile consisterait à permettre un réexamen de la déclaration de culpabilité et de la condamnation par une juridiction supérieure ou la mise en œuvre de toute autre mesure propre à supprimer les effets préjudiciables causés à l ’ auteur, et à accorder à celui-ci une indemnisation adéquate [italiques ajoutés par l’État partie]. Dans des observations précédentes, l’État partie avait déjà indiqué que la procédure en responsabilité civile pouvait précisément permettre de faire disparaîtreles effets préjudiciables causés à l’auteur. L’État partie réaffirme que les personnes qui saisissent le Conseil de la magistrature peuvent obtenir le remboursement de l’amende qu’elles ont eu à payer, le remboursement des frais de justice liés à la demande d’autorisation d’interjeter appel, la suppression de la mention de l’infraction dans leur casier judiciaire et une indemnisation pour le préjudice moral subi. Cela représente un recours utile conforme à la jurisprudence du Comité.

6.5La jurisprudence du Comité dans les affaires Sabirova et consorts c. Ouzbékistan et S. Y. c. Pays-Bas n’est pas pertinente car celles-ci ne sont pas comparables à la présente affaire. Les mesures prises par l’État partie dans l’affaire Timmer c. Pays-Bas, qui étaient similaires à celles prévues dans le cadre de la procédure en responsabilité civile décrite plus haut, ont conduit le Comité à mettre fin au dialogue de suivi avec l’État partie en 2016, en concluant à une mise en œuvre satisfaisante de sa recommandation.

6.6L’État partie reconnaît que dans des cas comme celui de l’auteur, il n’existe actuellement aucun droit de recours au sens de l’article 14 (par. 5) du Pacte. Comme il l’a déjà indiqué, il a entrepris de remédier à cette lacune par la suppression du système d’autorisation d’interjeter appel, qui interviendra une fois que le nouveau code de procédure pénale sera entré en vigueur. L’adoption du nouveau code étant un processus qui prend du temps, l’État partie a mis en place la procédure en responsabilité civile à titre de mesure provisoire pour corriger cette situation. Cela est conforme au paragraphe 19 de l’observation générale no 31 (2004) du Comité, dans lequel celui-ci a dit que le droit à un recours utile pouvait dans certaines circonstances obliger l’État partie à prévoir et à appliquer des mesures provisoires ou conservatoires pour éviter la poursuite des violations et tenter de réparer au plus vite tout préjudice susceptible d’avoir été causé par de telles violations.

6.7La version finale du projet de nouveau code de procédure pénale a été établie en juillet 2020 et publiée sur le site Web de l’État partie. Dans le mémoire explicatif concernant le projet de loi, sous le titre 4.1 − « Recours contre les jugements définitifs », la suppression du système d’autorisation est longuement expliquée, avec des références au Pacte, aux constatations du Comité dans les affaires Mennen c. Pays-Bas et Timmer c. Pays ‑ Bas et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

6.8Les préparatifs de la mise en application du nouveau code de procédure pénale progressent bien. Les propositions de loi à cet effet sont en cours d’élaboration. La loi réglementera l’entrée en vigueur du nouveau code et se composera de plusieurs parties, dont celles contenant les dispositions transitoires et celles portant modification d’autres lois. L’adoption d’un nouveau code de procédure pénale est un projet législatif majeur, et c’est précisément pour cette raison qu’il est essentiel d’apporter le plus grand soin à sa mise en œuvre. Un comité externe indépendant a donc été créé aux fins de la mise en application du nouveau code. Ce comité, chargé d’élaborer une stratégie qui recueille un large soutien, a rendu son rapport en décembre 2020. Le 11 février 2021, le Gouvernement a transmis sa réponse audit rapport à la Chambre des représentants du Parlement.

6.9Les activités législatives susmentionnées et le rapport du comité externe devraient permettre au nouveau Gouvernement, qui entrera en fonction après les élections prévues pour mars 2021, de décider immédiatement du calendrier pour la soumission du nouveau code à la Chambre des représentants, des modalités de mise en application du code et de la suite à donner aux autres propositions formulées par le comité externe.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Néanmoins, le Comité note que, bien que l’auteur ait déclaré qu’il n’avait pas soumis de plainte à un autre organe international d’enquête ou de règlement, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu en octobre 2009 une décision d’irrecevabilité concernant une requête introduite par l’auteur le 3 juin 2008. Dans cette requête, l’auteur soulevait divers griefs relatifs à la déclaration de culpabilité et à l’amende qui font l’objet de la présente communication, affirmant notamment que son droit à un procès équitable avait été violé et que l’admission d’un appel faisait nécessairement partie des garanties d’uneprocédure régulière. Le Comité regrette que la déclaration de l’auteur, représenté par son conseil, selon laquelle il n’avait pas soumis de plainte à un autre organe international d’enquête ou de règlement, se soit révélée inexacte.

7.3Le Comité rappelle qu’il peut y avoir abus du droit de plainte si la communication est soumise plus de cinq ans après l’épuisement des recours internes par son auteur ou, selon le cas, plus de trois ans après l’achèvement d’une autre procédure internationale d’enquête ou de règlement. Conformément au paragraphe 99 (al. c)) du Règlement intérieur du Comité, une exception peut s’appliquer lorsqu’il existe des raisons justifiant le retard, compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire. En l’espèce, l’auteur a soumis la communication le 3 octobre 2016, soit près de sept ans après que la Cour européenne des droits de l’homme a rendu sa décision d’irrecevabilité le 13 octobre 2009. Le Comité prend note de la déclaration de l’auteur selon laquelle les recours internes ont été épuisés le 8 janvier 2008, lorsque le Président de la Cour d’appel d’Arnhem a rejeté sa demande d’autorisation de faire appel de la décision du juge de police du tribunal de district d’Arnhem (par. 2.7 et 2.8). L’auteur affirme ainsi avoir épuisé les recours internes plus de huit ans avant la soumission de sa communication. Le Comité est conscient du fait que le 14 mars 2012, l’auteur a formé un recours extraordinaire devant la Cour suprême, par lequel il a tenté de faire annuler les décisions de la juridiction inférieure, et que ce recours a été rejeté le 19 mars 2013. Il relève toutefois que le recours extraordinaire, formé plus de quatre ans après le prononcé de la décision de la Cour d’appel d’Arnhem, était une mesure discrétionnaire qui ne relevait pas de la chaîne normale des recours internes et que l’auteur savait très bien qu’il n’était pas possible de se pourvoir contre la décision de la Cour d’appel (par. 2.8). Le Comité estime donc que l’auteur n’était pas tenu d’épuiser ce recours aux fins de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif. Étant donné que l’auteur a soumis la communication plus de cinq ans après la date à laquelle il a épuisé les recours internes et plus de trois ans après le prononcé de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme, et qu’il n’a pas fourni d’explications justifiant ce retard, le Comité considère qu’il y a eu abus du droit de présenter une communication. Par conséquent, le Comité déclare la communication irrecevable au regard de l’article 3 du Protocole facultatif.

8.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard de l’article 3 du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.