Nations Unies

CCPR/C/135/D/3624/2019

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

18 septembre 2023

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 3624/2019*,**,***

Communication soumise par :

Daniel Billy et consorts (représentés par un conseil, ClientEarth)

Victime(s) présumée(s) :

Les auteurs et six de leurs enfants

État partie :

Australie

Date de la communication :

13 mai 2019 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 92 du Règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 18 juin 2019 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

21 juillet 2022

Objet :

Absence de mesures d’atténuation et d’adaptation face aux effets des changements climatiques

Question(s) de procédure :

Recevabilité : incompatibilité ; défaut manifeste de fondement ; ratione materiae ; qualité de victime

Question()s de fond :

Immixtion arbitraire/illégale ; droits de l’enfant ; recours utile ; droits de la famille ; domicile ; peuples autochtones ; droit des minorités d’avoir leur propre vie culturelle ; vie privée ; droit à la vie

Article(s) du Pacte :

2, lu seul et conjointement avec les articles 6, 17, 24 (par. 1) et 27 ; 24 (par. 1), lu seul et conjointement avec les articles 6, 17 et 27 ; 6, 17 et 27, lus seuls

Articles du Protocole facultatif :

1, 2 et 3

1.1Les huit auteurs de la communication sont Daniel Billy, Ted Billy, Nazareth Fauid, Stanley Marama, Yessie Mosby, Keith Pabai, Kabay Tamu et Nazareth Warria, nés en 1983, 1957, 1965, 1967, 1982, 1964, 1991 et 1973, respectivement. Ils sont de nationalité australienne et résident dans la région du détroit de Torres. Ils agissent en leur nom ainsi qu’au nom des cinq enfants de Yessie Mosby et du fils de Kabay Tamu. Ils affirment que l’État partie a violé les droits qu’ils tiennent de l’article 2 du Pacte, lu seul et conjointement avec les articles 6, 17 et 27, et des articles 6, 17 et 27, lus seuls. Ils affirment également que l’État partie a violé les droits que les six enfants tiennent de l’article 24 (par. 1) du Pacte, lu seul et conjointement avec les articles 6, 17 et 27. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 25 septembre 1991. Les auteurs sont représentés par un conseil.

1.2 Le Comité a accepté deux des quatre demandes de soumission de renseignements et de documents reçues de tiers et en a rejeté deux comme tardives.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Les auteurs appartiennent à la minorité autochtone des îles du détroit de Torres et vivent sur les quatre îles suivantes : Boigu (Stanley Marama et Keith Pabai), Masig (Yessie, Genia, Ikasa, Awara, Santoi et Baimop Mosby et Nazareth Warria), Warraber (Daniel et Ted Billy et Kabay et Tyrique Tamu) et Poruma (Nazareth Fauid). Les autochtones des îles du détroit de Torres, en particulier les auteurs, qui vivent sur des îles de faible élévation, font partie des populations les plus vulnérables face aux effets des changements climatiques.

2.2 L’Autorité régionale du détroit de Torres, qui est un organisme gouvernemental, a déclaré que les effets des changements climatiques menaçaient les îles ainsi que les ressources et écosystèmes marins et côtiers et, par conséquent, la vie, les moyens de subsistance et la culture unique des insulaires du détroit de Torres. Elle a également fait observer que toute augmentation du niveau de la mer due aux changements climatiques, aussi légère soit-elle, aura de lourdes conséquences pour les communautés du détroit et pourrait même menacer leur survie, et que des augmentations importantes auraient pour effet d’inonder plusieurs îles et de les rendre inhabitables.

2.3L’élévation du niveau de la mer a déjà entraîné inondations et érosion sur les îles des auteurs, et les hausses de température et l’acidification de l’océan ont causé le blanchissement des coraux, la mort des récifs, la dégradation des prairies de phanérogames et le déclin d’autres espèces marines importantes sur les plans nutritionnel et culturel. D’après l’Autorité régionale du détroit de Torres, le niveau de la mer a augmenté au rythme de 0,6 centimètre par an environ entre 1993 et 2010 dans la région du détroit de Torres (contre 3,2 millimètres par an en moyenne à l’échelle mondiale).

2.4S’agissant des effets des changements climatiques sur les îles, le village de l’île de Boigu, qui fait partie des cinq communautés particulièrement exposées au risque de submersion, est inondé chaque année. L’érosion a fait reculer le trait de côte et entraîné le détachement d’une petite partie de l’île. Sur Masig, en mars 2019, un cyclone a provoqué de graves inondations et une forte érosion, détruit des bâtiments et causé la perte de trois mètres de littoral. Les terres reculent d’environ un mètre par an et, il y a quelques années, un raz‑de‑marée a détruit des sépultures familiales, entraînant la dispersion de restes humains. Sur l’île de Warraber, des marées hautes et des vents forts provoquent des inondations dans le centre du village tous les deux à trois ans. Sur Poruma, l’érosion a emporté une grande partie du sable de l’île au cours des dernières décennies.

2.5En raison de l’élévation du niveau de la mer, l’eau salée pénètre dans les sols des îles et rend inutilisables des terres qui servaient auparavant aux cultures traditionnelles. Sur Masig, ce phénomène a fait apparaître des maladies chez les cocotiers, qui ne produisent plus les fruits ni l’eau de coco que les auteurs consomment traditionnellement. Les auteurs doivent donc se tourner vers des aliments importés qui sont souvent trop chers pour eux. Les variations saisonnières et la configuration des vents, qui jouent un rôle central dans la subsistance des auteurs, sont devenues imprévisibles. En raison des changements au niveau des précipitations, des températures et des périodes des moussons, il est devenu plus difficile pour les auteurs de transmettre leur savoir écologique traditionnel. Les prairies de phanérogames et les espèces qui en dépendent ont disparu, et l’écrevisse, source essentielle d’alimentation et de revenus, est introuvable dans les zones où les coraux ont blanchi.

2.6Les auteurs s’appuient sur le rapport de l’Autorité régionale du détroit de Torres pour affirmer que cette forte dégradation de leurs modes de vie traditionnels, de leurs moyens de subsistance et des ressources biologiques importantes d’un point de vue culturel entraînera des problèmes sociaux, culturels et économiques majeurs, se répercutera sur les infrastructures, le logement, les systèmes de production alimentaire fondés sur l’exploitation des terres et les secteurs liés à l’exploitation des ressources marines, et sera à l’origine de problèmes de santé, en particulier d’une augmentation de l’incidence des maladies, notamment celles liées à la chaleur.

2.7L’État partie n’a pas mis en place de programmes d’adaptation pour faire en sorte que les îles restent habitables à long terme. En dépit des nombreuses demandes d’assistance et de financement adressées aux autorités de l’État et aux autorités fédérales par les insulaires ou en leur nom, il n’a pas réagi rapidement ni de façon adéquate. Des travaux ont certes été réalisés sur Boigu et Poruma en 2017 et 2018, mais nombre des actions prioritaires définies dans le Plan régional d’adaptation et de résilience pour le détroit de Torres (2016-2021) n’ont jamais été financées, et aucun nouveau financement public n’a été confirmé à ce jour. Les autorités locales utilisent une approche de la préservation des logements et des infrastructures fondées sur le triage, tandis que les résidents de Warraber et de Masig ont pris eux‑mêmes l’initiative de se servir des déchets et résidus végétaux pour protéger les écosystèmes côtiers fragiles contre l’érosion.

2.8L’État partie n’a pas pris de mesures visant à atténuer les effets des changements climatiques. En 2017, il occupait la deuxième place au niveau mondial pour ce qui était des émissions de gaz à effet de serre par habitant, qui avaient augmenté de 30,72 % entre 1990 et 2016. S’agissant de la réduction de ces émissions au cours de cette même période, il était 43e sur 45 pays développés. Les politiques qu’il met en œuvre depuis 1990 ont eu pour effet d’accroître les émissions en favorisant l’extraction et l’exploitation des combustibles fossiles, en particulier du charbon thermique destiné à la production d’électricité.

2.9Les insulaires du détroit de Torres ne disposent d’aucun recours interne utile qui leur permette de faire valoir les droits qu’ils tiennent des articles 2, 6, 17, 24 et 27 du Pacte. Les droits qui leur sont reconnus dans cet instrument ne sont pas protégés par la Constitution ni aucune autre loi applicable au Gouvernement fédéral. La Haute Cour d’Australie a statué que les organes de l’État n’avaient pas de devoir de protection envers les personnes lésées par l’absence de réglementation visant à prévenir les atteintes à l’environnement.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs affirment que l’État partie a violé les droits qu’ils tiennent de l’article 2 du Pacte, lu seul et conjointement avec les articles 6, 17 et 27, et des articles 6, 17 et 27, lus seuls. Ils affirment également qu’il a violé les droits que les enfants dont le nom est cité plus haut tiennent de l’article 24 (par. 1) du Pacte, lu seul et conjointement avec les articles 6, 17 et 27. L’État partie n’a pas pris de mesures d’adaptation (installation d’infrastructures permettant de protéger la vie des auteurs ainsi que leur mode de vie, leur domicile et leur culture contre les effets des changements climatiques, en particulier l’élévation du niveau de la mer). Il n’a pas non plus pris de mesures d’atténuation visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre ni cessé de soutenir l’extraction et l’exploitation des combustibles fossiles. Comme l’a indiqué le Comité des droits de l’homme au paragraphe 62 de son observation générale no 36 (2018) sur le droit à la vie, la question des changements climatiques touche les droits fondamentaux de l’homme.

3.2Les obligations qui incombent à l’État partie en vertu des traités internationaux relatifs aux changements climatiques font partie du dispositif général à prendre en compte dans le cadre de l’examen de ses violations du Pacte.

Article 2

3.3L’État partie n’a pas adopté de lois ni pris les mesures nécessaires pour donner effet aux droits que les auteurs tiennent du Pacte, en particulier des articles 6, 17, 24 et 27.

Article 6

3.4En violation de l’article 6 (par. 1) du Pacte, l’État partie n’a pas fait le nécessaire pour empêcher les pertes de vies humaines prévisibles dues aux effets des changements climatiques et pour protéger le droit des auteurs de vivre dans la dignité. Il n’a pas pris de mesures d’adaptation et d’atténuation, n’a pas fourni de ressources pour financer les actions présentées comme nécessaires par le Conseil régional des îles du détroit de Torres et l’Autorité régionale du détroit de Torres, et ne s’est pas acquitté des obligations que lui impose l’Accord de Paris. Il n’a pas respecté le droit des auteurs à un environnement sain, qui fait partie intégrante du droit à la vie. L’État partie doit consacrer autant de ressources que possible à la réduction des émissions et œuvrer par tous les moyens appropriés à la réalisation de cet objectif afin de s’acquitter des obligations qui lui incombent au titre de l’article 6 du Pacte.

Article 27

3.5La culture minoritaire des auteurs dépend de la survie et de l’habitabilité de leurs îles et de la santé écologique des mers environnantes. Les changements climatiques menacent déjà leur mode de vie traditionnel et pourraient les obliger à quitter leurs îles, ce qui aurait des conséquences extrêmement graves et irrémédiables sur leur capacité d’avoir leur propre culture.

Article 17

3.6Les changements climatiques ont déjà des répercussions sur la vie privée, la famille et le domicile des auteurs et du reste de la communauté, dont les membres actuels (y compris les auteurs) risquent d’être un jour contraints d’abandonner leur foyer. L’État partie n’a pas pris les mesures d’adaptation et d’atténuation nécessaires. Face aux menaces liées aux changements climatiques, les États doivent empêcher toute immixtion grave dans la vie privée, la famille ou le domicile des personnes qui relèvent de leur juridiction.

Article 24 (par. 1)

3.7L’État partie n’a pas pris de mesures adéquates pour protéger les droits des générations futures de la communauté des auteurs, auxquelles appartiennent les six enfants susmentionnés et qui sont les plus vulnérables face aux changements climatiques et les plus touchées par ceux-ci. Leur survie et celle de leur culture sont incertaines. Les générations futures, dont font partie les enfants au nom desquels est soumise la communication, ont le droit fondamental de bénéficier d’un système climatique stable compatible avec la vie humaine, conformément au droit de l’enfant à un environnement sain. Yessie Mosby craint que la culture des Masigalgal disparaisse et que ses enfants doivent vivre sur les terres d’autrui, sans qu’il ne subsiste rien pour eux-mêmes ou pour leurs enfants.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans ses observations du 29 mai 2020, l’État partie affirme que la communication est irrecevable. Les violations présumées des traités internationaux relatifs aux changements climatiques, tels que l’Accord de Paris, et d’autres instruments, tels que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, sont irrecevables ratione materiae parce qu’elles n’entrent pas dans le champ d’application du Pacte. De plus, l’argument des auteurs selon lequel les traités internationaux relatifs aux changements climatiques sont pertinents aux fins de l’interprétation du Pacte est dénué de fondement étant donné qu’il existe des différences importantes et manifestes entre l’Accord de Paris et le Pacte. Les deux instruments n’ont ni les mêmes buts ni le même champ d’application. Seize États ayant signé l’Accord n’ont pas signé le Pacte. En conséquence, il serait contraire aux principes fondamentaux du droit international d’interpréter le Pacte sur la base de l’Accord de Paris. Le sens ordinaire attribué à un traité ne peut pas prévaloir sur les termes clairs du Pacte.

4.2Les auteurs n’ont pas étayé l’argument selon lequel ils sont victimes de violations au sens de l’article premier du Protocole facultatif. Rien ne prouve qu’il existe un risque actuel ou imminent de violation des droits qu’ils invoquent. De plus, les auteurs n’ont pas démontré l’existence d’une réelle causalité ou d’un lien entre les violations présumées de leurs droits et les mesures que l’État partie aurait ou n’aurait pas prises. Pour prouver qu’ils ont la qualité de victime, les auteurs doivent montrer qu’un acte ou une omission de l’État partie nuit déjà à leur capacité d’exercer un droit énoncé dans le Pacte, ou qu’un tel effet est imminent. Ils ont eux-mêmes admis que ce n’était pas le cas. Selon les règles relatives à la responsabilité des États en droit international, il n’est pas possible d’attribuer à l’Australie la responsabilité des changements climatiques. S’appuyant sur la position du Comité dans l’affaire Teitiota c. Nouvelle-Zélande, l’État partie affirme que les auteurs évoquent un risque qui ne s’est pas encore matérialisé.

4.3Les griefs des auteurs sont en outre infondés. Aucune des allégations d’inaction en matière d’atténuation n’entre dans le champ d’application du Pacte. Il est impossible, au regard du droit international des droits de l’homme, d’attribuer à l’État partie la responsabilité des changements climatiques. Il est également impossible, d’un point de vue juridique, d’établir des liens de causalité entre la contribution de l’État partie aux changements climatiques, les efforts qu’il déploie pour faire face à ces changements et les effets présumés de ces derniers sur l’exercice des droits des auteurs. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a affirmé qu’il était « pratiquement impossible de démêler l’écheveau complexe de relations causales en vue d’établir une corrélation entre les émissions passées de gaz à effet de serre d’un pays particulier et une retombée spécifique liée aux changements climatiques, et encore moins l’ensemble des incidences directes et indirectes sur les droits de l’homme » et qu’il était « en général impossible d’établir à quel point un phénomène concret lié aux changements climatiques et ayant des incidences sur les droits de l’homme est imputable au réchauffement de la planète ».

4.4Les griefs des auteurs concernant les mesures d’adaptation sont également infondés, étant donné que les auteurs n’ont pas encore subi les effets néfastes présumés des changements climatiques − si tant est qu’ils les subissent − et que les violations alléguées ne sont pas imminentes.

4.5L’État partie décrit avec précision les mesures d’adaptation et d’atténuation qu’il prend en réponse aux changements climatiques. L’Autorité régionale du détroit de Torres coordonne les programmes et les politiques en la matière au bénéfice de la région et des communautés qui y vivent. Elle comprend un organe élu, composé de 20 insulaires du détroit de Torres et représentants aborigènes de la région, et un organe administratif, composé d’un administrateur et d’une équipe chargée de la gestion et de l’exécution des programmes. Pour faire face aux problèmes liés à la gestion du littoral dans le contexte des changements climatiques, l’Autorité régionale a créé un comité composé de représentants des communautés les plus touchées par l’érosion du littoral et les inondations − notamment sur Boigu, Warraber, Maxig et Poruma − et de représentants d’organismes fédérés et fédéraux et de plusieurs instituts de recherche. Ce comité, actif de 2006 à 2013, a facilité l’élaboration de solutions coordonnées à l’échelle de l’ensemble de l’administration dans la région du détroit de Torres et obtenu des fonds afin que les travaux côtiers jugés prioritaires puissent être menés à bien. L’État partie décrit dans le détail la Stratégie pour le climat dans le détroit de Torres (2014‑2018) et le Plan d’adaptation et de résilience pour le détroit de Torres (2016‑2021). L’Autorité régionale continue de travailler directement avec les communautés du détroit pour les aider à faire face aux effets des changements climatiques.

4.6L’Autorité régionale du détroit de Torres a également joué un rôle de premier plan dans l’action menée pour obtenir les informations et le financement nécessaires aux fins de la construction d’une nouvelle digue sur l’île faiblement élevée de Saibai. Elle travaille avec les conseils locaux à la réalisation d’une évaluation plus détaillée des risques côtiers qui sera utile pour éclairer les mesures d’adaptation, et cherche activement des moyens de réduire l’empreinte carbone de la région en misant sur des technologies énergétiques propres.

Article 6

4.7L’article 6 (par. 1) du Pacte impose aux États de protéger les personnes qui relèvent de leur juridiction contre la privation arbitraire de la vie, mais ne dispose pas qu’ils doivent les protéger contre les effets généraux des changements climatiques. Les auteurs n’affirment pas avoir été arbitrairement privés de la vie. L’affaire Urgendareposait sur les dispositions du Code civil néerlandais relatives à la négligence. Il est pratiquement impossible d’établir un lien de causalité réel au regard du droit international dans le cadre de ce type d’action en responsabilité civile. Comme dans le cas de l’affaire Teitiota, l’État partie prend des mesures d’adaptation dans le détroit de Torres, ce qui rend le préjudice invoqué par les auteurs trop lointain pour qu’une violation du droit à la vie puisse être établie.

4.8Les auteurs n’ont pas démontré que l’article 6 (par. 1) du Pacte reconnaissait un droit généralisé à la protection contre les effets des changements climatiques et que la législation interne pertinente était manifestement insuffisante ou tout simplement inexistante. Bien qu’il s’agisse d’un objectif louable partagé par l’État partie, ni les règles relatives à l’interprétation des traités, ni le sens ordinaire de l’article 6 (par. 1) du Pacte, ni la jurisprudence pertinente ne confirment que la portée de l’article 6 (par. 1) englobe le droit de vivre dans la dignité.

4.9Si le Comité admet l’argument relatif à la protection du droit de vivre dans la dignité, il ne devrait le faire que dans des circonstances particulières et limitées. Contrairement à ce qu’il a conclu dans ses constatations concernant l’affaire Portillo Cáceres et consorts c. Paraguay, en l’espèce, les faits ne peuvent être imputés à l’État partie, qui n’a pas omis de faire appliquer le droit interne ni enfreint la législation interne. Les auteurs n’ont pas de problèmes de santé et n’ont pas été empoisonnés ou privés de la vie.

Article 27

4.10L’État partie a promulgué des lois visant à assurer la survie et le développement permanent de l’identité culturelle des insulaires du détroit de Torres. Les auteurs ne dénoncent que des violations hypothétiques du droit à l’identité culturelle. Toutes les affaires dans lesquelles le Comité a constaté des violations de ce droit concernaient des violations existantes, et non futures. L’article 27 du Pacte n’a jamais eu pour objet la protection contre les effets des changements climatiques.

Article 17

4.11Les auteurs se concentrent exclusivement sur les bouleversements que les changements climatiques pourraient à l’avenir entraîner dans la vie familiale. Ils n’affirment pas que leur famille (y compris leur famille élargie) a été victime d’immixtions arbitraires ou illégales de la part de l’État partie. Les immixtions interdites de l’article 17 du Pacte doivent être réelles, et non potentielles ou futures, et venir des autorités de l’État ou de personnes physiques ou morales autorisées par celui-ci. L’allégation des auteurs selon laquelle ils pourraient un jour être contraints de se réinstaller relève de l’hypothèse.

Article 24

4.12Les auteurs n’ont pas démontré que les diverses et multiples mesures législatives et autres adoptées par l’État partie pour protéger les enfants australiens n’étaient pas conformes aux obligations découlant de l’article 24 (par. 1) du Pacte. Les mesures de protection requises n’étant pas précisées dans cet article, les États parties disposent d’une large marge d’appréciation à cet égard.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1Dans les commentaires qu’ils ont soumis le 29 septembre 2020, les auteurs affirment que l’État partie n’a pas contesté leurs arguments sur plusieurs sujets, notamment en ce qui concerne les aspects scientifiques de la question des changements climatiques et les effets actuels et futurs de ces changements sur les îles qu’ils habitent, ainsi que les liens d’interdépendance entre la culture vulnérable et unique des auteurs et l’écosystème environnant.

5.2L’État partie affirme à tort que les auteurs ne subissent pas encore les effets néfastes des changements climatiques et ne les subiront peut-être jamais. Cette affirmation va à l’encontre des données qu’ils ont communiquées et des rapports de l’Autorité régionale du détroit de Torres, qui est un organisme public. De plus, l’État partie a déjà manqué à l’obligation qui lui incombe d’éviter toute conséquence dévastatrice et irréversible sur les droits reconnus dans le Pacte, y compris les effets négatifs des émissions actuelles de gaz à effet de serre. Des mesures de protection doivent être prises dès maintenant. Les changements climatiques sont un processus à évolution lente. Il est donc possible pour un État partie de manquer à ses obligations avant que les effets les plus graves ne se manifestent. Les griefs des auteurs concernent des violations actuelles et une menace imminente de violations. Les auteurs sont déjà durement touchés par les changements climatiques, qui endommagent leur domicile et perturbent leur vie familiale. Dans leurs déclarations conjointes, ils évoquent les problèmes suivants : inondation et submersion de villages ; inondation et submersion de cimetières ancestraux ; perte de terres traditionnelles, y compris de plantations et de jardins, en raison de l’érosion ; destruction ou disparition de jardins traditionnels par suite de la salinisation causée par les inondations ou la pénétration de l’eau de mer ; déclin d’espèces marines importantes sur les plans nutritionnel et culturel causé par les changements climatiques ainsi que blanchissement des coraux (mort des récifs) et acidification de l’océan qui découlent de ces changements ; difficulté à pratiquer leur culture traditionnelle et à la transmettre à la génération suivante. Ils décrivent également un état de détresse et d’anxiété face à la progression de l’érosion, qui menace certains foyers. Pour six des auteurs, la possibilité d’entretenir les cimetières ancestraux, de rendre visite à leurs proches décédés et de se sentir en communion avec eux est un aspect central de leur culture, et les célébrations les plus importantes − cérémonies de passage à l’âge adulte et d’initiation, par exemple − n’ont de signification que si elles ont lieu sur les terres d’origine de la communauté concernée.

5.3Les auteurs qui vivent sur Boigu et Masig risquent de devoir se réinstaller et de voir disparaître leur culture dans les dix prochaines années si aucune mesure utile n’est prise d’urgence pour que les îles puissent faire face à la montée attendue du niveau de la mer. Pour ceux qui vivent sur Warraber et Poruma, la perspective d’un déplacement pourrait se concrétiser de leur vivant si rien n’est fait dans les dix à quinze prochaines années. Des mesures raisonnables d’adaptation et d’atténuation peuvent permettre d’éviter cela. Selon l’interprétation que fait l’État partie de la notion d’imminence, les auteurs devraient attendre que leur culture et leurs terres disparaissent pour pouvoir formuler un grief au titre du Pacte.

5.4Les auteurs ne se contentent pas de présenter des arguments abstraits mais mentionnent des actes et des omissions de l’État partie (concernant l’adaptation et l’atténuation). Ces actes et omissions ont déjà eu et continueront d’avoir des répercussions négatives sur les droits des auteurs, qui s’aggraveront au fil du temps en raison du caractère latent et irréversible des changements climatiques.

5.5L’État partie est responsable d’avoir contribué aux émissions, d’avoir manqué au devoir de précaution et de ne pas avoir pris de mesures d’adaptation pour protéger les droits des auteurs et s’acquitter de son obligation de réduire les émissions. La protection du droit à la vie exige des États qu’ils revoient leurs politiques énergétiques et préviennent les émissions dangereuses de gaz à effet de serre.

5.6Il est effectivement utile de tenir compte des obligations internationales des États en matière d’environnement pour interpréter la portée des obligations découlant du Pacte. Les traités devraient être interprétés compte tenu du cadre normatif existant.

5.7À ce jour, l’État partie n’a pris aucune mesure concrète et adéquate pour empêcher que les îles des auteurs ne deviennent inhabitables ou pour faire face au risque réel et prévisible de disparition complète de leur culture. La jurisprudence du Comité va dans le sens de l’idée selon laquelle les atteintes à l’environnement peuvent conduire à des violations des droits de l’homme fondamentaux, étant donné que les cultures minoritaires autochtones dépendent de la bonne santé de l’environnement et que les peuples autochtones entretiennent un lien spirituel et culturel puissant avec leurs terres traditionnelles.

5.8En ce qui concerne l’article 24 du Pacte, le principe d’équité entre les générations veut que les générations actuelles agissent en tant que gardiennes responsables de la planète et protègent les droits des générations futures afin qu’elles puissent satisfaire leurs besoins en matière de développement et d’environnement. Les réparations demandées par les auteurs sont raisonnables et proportionnées.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Dans les observations complémentaires qu’il a soumises le 5 août 2021, l’État partie affirme que les allégations des auteurs (modification des variations saisonnières, érosion de terres ancestrales, intrusion saline, atteintes aux pratiques culturelles et aux espèces et dégradation des foyers) concernent des effets possibles des changements climatiques, et non des violations actuelles ou imminentes des droits énoncés dans le Pacte dues à des actes ou à des omissions de l’État partie. Les répercussions décrites ne font qu’indiquer que les effets néfastes d’aujourd’hui pourraient s’aggraver à l’avenir, en fonction des aléas. Les conséquences possibles d’un processus à évolution lente ne donnent pas la qualité de victime aux auteurs.

6.2Les auteurs reconnaissent qu’il reste encore du temps pour planifier et appliquer des mesures d’adaptation. Ils envisagent ce qui pourrait se produire si leurs îles devenaient inhabitables.

6.3Les changements climatiques sont un phénomène mondial qui résulte des actions de nombreux États. Contrairement à d’autres questions environnementales examinées précédemment par le Comité, ils nécessitent d’agir à l’échelle mondiale. Aucun État ne maîtrise totalement les effets généraux des changements climatiques ni l’efficacité des mesures d’atténuation ou d’adaptation qui pourraient être prises pour y remédier.

6.4Contrairement à ce que prétendent les auteurs, l’État partie n’estime pas qu’ils devraient se contenter d’attendre et de subir les effets de plus en plus graves des changements climatiques. La communauté internationale s’efforce d’agir en considérant avant tout et à juste titre que la lutte contre ces changements doit passer par la coopération dans le cadre des accords internationaux relatifs à l’environnement. L’insatisfaction des auteurs quant au rythme et à la nature des efforts entrepris par l’État partie ne signifie pas que sa réponse à la menace des changements climatiques − et, partant, celle de beaucoup d’autres États − constitue une violation du Pacte.

6.5Aux fins de l’application du principe d’intégration systémique défini par la Commission du droit international, les règles pertinentes dont il est question à l’article 31 (par. 3 c)) de la Convention de Vienne sur le droit des traités doivent avoir un rapport avec les dispositions conventionnelles considérées. Les traités relatifs aux changements climatiques n’apportent pas la preuve de l’objet ou du but du Pacte ni du sens des termes qu’il contient.

6.6En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, les États parties au Pacte ne sont pas tenus de prévoir des recours internes aux fins énoncées à l’article 2 (par. 3) du Pacte : a) si les violations présumées n’entrent pas dans le champ d’application du Pacte (comme en l’espèce, étant donné que les allégations portent sur le respect par l’Australie des traités internationaux relatifs aux changements climatiques) ; et b) si, comme dans le cas des allégations formulées en l’espèce, il n’y a pas eu de violation des droits reconnus par le Pacte, interprétés comme il convient.

6.7L’obligation de respect énoncée à l’article 2 (par. 1) du Pacte est une obligation positive de ne pas porter atteinte aux droits énoncés dans le Pacte qui ne porte que sur des risques concrets contre lesquels un État partie peut offrir une protection. Le risque présumé de violation des droits des auteurs relève d’un phénomène mondial résultant d’activités très diverses menées par une foule d’acteurs privés et publics pendant des décennies, qui échappent incontestablement à la juridiction et au contrôle de l’État partie. Il serait malvenu que, pour empêcher toute atteinte aux droits des auteurs liée aux changements climatiques, le Pacte impose à l’État partie un devoir ou une obligation qu’il ne peut espérer honorer. De plus, les auteurs reconnaissent que les changements climatiques ont de multiples causes mondiales et qu’il est encore possible de prendre des mesures aux niveaux national et international pour atténuer la menace que représentent leurs effets.

6.8Toute obligation positive découlant du Pacte concerne principalement les menaces qui résultent des actes de particuliers ou d’entités privées soumis à la juridiction et au contrôle d’un État partie. Cette notion pourrait être élargie aux obligations positives se rapportant aux problèmes environnementaux qui constituent une menace directe, précise et objective pour l’exercice des droits énoncés dans le Pacte, comme dans le cas de l’utilisation de pesticides (voir Portillo Cáceres et consorts c. Paraguay), que l’État a le pouvoir de prévenir. Cela étant, le Pacte ne crée pas d’obligation de protection générale contre les effets futurs des changements climatiques qui, du point de vue du droit international, dépassent largement la portée de la juridiction et du contrôle d’un seul État partie.

6.9Des chercheurs affirment que les liens de causalité qui interviennent dans les changements climatiques anthropiques, et en particulier les conséquences de ces changements, sont complexes et diffus, et que le droit des droits l’homme ne permet pas de prendre en compte toute l’étendue des causes et des effets des changements climatiques. Un État ne peut offrir des garanties ou une protection contre une menace dont il n’est pas responsable s’il n’est pas en mesure d’assurer ladite protection à lui seul.

6.10Les obligations positives découlant du Pacte n’exigent pas la mobilisation d’un maximum de ressources ni la réalisation de l’objectif le plus ambitieux. Non seulement une telle exigence inédite ferait peser sur les États une charge impossible à assumer, mais elle influencerait les choix stratégiques raisonnables qu’ils font de bonne foi lorsqu’ils évaluent les diverses menaces et difficultés qui ont des répercussions sur l’exercice des droits de l’homme énoncés dans le Pacte et déterminent comment répartir leurs ressources limitées pour y faire face.

6.11Il serait inapproprié et injustifié que le Comité interprète le Pacte d’une manière qui permette une remise en question des décisions éclairées et difficiles prises de bonne foi par un gouvernement élu démocratiquement, souvent au prix de compromis et d’arbitrages, et de la manière dont il a réparti ses ressources limitées en vue de remédier aux différents obstacles au plein exercice des droits de l’homme. En incitant le Comité à faire une interprétation excessivement large d’une obligation positive, les auteurs l’invitent à faire fi du pouvoir d’appréciation dont jouissent les États, même lorsque les décisions sont prises de bonne foi. L’accomplissement des obligations positives découlant du Pacte doit se faire compte tenu des objectifs opposés auxquels les États doivent consacrer leurs ressources limitées.

6.12Les griefs que les auteurs tirent de l’article 27 du Pacte sont factuellement et juridiquement incorrects. L’État partie explique qu’il agit pour éviter que les îles ne deviennent inhabitables en prenant les mesures d’adaptation et d’atténuation qui sont exposées en détail dans ses observations. Il donne des informations détaillées sur les lois, politiques et pratiques destinées à protéger les droits culturels des insulaires du détroit de Torres, notamment : la loi de 2003 sur le patrimoine culturel des insulaires du détroit de Torres (Queensland), la loi de 2020 sur les pratiques traditionnelles d’éducation des enfants des insulaires du détroit de Torres (Queensland), le projet de l’Autorité régionale du détroit de Torres sur le savoir écologique traditionnel, la désignation de trois zones autochtones protégées dans la région du détroit de Torres, les textes relatifs à l’utilisation des infrastructures et des logements dans le détroit de Torres, les accords sur l’utilisation des terres autochtones et le programme en faveur du bien-être des communautés locales. Du point de vue du droit international, l’article 27 du Pacte n’entraîne aucune obligation positive de prévenir les risques à évolution lente qui sont susceptibles d’apparaître. Seul un déni de droit peut constituer une violation de cet article, ce qui signifie qu’un risque de déni de droit ne peut être considéré comme une violation existante. Quand bien même le Comité admettrait l’argument relatif à la dimension intergénérationnelle de la transmission culturelle, rien n’indique que l’État partie a directement entravé ou omis de protéger la capacité des auteurs de transmettre leur culture aux générations suivantes.

6.13L’article 24 (par. 1) du Pacte n’énonce pas les droits de l’enfant, mais fait référence aux mesures qu’il est nécessaire de prendre pour protéger les enfants. Dans leurs observations, les auteurs ne font que décrire les effets des changements climatiques qui touchent la population générale − enfants et adultes − du détroit de Torres sans spécifier les mesures qu’ils voudraient voir appliquées pour que cette protection soit assurée. Les mesures spéciales dont il est question à l’article 24 du Pacte visent à protéger les enfants en raison de leur statut de mineurs, et les effets des changements climatiques ne diffèrent pas selon qu’une personne est mineure ou majeure.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3Le Comité rappelle qu’en vertu de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif, l’auteur d’une communication est tenu d’épuiser tous les recours judiciaires ou administratifs internes qui lui offrent une chance raisonnable d’obtenir réparation et lui sont de facto ouverts. Il rappelle aussi qu’aux fins de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif, les auteurs ne sont tenus d’exercer que les recours qui offrent des perspectives raisonnables d’obtenir réparation, qui sont en rapport avec la violation alléguée et qui sont susceptibles d’assurer une réparation qui soit proportionnée au préjudice subi. À cet égard, il prend note de l’affirmation non contestée des auteurs selon laquelle la plus haute juridiction d’Australie a conclu que les organes de l’État n’avaient pas de devoir de protection envers les personnes lésées par l’absence de réglementation visant à prévenir les atteintes à l’environnement. Il prend note de la position de l’État partie selon laquelle les États parties au Pacte ne sont pas tenus de donner accès à des recours internes lorsque, comme en l’espèce, il n’y a pas de violation des droits reconnus dans le Pacte, interprétés comme il convient. Compte dûment tenu des autres conclusions sur la recevabilité qui sont exposées aux paragraphes suivants, il estime que la question de savoir si les droits que les auteurs tiennent du Pacte ont été violés ne peut être dissociée du fond de l’affaire. Étant donné ce qui précède, et en l’absence d’informations de l’État partie indiquant que les auteurs disposaient au moment voulu de recours internes utiles leur permettant de soumettre leurs allégations de violations du Pacte aux organes compétents de l’État, il considère que les dispositions de l’article 5 (par. 2 b)) du Pacte ne l’empêchent pas d’examiner la communication.

7.4Le Comité prend note des griefs soulevés par les auteurs au titre de l’article 2 du Pacte, lu seul et conjointement avec les articles 6, 17, 24 (par. 1) et 27. Renvoyant à sa jurisprudence, il rappelle que les dispositions de l’article 2 du Pacte énoncent des obligations générales à la charge des États parties et ne peuvent être invoquées isolément dans une communication soumise en vertu du Protocole facultatif. Les dispositions de l’article 2 ne peuvent pas non plus être invoquées en conjonction avec d’autres dispositions du Pacte pour fonder une communication présentée en vertu du Protocole facultatif, sauf lorsque le manquement de l’État partie aux obligations que lui impose cet article est la cause immédiate d’une violation distincte du Pacte portant directement atteinte à la personne qui se dit victime. En l’espèce, le Comité constate que les griefs tirés de l’article 2 du Pacte, lu conjointement avec les articles 6, 17, 24 (par. 1) et 27, tiennent au fait que les politiques de l’État partie n’auraient pas donné effet aux droits protégeant la vie, la vie privée, la famille, le domicile et la culture des auteurs. Cependant, il note que les auteurs ont déjà dénoncé des violations des droits qu’ils tiennent des articles 6, 17, 24 (par. 1) et 27, résultant de défaillances supposées du cadre législatif et stratégique et des pratiques de l’État partie concernant les causes et les effets des changements climatiques et les mesures prises pour faire face à ces changements. Il considère qu’examiner la question de savoir si l’État partie a manqué aux obligations générales que lui impose l’article 2 du Pacte, lu conjointement avec les articles 6, 17, 24 (par. 1) et 27, revient au même que d’examiner la question de savoir si l’État partie a violé les droits que les auteurs tiennent des articles 6, 17, 24 (par. 1) et 27. Il estime donc que les griefs soulevés par les auteurs au titre de l’article 2 du Pacte, lu seul et conjointement avec les articles 6, 17, 24 (par. 1) et 27, sont irrecevables au regard de l’article 3 du Protocole facultatif.

7.5Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel les griefs soulevés par les auteurs au titre d’autres traités internationaux sont irrecevables, ratione materiae, parce qu’ils n’entrent pas dans le champ d’application du Pacte. Il fait observer qu’il n’est pas compétent pour vérifier le respect des obligations découlant d’autres traités ou accords internationaux. Cela étant, dans la mesure où les auteurs ne demandent pas réparation pour des violations de ces autres traités et ne font que s’y reporter pour interpréter les obligations mises à la charge de l’État partie par le Pacte, il considère que la question de savoir si ces interprétations sont acceptables porte sur le fond des griefs formulés au titre du Pacte. Il estime donc, à cet égard, que les dispositions de l’article 3 du Protocole facultatif ne font pas obstacle à la recevabilité de la communication.

7.6Le Comité note que l’État partie affirme que la communication est irrecevable au regard des articles 1er et 2 du Protocole facultatif parce qu’il ne peut pas être tenu responsable, ni d’un point de vie juridique, ni dans la pratique, des effets des changements climatiques dénoncés par les auteurs dans leur communication. Compte tenu des arguments avancés par les parties, le Comité doit réfléchir à la question de savoir si l’on peut considérer, au regard de l’article premier du Protocole facultatif, qu’un État partie a violé les droits reconnus dans le Pacte lorsque le préjudice causé tient au fait que l’État partie n’a pas pris de mesures d’adaptation et d’atténuation pour combattre les effets néfastes des changements climatiques sur son territoire.

7.7S’agissant des mesures d’adaptation, le Comité rappelle que les auteurs de la communication invoquent les articles 6, 17, 24 (par. 1) et 27 et que chacun de ces articles implique pour les États parties une obligation positive de protéger les personnes qui relèvent de leur juridiction contre des violations de ses dispositions.

7.8En ce qui concerne les mesures d’atténuation, bien que les parties ne s’accordent pas sur les quantités de gaz à effet de serre émises sur le territoire de l’État partie ni sur la question de savoir si ces émissions diminuent ou augmentent de manière notable, il ressort des informations reçues des deux parties que l’État partie figure parmi les pays qui émettent de grandes quantités de gaz à effet de serre depuis plusieurs décennies. Le Comité note en outre que l’État partie est bien classé au regard des indicateurs économiques et des indicateurs de développement humain à l’échelle mondiale. Compte tenu de ce qui précède, il considère que les actes et omissions visés relèvent de la juridiction de l’État partie au regard des articles 1er ou 2 du Protocole facultatif et qu’il n’est donc pas empêché d’examiner la communication.

7.9Le Comité note que l’État partie considère la communication irrecevable au regard des articles 1er et 2 du Protocole facultatif parce que les griefs des auteurs concernent des dommages potentiels et que les auteurs n’ont pas suffisamment étayé leur allégation selon laquelle ils seraient victimes d’une violation passée ou existante ou d’une menace imminente de violation de leurs droits par l’État partie. Il rappelle sa jurisprudence, dont il ressort qu’une personne ne peut se prétendre victime au sens de l’article premier du Protocole facultatif que si elle a effectivement subi un préjudice. Que cette condition soit ou non remplie est une question d’appréciation. Les personnes qui se prétendent victimes d’une violation d’un droit énoncé dans le Pacte doivent néanmoins pouvoir démontrer que l’État partie a déjà, par son action ou par omission, entravé l’exercice du droit en question, ou qu’il est sur le point de le faire, en fondant leurs arguments sur la législation en vigueur ou sur une décision ou pratique judiciaire ou administrative, par exemple. Si la législation ou la pratique n’a pas concrètement été appliquée au détriment des intéressés, il faut en tout état de cause que la manière dont elle est appliquée leur fasse courir un risque de préjudice plus que théorique.

7.10Le Comité constate que les informations figurant dans la communication montrent que les auteurs rencontrent personnellement des difficultés réelles qui trouvent leur origine dans des phénomènes climatiques perturbateurs et des processus à évolution lente, tels que les inondations et l’érosion. Les auteurs affirment notamment que ces difficultés compromettent déjà leur capacité de gagner leur vie, d’assurer leur subsistance et de préserver leur culture. Notant que l’État partie affirme que les auteurs n’ont pas étayé le grief selon lequel les effets actuels et futurs des changements climatiques et l’action menée par l’État partie pour atténuer ceux-ci ont entraîné une violation des droits qu’ils tiennent du Pacte, le Comité fait observer que les auteurs, qui appartiennent à des peuples dont les terres traditionnelles se trouvent sur de petites îles de faible élévation offrant vraisemblablement peu de possibilités de réinstallation, sont particulièrement exposés aux effets néfastes des changements climatiques. Il est incontesté que la vie et la culture de ces personnes dépendent dans une large mesure de la disponibilité des ressources naturelles limitées auxquelles elles ont accès et de la prévisibilité des phénomènes naturels environnants. Le Comité fait observer qu’étant donné leurs ressources limitées et l’endroit où ils vivent, il est peu probable que les auteurs puissent financer eux-mêmes, soit personnellement, soit à l’échelon de la communauté, les mesures nécessaires aux fins de l’adaptation aux changements climatiques actuels ou attendus ainsi qu’à leurs effets pour atténuer le préjudice subi. Il estime donc que les auteurs font partie des groupes de population les plus susceptibles de subir violemment les effets fortement perturbateurs des changements climatiques. Compte tenu des informations communiquées par les auteurs, il considère que le risque d’atteinte aux droits considérés découlant des effets néfastes graves qui se sont déjà produits et qui sont observés actuellement est plus que théorique. En conséquence, il considère que les articles 1er et 2 du Protocole facultatif ne font pas obstacle à la recevabilité des griefs fondés sur les articles 6, 17, 24 (par. 1) et 27 du Pacte.

7.11Le Comité déclare donc recevables les griefs soulevés par les auteurs au titre des articles 6, 17, 24 (par. 1) et 27 du Pacte et passe à leur examen au fond.

Examen au fond

8.1Conformément à l’article 5 (par. 1) du Protocole facultatif, le Comité a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

8.2Le Comité prend note du grief des auteurs selon lequel, en ne prenant pas des mesures d’atténuation et d’adaptation adéquates pour empêcher que les changements climatiques aient des répercussions négatives sur eux et sur les îles qu’ils habitent, l’État partie a violé les droits qu’ils tiennent du Pacte.

Article 6

8.3Le Comité prend note du grief des auteurs selon lequel les faits qui font l’objet de la présente affaire constituent une violation, par action et par omission, de leur droit de vivre dans la dignité, consacré par l’article 6 du Pacte, étant donné que l’État partie ne s’est pas acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation et d’atténuation pour faire face aux effets des changements climatiques qui perturbent leur vie, y compris leur mode de vie. S’agissant de la position de l’État partie selon laquelle il n’est pas tenu par l’article 6 (par. 1) du Pacte d’empêcher les pertes de vies humaines prévisibles dues aux changements climatiques, il rappelle que le droit à la vie ne peut pas être entendu correctement s’il est interprété de manière restrictive et que sa protection exige que les États parties adoptent des mesures positives. Il rappelle également son observation générale no 36 (2018) sur le droit à la vie, dans laquelle il affirme que ce droit recouvre le droit des personnes de vivre dans la dignité et de ne pas subir d’actes ni d’omissions qui causeraient leur décès non naturel ou prématuré (par. 3). Il rappelle en outre que l’obligation qui incombe aux États parties de respecter et de garantir le droit à la vie s’étend aux menaces et aux situations mettant la vie en danger que l’on peut raisonnablement prévoir et qui peuvent aboutir à une privation de la vie. Il peut y avoir violation de l’article 6 par les États parties même si les menaces et situations en question n’aboutissent pas à la perte de la vie. Le Comité considère que les effets néfastes des changements climatiques peuvent être compris dans ces menaces et rappelle que la dégradation de l’environnement, les changements climatiques et le développement non durable font partie des menaces les plus urgentes et les plus graves pesant sur la capacité des générations présentes et futures de jouir du droit à la vie. Il rappelle également que les États devraient prendre des mesures appropriées destinées à améliorer certains contextes dans la société susceptibles d’engendrer des menaces directes pour la vie ou d’empêcher des personnes de jouir de leur droit à la vie dans la dignité.

8.4Le Comité note que l’État partie, se référant à l’article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités (1969), affirme qu’au regard des règles relatives à l’interprétation des traités, l’article 6 (par. 1) du Pacte ne peut pas être interprété sur la base de l’observation générale no 36 (2018) comme recouvrant le droit de vivre dans la dignité. Cependant, le Comité estime que les termes considérés sont compatibles avec les dispositions susmentionnées, selon lesquelles un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. À ce propos, il fait observer que, aux termes de l’article 31 de la Convention, le contexte dans lequel un traité est interprété comprend en premier le texte dudit traité, préambule et annexes inclus. Dans le préambule du Pacte, il est d’abord établi que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde et que ces droits découlent de la dignité inhérente à la personne humaine. Si l’État partie précise que les droits socioéconomiques sont protégés par un autre Pacte, le Comité fait observer qu’il est reconnu, dans le préambule du Pacte relatif aux droits civils et politiques, que l’idéal de l’être humain libre libéré de la crainte et de la misère ne peut être réalisé que si des conditions permettant à chacun de jouir de ses droits civils et politiques, aussi bien que ses droits économiques, sociaux et culturels, sont créées.

8.5Le Comité fait observer que lui et plusieurs tribunaux régionaux des droits de l’homme ont estimé que la dégradation de l’environnement pouvait compromettre la jouissance effective du droit à la vie et qu’une grave dégradation de l’environnement pouvait avoir des répercussions négatives sur le bien-être des personnes et entraîner une violation du droit à la vie. En l’espèce, il note que l’Autorité régionale du détroit de Torres, qui est un organisme gouvernemental, a fait état, dans son rapport sur la Stratégie de lutte contre les changements climatiques dans le détroit de Torres (2014-2018), de la vulnérabilité des îles du détroit face aux effets néfastes non négligeables des changements climatiques qui touchent les écosystèmes et les moyens de subsistance des insulaires. Il note également que les auteurs affirment que leurs îles sont menacées par les inondations, la rupture de digues, le blanchissement des coraux, la hausse des températures, l’érosion, la diminution du nombre de cocotiers, le déclin des espèces marines utilisées pour l’alimentation et les pratiques culturelles, et l’absence de précipitations et son effet sur les cultures (par. 2.3 à 2.5 et 5.2).

8.6Le Comité rappelle que, à certains endroits, l’absence d’autres moyens de subsistance peut placer les personnes dans une situation de vulnérabilité accrue face aux effets néfastes des changements climatiques. Il tient compte de l’argument des auteurs selon lequel leur vie dépend en grande partie de la santé de leurs îles. Il fait néanmoins observer que, si les auteurs se disent préoccupés par le caractère moins prévisible des variations météorologiques saisonnières, de l’arrivée des saisons, des marées et de la disponibilité de sources d’alimentation traditionnelles et importantes du point de vue culturel, ils ne mentionnent pas d’effets négatifs passés ou actuels sur leur santé ni de risque réel et raisonnablement prévisible d’exposition à une situation mettant leur vie en danger ou à une précarité extrême qui pourraient menacer leur droit à la vie, y compris leur droit de vivre dans la dignité. Il note également que les griefs que les auteurs tirent de l’article 6 du Pacte concernent essentiellement leur capacité de préserver leur culture, ce qui relève du champ d’application de l’article 27 du Pacte.

8.7En ce qui concerne l’affirmation des auteurs selon laquelle leurs îles deviendront inhabitables d’ici à dix ans (pour Boigu et Masig) ou dix à quinze ans (pour Poruma et Warraber) si rien n’est fait d’urgence, le Comité rappelle que si des mesures énergiques ne sont pas prises aux niveaux national et international, les effets des changements climatiques peuvent conduire à une violation des droits reconnus dans l’article 6 du Pacte. De plus, le risque qu’un pays entier disparaisse sous les eaux est un risque à ce point grave que les conditions de vie dans le pays en question pourraient devenir incompatibles avec le droit de vivre dans la dignité avant même que la catastrophe se produise. Le Comité note qu’un programme de construction et de modernisation de digues dans le détroit de Torres a été mis en place pour la période 2019‑2023 afin de freiner l’érosion du littoral et d’atténuer les effets des ondes de tempête sur Poruma, Warraber, Masig, Boigu et Iama. Il note également que plusieurs travaux de protection du littoral ont pris fin en 2022 à Boigu, où 15millions de dollars australiens ont été consacrés à la construction d’un brise‑lames de 1 022mètres de long, à la surélévation et l’agrandissement d’un mur de protection (jusqu’à 450mètres) et à la modernisation d’infrastructures de drainage des eaux pluviales. Il fait observer que, d’après ce qui était prévu dans le programme, les travaux côtiers sur Poruma, Warraber et Masig devaient commencer en 2021 ou 2022 et se terminer avant la fin de 2023. Il prend également note des autres mesures d’adaptation et d’atténuation mentionnées par l’État partie. Il considère que le délai de dix à quinze ans indiqué par les auteurs pourrait permettre à l’État partie de mener une action positive pour protéger et, si nécessaire, réinstaller les victimes présumées. Il considère également que les informations données par l’État partie montrent qu’il prend des mesures d’adaptation pour réduire les facteurs de vulnérabilité actuels et renforcer la résilience face aux dégâts causés par les changements climatiques sur les îles. Compte tenu des renseignements qui lui ont été communiqués, il n’est pas en mesure de conclure que les mesures d’adaptation prises par l’État partie seraient insuffisantes et constitueraient donc une menace directe pour le droit des auteurs de vivre dans la dignité.

8.8Compte tenu de ce qui précède, le Comité considère que les renseignements dont il est saisi ne font pas apparaître de violation par l’État partie des droits que tiennent les auteurs de l’article 6 du Pacte.

Article 17

8.9Le Comité prend note de l’argument des auteurs selon lequel les changements climatiques ont déjà des répercussions sur leur vie privée, leur famille et leur domicile puisqu’ils risquent de devoir abandonner leur foyer. Il note également que les auteurs ressentent une profonde détresse face à la progression de l’érosion et que leurs îles sont frappées par des inondations. Il note en outre que Stanley Marama affirme que son domicile a été détruit par des inondations en 2010. Il rappelle que les États parties sont tenus d’empêcher les immixtions dans la vie privée, la famille ou le domicile d’une personne dues à des comportements qui ne sont pas imputables aux autorités publiques, du moins lorsque ces immixtions sont prévisibles et graves. Les États doivent donc empêcher que les atteintes à l’environnement n’entraînent des immixtions graves dans la vie privée, la famille ou le domicile des personnes qui relèvent de leur juridiction.

8.10Le Comité rappelle que les moyens de subsistance des auteurs reposent sur les ressources halieutiques et autres ressources marines, les cultures et les arbres, et que leur bien-être dépend de la santé des écosystèmes qui les entourent. L’État partie n’a pas contesté les affirmations des auteurs à cet égard. Le Comité considère que les éléments susmentionnés sont constitutifs du mode de vie traditionnel autochtone des auteurs, qui entretiennent un lien particulier avec leur territoire, et que ces éléments peuvent entrer dans le champ de la protection conférée par l’article 17 du Pacte. D’autre part, il estime que l’article 17 ne devrait pas être compris comme se limitant à interdire toute immixtion arbitraire, mais qu’il pose l’obligation pour les États parties de prendre les mesures positives nécessaires pour assurer l’exercice effectif des droits reconnus à l’article 17 face aux éventuelles immixtions des pouvoirs publics ou de personnes physiques ou morales.

8.11Le Comité prend note des nombreuses informations détaillées sur les multiples mesures que l’État partie a prises pour atténuer les effets néfastes des changements climatiques et des émissions de carbone générées sur son territoire. Il prend note, en particulier, des mesures suivantes, qui sont en lien avec les griefs des auteurs : la publication du Plan régional d’adaptation et de résilience pour le détroit de Torres (2016‑2021), qui portait à la fois sur les conséquences de l’évolution du climat et sur l’atténuation de la vulnérabilité grâce à la résilience ; la collaboration directe de l’Autorité régionale du détroit de Torres avec les communautés de la région aux fins du renforcement de leur capacité d’adaptation aux effets des changements climatiques ; l’établissement de cartes thermiques pour le suivi et la réduction des risques liés à la chaleur au niveau des communautés ; l’installation de sites de surveillance des marées, du niveau de la mer, des températures et des précipitations ; l’engagement de plus de 15 milliards de dollars australiens en faveur de la gestion des ressources naturelles, des infrastructures hydriques, de la résilience face aux sécheresses et aux catastrophes et du financement des efforts de relèvement dans tout le pays ; l’investissement de 100 millions de dollars australiens dans la gestion des habitats marins et des environnements côtiers ; l’allocation de 1,4 milliard (2015-2020) et 1,5 milliard (2020‑2025) de dollars australiens aux fins du financement de l’action climatique aux niveaux régional et mondial, avec en point de mire l’obtention de résultats en matière d’adaptation ; la réduction des émissions de carbone de 20,1 % (entre 2005 et 2020) et de 46,7 % par habitant (entre 1990 et 2020) ; l’investissement d’environ 20 milliards de dollars australiens dans des technologies peu polluantes (2020-2030) et de 3,5 milliards en faveur du Fonds pour la réduction des émissions ; le lancement ou l’achèvement de 58 actions définies dans le Plan régional d’adaptation et de résilience pour le détroit de Torres (2016‑2021) ; l’élaboration de plans locaux d’adaptation et de résilience au bénéficie des communautés des 14 îles périphériques ; l’élaboration par l’Autorité régionale d’un projet de cadre régional visant à renforcer la résilience aux niveaux local et régional face aux effets des changements climatiques, sur la base de consultations menées auprès de représentants locaux ; l’évaluation continue des conséquences des changements climatiques pour les populations du détroit de Torres ; la cartographie du littoral des îles du détroit de Torres aux fins de la planification de l’adaptation des zones côtières ; la poursuite des initiatives de protection du littoral engagées par l’Autorité régionale en vue d’atténuer les effets de l’érosion et des ondes de tempête sur les communautés locales ; l’investissement de 40 millions de dollars australiens dans l’exécution de la deuxième phase du programme de construction et de modernisation de digues dans le détroit de Torres (2019‑2023). Le Comité rappelle les informations données au paragraphe 8.7 concernant les efforts que l’État partie a déployés et continue de déployer pour construire de nouvelles digues ou moderniser les digues existantes sur les îles où vivent les auteurs, et note que la fin de ces travaux est prévue pour 2023.

8.12Cependant, le Comité note que l’État partie n’a pas réagi aux allégations des auteurs selon lesquelles ils avaient tenté de demander l’adoption de mesures d’adaptation, en particulier la modernisation des digues, à plusieurs reprises au cours des dernières décennies. Bien qu’il se félicite de la construction de nouvelles digues sur les quatre îles considérées, il fait observer que l’État partie n’a pas expliqué le retard qu’avait pris la construction de digues sur les îles des auteurs. L’État partie n’a pas non plus contesté les allégations factuelles formulées par les auteurs concernant les effets concrets des changements climatiques sur leur domicile, leur vie privée et leur famille. Le Comité note aussi que l’État partie n’a pas donné d’autre explication quant à l’appauvrissement des ressources marines utilisées à des fins alimentaires et aux pertes de cultures et d’arbres fruitiers sur les terres où vivent et cultivent les auteurs, éléments qui font partie de leur vie privée, de leur famille et de leur domicile. Il prend note des descriptions précises que donnent les auteurs de la façon dont les inondations et la submersion de leurs villages et de leurs cimetières ancestraux se sont répercutées sur leur vie, de la destruction ou de la disparition de jardins traditionnels par suite de la salinisation causée par les inondations ou la pénétration de l’eau de mer, et du déclin d’espèces marines importantes sur les plans nutritionnel et culturel causé par le blanchissement des coraux et l’acidification de l’océan. Le Comité note en outre que les auteurs font part de leur état de détresse et d’anxiété face à la progression de l’érosion, qui menace certains foyers de la communauté, et expliquent que la possibilité d’entretenir les cimetières ancestraux et de s’y rendre pour pouvoir se sentir en communion avec leurs proches décédés est au cœur de leur culture. Il note également qu’ils affirment que les cérémonies culturelles les plus importantes n’ont de signification que si elles ont lieu sur les terres d’origine de la communauté. Il considère que lorsque les effets des changements climatiques − en particulier la dégradation des terres traditionnelles (autochtones) de communautés dont la subsistance dépend dans une large mesure des ressources naturelles disponibles et qui n’ont pas accès à d’autres moyens de subsistance ni à une aide humanitaire − se répercutent directement sur le droit au domicile, et lorsqu’ils ont des conséquences particulièrement négatives du fait de leur intensité ou de leur durée et du préjudice physique ou mental qu’ils causent, la dégradation de l’environnement peut nuire au bien-être des personnes et entraîner des atteintes graves et prévisibles à la vie privée, à la vie de famille et au domicile. Le Comité conclut que les informations dont il dispose montrent qu’en manquant à son obligation positive de prendre des mesures d’adaptation adéquates pour protéger le domicile, la vie privée et la famille des auteurs, l’État partie a violé les droits qu’ils tiennent de l’article 17 du Pacte.

Article 27

8.13Le Comité rappelle que l’article 27 consacre un droit qui est conféré à des individus appartenant à des groupes minoritaires autochtones et qui est distinct ou complémentaire des autres droits dont jouissent toutes les autres personnes conformément au Pacte. Il rappelle également que, dans le cas des peuples autochtones, le droit d’avoir leur vie culturelle peut consister à conserver un mode de vie étroitement associé au territoire et à l’utilisation de ses ressources et peut porter sur l’exercice d’activités traditionnelles telles que la pêche ou la chasse. La protection de ce droit vise ainsi à assurer la survie et le développement permanent de l’identité culturelle. Le Comité rappelle en outre que l’article 27 du Pacte, interprété à la lumière de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, consacre le droit inaliénable des peuples autochtones de jouir des territoires et des ressources naturelles qu’ils utilisent traditionnellement pour leur subsistance et qui font partie de leur identité culturelle. Bien que les droits consacrés à l’article 27 soient des droits individuels, leur respect dépend néanmoins de la mesure dans laquelle le groupe minoritaire maintient sa culture, sa langue ou sa religion.

8.14Le Comité prend note de l’affirmation des auteurs selon laquelle les effets des changements climatiques sur la viabilité de leurs îles et des mers environnantes nuisent déjà à leur capacité de préserver leur culture. Il prend également note de l’affirmation selon laquelle ces effets sont à l’origine d’une détérioration des terres traditionnelles et des ressources naturelles que les auteurs utilisent pour pratiquer la pêche et l’agriculture traditionnelle et tenir des cérémonies culturelles qui ne peuvent avoir lieu que sur ces îles. Il prend note, en outre, de l’affirmation des auteurs selon laquelle la santé de leur territoire et des mers environnantes est étroitement liée à leur intégrité culturelle. Il note que l’État partie n’a pas contesté l’argument selon lequel les auteurs ne peuvent pas pratiquer leur culture en Australie continentale, où ils n’auraient pas de terres sur lesquelles ils pourraient maintenir leur mode de vie traditionnel. Il considère que les effets de l’évolution du climat mentionnés par les auteurs constituent une menace que l’État partie aurait raisonnablement pu prévoir, étant donné que les membres des communautés concernées ont commencé à aborder le sujet dans les années 1990. Le Comité prend acte des travaux de construction de digues achevés ou en cours sur les îles où vivent les auteurs, mais il estime que le délai qui a précédé le lancement de ces projets constitue une réaction inadéquate de l’État partie à la menace qui pesait sur les auteurs. Se référant aux conclusions énoncées au paragraphe 8.14, il considère que les renseignements dont il est saisi montrent qu’en ne prenant pas en temps voulu des mesures d’adaptation adéquates pour protéger la capacité collective des auteurs de préserver leur mode de vie traditionnel et de transmettre à leurs enfants et aux générations futures leur culture, leurs traditions et leurs modes d’utilisation des ressources foncières et marines, l’État partie n’a pas respecté son obligation positive de protéger le droit des auteurs de jouir de la culture de leur minorité. En conséquence, il considère que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des droits que les auteurs tiennent de l’article 27 du Pacte.

9.Le Comité, agissant en vertu de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des articles 17 et 27 du Pacte.

10.Ayant conclu à une violation des articles 17 et 27, le Comité ne juge pas nécessaire d’examiner les griefs soulevés par les auteurs au titre de l’article 24 (par. 1) du Pacte.

11.Conformément à l’article 2 (par. 3 a)) du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer aux auteurs un recours utile. Il a l’obligation d’accorder une réparation intégrale aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. En conséquence, l’État partie est tenu, entre autres, d’accorder aux auteurs une indemnisation appropriée pour le préjudice subi, d’engager de véritables consultations avec les communautés auxquelles appartiennent les auteurs afin de procéder à une évaluation des besoins, de continuer à appliquer les mesures nécessaires afin que ces communautés puissent continuer à vivre en toute sécurité sur leurs îles respectives, de suivre l’application des mesures et d’évaluer leur efficacité afin de remédier dès que possible aux éventuels problèmes. Il est également tenu de prendre les mesures nécessaires pour que des violations analogues ne se reproduisent pas.

12.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans sa langue officielle.

Annexe I

[Espagnol seulement]

Voto individual (disidente) de Carlos Gómez Martínez, miembro del Comité

1.El calentamiento global coloca en situación de grave riesgo la vida familiar de los autores (artículo 17 del Pacto) y también la supervivencia de las comunidades indígenas a las que pertenecen (artículo 27 del Pacto), dada la circunstancia de que habitan islas de muy escasa altitud en el estrecho de Torres, fácilmente inundables por la subida del nivel del mar. Este hecho evidencia su extrema vulnerabilidad y les sitúa como víctimas potenciales de violación de los derechos humanos apenas mencionados y de los que son titulares.

2.Sin embargo, la evitación total del riesgo y de los daños derivados del cambio climático está fuera del alcance de la actuación aislada del Estado parte, dado que el calentamiento de la tierra es un fenómeno global al que solo se puede dar respuesta mundial en una lucha en la que han de implicarse todos o, al menos, una parte significativa de los Estados del planeta. Por ello no puede concluirse que el Estado parte haya violado los derechos de los autores por no haber evitado los riesgos o no haber eliminado totalmente los daños que puedan sufrir, derivados del cambio climático.

3.Por esta razón, el Comité se centra en las medidas de adaptación al cambio climático. El Comité admite, en los párrafos 8.7 y 8.11 de su dictamen, que el Estado parte ha llevado a cabo acciones concretas para la adaptación de la vida de los autores al nuevo entorno que traerá consigo el cambio climático, siendo de especial relevancia la construcción de muros de contención de las aguas del mar, obras ya iniciadas y cuya finalización se espera en 2023.

4.Cuestión distinta es si las medidas de adaptación son o no las exigibles hasta el punto de que, por no ser suficientes, puedan suponer la violación de los derechos humanos de los autores. La adaptación al cambio climático es un concepto indeterminado que puede ir desde una leve acomodación hasta la drástica configuración de un nuevo entorno plenamente resiliente que permita la vida en plenitud de los autores en las nuevas circunstancias climáticas. En cualquier caso, corresponde al Estado parte decidir el curso de acción que debe emprender para adaptar su país al cambio climático atendiendo a los intereses de toda la ciudanía y a la posible opción por políticas tanto ambientales, como la reforestación con especies resistentes o la facilitación de la transición energética, como de otra índole, como la reducción de la pobreza, que también tiene importante repercusión en el disfrute de los derechos humanos.

5.En el propio dictamen se señala, en el párrafo 8.7, que el Comité noestá en condiciones de concluir que las medidas de adaptación adoptadas por el Estado parte sean insuficientes para representar una amenaza directa al derecho de los autores a una vida digna, por lo que se excluye la violación del artículo 6 del Pacto. Si ello es así, nose entiende cómo el Comité sí se considera en condiciones de concluir que las medidas de adaptación emprendidas por el Estado parte sean insuficientes a los efectos de apreciar una violación de los artículos 17 y 27 del Pacto. nose explica por qué el juicio de suficiencia noes válido a unos efectos (noviolación del artículo 6) y sí lo es a otros (violación de los artículos 17 y 27).

6.En definitiva, en el dictamen no se explica la razón por la cual el Comité considera que las medidas de adaptación llevadas a cabo por el Estado parte ―la construcción de diques de contención del agua del mar―, o el retraso en ejecutarlas ―iniciadas en 2017 y 2018 en los malecones de Boigu y Poruma (véase el párr. 2.7)―, han sido insuficientes hasta el punto de constituir una violación de los artículos 17 y 27 del Pacto. Asimismo, tampoco se explica qué otra actuación suplementaria hubiera sido exigible al Estado parte para poder concluir que no se produjo dicha violación.

Annexe II

[Anglais seulement]

Individual opinion of Committee member Duncan Laki Muhumuza (dissenting)

1.The Committee found that there was no violation of article 6 of the Covenant based on the information provided by the State party.

2.I have comprehensively perused the information provided by both the authors and the State party and I am convinced that there is a violation of article 6 of the Covenant, which states that: “Every human being has the inherent right to life … protected by law. no one shall be arbitrarily deprived of his life.”

3.The Committee found that there was no violation of article 6 by the State party based on the information provided by the State party. The Committee considered the information provided by the State party insofar as adaptative measures were put in place to reduce the existing vulnerabilities and build resilience to climate change-related harms to the islands and it was on those grounds that the Committee found that there was no violation of article 6.

4.I am cognizant of the adaptive measures that the State party has taken under the Torres Strait sea walls programme (2019–2023), and, in this regard, that:

(a)Multiple infrastructures will be constructed and upgraded to address ongoing coastal erosion and storm surge impacts on Poruma, Warraber, Masig, Boigu and Iama;

(b)By 2022, several coastal mitigation works had been completed on Boigu with funding of $A 15 million, as well as the construction of a 1,022 metre-long wave return wall, the raising and extension of an existing bund wall to 450 metres and the upgrading of stormwater drainage infrastructure;

(c)Coastal mitigation works on Poruma, Warraber and Masig were scheduled to begin in 2021 or 2022 and to be completed by 2023.

5.While these efforts and measures taken and/or yet to be taken are commendable and appreciated, there has been an outcry from the authors that has not been addressed and hence the authors’ right to life will continue, appallingly, to be violated and their lives endangered.

6. I am of the considered view that the State party has failed to prevent a foreseeable loss of life from the impact of climate change. As highlighted by theUrgenda Foundation v. the State of Netherlands case,the State party is tasked with an obligation to prevent a foreseeable loss of life from the impacts of climate change, andto protect the authors’ right to life with dignity.

7.In the instant case, the State party has not taken any measures to reduce greenhouse gas emissions and cease the promotion of fossil fuel extraction and use, which continue to affect the authors and other islanders and endanger their livelihood, resulting in the violation of their rights under article 6 of the Covenant.

8.The citizens of the Torres Strait islands have also lost their livelihoods on the islands owing to ongoing climate changes and the State party has not taken any measures to mitigate this factor. As a result of the rise in the sea level, saltwater has penetrated the soils of the islands and as a result lands previously used for traditional gardening can no longer be cultivated. The coral bleaching that occurred has led to the disappearance of crayfish which are a fundamental source of food and income for the authors.

9.These factors combined point to the imminent danger or threat posed to people’s lives, which is already affecting their lives; yet, while the State party is aware, it has not taken effective protective measures to enable the people to adapt to climate change.

10.In the Urgenda case, The Hague Court of Appeal characterized climate change as “a real and imminent threat” requiring the State to “take precautionary measures to prevent infringement of rights as far as possible” (para. 43).

11.The Court further held that “it is appropriate to speak of a real threat of dangerous climate change, resulting in the serious risk that the current generation of citizens will be confronted with loss of life and/or a disruption of family life” (para. 45).

12.The authors have ably informed the Committee that the current state of affairs and existence in the Torres Strait islands is under imminent threat owing to ongoing climate change and therefore the State party should take immediate adaptive precautionary measures to thwart climate changes and preserve the lives of the islanders, including their health and livelihood. Any further delays or non-action by the State party will continue to put the lives of the citizens at risk, which is a blatant violation of article 6 (1) of the Covenant.

13.Accordingly, I find that there is a violation of article 6 and as a Committee, we should implore the State party to take immediate measures to protect and preserve the lives of the people of the Torres Strait islands. In order to uphold the right to life, States must take effective measures (which cannot be taken individually) to mitigate and adapt to climate change and prevent foreseeable loss of life.

Annexe III

[Espagnol seulement]

Voto individual (parcialmente disidente) de Hernán Quezada Cabrera, miembro del Comité

1.Respecto de la comunicación núm. 3624/2019, comparto la decisión del Comité en el sentido de que los hechos examinados ponen de manifiesto una violación de los derechos de los autores en virtud de los artículos 17 y 27 del Pacto, al no cumplir el Estado parte con su obligación de aplicar medidas adecuadas para proteger el hogar, la vida privada y la familia de los autores, y para proteger el derecho de los autores a disfrutar de su cultura minoritaria.

2.Sin embargo, en lo relativo al derecho a la vida, lamento no poder unirme a la mayoría del Comité, la cual concluyó que la información disponible no revela una violación por el Estado parte de los derechos de los autores en virtud del artículo 6 del Pacto.

3.El propio Comité entiende (véase el párr. 8.3) que el derecho a la vida no debe interpretarse de forma restrictiva y que su protección requiere de la adopción de medidas positivas. En este sentido el Comité ha establecido en su observación general núm. 36 (2018) que las amenazas al derecho a la vida pueden incluir los efectos adversos del cambio climático, lo que obliga a los Estados partes a “adoptar medidas apropiadas para abordar las condiciones generales en la sociedad que puedan suponer amenazas directas a la vida o impedir a las personas disfrutar con dignidad de su derecho a la vida”. Al respecto, debe tenerse presente que el Estado parte es y ha sido, durante las últimas décadas, uno de los países que han producido grandes cantidades de emisiones de gases de efecto invernadero (véase el párr. 7.8).

4.Según los hechos denunciados, y no rebatidos por el Estado parte, los autores han experimentado y experimentan una serie de problemas derivados de los efectos del cambio climático que afectan sus vidas y la existencia misma de las islas que habitan: la inundación de aldeas y de tierras funerarias ancestrales; la pérdida por erosión de sus tierras tradicionales, incluidas las plantaciones y los jardines; la destrucción o marchitamiento de los jardines tradicionales por la salinización causada por las inundaciones o la entrada de agua de mar; la disminución de especies marinas de importancia nutricional y cultural; la decoloración de los corales, y la acidificación de los océanos, entre otros. A todo ello se suma el riesgo de inhabitabilidad de sus islas debido al persistente aumento del nivel del mar.

5. Si bien el Estado parte ha adoptado en los últimos años diversas medidas para hacer frente a los efectos adversos del cambio climático y las emisiones de carbono generadas en su territorio, dichas medidas son aún insuficientes para garantizar a los autores el disfrute de una vida digna en las islas que habitan en el estrecho de Torres. En efecto, el Comité ha constatado (véase el párr. 8.12) que el Estado parte no ha respondido a varias alegaciones de los autores en este sentido, en particular a la no construcción de medidas de adaptación para mejorar los malecones y el retraso en la construcción de diques, así como tampoco ha dado explicaciones alternativas sobre la reducción de los recursos marinos necesarios para la alimentación y la pérdida de cultivos y árboles frutales. Aun cuando dichas constataciones del Comité están relacionadas con la violación del artículo 17 del Pacto, la falta o la insuficiencia de medidas de adaptación para enfrentar las consecuencias adversas del cambio climático ha repercutido negativamente en las condiciones de vida de los autores. Por lo demás, las amenazas que se ciernen sobre sus medios de subsistencia y sobre la existencia misma de las islas han creado una situación de incertidumbre y, en consecuencia, afectan su salud mental y su bienestar, impidiendo el derecho a disfrutar de una vida digna. En este contexto, los autores y sus familias ya han sufrido y aún sufren una violación del derecho a la vida, en el sentido de “vida digna”, lo que es una realidad concreta que requiere reparación, independientemente de las futuras mejoras que puedan lograrse con las medidas de mitigación y adaptación que el Estado parte ha comenzado a implementar en los últimos años o que estarían por iniciarse, según la información obtenida por el Comité (véase el párr. 8.7).

6.Con respecto al calendario de adopción de medidas, cabe tener presente que la comunicación de los autores (presentación inicial) es de fecha 13 de mayo de 2019, cuando los efectos adversos del cambio climático en las islas del Estrecho de Torres ya habían producido, durante largo tiempo, serios impactos negativos en sus vidas. Sin embargo, la mayor parte de las obras de mitigación costera emprendidas por el Estado parte, según lo constatado por el Comité, estaban programadas para comenzar recién en 2021 o 2022 y estar terminadas en 2023 (islas Masig, Poruma y Warraber). Solamente en la costa de una de las islas (Boigu) se habían completado en 2022 varias obras de mitigación.

Annexe IV

[Anglais seulement]

Individual opinion of Committee member Gentian Zyberi (concurring)

1I am generally in agreement with the Committee’s findings. In this individual opinion, I explain my position on adaptation and mitigation measures, the law on international responsibility for countering climate change effects and adequate measures, and the violation of article 27.

2.After having acknowledged climate change as a common concern of humankind in the preamble to the 2015 Paris Agreement, the Conference of the Parties to the United Nations Framework Convention on Climate Change address mitigation and adaptation under, respectively, articles 4 and 7 of the Agreement. Mitigation efforts are aimed at addressing the causes of climate change by preventing or reducing the emission of greenhouse gases into the atmosphere. Adaptation efforts are aimed towards adjusting to the current and future effects of climate change. Both types of measures are intrinsically connected and require action by States (and non-State actors), individually and jointly through international cooperation.

3.The State party in this case has taken both mitigation and adaptation measures. When it comes to mitigation measures, assessing the nationally determined contributions taken by States parties to the International Protocol on Civil and Political Rights under the 2015 Paris Agreement, when the State is party to both treaties, is an important starting point. States are under a positive obligation to take all appropriate measures to ensure the protection of human rights. In this context, the due diligence standard requires States to set their national climate mitigation targets at the level of their highest possible ambition and to pursue effective domestic mitigation measures with the aim of achieving those targets. When a State is found to not have fulfilled these commitments, such a finding should constitute grounds for satisfaction for the complainants, while the State concerned should be required to step up its efforts and prevent similar violations in the future. The requirement of due diligence applies also to adaptation measures.

4.It has been 30 years since, at the 1992 United Nations Conference on Environment and Development (Earth Summit) States recognized climate change as a cause for common concern and action, but despite important developments in the context of the 1992 United Nations Framework Convention on Climate Change, the 1997 Kyoto Protocol to the United Nations Framework Convention on Climate Change and the 2015 Paris Agreement, individual and joint State efforts at addressing the climate crisis remain insufficient. Over the years, the law on international responsibility on climate change has developed progressively.

5.A clear limitation of the law on international responsibility in cases of climate change and related litigation is the difficulty involved in addressing what constitutes shared responsibility. Since it is the atmospheric accumulation of carbon dioxide and other greenhouse gases that gives rise over time to global warming and climate change, States should act with due diligence based on the best science when taking mitigation and adaptation action. This is an individual responsibility of the State, relative to the risk at stake and its capacity to address it. A higher standard of due diligence applies in respect of those States with significant total emissions or very high per capita emissions (whether these are past or current emissions), given the greater burden that their emissions place on the global climate system, as well as in respect of States with higher capacities for taking highly ambitious mitigation action. This higher standard applies to the State party in this case.

6.The Committee has significant practice on article 27 of the Covenant, with much of its case law concerning the rights of Indigenous Peoples. In this case, it has found a violation because of the State party’s failure to adopt timely adequate adaptation measures to protect the authors’ right to enjoy their minority culture under article 27. In my view, the Committee should have linked the State obligation to “protect the authors’ collective ability to maintain their traditional way of life and to transmit to their children and future generations their culture and traditions and use of land and sea resources” (para. 8.14 of the Views) more clearly to mitigation measures, based on national commitments and international cooperation, as it is mitigation actions which are aimed at addressing the root cause of the problem and not just remedying the effects. If no effective mitigation actions are taken in a timely manner, adaptation will eventually become impossible. Such land and sea resources will not be available for Indigenous Peoples or even for humanity more generally, without diligent national efforts, as well as joint and concerted mitigation actions of the organized international community.

7.Climate change concerns have been addressed over the years by the Committee and other United Nations human rights treaty bodies, the special procedures of the Human Rights Council and more generally by the United Nations. This case shows the possibilities and limitations of human rights-based litigation. That said, alongside other general or specific institutional arrangements addressing climate change issues, the Committee provides a suitable venue for addressing some concerns, especially under articles 6, 7, 17 and 27, both under the Optional Protocol and under article 41 of the Covenant.

Annexe V

[Anglais seulement]

Joint opinion of Committee members Arif Bulkan, MarciaV.J. Kran and Vasilka Sancin (partially dissenting)

1.In addition to a violation of articles 17 and 27 found by the majority of the Committee, we would also find a violation of the right to life under article 6 of the Covenant.

2.The majority opinion correctly states that article 6 should not be interpreted in a restrictive manner (see para 8.3 of the Views). Yet, the “real and foreseeable risk” standard employed by the majority interprets article 6 restrictively and was borrowed from the dissimilar context of refugee cases. In Teitiota v. New Zealand, the Committee concluded that, owing to insufficient information from the author, climate change was not a real or foreseeable enough risk to require the State party to grant him refugee status. In contrast, here the primary question is whether the alleged violations of article 6 themselves ensue from inadequate mitigation and/or adaptation measures on climate change by the State party. Using a more accurate standard, from a factually similar case relating to environmental damage by pesticides, the question becomes whether there is “a reasonably foreseeable threat” to the authors’ right to life. The authors detail flood-related damage, water temperature increases and loss of food sources and, most importantly, they explain that the islands they live on will become uninhabitable in a mere 10 to 15 years, according to the Torres Strait Regional Authority, a governmental body. Together, this provides evidence of a reasonably foreseeable threat, constituting a violation of article 6.

3.Using the “real and foreseeable risk” standard, the majority opinion requires adverse health impacts to demonstrate an article 6 violation. Not finding such impacts, the majority fails to find a violation of article 6. Nonetheless, the authors detail real and foreseeable risks to their lives resulting from the flooding of the Torres Strait islands. First, the authors provide evidence of significant loss of food sources on which they rely to sustain themselves and their families. The crops lost include sweet potato, coconut and banana, which are required food sources and livelihood for the authors. The authors demonstrate that flooding has caused land erosion, making food production impossible. They also explain that warmer waters resulting from climate change reduced the availability of crayfish, another primary food source. Second, the authors detail repeated damage to their homes, including significant water damage to the foundation of one author’s home. Thus, the authors have demonstrated real and foreseeable risks to their lives through significant loss of food sources, livelihood and shelter.

4.In the majority opinion, article 6 is interpreted restrictively and it is observed that the authors conflate violations of the guarantee under article 27 of the rights of persons belonging to minorities to enjoy their own culture with violations of the guarantee under article 6 of every human being’s inherent right to life (see para. 8.6). Accordingly, the majority finds a violation of article 27, but not of article 6. While the authors do discuss these violations as related, citing similar facts, the Committee’s jurisprudence does not require that facts relating to different violations arise from different sets of facts. The risks to the authors’ right to life are independent and qualitatively different from the risks to their right to enjoy their culture. Consequently, we are unable to agree that a violation of article 27 sufficiently addresses the authors’ claims.

5.We endorse the view that integral to article 6 is the right to live with dignity (see paras. 8.3 and 8.4). It is critical, however, to do more than simply reference the Committee’s jurisprudence: it must also be used progressively, based on current realities. This jurisprudence unequivocally notes that no derogation is permitted from article 6. Moreover, it clarifies the direct connection between environmental harms, the right to life and the right to live with dignity; and that State parties must duly consider the precautionary approach on climate change. Given the urgency and permanence of climate change, the need to adhere to the precautionary approach is imperative. In addition, the singular focus on the future obscures consideration of the harms being experienced by the authors, which negatively impact their right to a life with dignity in the present. The unfortunate outcome is that the Committee’s jurisprudence promises far more than the majority delivers.

6.While we agree that the State party is not solely responsible for climate change, the main question before the Committee is significantly narrower: has the State party violated the Covenant by failing to implement adaptation and/or mitigation measures to combat the adverse impacts of climate change within its territory, resulting in harms to the authors? The majority opinion relies on projects initiated by the State party since 2019, which might be completed by 2023 (see para. 8.7). While these measures help build climate change resilience, the majority does not sufficiently consider the violations of article 6 that had already occurred at the time of the filing of this communication. Indeed, promises of future projects are insufficient remedies, as they have not yet occurred, whereas damage to the foundation of the authors’ homes has already occurred. Soil where the authors grow food for subsistence has already been eroded, and crops have been lost. These violations are a direct result of flooding which could have been prevented by adaptation measures, including the timely construction of a sea wall to protect the islands where the authors live. Indeed, in its 2014 report, the Torres Strait Regional Authority concluded that Australia had yet to take any steps on 33 out of the 34 adaptation measures suggested.

7.The State party has a positive obligation to minimize “reasonably foreseeable threats to life” and should remedy these violations by implementing adaptation measures including those identified by the Torres Strait Regional Authority in 2019. Despite multiple requests and knowledge of the ongoing impacts on the lives of the authors, the State party did not take adaptation measures in a timely manner. Consequently, we would find that the State party violated the authors’ right to life under article 6 of the Covenant in addition to being responsible for the violations found by the majority.