Nations Unies

CCPR/C/135/D/3241/2018

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

11 janvier 2023

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par.4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 3241/2018 * , **

Communication présentée par :

Andrei Tolchin (représenté par un conseil, Leonid Sudalenko)

Victime(s) présumée(s) :

L’auteur

État partie :

Bélarus

Date de la communication :

12 mai 2017 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 92 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 12 septembre 2018

Date des constatations :

27 juillet 2022

Objet :

Condamnation à une amende pour participation à une réunion pacifique non autorisée ; liberté d’expression

Question(s) de procédure :

Épuisement des recours internes

Question(s) de fond :

Liberté de réunion ; liberté d’expression

Article(s) du Pacte :

2 (par. 2 et 3), 19 et 21

Article(s) du Protocole facultatif :

2 et 5 (par. 2 b))

1.L’auteur de la communication est Andrei Tolchin, de nationalité bélarussienne, né en 1949. Il affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient des articles 19 et 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, lus conjointement avec l’article 2 (par. 2 et 3). Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Bélarus le 30 décembre 1992. L’auteur est représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 21 mars 2017, l’auteur a publié sur sa page Facebook une invitation à participer à un rassemblement pacifique devant se tenir le 25 mars 2017 à midi, sur la place de l’Indépendance à Gomel, pour protester contre le décret présidentiel concernant la prévention de la dépendance sociale. L’auteur a alors été convoqué au Département des affaires intérieures du district Sovetsky de Gomel, où un procès-verbal a été dressé contre lui pour violation de l’article 23.34 (par. 1) du Code des infractions administratives.

2.2Le 24 mars 2017, le tribunal du district Sovetsky a établi qu’en invitant publiquement la population à participer à un rassemblement non autorisé, l’auteur avait enfreint les dispositions de la loi sur les manifestations de masse, commettant ainsi une infraction punie par l’article 23.34 (par. 1) du Code des infractions administratives. En conséquence, le tribunal du district Sovetsky a condamné l’auteur à huit jours de détention administrative. L’auteur n’a donc pas pu participer au rassemblement pacifique organisé le 25 mars 2017 puisqu’il était toujours en détention. Il a été libéré le 2 avril 2017.

2.3Le 27 mars 2017, l’auteur a fait appel de la décision devant le tribunal régional de Gomel, qui l’a débouté le 26 avril 2017.

2.4L’auteur soutient qu’il a épuisé les recours internes puisque, selon la jurisprudence du Comité, les procédures de contrôle de décisions de justice devenues exécutoires ne constituent pas un recours devant être épuisé aux fins de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur dénonce une violation des droits qu’il tient des articles 19 et 21 du Pacte, lus conjointement avec l’article 2 (par. 2 et 3), au motif que les autorités n’ont pas expliqué en quoi les restrictions imposées à son droit à la liberté d’expression et à son droit de réunion pacifique étaient nécessaires aux intérêts visés à l’article 19 (par. 3) et à la deuxième ligne de l’article 21 du Pacte, à savoir la sécurité nationale, la sûreté publique ou l’ordre public, la santé ou la moralité publiques ou les droits et libertés d’autrui. L’auteur considère donc que les restrictions et les sanctions qui lui ont été infligées étaient illégales et disproportionnées.

3.2Les autorités nationales ont considéré que l’article 23.24 du Code des infractions administratives primait le Pacte, et ce, à tort, puisque l’article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités dispose qu’une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne pour justifier le non-respect des dispositions d’un traité international. En outre, les tribunaux nationaux ont agi en violation de l’article 59 de la Constitution, qui leur fait obligation de prendre les mesures nécessaires pour protéger les droits et libertés individuels.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Par une note verbale du 12 novembre 2018, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication et a indiqué que, le 24 mars 2017, l’auteur avait été condamné par le tribunal du district Sovetsky pour avoir enfreint les dispositions de la loi sur les manifestations de masse régissant l’organisation des rassemblements, ce qui constituait une infraction punie par l’article 23.34 (par. 1) du Code des infractions administratives. Le jugement du tribunal de première instance a été confirmé en appel par le tribunal régional de Gomel le 26 avril 2017. L’État partie fait valoir que l’auteur n’a pas fait appel des décisions du tribunal régional de Gomel auprès du Procureur général ou du Président de la Cour suprême au titre de la procédure de contrôle et que, de ce fait, il n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles. Dans ces conditions, l’État partie conclut que l’auteur a soumis la communication en violation de l’article 2 du Protocole facultatif.

4.2L’État partie fait observer que les griefs de violation des articles 19 et 21 du Pacte, lus conjointement avec l’article 2 (par. 2 et 3), ne sont pas étayés. Il fait observer que les dispositions de la législation nationale qui consacrent le droit à la liberté de réunion pacifique et d’expression sont conformes à la Constitution du Bélarus et ne sont pas contraires aux normes internationales qui autorisent chaque État à introduire les restrictions aux droits et aux libertés qui sont nécessaires dans une société démocratique et qui sont dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public, de la santé ou la moralité publiques ou des droits et libertés d’autrui, comme le prévoient les articles 19 et 21 du Pacte.

4.3L’État partie fait également observer que les dispositions de sa loi sur les manifestations de masse, outre qu’elles réglementent l’organisation et la tenue des réunions, des rassemblements, des marches ou défilés, des piquets et autres manifestations collectives au Bélarus, visent à créer les conditions nécessaires à la réalisation des droits constitutionnels et des libertés des citoyens.

4.4L’État partie conteste l’argument de l’auteur selon lequel la procédure de contrôle ne constitue pas un recours utile et fait observer qu’en 2017, sur 3 766 recours introduits dans le cadre de cette procédure, 3 665 ont été admis pour examen.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Le 16 avril 2020, l’auteur a fait observer que la procédure de contrôle n’était pas une voie de recours utile parce qu’elle relevait de l’exercice de pouvoirs discrétionnaires reconnus aux procureurs et aux juges et n’entraînait pas l’examen de l’affaire sur le fond. Il a conclu que tous les recours internes disponibles et utiles avaient été épuisés en l’espèce.

5.2En ce qui concerne l’argument de l’État partie relatif au nombre d’affaires réexaminées au titre de la procédure de contrôle, l’auteur estime que celui-ci est sans fondement puisque l’État partie n’a pas précisé combien de ces affaires concernaient l’exercice par les citoyens de leurs droits à la liberté d’expression et de réunion.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité prend note des observations de l’État partie, qui laissent entendre que l’auteur n’a pas épuisé les voies de recours internes qui lui étaient ouvertes car les demandes de réexamen qu’il a introduites au titre de la procédure de contrôle n’ont pas été examinées par le Procureur général ni par le Président de la Cour suprême. Le Comité prend également note de l’argument de l’auteur selon lequel la procédure de contrôle est une procédure discrétionnaire qui ne constitue pas un recours utile devant être épuisé. À cet égard, le Comité renvoie à sa jurisprudence et rappelle que l’introduction auprès du ministère public d’une demande de contrôle d’une décision judiciaire ayant force de chose jugée constitue un recours extraordinaire, dont l’issue relève du pouvoir discrétionnaire du procureur, et qu’elle ne fait donc pas partie des recours à épuiser aux fins de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif. Le Comité considère également que saisir le Président d’un tribunal d’une demande de contrôle d’une décision judiciaire ayant force de chose jugée, demande dont l’issue relève du pouvoir discrétionnaire d’un juge, constitue un recours extraordinaire, et que l’État partie doit montrer qu’il existe une possibilité raisonnable qu’une telle demande constitue un recours utile dans les circonstances de l’espèce. Sur ce point, l’État partie note qu’en 2017, sur les 3 766 recours introduits dans le cadre de la procédure de contrôle, 3 665 ont été admis pour examen (par. 4.4 ci-dessus). Cependant, il n’a pas précisé combien de ces affaires concernaient l’exercice des droits à la liberté d’expression et de réunion. En l’absence d’explications complémentaires de l’État partie, le Comité considère qu’en l’espèce, les dispositions de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif ne font pas obstacle à l’examen de la présente communication, en ce qui concerne les griefs que l’auteur tire des articles 19 et 21 du Pacte, lus seuls et conjointement avec l’article 2 (par. 2 et 3).

6.4Le Comité prend note de l’affirmation de l’auteur selon laquelle l’État partie a violé les droits qu’il tient des articles 19 et 21 du Pacte, lus conjointement avec l’article 2 (par. 2). Ilrappelle que, dans une communication soumise en vertu du Protocole facultatif, les dispositions de l’article 2 ne peuvent pas être invoquées en conjonction avec d’autres articles du Pacte, sauf lorsque le non-respect par l’État partie des obligations que lui impose cet article est la cause immédiate d’une violation distincte du Pacte portant directement préjudice à la personne qui se dit victime. Le Comité constate toutefois que l’auteur a déjà allégué une violation des droits qu’il tient des articles 19 et 21, qui résulterait de l’interprétation et de l’application des lois en vigueur dans l’État partie, et il considère que l’examen d’un manquement aux obligations générales découlant pour l’État partie de l’article 2 (par. 2) du Pacte, lu conjointement avec les articles 19 et 21, n’est pas distinct de l’examen portant sur la violation susmentionnée des droits que l’auteur tient des articles 19 et 21 du Pacte. En conséquence, le Comité considère que les griefs soulevés par l’auteur à cet égard sont incompatibles avec l’article 2 du Pacte et donc irrecevables au regard de l’article 3 du Protocole facultatif.

6.5Le Comité prend note également des griefs que l’auteur tire des articles 19 et 21 du Pacte, lus conjointement avec l’article 2 (par. 3). En l’absence d’autres informations pertinentes dans le dossier, il considère que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ces griefs aux fins de la recevabilité. En conséquence, il déclare cette partie de la communication irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.6Enfin, le Comité constate que les griefs formulés par l’auteur soulèvent des questions au regard des article 19 et 21 du Pacte. Il considère que ces griefs ont été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et passe à leur examen au fond.

Examen au fond

7.1Conformément à l’article 5 (par. 1) du Protocole facultatif, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

7.2Le Comité prend note des griefs de l’auteur selon lesquels ses droits à la liberté d’expression et de réunion ont été restreints, en violation des articles 19 et 21 du Pacte, car il a été condamné à une peine de détention administrative pour avoir publié une invitation à un rassemblement pacifique visant à protester contre le décret présidentiel concernant la prévention de la dépendance sociale. Il note également que, selon l’auteur, les autorités n’ont pas expliqué en quoi les restrictions imposées à ses droits étaient nécessaires aux intérêts visés à l’article 19 (par. 3) et à la deuxième phrase de l’article 21 du Pacte, à savoir la sécurité nationale, la sûreté publique ou l’ordre public, la santé ou la moralité publiques ou les droits et libertés d’autrui, et que de ce fait, toujours selon l’auteur, les restrictions et la sanction infligée étaient illégales et disproportionnées.

7.3Le Comité note que selon l’auteur, le droit à la liberté de réunion pacifique qu’il tient de l’article 21 du Pacte a été violé puisqu’il a été traduit devant les juridictions internes et condamné à huit jours de détention administrative pour avoir publiquement invité la population à participer à un rassemblement pacifique devant se tenir le 25 mars 2017. LeComité rappelle avoir dit, dans son observation générale no 37 (2020), que les réunions pacifiques peuvent en principe être organisées en tout lieu accessible au public ou auquel le public devrait avoir accès, comme les places publiques et la voie publique (par. 55). Elles ne devraient pas être reléguées dans des endroits isolés où elles ne peuvent pas attirer l’attention de ceux à qui elles s’adressent ou du grand public. En règle générale, il ne peut être imposé d’interdictions générales d’organiser des rassemblements en tous lieux de la capitale, en tous lieux publics à l’exception d’un lieu unique en ville ou en dehors du centre-ville, ou sur l’ensemble de la voie publique d’une ville.

7.4Le Comité rappelle que le droit à la liberté de réunion pacifique, garanti par l’article 21 du Pacte, est un droit de l’homme fondamental qui est essentiel à l’expression publique des points de vue et opinions de chacun et est indispensable dans une société démocratique. L’article 21 du Pacte protège les réunions pacifiques, qu’elles se déroulent, partiellement ou intégralement, à l’extérieur, à l’intérieur ou en ligne, en public ou en privé. Ces réunions peuvent prendre de nombreuses formes, notamment celles de manifestations, protestations, rassemblements, défilés, sit-in, veillées à la bougie et mobilisations éclair. Elles sont protégées au titre de l’article 21 qu’elles soient statiques, comme les piquets, ou mobiles, comme les défilés ou les marches. Les organisateurs d’un rassemblement ont, en principe, le droit de choisir un lieu à portée de vue et de voix du public cible et l’exercice de ce droit ne peut faire l’objet que des seules restrictions : a) imposées conformément à la loi ; et b) nécessaires dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui. Lorsqu’un État partie impose des restrictions au droit à la liberté de réunion pacifique des particuliers afin de le concilier avec les intérêts généraux susmentionnés, il doit chercher à faciliter l’exercice de ce droit, et non s’employer à le restreindre par des moyens qui ne sont ni nécessaires ni proportionnés. Il est donc tenu de justifier la limitation du droit garanti par l’article 21 du Pacte.

7.5En l’espèce, le Comité doit déterminer si les restrictions imposées au droit à la liberté de réunion pacifique de l’auteur sont justifiées au regard de l’un quelconque des critères énoncés dans la deuxième phrase de l’article 21 du Pacte. D’après les informations disponibles dans le dossier, l’auteur a été condamné par le tribunal du district Sovetskiy de Gomel à huit jours de détention administrative pour avoir posté sur sa page Facebook une annonce invitant la population à participer à un rassemblement pacifique, en violation des dispositions de la loi sur les manifestations de masse. Le Comité constate cependant que les tribunaux nationaux n’ont pas justifié leur décision ni expliqué en quoi, dans la pratique, l’invitation de l’auteur à participer à la manifestation pacifique aurait porté atteinte aux intérêts visés à l’article 21 du Pacte, à savoir la sécurité nationale, la sûreté publique ou l’ordre public, la santé ou la moralité publiques ou les droits et libertés d’autrui. L’État partie se contente de mentionner le fait que les dispositions de la loi sur les manifestations de masse, outre qu’elles réglementent l’organisation et la tenue des réunions, des rassemblements, des marches ou des défilés, des piquets et autres manifestations collectives au Bélarus, visent à créer les conditions nécessaires à la réalisation des droits constitutionnels et des libertés des citoyens (par. 4.3 ci-dessus), mais n’explique pas en quoi, en l’espèce, l’invitation de l’auteur à participer à un rassemblement pacifique, affichée sur sa page Facebook, a porté atteinte aux droits constitutionnels des citoyens ou à leurs libertés. L’État partie n’a pas non plus montré que d’autres mesures avaient été prises pour faciliter l’exercice des droits que l’auteur tient de l’article 21.

7.6L’État partie n’ayant pas donné d’autres explications sur cette question, le Comité conclut qu’il a violé les droits garantis à l’auteur par l’article 21 du Pacte.

7.7Le Comité note également que l’auteur affirme que son droit à la liberté d’expression a été restreint illégalement puisqu’il a été déclaré coupable d’une infraction administrative et condamné à huit jours de détention administrative pour avoir invité la population à un rassemblement pacifique visant à protester contre le décret présidentiel concernant la prévention de la dépendance sociale, dans la ville de Gomel. Le Comité doit donc déterminer si la sanction que les autorités ont infligée à l’auteur pour avoir invité la population à un rassemblement pacifique visant à exprimer une opinion constitue une violation de l’article 19 du Pacte.

7.8Le Comité renvoie à son observation générale no 34 (2011), dans laquelle il affirme notamment que la liberté d’expression est essentielle pour toute société et constitue le fondement de toute société libre et démocratique. Il fait observer que l’article 19 (par. 3) du Pacte autorise l’application de restrictions à la liberté d’expression, y compris à la liberté de répandre des informations et des idées, dans la seule mesure où ces restrictions sont fixées par la loi et sont nécessaires : a) au respect des droits ou de la réputation d’autrui ; b) à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques. Enfin, les restrictions imposées à la liberté d’expression ne doivent pas avoir une portée trop large : elles doivent constituer le moyen le moins perturbateur parmi ceux qui pourraient permettre d’obtenir le résultat recherché et doivent être proportionnées à l’intérêt à protéger. Le Comité rappelle que c’est à l’État partie qu’il incombe de démontrer que les restrictions apportées aux droits que l’auteur tient de l’article 19 du Pacte étaient nécessaires et proportionnées.

7.9Le Comité fait observer que le fait de condamner l’auteur à une peine de détention administrative pour avoir posté sur sa page Facebook une invitation à un rassemblement pacifique, même non autorisé, dans le but d’exprimer une opinion soulève de sérieux doutes quant à la nécessité et à la proportionnalité des restrictions imposées aux droits que l’auteur tient de l’article 19 du Pacte. Il constate sur ce point que l’État partie n’a invoqué aucun des motifs précis justifiant la nécessité de telles restrictions, énoncés à l’article 19 (par. 3) du Pacte. L’État partie n’a pas non plus montré que les mesures choisies constituaient le moyen le moins perturbateur d’obtenir le résultat recherché ou qu’elles étaient proportionnées à l’intérêt à protéger. Le Comité considère que, dans les circonstances de l’espèce, les restrictions imposées à l’auteur, bien que fondées en droit interne, n’étaient pas justifiées au regard des dispositions de l’article 19 (par. 3) du Pacte. Il conclut par conséquent qu’il y a eu violation des droits que l’auteur tient de l’article 19 du Pacte.

8.Le Comité, agissant en vertu de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie des droits que l’auteur tient des articles 19 et 21 du Pacte.

9.Conformément à l’article 2 (par. 3 a)) du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile. Il a l’obligation d’accorder une réparation intégrale aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. En conséquence, l’État partie est tenu, entre autres, d’accorder à l’auteur une indemnisation adéquate et de lui rembourser les amendes et tous les frais de justice qu’il a engagés. Il est également tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour que des violations analogues ne se reproduisent pas. À cet égard, le Comité fait observer qu’il a déjà examiné, dans un certain nombre de communications antérieures, des affaires similaires concernant les mêmes lois et pratiques de l’État partie et que, de ce fait, celui-ci devrait réviser son cadre normatif relatif aux manifestations publiques, conformément à l’obligation que lui fait l’article 2 (par. 2) du Pacte, afin de garantir la pleine jouissance des droits consacrés par les articles 19 et 21 du Pacte sur son territoire.

10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsque la réalité d’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans ses langues officielles.