Nations Unies

CCPR/C/134/D/2755/2016

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

17 mai 2022

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2755/2016 * , **

Communication présentée par :

Yury Belsky (non représenté par un conseil)

Victime(s) présumée(s) :

L’auteur

État partie :

Bélarus

Date de la communication :

28 janvier 2016 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise en application de l’article 92 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 23 mars 2016 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations:

24 mars 2022

Objet :

Refus des autorités d’autoriser la tenue de réunions ; liberté d’expression

Question ( s ) de procédure :

Épuisement des recours internes

Question ( s ) de fond :

Procès équitable ; liberté de réunion ; liberté d’expression

Article(s) du Pacte :

14 (par. 1), 19 (par. 2) et 21

Article(s) du Protocole facultatif:

2, 3 et 5 (par. 2 b))

1.L’auteur de la communication est Yury Belsky, de nationalité bélarussienne, né en 1965. Il affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient des articles 14 (par. 1), 19 (par. 2) et 21 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Bélarus le 30 décembre 1992. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 4 décembre 2014, l’auteur a présenté au département de police du district, à l’hôpital central et au Conseil d’entretien des logements et des services publics de Polotsk des demandes en vue d’obtenir la fourniture de services pendant et après un piquet pacifique qui devait se tenir le 30 décembre 2014. Les trois entités ont rejeté ces demandes pour un certain nombre de raisons. L’hôpital central a répondu que la fourniture de services médicaux payants lors de manifestations de masse était régie par une résolution du Conseil des ministres du Bélarus et qu’il n’était, par conséquent, pas en mesure de fournir de tels services. Le Conseil d’entretien des logements et des services publics de Polotsk a refusé son concours en raison d’activités de réaménagement de quartier, tandis que le département de police du district a rejeté la demande en raison des manifestations de masse prévues à l’occasion des célébrations du Nouvel An et de Noël.

2.2Le 15 décembre 2014, l’auteur a demandé au Comité exécutif du district de Polotsk l’autorisation d’organiser un piquet pacifique le 30 décembre 2014, afin de recueillir des signatures en faveur de la création d’une association publique de protection des droits des consommateurs. Le piquet devait se tenir à proximité du cinéma « Rodina », lieu que le Comité exécutif avait précédemment expressément défini comme l’endroit de la ville où pouvaient être organisés des rassemblements pacifiques.

2.3Le 24 décembre 2014, le Comité exécutif du district a refusé d’autoriser la tenue du piquet parce que l’auteur n’avait pas obtenu, comme l’exige la décision no 167 du 15 mars 2013 relative aux manifestations de masse, l’appui du département de police du district pour le maintien de la sécurité et de l’ordre public, et celui de l’hôpital central de Polotsk pour la fourniture de services médicaux pendant le piquet.

2.4Le 15 janvier 2015, l’auteur a contesté la décision du Comité exécutif du district devant le tribunal du district de Polotsk, dénonçant une violation de ses droits à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique, tels qu’ils sont garantis par la Constitution du Bélarus et par les articles 19 et 21 du Pacte. Le 9 février 2015, le tribunal a jugé que la décision du Comité exécutif était conforme aux dispositions de la loi sur les manifestations de masse et a rejeté le recours.

2.5Le 9 mars 2015, l’auteur a saisi la cour régionale de Vitebsk d’un recours en cassation contre la décision du tribunal du district de Polotsk ; ce recours a été rejeté le 9 avril 2015.

2.6L’auteur a introduit des demandes de réexamen au titre de la procédure de contrôle devant le Président du tribunal régional de Vitebsk le 9 juillet 2015, et devant le Président de la Cour suprême le 16 septembre 2015 ; il a été débouté de ses demandes respectivement les 3 août et 2 novembre 2015.

2.7L’auteur affirme qu’il a épuisé tous les recours internes disponibles et utiles.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur soutient que ses droits à la liberté d’expression et à la liberté de réunion ont été restreints, en violation des articles 19 (par. 2) et 21 du Pacte, en ce qu’il s’est vu refuser l’autorisation d’organiser un piquet pacifique pour recueillir des signatures en faveur de la création d’une association publique de protection des droits des consommateurs.

3.2L’auteur dénonce également une violation de l’article 14 (par. 1) du Pacte, faisant observer que les tribunaux ont fait preuve d’iniquité, de partialité et d’incompétence, et que leurs décisions ont été influencées par le pouvoir exécutif, en violation des obligations internationales du Bélarus.

3.3L’auteur prie le Comité de recommander à l’État partie de mettre sa législation relative à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique en conformité avec les normes internationales énoncées aux articles 19 et 21 du Pacte, d’empêcher que de telles violations ne se reproduisent et de lui accorder une réparation financière et morale adéquate.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une note verbale du 10 août 2016, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond ; il signale que, le 24 décembre 2016, le Comité exécutif du district de Polotsk a rejeté la demande de l’auteur d’organiser un piquet au motif qu’il n’avait pas respecté les dispositions de la loi sur les manifestations de masse régissant la tenue de manifestations publiques. À cet égard, il fait observer que l’auteur n’a pas fourni de contrats signés avec les prestataires de services municipaux chargés d’assurer, respectivement, des services médicaux pendant la manifestation et le nettoyage des lieux après celle-ci. Il explique que les prestataires de services municipaux n’étaient pas en mesure d’apporter leur concours parce qu’ils étaient occupés par des manifestations liées aux célébrations du Nouvel An et de Noël.

4.2L’État partie fait observer que les dispositions de la législation nationale sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’expression sont conformes à la Constitution de la République du Bélarus et ne sont pas contraires aux articles 19 et 21 du Pacte qui permettent à chaque État d’introduire les restrictions à ces droits et à ces libertés qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et les libertés d’autrui.

4.3L’État partie fait également observer que la décision du Comité exécutif du district a été confirmée par le tribunal de district de Polotsk le 9 février 2015 et que le recours introduit par l’auteur contre cette décision a également été rejeté par le tribunal régional de Vitebsk le 9 avril, tout comme l’ont été les demandes introduites par l’auteur au titre de la procédure de contrôle.

4.4En ce qui concerne la recevabilité de la communication, l’État partie fait observer que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes disponibles puisqu’il n’a pas saisi la Cour suprême ni le Bureau du Procureur d’une demande de réexamen au titre de la procédure de contrôle.

4.5Enfin, concernant l’efficacité de la procédure de contrôle, l’État partie fait remarquer qu’au premier semestre 2016, sur les 984 demandes de réexamen par la Cour suprême qui avaient été introduites au titre de cette procédure, 111 ont été accueillies.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Le 9 décembre 2016, l’auteur, rappelant la jurisprudence du Comité, a fait observer que les restrictions imposées à sa liberté de réunion étaient fondées sur des dispositions de droit interne et comprenaient la lourde exigence d’obtenir trois engagements écrits distincts de trois services administratifs différents, ce qui rendait illusoire son droit de manifester.

5.2L’auteur se réfère en outre à des constatations adoptées par le Comité dans lesquelles celui‑ci a rappelé que, lorsqu’un État partie impose des restrictions dans le but de concilier le droit de réunion d’un particulier avec l’intérêt général mentionné ci-dessus, il devrait chercher à faciliter l’exercice de ce droit et non s’employer à le restreindre par des moyens qui ne sont ni nécessaires ni proportionnés. Toute restriction de l’exercice du droit de réunion pacifique doit répondre aux critères stricts de nécessité et de proportionnalité.

5.3S’agissant des observations de l’État sur le réexamen au titre de la procédure de contrôle, l’auteur indique qu’il a, dans le cadre de cette procédure, fait appel des décisions rendues en saisissant le Président de la Cour suprême du Bélarus mais que ce recours a été rejeté par le Vice-Président. Dans ce contexte, il fait valoir que l’État partie n’a pas précisé auquel des cinq Vice-Présidents il aurait dû adresser son recours pour qu’il soit examiné par le Président de la Cour. Il indique que, faute d’explication de l’État partie sur ce point, il ne considère pas la demande de réexamen au titre de la procédure de contrôle comme un recours utile.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel l’auteur n’a pas demandé de réexamen par le Président de la Cour suprême ou par le Bureau du Procureur des décisions des tribunaux internes. À cet égard, il considère que le dépôt auprès du président d’un tribunal d’une demande au titre de la procédure de contrôle visant des décisions judiciaires devenues exécutoires, dont l’issue dépend du pouvoir discrétionnaire d’un juge, constitue un recours extraordinaire et que l’État partie doit montrer qu’il y a des chances raisonnables qu’une telle demande assurerait un recours utile dans les circonstances de l’espèce. Il prend note en outre de l’argument de l’auteur qui affirme qu’il a bel et bien fait appel, sans succès, de ces décisions dans le cadre de la procédure de contrôle, auprès du Président du tribunal régional de Vitebsk et du Président de la Cour suprême du Bélarus, et qu’il a fourni tous les éléments pertinents à cet égard. Le Comité renvoie à sa jurisprudence et rappelle que la procédure de contrôle des décisions judiciaires passées en force de chose jugée constitue un recours extraordinaire, subordonné au pouvoir discrétionnaire du procureur, et qu’elle ne fait pas partie des recours à épuiser aux fins de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif. Il observe que, en l’espèce, l’auteur a épuisé tous les recours internes disponibles, ainsi que la procédure de contrôle, et considère donc que les dispositions de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif ne l’empêchent pas d’examiner la présente communication.

6.4Le Comité prend note de l’affirmation de l’auteur selon laquelle les droits qu’il tient de l’article 14 (par. 1) du Pacte ont été violés parce que les juridictions internes ont fait preuve d’iniquité, de partialité et d’incompétence, et que leurs décisions ont été influencées par le pouvoir exécutif. Toutefois, en l’absence d’autres éléments d’information pertinents sur ce point dans le dossier, le Comité considère que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ce grief aux fins de la recevabilité. En conséquence, il conclut que cette partie de la communication est irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.5Enfin, le Comité note que les autres griefs formulés par l’auteur soulèvent des questions au regard des articles 19 (par. 2) et 21 du Pacte. Il considère que ces griefs ont été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et passe à leur examen au fond.

Examen au fond

7.1Conformément à l’article 5 (par. 1) du Protocole facultatif, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

7.2Le Comité prend note des griefs de l’auteur, qui soutient que ses droits à la liberté d’expression et à la liberté de réunion ont été restreints, en violation des articles 19 (par. 2) et 21 du Pacte, en ce qu’il s’est vu refuser l’autorisation d’organiser un piquet pacifique pour recueillir des signatures en faveur de la création d’une association publique de protection des droits des consommateurs. Le Comité considère que la question dont il est saisi est celle de savoir si l’interdiction de tenir un piquet public imposée à l’auteur par le Comité exécutif du district de Polotsk constitue une violation des droits qu’il tient des articles 19 et 21 du Pacte.

7.3Le Comité prend note du grief de l’auteur qui affirme que son droit à la liberté de réunion pacifique a été restreint illégalement, en ce qu’on ne lui a pas accordé les services et l’autorisation nécessaires à la tenue d’un piquet pacifique destiné à recueillir des signatures en faveur de la création d’une association publique de protection des droits des consommateurs. Il doit donc déterminer si l’interdiction d’organiser une réunion pacifique à cette fin d’expression, que les autorités du district ont imposée à l’auteur, constitue une violation de l’article 21 du Pacte.

7.4Dans son observation générale no 37 (2020), le Comité indique que les réunions pacifiques peuvent en principe être organisées en tout lieu accessible au public ou auquel le public devrait avoir accès, comme les places publiques et la voie publique. Elles ne devraient pas être reléguées dans des endroits isolés où elles ne peuvent pas attirer l’attention de ceux à qui elles s’adressent ou du grand public. En règle générale, il ne peut être imposé d’interdictions générales d’organiser des rassemblements en tous lieux de la capitale, en tous lieux publics à l’exception d’un lieu unique en ville ou en dehors du centre-ville, ou sur l’ensemble de la voie publique d’une ville. Le Comité relève en outre qu’exiger des participants ou des organisateurs qu’ils assurent l’encadrement et le maintien de l’ordre et la fourniture de soins médicaux pendant les rassemblements pacifiques ou le nettoyage du site après la réunion ou tous autres services publics connexes et qu’ils en assument les coûts n’est généralement pas compatible avec l’article 21.

7.5Le Comité rappelle que le droit de réunion pacifique, garanti par l’article 21 du Pacte, est un droit de l’homme fondamental qui est essentiel à l’expression publique des points de vue et opinions de chacun et est indispensable dans une société démocratique. L’article 21 du Pacte protège les réunions pacifiques, qu’elles se déroulent à l’extérieur, à l’intérieur ou en ligne, dans l’espace public ou dans des lieux privés, ou qu’elles combinent plusieurs de ces modalités. Ces réunions peuvent prendre de nombreuses formes, à savoir notamment celles de manifestations, protestations, rassemblements, défilés, sit-in, veillées à la bougie et mobilisations éclair. Elles sont protégées au titre de l’article 21, qu’elles soient statiques, comme les piquets, ou mobiles, comme les défilés ou les marches. Les organisateurs d’une réunion ont en règle générale le droit de choisir un lieu qui soit à portée de vue et d’ouïe du public ciblé, et l’exercice de ce droit ne peut faire l’objet que des seules restrictions a) imposées conformément à la loi et b) nécessaires dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale ou de la sûreté publique, de l’ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques ou les droits et libertés d’autrui. Lorsqu’ils imposent des restrictions au droit de réunion des particuliers afin de concilier ce droit avec l’intérêt général, les États parties doivent chercher à faciliter l’exercice de ce droit et non s’employer à le restreindre par des moyens qui ne sont ni nécessaires ni proportionnés. L’État partie est donc tenu de justifier la restriction du droit garanti à l’article 21 du Pacte.

7.6En l’espèce, le Comité doit déterminer si les restrictions imposées au droit de réunion pacifique de l’auteur, même si le piquet pacifique devait se tenir à proximité d’un lieu précédemment expressément défini par le Comité exécutif municipal comme l’endroit de la ville où pouvaient être organisés des rassemblements pacifiques, sont justifiées au regard de l’un quelconque des critères énoncés dans la deuxième phrase de l’article 21 du Pacte. Il ressort des éléments figurant au dossier que la demande d’autorisation déposée par l’auteur en vue de la tenue d’un piquet pacifique a été rejetée parce qu’il n’avait pas fourni de contrats signés avec les prestataires de services municipaux concernés chargés d’assurer des services médicaux pendant la manifestation et le nettoyage des lieux après celle-ci. Dans ce contexte, le Comité constate que ni le Comité exécutif du district de Polotsk ni les tribunaux internes n’ont justifié leur décision ou expliqué en quoi, dans la pratique, le piquet que l’auteur souhaitait organiser aurait menacé les intérêts visés à l’article 21 du Pacte, à savoir la sécurité nationale ou la sûreté publique, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques ou les droits et libertés d’autrui. L’État partie n’a pas non plus montré que d’autres mesures avaient été prises pour faciliter l’exercice des droits que l’auteur tient de l’article 21.

7.7L’État partie n’ayant pas donné d’autres explications sur cette question, le Comité conclut qu’il a violé les droits garantis à l’auteur par l’article 21 du Pacte.

7.8Le Comité prend note aussi du grief de l’auteur qui affirme que son droit à la liberté d’expression a été restreint illégalement, en ce qu’on lui a refusé l’autorisation de tenir un piquet pacifique pour recueillir des signatures en faveur de la création d’une association publique de protection des droits des consommateurs. Il doit donc déterminer si l’interdiction d’organiser une réunion pacifique à cette fin d’expression, que les autorités du district ont imposée à l’auteur, constitue une violation de l’article 19 du Pacte.

7.9Le Comité renvoie à son observation générale no 34 (2011), dans laquelle il affirme notamment que la liberté d’expression est essentielle pour toute société et constitue le fondement de toute société libre et démocratique. Il fait observer que l’article 19 (par. 3) du Pacte autorise l’application de certaines restrictions à la liberté d’expression, y compris à la liberté de diffuser des informations et des idées, pour autant que ces restrictions soient expressément fixées par la loi et soient nécessaires a) au respect des droits ou de la réputation d’autrui ou b) à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques. Enfin, les restrictions imposées à la liberté d’expression ne doivent pas avoir une portée trop large : elles doivent constituer le moyen le moins perturbateur parmi ceux qui pourraient permettre d’obtenir le résultat recherché et doivent être proportionnées à l’intérêt à protéger. Le Comité rappelle qu’il incombe à l’État partie de démontrer que les restrictions imposées aux droits que l’auteur tient de l’article 19 du Pacte étaient nécessaires et proportionnées.

7.10Le Comité fait observer que le fait de limiter la tenue de piquets à certains emplacements désignés à l’avance ne semble pas répondre aux critères de nécessité et de proportionnalité énoncés à l’article 19 du Pacte. En l’espèce, le piquet pacifique devait se tenir à proximité du cinéma « Rodina », lieu que le Comité exécutif municipal avait précédemment expressément défini l’endroit de la ville ou pouvaient être organisés des rassemblements pacifiques (par. 2.2supra). Néanmoins, malgré cela, le Comité exécutif du district a refusé d’autoriser la tenue du piquet, car l’auteur n’avait pas obtenu l’appui nécessaire des prestataires de services municipaux (par. 2.3supra). Le Comité relève que ni l’État partie ni les juridictions internes n’ont expliqué en quoi la restriction imposée était nécessaire en vue d’un but légitime, constituait le moyen le moins perturbateur parmi ceux qui pouvaient permettre d’obtenir le résultat recherché et était proportionnée à l’intérêt à protéger. Le Comité considère que, dans les circonstances de l’espèce, les restrictions imposées à l’auteur, bien que fondées sur le droit interne, n’étaient pas justifiées au regard de l’article 19 (par. 3) du Pacte. En l’absence d’autres éléments d’information ou d’explication de la part de l’État partie, il conclut que les droits que l’auteur tient de l’article 19 du Pacte ont été violés.

8.Le Comité, agissant en vertu de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie des droits que l’auteur tien des articles 19 et 21 du Pacte.

9.Conformément à l’article 2 (par. 3 a)) du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile et une réparation effective. Il a l’obligation d’accorder une réparation intégrale aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. En conséquence, il est tenu, entre autres, d’accorder à l’auteur une indemnisation adéquate. Il est également tenu de veiller à ce que de telles violations ne se reproduisent pas. À cet égard, le Comité fait observer qu’il a déjà examiné, dans un certain nombre de communications antérieures, des affaires similaires concernant les mêmes lois et pratiques de l’État partie et que celui-ci devrait réviser son cadre normatif relatif aux manifestations publiques, conformément à l’obligation qui lui incombe au titre de l’article 2 (par. 2), afin de garantir la pleine jouissance des droits consacrés par les articles 19 et 21 du Pacte sur son territoire.

10.Ayant à l’esprit qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles‑ci publiques et à les diffuser largement dans ses langues officielles.