Nations Unies

CCPR/C/132/D/3038/2017

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

2 mars 2022

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 3038/2017*, **

Présentée par :

A. L. (représenté par un conseil, Lyudmila Romanenko)

Victime(s) présumée(s) :

L’auteur

État partie :

Fédération de Russie

Date de la communication :

14 février 2017 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 92 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 10 novembre 2017 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision :

23 juillet 2021

Objet :

Arrestation illégale de l’auteur ; torture et procès inéquitable

Question(s) de procédure :

Épuisement des recours internes

Question(s) de fond :

Arrestation et détention arbitraires ; torture ; peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant ; droit à un procès équitable ; procès équitable − témoins

Article(s) du Pacte :

7, 9 (par. 1 à 5) et 14 (par. 1 et 3 e))

Article(s) du Protocole facultatif :

2 et 5 (par. 2 b))

1.L’auteur de la communication est A. L., de nationalité russe, né en 1971. Il affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient des articles 7, 9 (par. 1 à 5) et 14 (par. 1 et 3 e)) du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 1er janvier 1992. L’auteur est représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur dit qu’il a été arrêté par la police le 12décembre 2013 et placé dans un centre de détention temporaire, où il est resté jusqu’au 20décembre 2013, date à laquelle il a été inculpé de meurtre. Pendant cette période, il a été soumis à des pressions psychologiques et physiques visant à lui faire avouer qu’il avait commis un crime. Il explique qu’il était effrayé, et que pendant les interrogatoires on le menaçait et le frappait à coups de pied sur la tête ou le corps. Il ne pouvait pas informer ses proches ou quiconque des actes illégaux commis par la police. Les policiers l’ont averti qu’ils le tueraient s’il refusait de signer des aveux et qu’en tout état de cause, personne ne savait où il se trouvait. L’auteur a écrit et signé des aveux sous la contrainte, sachant que leur teneur était fausse, juste pour éviter d’être battu à nouveau. Ilaexpliqué cela devant le tribunal régional de l’Amour, mais le président dudit tribunal a conduit le procès de manière accusatoire et a pleinement soutenu la position du ministère public.

2.2L’auteur indique également que le 22 décembre 2013, le tribunal municipal de Tynda l’a placé en détention provisoire. Le 5 mai 2015, le tribunal régional de l’Amour l’a déclaré coupable du meurtre de quatre personnes et l’a condamné à la réclusion à perpétuité dans un établissement pénitentiaire à régime spécial. Le tribunal a retenu le 17 décembre 2013 comme date de son arrestation. L’auteur a formé un recours devant la Cour suprême les 13 mai et 18 juin 2015, où il affirmait que la décision du tribunal de première instance était illégale, en particulier en ce que le tribunal avait retenu comme élément de preuve ses aveux obtenus par la contrainte et alors qu’il était détenu illégalement par la police. Le 11 août 2015, la Cour suprême a rejeté le recours. Elle a indiqué à cet égard que l’auteur avait signé ses aveux en présence d’un avocat, qu’il n’avait pas porté plainte contre la police pendant l’enquête et que le fait qu’il était détenu depuis le 17 décembre 2013 avait été pris en compte dans le calcul de sa peine.

2.3L’auteur a saisi la Cour suprême d’un recours en cassation le 28 juillet 2016, dont il a été débouté le 26 octobre 2016. Le 23 novembre 2016, il a présenté à la Cour suprême une demande de réexamen au titre de la procédure de contrôle, qui a été rejetée le 9 décembre 2016.

2.4Le 25 novembre 2016, l’auteur a formé un recours auprès du tribunal régional de l’Amour, dans lequel il soulignait que sa détention effective avait commencé le 12 décembre 2013 et non le 17 décembre 2013, et que sa condamnation devait donc être revue. En réponse, à une date non précisée, le tribunal a expliqué que rien dans le dossier ne venait confirmer les affirmations de l’auteur concernant la date de son arrestation.

2.5L’auteur indique en outre que le 17 février 2016, il a engagé une action civile auprès du tribunal municipal de Tynda, par laquelle il réclamait des dommages-intérêts pour sa détention illégale et les mauvaises conditions de détention dans le centre de détention temporaire. Le 24 mai 2016, le tribunal de la ville de Tynda a examiné l’affaire en l’absence des parties. Le tribunal a rejeté le recours, soulignant que l’auteur n’avait pas apporté d’éléments de preuve à l’appui de ses griefs et que rien dans le dossier ne venait étayer ses allégations de détention illégale. Le 8 août 2016, l’auteur a formé un nouveau recours auprès du tribunal régional de l’Amour, qui a été rejeté le 21 septembre 2016 au motif qu’il avait été introduit hors délai.

2.6L’auteur affirme qu’il a épuisé tous les recours internes disponibles. Il demande au Comité de conclure qu’il y a eu violation de ses droits et de fixer une indemnisation adéquate en réparation du préjudice qu’il a subi.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme qu’il a été placé en détention par la police le 12 décembre 2013 au centre de détention temporaire de Tynda, sans motif ni fondement, sans que son arrestation soit enregistrée et sans avoir été inculpé, en violation de l’article 9 (par. 1 à 5) du Pacte. En fait, le procès-verbal de son arrestation n’a été dressé que le 20 décembre 2013. Le 22 décembre 2013, le tribunal de la ville de Tynda a ordonné le placement de l’auteur en détention. L’auteur affirme que le tribunal a déterminé au cours du procès qu’il avait été appréhendé le 17 décembre, date qui a servi de point de départ pour le calcul de sa peine. Son arrestation était donc illégale, les motifs de celle-ci ne lui ont pas été expliqués, il n’a pas été inculpé et il n’a pas été présenté rapidement devant un juge pour que celui-ci statue sur sa détention.

3.2L’auteur affirme également que le procès a été mené de manière accusatoire, en violation de l’article 14 (par. 1) du Pacte. Devant le tribunal, il a fait valoir, en vain, que son arrestation avait été illégale et qu’on avait exercé des contraintes et des pressions psychologiques sur lui pour le forcer à s’avouer coupable d’un crime très grave. L’auteur estime que le jugement du 5 mai 2015 était irrégulier et que le procès a été inéquitable, notamment en ce que le tribunal a retenu le 17 décembre comme date de son appréhension.

3.3L’auteur affirme également que les droits qu’il tient de l’article 14 (par. 3 e)), lu conjointement avec l’article 7 du Pacte, ont été violés. Il a demandé au tribunal municipal de Tynda de l’indemniser pour le préjudice subi du fait de son arrestation illégale, de l’impossibilité dans laquelle il était de voir ses proches, du fait que la cellule ne comportait ni chaise ni table, que la lumière et l’aération y étaient insuffisantes et que les toilettes n’étaient pas séparées par des cloisons. Il a également demandé au tribunal d’examiner son grief en sa présence. Cependant, le 24 mai 2016, le tribunal a rejeté son recours, en son absence. L’auteur affirme que cette décision était irrégulière. L’auteur affirme en outre, sans étayer son propos, que le tribunal n’a pas interrogé des témoins directs qui auraient pu confirmer la violation de ses droits procéduraux, ce qui était contraire à l’article 14 (par. 3 e)) du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une note en date du 27 août 2018, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond. En ce qui concerne la violation alléguée de l’article 9 du Pacte, l’État partie constate que l’auteur affirme avoir été détenu illégalement du 12 au 20 décembre 2013, qu’on ne l’a pas informé du motif de son arrestation, qu’il n’a pas été inculpé, qu’il n’a pas été présenté rapidement devant un juge à des fins de contrôle du motif de sa détention et qu’il était dans l’impossibilité de recourir contre son placement en détention ou d’obtenir une indemnisation.

4.2L’État partie fait valoir qu’en vertu de l’article 108 (par. 11) du Code de procédure pénale, les décisions des tribunaux concernant les mesures de contrainte (détention) peuvent faire l’objet d’un recours dans les trois jours suivant le prononcé de la décision. Le tribunal doit se prononcer dans les trois jours suivant la réception du recours. Une décision d’annulation d’une mesure de contrainte entre immédiatement en vigueur. Les décisions relatives aux mesures de contrainte peuvent faire l’objet d’un recours en cassation au titre de l’article 47 du Code de procédure pénale. Les éléments versés au dossier montrent que l’auteur n’a pas formé de recours ou de recours en cassation contre la décision de le placer en détention. L’auteur n’a donc pas épuisé les voies de recours internes qui lui étaient ouvertes et les griefs qu’il tire de l’article 9 devraient être déclarés irrecevables.

4.3En ce qui concerne les griefs soulevés au titre de l’article 14 (par. 1) du Pacte, l’État partie constate que l’auteur affirme que son procès a été inéquitable car il avait été appréhendé le 12 décembre 2013 et un procès-verbal de son arrestation n’avait été établi que le 20 décembre 2013, alors que la date de l’arrestation effective indiquée dans le jugement est le 17 décembre. L’auteur estime que la date d’arrestation erronée prise en compte montre que le procès a été mené de manière accusatoire et qu’il a été inéquitable.

4.4L’État partie souligne qu’en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif, le Comité peut déclarer qu’une communication est incompatible avec les dispositions du Pacte, et renvoie à l’observation générale no 32 (2007) du Comité sur le droit à l’égalité devant les tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable.

4.5La Cour européenne des droits de l’homme a affirmé à plusieurs reprises que le respect des prescriptions relatives à l’équité des procès devait être apprécié dans chaque cas, en tenant compte du déroulement du procès dans son ensemble, et non en se focalisant sur un seul aspect ou fait. Cependant, dans le même temps, un fait peut à lui seul avoir une importance telle qu’il permet d’apprécier l’équité d’un procès aux premiers stades de la procédure. Ce principe vaut non seulement pour l’application de la notion de procès équitable en tant que telle, qui est exigée par l’article 6 (par. 1) de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme), mais aussi pour l’application des garanties particulières prévues par le paragraphe 3 de ce même article de la Convention.

4.6L’État partie estime que les griefs de l’auteur concernant la date de son arrestation peuvent soulever des questions au regard de l’article 9 du Pacte, mais pas au regard de l’article 14 de celui-ci. En outre, un calcul erroné du temps que l’auteur a passé en détention préventive ne fait pas nécessairement apparaître que l’examen de l’affaire de l’auteur a eu un quelconque caractère accusatoire. Par conséquent, les griefs formulés par l’auteur au titre de l’article 14 (par. 1) ne sont pas fondés et devraient être déclarés irrecevables.

4.7L’État partie constate que l’auteur affirme également que le procès a été inéquitable du fait de l’utilisation de méthodes d’enquête illégales à son encontre (actes de violence de la part de la police, qui ont amené l’auteur à s’auto-incriminer). L’État partie souligne que l’auteur d’une communication doit épuiser les voies de recours internes disponibles avant de porter un grief devant le Comité. Il ressort du jugement du tribunal régional de l’Amour en date du 5 mai 2015 que l’auteur a reconnu être coupable d’avoir commis le crime visé à l’article 105 du Code pénal (meurtre). Devant le tribunal, il a confirmé en partie la déposition qu’il avait faite lors de l’enquête préliminaire et a précisé, concernant ce crime, qu’il avait d’abord infligé des blessures corporelles à A. M. Il a en outre affirmé avoir pris la hache − l’arme du crime − près de l’entrée et non près du poêle. L’auteur a également confirmé ses premiers aveux devant le tribunal. Il ressort ainsi du jugement qu’en première instance, l’auteur ne s’est pas plaint de pressions illégales exercées sur lui au cours de l’enquête préliminaire et, qu’au contraire, il a reconnu être coupable du crime considéré.

4.8Selon les documents versés au dossier, l’auteur s’est plaint pour la première fois d’actes de violence dans son recours. Il convient de noter que ses affirmations à cet égard ne figuraient pas dans son recours principal mais dans un recours complémentaire. Cesallégations ont fait l’objet d’un examen adéquat par la Cour suprême (arrêt d’appel du11août 2015).

4.9Il convient également de souligner que dans son recours en cassation du 28 juillet 2016, l’auteur n’invoque aucun acte de violence quel qu’il soit de la part de la police. L’État partie considère donc que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes disponibles en ce qui concerne ses griefs selon lesquels il a fait l’objet d’un procès inéquitable et des policiers lui ont infligé des actes de violence pour le contraindre à faire des aveux. Cette partie de la communication devrait donc être déclarée irrecevable.

4.10L’article 3 du Protocole facultatif dispose que le Comité peut déclarer irrecevable toute communication qu’il considère être un abus du droit de présenter une communication. L’auteur a initialement reconnu sa culpabilité et l’a confirmée devant le tribunal de première instance ; il a ensuite allégué, dans son recours, qu’il avait été victime de violences de la part de la police, et n’a finalement pas du tout soulevé ces griefs au stade du recours en cassation. De l’avis de l’État partie, tout cela montre que la démarche de l’auteur constitue un abus du droit de présenter une communication, et sa communication devrait être déclarée irrecevable au regard de l’article 3 du Protocole facultatif.

4.11L’État partie constate que l’auteur affirme qu’il y a eu violation de l’article14 (par.1 et 3e)) du Pacte car il n’a pas participé à l’examen de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé par son arrestation illégale et les mauvaises conditions de détention auxquelles il a été soumis. L’État partie fait observer que les garanties prévues à l’article14 (par.3e)) s’appliquent aux personnes faisant l’objet d’une accusation en matière pénale. Oren l’espèce, l’auteur invoque cette disposition à l’appui d’une demande de dommages‑intérêts en réparation d’un préjudice moral, c’est-à-dire dans le cadre d’une action civile. Le grief soulevé par l’auteur au titre de l’article14 (par.3e)) est donc incompatible avec les dispositions du Pacte et devrait être déclaré irrecevable au regard de l’article3 du Protocole facultatif.

4.12En vertu de l’article 376 (par. 1) du Code de procédure civile, les décisions de justice qui sont passées en force chose jugée, à l’exception des décisions de la Cour suprême, peuvent faire l’objet d’un recours en cassation par les parties au procès ou des tiers dont les droits et les intérêts légitimes ont été touchés par la décision de justice.

4.13En vertu de l’article 377 (par. 2) du Code de procédure civile, les décisions des cours suprêmes des républiques, des tribunaux de territoire (kraï) ou de région, des tribunaux des villes fédérales, des tribunaux des régions autonomes et des tribunaux des arrondissements autonomes, ainsi que les recours contre les décisions des tribunaux de district rendus en première instance qui sont devenus exécutoires, peuvent faire l’objet d’un recours devant le présidium de la Cour suprême de la république concernée, devant le tribunal du territoire (kraï) ou de la région, de la ville fédérale, de la région autonome ou de l’arrondissement autonome concerné, ou devant la chambre civile de la Cour suprême. Cependant, à la date du 12 février 2018, l’auteur n’avait pas formé de recours en cassation devant la chambre civile de la Cour suprême contre la décision du tribunal de district de Tynda (région de l’Amour) du 24 mai 2016, ni contre la décision rendue en appel par le tribunal régional de l’Amour le 28 avril 2017. L’auteur n’a donc pas épuisé les recours internes disponibles s’agissant des griefs qu’il soulève au titre de l’article 14 (par. 1) du Pacte, concernant l’examen de ses demandes de dommages‑intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de son arrestation illégale et des mauvaises conditions de détention.

4.14L’État partie fournit des données statistiques pour montrer que les recours qu’il invoque sont utiles. En 2017, la Cour suprême a examiné en tout 1 679 affaires dans le cadre de la procédure de cassation. Dans 935 cas (55,7 %), elle a décidé que l’affaire serait entendue par la chambre des affaires civiles. Dans 52 de ces cas, la Cour a ordonné que l’affaire soit examinée par la chambre des Vice-Présidents de la Cour suprême. Dans 874 cas (98,3 %), il a été fait droit au recours en cassation. En particulier, 314 décisions de juridictions inférieures ont été annulées (35,9 %), et 471 décisions (53,9 %) rendues en appel ont été annulées sans modification de la décision de première instance. Dans 44 cas, la décision de la juridiction inférieure a été confirmée ; 426 affaires ont été renvoyées pour nouvelle décision, et, dans un cas, une nouvelle décision a été rendue directement.

4.15Sur le fond, l’État partie indique que l’auteur a été conduit au poste de police de Tynda parce qu’il avait commis une infraction, à savoir qu’il n’avait pas obtempéré à un ordre légitime donné par un fonctionnaire de police dans l’exercice de ses fonctions. L’arrestation de l’auteur a été enregistrée le 17 décembre 2013. L’auteur a reconnu sa responsabilité. Le même jour, le 17 décembre 2013, le tribunal de district de Tynda (région de l’Amour) a ordonné l’arrestation de l’auteur et son placement en détention administrative pour une période de dix jours, en vertu de l’article 19 (par. 3 1)) du Code de procédure administrative. L’auteur a été placé dans un centre de détention temporaire, comme le confirment le registre du centre de détention et le registre des personnes en état d’arrestation et placées en détention administrative. L’auteur n’a pas fait appel de la décision relative à son arrestation et son placement en détention administrative.

4.16L’État partie ajoute qu’un procès-verbal d’arrestation de l’auteur au motif qu’il était soupçonné d’avoir commis un crime a été établi le 20 décembre 2013, conformément aux articles 91 et 92 du Code de procédure pénale. Aucune remarque n’a été formulée par l’auteur ou par son avocat, E. N. Le 22 décembre 2013, le tribunal de district de Tynda (région de l’Amour) a ordonné le placement de l’auteur en détention. Ni l’auteur ni son avocat n’ont fait appel de cette décision. La décision de placement en détention a été renouvelée à plusieurs reprises. Le tribunal a calculé la période d’emprisonnement de l’auteur en prenant pour point de départ le 17 décembre 2013.

4.17Pendant l’enquête préliminaire, l’auteur n’a pas nié être coupable des meurtres et a confirmé sa culpabilité devant le tribunal. Il n’a formulé aucun grief concernant une quelconque limitation de ses droits. La défense n’a pas été empêchée d’interroger les témoins pendant le procès.

4.18Les allégations de l’auteur concernant le recours à la violence physique ou l’exercice de pressions psychologiques pour lui faire avouer sa culpabilité n’ont pas pu être confirmées. L’auteur n’a présenté aucun élément précis concernant des actes illicites qui auraient été commis par la police lorsqu’il a avoué sa culpabilité et lorsque sa déposition a été enregistrée, que ce soit pendant la phase préalable au procès ou pendant le procès. Il n’a pas non plus fourni de tels éléments dans la communication qu’il a soumise au Comité. Il n’a pas été procédé à un contrôle de la procédure, faute de motif justifiant une telle mesure.

4.19L’État partie fait valoir qu’un témoin, U., a confirmé devant le tribunal que l’auteur s’était avoué coupable du meurtre lorsqu’il était en détention administrative. Un autre témoin, P., a déclaré lors de l’enquête préliminaire qu’il était en détention avec l’auteur et que le 20 décembre 2013, lors d’un entretien avec des policiers, celui-ci s’était avoué coupable du meurtre de quatre personnes. L’auteur ne s’est pas plaint d’avoir été forcé à avouer sa culpabilité ou d’avoir été soumis à des pressions. Le témoin n’a vu aucune lésion corporelle sur l’auteur, et l’auteur ne s’est pas plaint de méthodes d’enquête illégales.

4.20Dans les aveux qu’il a faits le 20 décembre 2013, l’auteur confirme avoir tué quatre personnes. Il a également déclaré dans ses aveux que ceux-ci n’avaient pas été faits sous une quelconque pression de la police. Devant le tribunal régional de l’Amour, l’auteur a confirmé les dépositions de P., ainsi que les aveux qu’il avait faits le 20 décembre 2013. Il a également confirmé avoir tué quatre personnes, et, si sous l’égide de l’article 51, il a refusé de témoigner, il a confirmé les dépositions qu’il avait faites en tant qu’accusé lors de l’enquête préliminaire, le 16 octobre 2014, où il avait expliqué les circonstances dans lesquelles il avait commis ces crimes. Il a donné des informations supplémentaires sur la commission des meurtres lors des transports sur les lieux du crime, le 22 décembre 2013 et le 27 mai 2014.

4.21Pour apprécier la culpabilité de l’auteur, le tribunal a examiné la déposition faite par celui-ci en tant que suspect, le 16octobre 2014, ainsi que la vérification faite de sa déposition sur les lieux du crime, et les a déclarées recevables comme preuves de sa culpabilité au regard de l’article105 du Code pénal car elles avaient été obtenues conformément à la loi, notamment après lui avoir expliqué qu’il avait le droit de ne pas témoigner contre lui-même, et en présence d’un avocat. Aucune plainte concernant des pressions illégales n’a été reçue. Le tribunal a également fourni une appréciation des aveux de l’auteur, soulignant qu’ils étaient corroborés par l’expertise supplémentaire no211 et les informations figurant dans le dossier concernant l’examen des lieux du crime auquel il avait été procédé le 8décembre 2013.

4.22Le tribunal a calculé la peine de l’auteur en prenant en compte le 17 décembre 2013 comme date de son arrestation. Lorsqu’il a recouru contre la déclaration de culpabilité prononcée contre lui le 5 mai 2015 par le tribunal régional de l’Amour, l’auteur a affirmé avoir été arrêté le 17 décembre 2013 et s’est plaint de ce que le procès-verbal de son arrestation n’avait été établi que le 20 décembre 2013 ; il a également affirmé que ses aveux avaient été faits sous la pression psychologique et physique exercée par la police.

4.23Le 11 août 2015, la chambre pénale de la Cour suprême a examiné les griefs de l’auteur et a conclu que la culpabilité de celui-ci avait été confirmée par les nombreux éléments de preuve examinés pendant le procès, lesquels ont fait l’objet d’une appréciation adéquate aux fins du jugement. Les réponses données par l’auteur lors de l’interrogatoire auquel il a été soumis dans le cadre de l’enquête et la description détaillée qu’il a donnée de la façon dont il avait tué quatre personnes ont été considérées comme véridiques. L’auteur a confirmé sa déposition lors d’une vérification sur les lieux du crime, mais aussi devant le tribunal, lorsqu’il a précisé le déroulement du meurtre et l’endroit où il avait pris la hache.

4.24Le tribunal a également retenu comme preuve, à juste titre, la déposition du témoin P., qui a confirmé que l’auteur, qui était son compagnon de cellule pendant sa détention administrative, lui a décrit comment il avait tué quatre personnes et lui avait dit qu’il en avait informé la police. L’auteur ne s’était pas plaint de l’avoir fait sous la contrainte. Devant le tribunal, l’auteur a confirmé la déposition de P. Un autre témoin, D., a confirmé que lorsque P. avait demandé à l’auteur qui avait tué quatre personnes, l’auteur avait répondu que c’était lui.

4.25Les allégations de l’auteur concernant ses aveux forcés ont été dûment examinées par le tribunal, mais ont été rejetées comme étant sans fondement. Le tribunal a relevé en particulier que les aveux avaient été faits en présence d’un avocat, après que l’auteur avait été informé de ses droits procéduraux, y compris celui du droit de ne pas témoigner contre lui-même, que l’auteur ne s’était pas plaint de la police pendant l’enquête et qu’il ressortait des dépositions des témoins qu’il avait avoué sa culpabilité de son plein gré. Il ressort du jugement que la culpabilité de l’auteur a été confirmée non seulement par ses dépositions, mais aussi par une multitude d’autres preuves corroborantes, tous éléments permettant de conclure de manière fondée à sa culpabilité. Dans les recours qu’il a formés contre la décision du tribunal régional de l’Amour du 5 mai 2015 et l’arrêt de la Cour suprême du 11 août 2015, l’auteur a affirmé qu’il avait été arrêté le 12 décembre et non le 17 décembre 2013, mais n’a pas fait état de méthodes d’enquête illégales ou d’aveux forcés.

4.26L’auteur a également déposé plainte auprès des tribunaux contre le Ministère des finances et le centre de détention temporaire du Ministère de l’intérieur et demandé des dommages‑intérêts en réparation du préjudice moral causé par son arrestation illégale. À l’appui de sa demande, il a affirmé que le 12 décembre 2013, il avait été placé au centre de détention temporaire de manière illégale, car aucun procès-verbal de son arrestation en tant que suspect n’avait été établi. En outre, il n’avait pas été informé de ses droits procéduraux et n’avait pas eu l’occasion de conclure un accord de représentation avec un avocat. Les conditions de détention ne satisfaisaient pas aux normes d’hygiène et autres. Cette situation a causé à l’auteur des souffrances physiques et morales. L’auteur a demandé au tribunal de conclure à l’illégalité de sa détention et d’ordonner une indemnisation d’un montant de 10 millions de roubles.

4.27L’État partie indique que le 9 mars 2016, le tribunal de district de Tynda a accueilli l’action et fixé la date du jugement au 12 avril 2016, et que l’auteur en a été informé. Par la suite, le procès a été reporté au 24 mai 2016 et l’auteur a été dûment informé de ce changement. L’affaire a été examinée le 24 mai 2016. L’auteur n’était pas présent ; il n’avait pas envoyé son représentant et n’avait formulé aucune demande ou plainte. Le tribunal, agissant en vertu de l’article 167 du Code de procédure civile, a décidé de tenir l’audience en l’absence du plaignant, audience dont celui-ci avait été dûment notifié. Le tribunal a examiné les arguments de l’auteur concernant les circonstances de sa détention, conjointement avec les autres éléments du dossier, et a établi que, le 20 décembre 2013, l’auteur avait été placé en détention en tant que suspect d’une infraction visée par l’article 105 (par. 2) du Code pénal. L’auteur a été notifié de l’arrestation et l’a acceptée, comme le confirme une déclaration signée de sa main. Conformément à l’article 46 du Code de procédure pénale, l’auteur s’est vu expliquer les droits procéduraux dont il bénéficiait en tant que suspect, comme le confirme sa signature. Les éléments figurant au dossier montrent également que le frère de l’auteur a été informé de l’arrestation. Le tribunal a estimé que le procès‑verbal d’arrestation de l’auteur en tant que suspect était conforme à la loi, car il avait été établi par une personne dûment autorisée, en présence de l’avocat de l’auteur, N. Le 22 décembre 2013, le tribunal de district de Tynda a ordonné le placement de l’auteur en détention.

4.28En outre, au cours du procès, le tribunal a examiné les circonstances dans lesquelles l’auteur avait été détenu dans le centre de détention temporaire en tant que suspect et qu’accusé. Le tribunal a établi que pendant sa détention, l’auteur n’avait formulé aucune plainte concernant une détention illégale, et les actes de la police n’ont pas été jugés illégaux. Le tribunal, agissant en vertu des articles 151, 1068, 1071 et 1100 du Code de procédure pénale, a conclu que les éléments d’appréciation ne corroboraient pas les affirmations de l’auteur et a rejeté l’action. Le jugement a été envoyé à l’auteur.

4.29Le 29 août 2016, l’auteur a formé un recours contre la décision du 24 mai 2016 et déposé une demande de prolongation du délai de recours. Le 21 septembre 2016, le tribunal de district de Tynda a rejeté la demande de prolongation. En appel, le 30 janvier 2017, le tribunal régional de l’Amour a annulé la décision du 21 septembre 2016 et a prolongé le délai de recours.

4.30Entre-temps, le 21 mars 2016, le tribunal régional de l’Amour avait été saisi du recours formé par l’auteur contre le Ministère des finances et le centre de détention temporaire. Le tribunal a fixé la date du procès au 28 avril 2017, et l’auteur en a été informé. L’auteur n’a envoyé aucune précision concernant son recours et n’a pas demandé à participer au procès par visioconférence. Aussi, le 28 avril 2017, le tribunal a décidé de tenir l’audience en l’absence de l’auteur.

4.31Dans son recours, l’auteur a demandé l’annulation de la décision du tribunal, au motif que l’affaire avait été examinée en son absence. Il a également souligné que le tribunal n’avait pas examiné les circonstances dans lesquelles il avait été détenu entre le 12 et le 20 décembre 2013 et a affirmé que le tribunal n’avait pas demandé un certain nombre de documents au centre de détention temporaire. Il a affirmé que l’obligation de fournir des preuves concernant les conditions de détention incombait au Ministère de l’intérieur. Le jugement rendu en appel le 28 avril 2017 par le tribunal régional de l’Amour et la décision du tribunal de district de Tynda du 24 mai 2016 n’ont pas été modifiés, et le recours de l’auteur a été rejeté. Le tribunal a rejeté les arguments de l’auteur selon lesquels la juridiction d’appel n’avait pas examiné les circonstances dans lesquelles il avait été placé en détention entre le 12 et le 20 décembre 2013, les jugeant sans fondement, et a confirmé les conclusions de cette juridiction. Le grief de l’auteur pris de l’adoption de la décision en son absence a également été rejeté comme étant sans fondement. Le tribunal a indiqué que la loi l’obligeait uniquement à notifier les parties de la tenue du procès, ce qui avait été fait en ce qui concernait l’auteur, comme en attestaient les notifications pertinentes. L’auteur aurait pu être représenté mais n’a pas choisi de l’être, et il n’a pas non plus demandé que soit organisée une visioconférence. Le tribunal a souligné en outre que la loi ne prévoyait pas la présence des détenus accomplissant une peine aux audiences civiles.

4.32Le 28 juillet 2017, l’auteur a formé un recours auprès du tribunal régional de l’Amour contre la décision précédente du tribunal concernant le procès tenu en son absence, soutenant qu’elle avait été adoptée en violation des règles de fond. Il a également fait valoir que le tribunal n’avait pas examiné les circonstances dans lesquelles il avait été placé en détention du 12 au 20 décembre 2013 et s’est plaint du fait que le tribunal n’avait pas demandé un certain nombre de documents au centre de détention temporaire. Le 28 août 2017, le tribunal régional de l’Amour a examiné le recours contre la décision du tribunal de district de Tynda du 24 mai 2016 et la décision du tribunal régional de l’Amour du 28 avril 2017. Le tribunal a refusé d’ordonner un examen du recours par le présidium du tribunal régional de l’Amour. L’article 387 du Code de procédure civile dispose que les décisions de justice peuvent être annulées ou modifiées s’il y a eu une violation importante des règles de fond ou de procédure, qui a eu une incidence sur l’issue d’une affaire, s’il n’existe pas d’autres moyens d’assurer le respect des droits et libertés violés et si l’intérêt public l’exige. Le tribunal régional de l’Amour n’a constaté aucune violation de ce type par les juridictions de première instance et d’appel. Le tribunal a souligné que les arguments de l’auteur avaient déjà été examinés par la juridiction d’appel, qui les avait rejetés à juste titre, et qu’il n’était donc pas nécessaire de procéder à un nouveau contrôle.

4.33Le désaccord de l’auteur avec les conclusions du tribunal et l’établissement des faits aux fins de l’article 387 du Code de procédure civile ne saurait servir de fondement au réexamen d’une décision de justice passée en force de chose jugée, car l’annulation ou la réformation d’une décision dans le cadre d’une procédure de cassation n’est autorisée qu’en cas de violation grave des règles de fond ou de procédure commise dans le cadre du jugement visé et si celle-ci a eu une incidence sur l’issue de l’affaire. L’article 327 du Code de procédure civile dispose que dans le cadre d’un recours, la juridiction qui en est saisie peut apprécier les éléments de preuve figurant dans le dossier et les éléments de preuve complémentaires présentés, mais la juridiction de cassation n’est pas autorisée à apprécier les éléments de preuve ou à établir l’existence de faits nouveaux. Une copie de la décision de refus du tribunal régional de l’Amour d’ordonner l’examen du recours en cassation, en date du 28 août 2017, a été envoyée à l’auteur le 20 septembre 2017.

4.34L’État partie ajoute que dans le cadre de ses fonctions de contrôle, en 2016, le Bureau du Procureur de la ville de Tynda a déterminé que le centre de détention temporaire pouvait accueillir 18 détenus. Les cellules sont équipées de chaises, de bancs et d’étagères, d’une conduite d’eau et de récepteurs radio permettant de capter toutes les chaînes de l’État, et sont éclairées et aérées. Les assiettes et les couverts sont fournis. Les cellules sont équipées de toilettes qui assurent le respect de l’intimité. Les murs sont plâtrés et peints et les sols sont en bois. Les détenus peuvent se rendre dans une salle de visite pour rencontrer leurs proches et peuvent se promener dans la cour. Le Bureau du Procureur a constaté une infraction à la réglementation relative à la lumière du jour et, le 29 mars 2016, a demandé au tribunal de district de Tynda de déclarer que l’inaction du Bureau du Ministère de l’intérieur de la région de l’Amour et du centre de détention temporaire était illégale et constitutive d’un non-respect des dispositions législatives relatives à la lumière du jour dans les cellules et les locaux du centre de détention. En conséquence, les services du Ministère de l’intérieur de l’Amour et le centre de détention temporaire ont été contraints d’effectuer des travaux de reconstruction ou, à défaut, de construire un nouveau centre de détention.

4.35En outre, la loi fédérale relative à la détention des suspects et des inculpés dispose que ceux-ci peuvent être transférés d’un centre de détention provisoire vers un centre de détention temporaire lorsque cela est nécessaire pour la conduite d’une enquête ou l’examen d’une affaire judiciaire en dehors de la localité, lorsqu’il n’est pas possible de conduire la personne concernée sur les lieux quotidiennement, mais pour une durée maximale de dix jours par mois. Il est apparu que l’auteur avait été détenu illégalement dans le centre de détention temporaire, en tant que suspect et qu’inculpé, du 20 décembre 2013 au 15 janvier 2014. En conséquence, un procureur adjoint de la région de l’Amour a écrit au chef du Bureau du Ministère de l’intérieur de l’Amour au sujet de la nécessité de ne pas enfreindre la loi. Ainsi, le ministère public, dans le cadre de ses fonctions de contrôle, a pris les mesures nécessaires pour remédier à la violation de la loi commise.

4.36Compte tenu de ce qui précède, l’État partie estime qu’il n’y a pas eu de violation des droits que l’auteur tient du Pacte.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1Dans une note en date du 13 décembre 2018, l’auteur a présenté des commentaires sur les observations de l’État partie. Il répète qu’il a été arrêté et placé au centre de détention temporaire le 12 décembre 2013, mais que l’État partie n’a pas examiné cette question et que sa réponse est entachée d’erreur et constitue une confirmation du fait qu’il a bien été placé en détention le 12 décembre. Son arrestation n’a pas été enregistrée dans les trois heures comme l’exige la loi, et il n’a pas été inculpé. Il estime donc que sa détention était illégale et, par conséquent, que tous les résultats des actes d’enquête ultérieurs ne devraient pas être admis comme éléments de preuve.

5.2L’auteur ajoute que les officiers ont exercé des pressions physiques et psychologiques sur lui. Son avocat ne s’est pas entretenu avec lui en privé, ne lui a pas fourni l’assistance judiciaire nécessaire, n’a pas recouru contre la mesure de placement en détention et ne s’est pas élevé contre l’utilisation de pressions physiques ou psychologiques. L’auteur n’est pas juriste et n’avait ni papier ni stylo pour former un recours au moment voulu.

5.3L’auteur soutient que l’affirmation de l’État partie selon laquelle il a été placé dans le centre de détention temporaire le 17 décembre 2013 dans le cadre d’une affaire administrative est fausse et non confirmée. Il est indiqué dans le jugement que sa peine a été calculée en prenant pour point de départ la date du 17 décembre 2013, mais il n’y est pas précisé qu’il avait été arrêté dans le cadre d’une affaire administrative. Il répète qu’il a été arrêté le 12 décembre, et explique que la durée de sa peine a été calculée en prenant pour point de départ le 17 décembre pour la seule raison que ce jour-là, il a reçu la visite d’enquêteurs de la police judiciaire de la ville de Blagovechtchensk et que leur visite a été dûment enregistrée dans le registre du centre. Cette visite a probablement été enregistrée par les caméras de vidéosurveillance. L’auteur a demandé que les enregistrements vidéo soient produits dans le cadre de son recours devant le tribunal de la ville de Tynda, en vain.

5.4Les jugements sont illégaux car ils ont été rendus en violation de la loi. L’auteur dit qu’il n’a pas commis les crimes et qu’il s’est auto-incriminé sous les pressions exercées sur lui comme suite à son arrestation et sa détention illégales. En outre, la déposition du témoin P., selon laquelle il était en cellule avec lui et il a reconnu avoir commis les meurtres, ne peut être retenue comme élément de preuve légalement admissible. P. lui aussi était détenu et faisait l’objet de pressions continues de la part de la police. L’auteur affirme qu’il n’aurait pas pu avouer les meurtres, car il ne les avait pas commis.

5.5L’auteur dit que le procès s’est déroulé en son absence, en violation de l’article 14 (par. 3 e)) du Pacte, et qu’il n’a pas pu confirmer la violation de ses droits lors de son arrestation et de sa détention au centre de détention temporaire. En lien avec sa situation, le 29 mars 2016, un procureur de la ville de Tynda a introduit une réclamation administrative concernant l’absence de lumière naturelle dans le centre de détention temporaire. Cette réclamation a finalement été rejetée, et même les conclusions du procureur concernant l’absence de lumière n’ont pas été retenues comme élément de preuve par le tribunal, ce qui montre que les procédures judiciaires ne constituent pas un recours utile. En outre, les tribunaux n’ont pas tenu compte des conclusions du bureau du procureur concernant sa détention illégale dans le centre de détention temporaire, du 20 décembre 2013 au 15 janvier 2014.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité prend note de ce que l’État partie conteste certaines parties de la communication au motif que les recours internes n’ont pas été épuisés. Premièrement, l’auteur n’a pas recouru contre la décision, en date du 22 décembre 2013, de le placer en détention provisoire. Deuxièmement, il n’a pas épuisé les voies de recours internes disponibles en ce qui concerne ses griefs selon lesquels la police à fait usage de violence (torture) ou exercé des pressions psychologiques sur lui pour le contraindre à s’avouer coupable du meurtre de plusieurs personnes. L’auteur n’a pas soulevé ces griefs dans le cadre de son procès ou de son recours initial, mais uniquement dans son recours complémentaire. Par la suite, selon les documents versés au dossier, dans le recours en cassation qu’il a formé le 28 juillet 2016, l’auteur n’a formulé aucune allégation concernant des actes de violence ou des pressions psychologiques de la part de la police.

6.4Le Comité constate également que l’auteur n’a pas réfuté les objections de l’État partie et n’a fourni aucune explication ou information en réponse. Ainsi, par exemple, il n’a pas expliqué pourquoi il n’avait pas soulevé des griefs aussi importants que ceux qu’il tire du recours à la torture ou à la pression psychologique dans son recours initial et dans son recours en cassation. Le Comité prend note en outre de l’argument de l’État partie selon lequel avant d’être jugé au pénal, l’auteur a été détenu du chef d’une infraction administrative (voir par.4.15 ci-dessus). Compte tenu de ce qui précède, et en l’absence d’autre renseignement ou explication dans le dossier, le Comité considère que cette partie de la communication, dans laquelle sont soulevées des questions au titre des articles7 et 9 (par.1 à 5), est irrecevable au regard tant de l’article2 que de l’article5 (par.2b)) du Protocole facultatif.

6.5Le Comité prend note des griefs de violation de l’article 14 (par. 1) formulés par l’auteur, selon lesquels son procès a été « inéquitable » et a été mené « de manière accusatoire » et « le jugement rendu le 5 mai 2015 était illégal ». L’auteur affirme qu’il n’a pas pu citer de témoins qui auraient corroboré son récit des faits, en violation des droits qu’il tient de l’article 14 (par. 3 e)). L’auteur affirme également que les tribunaux n’ont pas tenu compte de l’illégalité de sa détention au centre de détention temporaire du 20 décembre 2013 au 15 janvier 2014. L’État partie a répondu qu’un procureur adjoint de la région de l’Amour avait écrit au chef du Bureau du Ministère de l’intérieur de l’Amour concernant la nécessité de ne pas enfreindre la loi et que le ministère public, dans le cadre de ses fonctions de contrôle, avait donc pris les mesures nécessaires pour remédier à la violation de la loi. Le Comité note que l’État partie a fourni des réponses et explications détaillées au sujet des griefs de l’auteur (par. 4.7 à 4.13 et 4.17 à 4.25 ci-dessus). En l’absence de toute autre information pertinente dans le dossier, le Comité estime que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ces griefs aux fins de la recevabilité. Par conséquent, il déclare cette partie de la communication irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard des articles 2 et 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.