Nations Unies

CCPR/C/130/3

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

17 décembre 2020

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Rapport intérimaire sur la suite donnée aux communications soumises par des particuliers *

A.Introduction

1.À sa trente-neuvième session, le Comité des droits de l’homme a instauré une procédure et désigné un rapporteur spécial pour surveiller la suite donnée aux constatations qu’il adopte au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Rapporteur spécial chargé du suivi des constatations a établi le présent rapport conformément au paragraphe 3 de l’article 106 du règlement intérieur. Compte tenu du nombre élevé de constatations pour lesquelles un suivi est nécessaire et des ressources limitées que le secrétariat peut y consacrer, il est devenu impossible d’effectuer en temps utile un suivi systématique et complet de toutes les affaires, eu égard notamment à la limitation du nombre de mots. Le présent rapport est donc fondé exclusivement sur les informations disponibles, et rend compte d’au moins une série d’échanges entre l’État partie et l’auteur ou les auteurs ou le(s) conseil(s).

2.À la fin de la 129e session en juillet 2020, dans 1 190 (83,1 %) des 1 432 constatations qu’il a adoptées depuis 1979, le Comité a conclu à une violation du Pacte.

3.À sa 109e session (14 octobre-1er novembre 2013), le Comité a décidé de faire figurer dans ses rapports sur le suivi des constatations une évaluation des réponses reçues des États parties et des mesures prises par ceux-ci. L’évaluation se fait sur la base de critères similaires à ceux que le Comité applique dans le cadre de la procédure de suivi des observations finales.

4.À sa 118e session (17 octobre-4 novembre 2016), le Comité a décidé de réviser ses critères d’évaluation.

Critères d’évaluation (tels que révisés à la 118e session)

Évaluation des réponses :

A Réponse ou mesure satisfaisante dans l ’ ensemble :L’État partie a démontré qu’il avait pris des mesures suffisantes pour mettre en œuvre la recommandation adoptée par le Comité.

B Réponse ou mesure partiellement satisfaisante : L’État partie a pris des mesures pour mettre en œuvre la recommandation, mais des informations ou des mesures supplémentaires demeurent nécessaires.

C Réponse ou mesure insatisfaisante : Une réponse a été reçue, mais les mesures prises par l’État partie ou les renseignements qu’il a fournis ne sont pas pertinents ou ne permettent pas de mettre en œuvre la recommandation.

D Absence de coopération avec le Comité : Aucun rapport de suivi n’a été reçu après un ou plusieurs rappels.

E Les informations fournies ou les mesures prises sont contraires à la recommandation, ou traduisent un refus de celle-ci.

5.À sa 121e session, le 9 novembre 2017, le Comité a décidé de revoir sa méthode et sa procédure d’évaluation des suites données à ses constatations.

Décisions prises  :

Les réponses ne feront plus l’objet d’une appréciation dès lors que les constatations auront uniquement été publiées ou diffusées.

Les réponses des États parties concernant les mesures adoptées à titre de garantie de non-répétition ne feront l’objet d’une appréciation que s’il est fait expressément mention de ces mesures dans les constatations.

Le rapport sur la suite donnée aux constatations contiendra uniquement les informations concernant les affaires pour lesquelles le Comité dispose d’éléments d’appréciation, c’est-à-dire celles pour lesquelles il a reçu une réponse de l’État partie et des renseignements communiqués par l’auteur.

6.À sa 127e session (14 octobre-8 novembre 2019), le Comité a décidé de revoir sa méthode d’établissement des rapports sur le suivi des constatations et l’état d’avancement des affaires en élaborant une liste de priorités reposant sur des critères objectifs. En particulier, il a pris la décision de principe de : a) clore l’examen des affaires dans lesquelles il estime que l’État partie a mis en œuvre ses constatations de façon satisfaisante ou partiellement satisfaisante ; b) rester saisi des affaires qui nécessitent de poursuivre le dialogue avec l’État partie ; c) suspendre l’examen des affaires au sujet desquelles il n’a reçu aucun renseignement complémentaire au cours des cinq dernières années de la part de l’État partie concerné, de l’auteur ou des auteurs de la communication ou du conseil, et de placer ainsi ces affaires dans une catégorie distincte d’affaires pour lesquelles les informations ne suffisent pas pour conclure à une mise en œuvre satisfaisante des recommandations ». Le Comité ne devrait entreprendre aucune démarche aux fins du suivi des affaires qui ont été suspendues faute d’informations, à moins que l’une des parties ne verse de nouveaux éléments au dossier. La priorité sera donnée et une attention particulière sera accordée aux affaires récentes et à celles pour lesquelles l’une ou l’autre des parties, ou les deux, communiquent régulièrement des informations au Comité.

B.Renseignements reçus et examinés jusqu’en septembre 2020

1.Chili

Communication n o 2627/2015, Marchant Reyes et autres

Constatations adoptées le :7 novembre 2017

Violation(s) :Art. 2 (par. 3 a), 14 et 19

Réparation :Assurer aux auteurs un recours utile, notamment a) localiser les toiles qui ont disparu et, le cas échéant, les restituer aux auteurs ou donner à ces derniers des informations sur ce qu’il en est advenu ; b) reconnaître publiquement la violation des droits des auteurs que font apparaître les constatations du Comité ; c) adopter toute autre mesure de satisfaction appropriée ; d) prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que des violations analogues ne se reproduisent.

Objet :Saisie d’une œuvre d’art par les carabiniers chiliens

Renseignements reçus précédemment dans le cadre du suivi :Aucun

Renseignements communiqués par l ’ État partie :19 mars 2018

Conformément à l’esprit de collaboration permanente qu’il entretient avec les mécanismes de promotion et de protection des droits de l’homme et déterminé à prendre toutes les mesures jugées nécessaires pour honorer pleinement ses obligations au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de son Protocole facultatif, l’État partie se déclare prêt à donner suite aux constatations du Comité.

Le 27 novembre 2017, le Ministère des affaires étrangères (Département des droits de l’homme) a créé un groupe de travail chargé de donner suite aux constatations du Comité.

Les mesures devant être prises à cet effet ont été convenues à la réunion du groupe de travail et leur mise en œuvre a été répartie entre les différents organismes présents en fonction de leurs attributions et de leurs compétences.

Les mesures adoptées étaient les suivantes : a) l’État partie accepte la décision du Comité et reconnaît publiquement que les droits des victimes ont été violés. La décision est affichée sur le site Web du Ministère des affaires étrangères pendant six mois à compter du 1er mars 2018 ; b) quatre toiles ont déjà été restituées à la municipalité de Santiago et ont été réinstallées en tant qu’œuvres artistiques. Les auteurs en ont pris acte et affirment que les autres toiles ont été détruites. Cette destruction rend leur restitution impossible et on ignore ce qu’elles sont devenues ; c) s’agissant des garanties de non-répétition, la Police chilienne (les carabiniers) a pris un arrêté, valable indéfiniment, visant à garantir le respect des normes relatives aux droits de l’homme dans le maintien de l’ordre public, notamment à souligner l’importance du droit à la liberté d’expression dans les formations institutionnelles, en particulier destinées au renforcement des capacités des agents de la force publique. Ces instructions ont été promulguées par l’arrêté général no 2287 du 14 août 2014, qui vise notamment à éviter que des violations similaires ne se reproduisent. La police prévoit de perfectionner ses modules de formation aux droits de l’homme en y intégrant des débats sur l’importance de la liberté d’expression, en particulier dans la formation destinée aux policiers chargés du maintien de l’ordre.

En application de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte et du règlement intérieur du Comité, l’État partie prie le Comité de considérer, au vu des renseignements communiqués, qu’il a donné suite à ses constatations.

Renseignements communiqués par les auteurs : 10 juillet 2019 et 4 mai 2020

Dans les renseignements communiqués le 10 juillet 2019, les auteurs ont expliqué que l’État partie n’avait pas donné suite aux constatations du Comité malgré le grand nombre de demandes d’audition et de rapports présentés aux fins de l’Examen périodique universel et devant le Comité des disparitions forcées.

En ce qui concerne les mesures prises par l’État partie, les auteurs ont souligné les points suivants : a) il incombe à l’État partie d’indiquer à quel endroit et de quelle manière les toiles ont été détruites et d’enquêter sur les faits afin de trouver les responsables et de les amener à répondre de leurs actes ; b) étant donné que seules 4 des 15 toiles ont été réinstallées par la municipalité de Santiago, les auteurs considèrent que cette mesure est insuffisante car elle ne permet pas de rétablir l’intégrité de l’œuvre d’art ; c) en ce qui concerne l’arrêté général no 2287 du 14 août 2014, les auteurs prient l’État partie de leur transmettre des informations sur sa teneur et sur le contenu des modules de formation aux droits de l’homme proposés aux agents de la force publique et aux carabiniers ; d) contrairement à ce que le Comité demande dans ses constatations, les auteurs n’ont bénéficié d’aucune mesure de réparation, dès lors que la seule acceptable à leurs yeux consisterait à restituer l’œuvre, c’est-à-dire à présenter des toiles analogues à celles qui ont été détruites, en assurant soit le financement, soit l’organisation d’une telle exposition ; e) les auteurs estiment que la publication des constatations du Comité sur le site Web du Ministère des affaires étrangères est une mesure insuffisante qui ne saurait tenir lieu d’excuses publiques qui, par ailleurs, n’ont jamais été faites.

Dans les renseignements communiqués le 4 mai 2020, les auteurs ont repris les divers points exposés dans leur communication du 10 juillet 2019. Ils ont ajouté que, dans son rapport du 19 mars 2018, l’État partie avait mentionné l’existence d’un groupe de travail mais qu’eux-mêmes n’avaient jamais été invités à participer à l’une de ses réunions. Ils ignorent donc tout de ses objectifs, de sa composition, de la durée de son mandat ou de ses activités. En outre, les conclusions du groupe de travail n’ont jamais été publiées ni communiquées aux auteurs. Ceux-ci regrettent que les renseignements transmis au Comité à cet égard soient incomplets, et que l’État partie n’ait pas expliqué pour quelle raison le groupe de travail était composé uniquement d’organismes publics, sans aucun représentant du pouvoir judiciaire. Les auteurs estiment par conséquent que la création du groupe de travail ne saurait être considérée comme faisant partie d’un recours utile.

Les auteurs ont ajouté que la simple publication des constatations par l’État partie ne saurait en soi être considérée comme une reconnaissance publique de la violation de leurs droits. Ils considèrent que l’État partie ne s’est pas acquitté de ses obligations, telles qu’énoncées dans les constatations, de rendre celles-ci publiques, de les diffuser largement et de reconnaître publiquement que les droits des auteurs avaient été violés.

En ce qui concerne la restitution des quatre toiles, les auteurs soulignent qu’elle a eu lieu avant l’adoption des constatations. L’État partie ne saurait donc la présenter comme une mesure de réparation. En outre, celui‑ci n’a fourni aucune information sur ce qu’il était advenu des autres toiles.

S’appuyant sur ce qui précède, les auteurs réitèrent leur demande tendant à obtenir les mesures de réparation suivantes : a) la restitution intégrale de l’œuvre Puentes de la Memoria ; b) la réinstallation de l’œuvre par les carabiniers chiliens ; c) des excuses publiques de la part des carabiniers chiliens, qui devront reconnaître leur erreur et s’engager à défendre et à respecter les droits de l’homme.

Les auteurs rappellent également que l’État partie n’a rien fait pour restituer l’œuvre, n’a entrepris aucune démarche pour reconnaître publiquement sa responsabilité et n’a accordé aucune mesure de satisfaction aux victimes.

Les auteurs tiennent également à informer le Comité que leur liberté d’expression reste menacée étant donné qu’une banderole placée à l’extérieur de leurs bureaux a été arrachée par un groupe d’extrême droite qui a téléchargé la vidéo de cette dégradation sur YouTube.

Évaluation du Comité :

a)Localisation et restitution des toiles qui ont disparu : B ;

b)Reconnaissance publique : B ;

c)Mesures de satisfaction appropriées : B ;

d)Garantie de non-répétition : B.

Décision du Comité : Le dialogue reste ouvert.

2.Côte d’Ivoire

Communication n o 1759/2008, Traoré et autres

Constatations adoptées le :31 octobre 2011

Violation(s) :Art. 2 (par. 3), 7, 9 et 10 (par. 3) pour ce qui est de l’auteur et art. 2 (par. 3), 6 (par. 1), 7, 9 et 10 (par. 1) pour ce qui est de ses cousins

Réparation :Assurer à l’auteur un recours utile, notamment a) veiller à ce qu’une enquête approfondie et exhaustive soit menée sur les actes de torture infligés à l’auteur et à ses cousins et sur la disparition forcée des cousins de l’auteur, en poursuivant et en punissant les responsables de ces actes ; b) fournir à l’auteur des informations détaillées sur les résultats de l’enquête ; c) libérer immédiatement Chalio et Bakary Traoré s’ils sont toujours détenus ; d) dans l’éventualité du décès de Chalio et de Bakary Traoré, restituer leur dépouille à leur famille ; e) octroyer à l’auteur, de même qu’à Chalio et Bakary Traoré ou aux proches du premier et des seconds une réparation, notamment sous la forme d’une indemnisation appropriée ; f) prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas.

Objet :Arrestation et détention arbitraires, torture et conditions inhumaines de détention d’une personne, et disparition forcée de ses cousins accusés de dissidence politique

Renseignements reçus précédemment dans le cadre du suivi :CCPR/C/125/3

Renseignements communiqués par l ’ État partie :Aucun

En dépit des trois rappels adressés à l’État partie, dont celui dans lequel ce dernier était prié de commenter les renseignements communiqués par le conseil de l’auteur le 29 mars 2018, qui figuraient déjà dans le rapport examiné par le Comité à sa 125e session et sont résumés ci-dessous, aucune information n’a été reçue de l’État partie à ce jour.

Renseignements communiqués par le conseil : 29 mars 2018

Le conseil signale que, depuis l’adoption des constatations du Comité, l’auteur n’a obtenu aucune indemnisation pour les actes de torture qui lui avaient été infligés, et ce, en dépit des tentatives de son conseil d’entrer en contact avec la Mission permanente de Côte d’Ivoire à Genève. En outre, le conseil a transmis le dossier de l’auteur à la Commission nationale pour la réconciliation et l’indemnisation des victimes et au Programme national de cohésion sociale, afin que l’auteur soit reconnu comme victime et obtienne réparation, en vain.

Le conseil a rappelé au Comité que l’auteur souffrait encore des séquelles physiques et psychologiques des actes de torture qu’il avait subis plus de seize ans auparavant ; l’indemnisation de l’auteur était donc essentielle à sa réinsertion et sa réadaptation. C’est pourquoi, le conseil a prié le Comité de suivre l’évolution de la situation avec les autorités ivoiriennes, au nom de l’auteur, pour faire en sorte que sa décision soit appliquée et que l’auteur obtienne réparation.

Évaluation du Comité :

a)Mener une enquête et punir les responsables : D ;

b)Fournir à l’auteur des informations détaillées sur les résultatsde l’enquête : D ;

c)Libérer les cousins ou restituer leur dépouille : D ;

d)Réparation et indemnisation appropriée : D ;

e)Garantie de non-répétition : D.

Décision du Comité : Le dialogue reste ouvert. Le Comité sollicitera une entrevue avec un représentant de l’État partie à l’une de ses prochaines sessions.

3.Mexique

Communication n o  2750/2016, Padilla García et autres

Constatations adoptées le :15 juillet 2019

Violation(s) :Art. 6 (par. 1), 7, 9 et 16, et art. 2 (par. 3) lu conjointement avec les articles 6, 7, 9 et 16 du Pacte, pour ce qui est de Christian Téllez Padilla, et art. 7 et art. 2 (par. 3) lu conjointement avec l’article 7 du Pacte, pour ce qui est des auteurs de la communication

Réparation :Assurer aux auteurs un recours utile, notamment a) mener une enquête approfondie, rigoureuse, impartiale, indépendante et efficace sur les circonstances de la disparition de M. Téllez Padilla, en veillant, pour cela, à ce que les agents chargés de la recherche de M. Téllez Padilla et de l’enquête sur sa disparition fassent preuve du professionnalisme et de l’autonomie nécessaires à l’exercice de leurs fonctions, sans exclure l’implication de la police intermunicipale à la suite de la déposition de la témoin oculaire et en tenant compte du fait que, vu le contexte dans lequel s’est inscrite la présente affaire, il existait des liens entre autorités gouvernementales et groupes criminels organisés ; b) libérer immédiatement M. Téllez Padilla dans le cas où il serait toujours détenu au secret ; c) dans l’éventualité où M. Téllez Padilla serait décédé, remettre sa dépouille aux membres de sa famille ; d) mener une enquête et sanctionner toute intervention susceptible d’avoir entravé l’efficacité des processus de recherche et de localisation ; e) fournir aux auteurs des informations détaillées sur les résultats de l’enquête ; f) poursuivre et châtier les personnes reconnues responsables des violations commises et divulguer les résultats de ces mesures ; g) veiller à ce que les auteurs bénéficient de services adéquats de soutien psychologique et de soins médicaux adaptés à leurs besoins ; h) accorder aux auteurs ainsi qu’à M. Téllez Padilla dans le cas où il est encore en vie, pleine réparation pour les souffrances subies ; i) prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas.

Objet :Disparition forcée

Renseignements reçus précédemment dans le cadre du suivi :Aucun

Renseignements communiqués par l ’ État partie :5 février 2020

L’État partie regrette qu’en dépit de ses efforts, il n’ait pas encore été possible de faire la lumière sur les faits à l’origine de la communication. Conformément à son engagement en faveur de la défense et de la protection des droits de l’homme, il réaffirme qu’il continuera de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les enquêtes aboutissent à des résultats concrets. Il précise que, même s’il décrit les mesures prises par les autorités compétentes pour mettre en œuvre les constatations du Comité, cela ne signifie pas qu’il admet tous les griefs examinés par le Comité dans lesdites constatations.

Le 13 septembre 2019, le Ministère de l’intérieur a tenu une première réunion avec les représentants des victimes (Litigio Estratégico en Derechos Humanos (i(dh)eas)) et la Commission exécutive d’aide aux victimes. À la suite de cette rencontre, une réunion interinstitutionnelle s’est tenue le 7 octobre 2019, en présence de responsables du Ministère des affaires étrangères, du Bureau du Procureur général de la République, de la Commission exécutive d’aide aux victimes, de la Commission nationale de recherche de personnes disparues et du Bureau du Procureur général de l’État de Veracruz, de représentants des auteurs, ainsi que de la mère de M. Téllez Padilla. Au cours de cette deuxième réunion, un groupe de travail a été créé aux fins de l’échange d’informations entre les divers ministères chargés des enquêtes, et ses activités sont coordonnées par le Bureau du Procureur général de la République. Le Ministère de l’intérieur a convié les mêmes participants à une troisième réunion de travail tenue le 9 décembre 2019 au cours de laquelle un projet visant à mettre en place un plan d’enquête a été établi. Par la suite, le Bureau du Procureur général de la République a organisé plusieurs réunions de travail en vue de renforcer les processus d’enquête, de recherche et de localisation. Le plan d’enquête comprend un calendrier visant à déterminer le lieu où se trouve M. Téllez Padilla. Les autres objectifs consistent à enquêter sur les agents de la police intermunicipale désignés par la témoin oculaire, à procéder à une analyse du contexte, à enquêter sur le terrain et dans les fosses communes découvertes dans l’État de Veracruz et à analyser les déplacements de M. Téllez Padilla au moyen de son téléphone portable.

Afin d’élaborer une stratégie visant à assurer une prise en charge médicale et psychologique des auteurs, la Commission exécutive d’aide aux victimes a organisé une réunion de travail à laquelle ont pris part des membres de l’Institut mexicain de sécurité sociale, la mère et le représentant de M. Téllez Padilla. L’Institut mexicain de sécurité sociale a proposé un régime spécial de soins médicaux qui correspond à l’assurance facultative de l’Institut et offre une prise en charge complète, y compris pour les pathologies préexistantes. L’État partie attend actuellement que l’auteur lui réponde s’il accepte cette proposition. Un deuxième régime de prise en charge médicale a été conçu ; il requiert une analyse de la situation socioéconomique des auteurs. María Eugenia Padilla García a été informée qu’en raison de la tumeur qu’elle s’était fait enlever, un rendez-vous médical avait été fixé pour elle à l’Institut national de cancérologie.

L’État partie indique qu’il a établi un résumé des constatations du Comité qui est actuellement examiné par le conseil des auteurs avant d’être publié. Il réaffirme également qu’il est déterminé à donner suite aux constatations du Comité et fermement résolu à défendre les droits de l’homme.

Renseignements communiqués par les auteurs :17 août 2020

Les auteurs déplorent qu’à la date où ils communiquent des renseignements, les constatations du Comité ne soient toujours pas mises en œuvre. Aucune enquête approfondie, rigoureuse, impartiale, indépendante et efficace n’a encore été menée sur les circonstances de la disparition de M. Téllez Padilla.

Les auteurs précisent qu’en plus de celles évoquées par l’État partie, d’autres réunions ont eu lieu les 30 octobre, 14 novembre et 4 décembre 2019 et le 24 janvier 2020, au cours desquelles des organismes de l’État partie ont pris des engagements dont beaucoup n’ont pas été tenus. À la réunion du 14 novembre 2019, la Commission de recherche de personnes de l’État de Veracruz et le Bureau du Procureur général de l’État de Veracruz ont pris des engagements précis, notamment : a) fournir à la Commission nationale de recherche de personnes disparues des renseignements sur les enquêtes menées au domaine La Gallera, notamment sur l’identification des ossements ; b) recenser d’autres sites de recherche ; c) localiser les lieux où des agents de police étaient présents lors des disparitions ; d) mener des enquêtes sur les fosses communes découvertes récemment dans l’État de Veracruz et en rendre compte ; e) établir un plan de travail concernant les recherches liées aux restes retrouvés depuis le 20 octobre 2010 ; f) présenter une analyse de contexte. Le 24 janvier 2020, la Commission de recherche de personnes de l’État de Veracruz s’est une nouvelle fois dite déterminée à présenter une analyse de contexte. À la même réunion, le Bureau du Procureur général de l’État de Veracruz s’est engagé notamment à enquêter sur la responsabilité des agents de la fonction publique qui auraient agi avec négligence, omis de prendre les mesures nécessaires ou caché des informations, entravant ainsi les enquêtes. À la demande des auteurs, le Bureau du Procureur général de l’État de Veracruz a pris l’engagement de faire avancer les poursuites engagées contre Javier Amado Mercado Guerrero, coordonnateur de la police intermunicipale à la date de la disparition de M. Téllez Padilla et chef présumé de la bande criminelle Los Zetas, active dans l’État de Veracruz, et qui est en détention depuis 2011.

Le 20 avril 2020, les auteurs et leurs représentants ont fait part à l’État partie de leur préoccupation quant à l’absence de progrès dans la mise en œuvre des constatations du Comité. Aucune autre réunion n’a été organisée depuis. Les auteurs déplorent que la principale mesure adoptée à ce jour par l’État partie ait consisté à proposer le plan d’enquête établi par le Bureau du Procureur général de la République, dont eux-mêmes et leurs représentants n’ont appris l’existence que le 13 mars 2020, à leur demande. Le 20 mai 2020, dans une lettre adressée au Bureau du Procureur général de la République, les auteurs ont exprimé leur préoccupation quant au fait que le plan d’enquête s’écartait des constatations du Comité en ce qu’il reposait sur l’hypothèse que les personnes impliquées étaient non pas des agents de la police intermunicipale mais plutôt des particuliers. De même, ils n’ont eu connaissance d’aucune mesure d’instruction visant à déterminer la responsabilité d’agents de la fonction publique qui auraient agi avec négligence, omis de prendre les mesures nécessaires ou caché des informations, entravant ainsi les enquêtes. Enfin, aucun plan de recherche et de localisation de M. Téllez Padilla n’a été établi et mis en œuvre, et on ignore encore où celui-ci se trouve et s’il est encore vivant.

En ce qui concerne les services de soutien psychologique et de soins médicaux, les auteurs font valoir que, malgré leur réunion du 24 octobre 2019 avec des membres de la Commission exécutive d’aide aux victimes, et en dépit de deux rappels et de nombreuses demandes de leur part visant à organiser des réunions supplémentaires, aucune mesure concrète n’a été prise à ce jour. Étant donné que la Commission exécutive d’aide aux victimes n’a pas tenu ses engagements, les auteurs l’ont poursuivie en justice dans le cadre d’un recours en amparo. En ce qui concerne le régime spécial de soins médicaux évoqué par l’État partie dans les renseignements que celui-ci a communiqués, les auteurs signalent que seule María Eugenia Zaldívar Padilla en a bénéficié, et uniquement à partir d’avril 2020.

Les auteurs indiquent également qu’à ce jour, l’État partie n’a fait mention d’aucune mesure relative aux garanties de non-répétition. Enfin, en ce qui concerne la publication des constatations du Comité, les auteurs soutiennent que le résumé que l’État partie en a fait ne rend pas fidèlement compte de leur contenu. Ils demandent que ces constatations soient publiées dans leur intégralité. Au vu de ce qui précède, les auteurs prient le Comité de considérer la réponse de l’État partie comme non satisfaisante.

Évaluation du Comité :

a)Enquêter sur les circonstances de la disparition de M. Téllez Padilla : C ;

b)Libérer M. Téllez Padilla ou remettre sa dépouille : C (le sort de la victime demeure inconnu) ;

c)Mener une enquête et sanctionner toute intervention susceptible d’avoir entravé l’efficacité des processus de recherche et de localisation : C ;

d)Fournir aux auteurs des informations détaillées sur les résultats de l’enquête : B ;

e)Poursuivre et châtier les responsables : C ;

f)Offrir aux auteurs des services de soutien psychologique et de soins médicaux : B ;

g)Accorder une réparation : C ;

h)Garantie de non-répétition : C.

Décision du Comité : Le dialogue reste ouvert.

4.Paraguay

Communication n o  2751/2016, Portillo Cáceres et autres

Constatations adoptées le:25 juillet 2019

Violation(s) :Art. 2 (par. 3), 6 et 17 du Pacte

Réparation :Assurer aux auteurs un recours utile, notamment a) mener une enquête efficace et approfondie sur les faits ; b) sanctionner, par les voies administrative et pénale, tous les responsables des faits de l’espèce ; c) réparer intégralement le préjudice subi par les auteurs, y compris par une indemnisation adéquate ; d) prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher que de telles violations ne se reproduisent.

Objet :Fumigations avec des produits agrochimiques et conséquences de ces fumigations pour la vie

Renseignements reçus précédemment dans le cadre du suivi :Aucun

Renseignements communiqués par l ’ État partie:6 avril 2020

L’État partie indique qu’après avoir reçu les constatations, il a lancé, en concertation avec le conseil des auteurs, à savoir la Coordinadora de Derechos Humanos del Paraguay (la « CODEHUPY ») (réseau national d’organisations de défense des droits de l’homme), un processus visant à convenir des mesures de mise en œuvre des recommandations formulées par le Comité des droits de l’homme dans ses constatations.

Le 18 février 2020, la Commission interinstitutions chargée de veiller à l’exécution des décisions des juridictions internationales (la « CICSI ») a organisé dans les bureaux du Ministère des affaires étrangères sa première réunion consacrée au programme de l’année en cours, et les constatations du Comité figuraient parmi les principaux points à l’ordre du jour. Cette réunion visait à définir et à coordonner les lignes d’action que l’État partie devait suivre pour progresser rapidement dans la mise en œuvre des recommandations du Comité. Elle s’est déroulée en présence de représentants de la vice-présidence de la République, du Ministère des affaires étrangères, du Bureau du Procureur général de la République, de la Cour suprême de justice, des ministères de la justice, de l’intérieur, de la santé publique et du bien-être social, de l’environnement et du développement durable et du Service national pour la qualité et la santé des végétaux et des semences.

Le 3 mars 2020, les coordonnateurs exécutifs de la CICSI ont tenu une réunion avec des représentants de la CODEHUPY à laquelle ont également participé des représentants de la Chambre des sénateurs du Congrès national et du Ministère de la santé publique et du bien-être social. Il a été convenu que la CODEHUPY soumettrait dans les meilleurs délais à l’examen de la CICSI et des institutions compétentes représentées à cette occasion une première proposition de mesures de réparation en faveur des victimes, y compris des mesures visant à mettre en œuvre les constatations du Comité et à répondre aux préoccupations des habitants de la colonie Yerutí. Au moment de l’établissement du présent rapport, la CICSI était toujours en attente de la proposition susmentionnée.

Les membres de la CICSI avaient initialement prévu de se rendre dans la colonie Yerutí les 23 et 24 avril 2020 mais, selon les informations disponibles au moment de la rédaction du présent rapport, cette visite dépendait de l’évolution de la situation sanitaire liée à la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19).

Conformément aux obligations qui lui incombent au titre du Pacte, l’État partie réaffirme qu’il est disposé à mettre en œuvre les constatations du Comité.

Renseignements communiqués par les auteurs : 21 August 2020

Les auteurs déplorent que l’État partie attende d’eux qu’ils établissent et proposent un plan de réparation plutôt que de lancer lui-même une réflexion interne sur laquelle il s’appuiera pour adopter des mesures de réparation. Une proposition émanant de l’État partie serait le signe que celui-ci est disposé et déterminé à réparer les préjudices causés par ses actes et à renforcer la protection qu’il accorde aux droits humains des victimes et des autres populations qui se trouvent dans une situation similaire.

Les auteurs regrettent également que les renseignements communiqués par l’État partie ne contiennent qu’un compte rendu général de réunion et soulignent que, le 12 mai 2020, ils lui ont soumis une liste de mesures de réparation possibles. L’État partie en a accusé réception mais a demandé que cette proposition soit envoyée à une autre adresse.

Au cours d’une réunion entre les parties intéressées tenue le 23 juin 2020, l’État partie a fait savoir que l’examen de la proposition des auteurs n’était pas encore achevé. Il a été convenu que, lorsque la situation sanitaire liée à la COVID-19 s’améliorerait, des représentants de l’État partie se rendraient dans la colonie Yerutí.

En juillet 2020, les auteurs ont prié l’État partie de répondre à leur proposition et d’établir un calendrier pour la mise en œuvre des constatations du Comité. Ils lui ont également signalé que, le 15 mai 2020, les habitants de la colonie Yerutí avaient déposé plainte auprès du Ministère de l’environnement et du développement en raison de l’abattage illégal d’arbres dans le secteur où vivent les auteurs de la communication. Les auteurs de cette plainte ont demandé à la CICSI d’intervenir car ils risquaient d’être victimes de violations de leurs droits fondamentaux ayant un lien direct avec les questions soulevées en l’espèce. Le 15 juillet 2020, l’État partie a indiqué que la plainte avait été portée à l’attention de la présidence de la CICSI. Dans sa réponse, il n’a pas fait part de sa position concernant la proposition d’accord sur les mesures de réparation ; une position que l’on attend toujours.

Le 16 juillet 2020, les auteurs ont appelé l’attention de l’État partie sur le fait que leur proposition n’avait suscité aucune réaction. À ce jour, aucune réponse n’a été reçue.

Les auteurs demandent au Comité de les aider à obtenir une réponse de l’État partie et de faire en sorte que celui-ci accélère la conclusion d’un accord sur les mesures de réparation. Ils souhaitent également que le Comité rappelle à l’État partie qu’il importe d’accorder une réparation intégrale aux victimes de violations des droits de l’homme.

Évaluation du Comité :

a)Enquête efficace et approfondie sur les faits : C ;

b)Sanctions pénales et administratives contre les parties responsables : C ;

c)Réparation, y compris sous la forme d’une indemnisation adéquate : C ;

d)Garantie de non-répétition : C.

Décision du Comité : Le dialogue reste ouvert.

5.Ouzbékistan

Communications n os  1914, 1915 et 1916/2009, Musaev

Constatations adoptées le :21 mars 2012

Violation(s) :Art. 7, 9 et 14 (par. 3 b) et g) et 5)

Réparation :Assurer à l’auteur un recours utile, notamment a) mener une enquête impartiale, efficace et approfondie et engager des poursuites pénales contre les responsables ; b) juger à nouveau la victime avec toutes les garanties prévues dans le Pacte ou la libérer ; c) accorder à Erkin Musaev une réparation complète, sous la forme d’une indemnisation appropriée ; d) prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas.

Objet :Non-présentation à un juge, dans les meilleurs délais, d’une personne détenue du chef d’une infraction pénale et absence de réponse adéquate à des allégations de torture ; procédure judiciaire entachée de violations des garanties d’un procès équitable

Renseignements reçus précédemment A/68/40, CCPR/C/113/3, CCPR/C/115/3, dans le cadre du suivi:CCPR/C/116/3, CCPR/C/117/3 et CCPR/C/118/3

Renseignements communiqués par 28 décembre 2017, 12 septembre 2018M.  Musaev:et 5 mai 2019

M. Musaev soutient que l’État partie n’a pas donné pleinement effet aux constatations du Comité. Il informe le Comité que, le 9 août 2017, la Chambre juridictionnelle de la Cour suprême a réduit sa peine et qu’il a été remis en liberté le 10 août 2017. Il affirme en outre que son état de santé s’est considérablement dégradé pendant sa détention et qu’il n’est pas en mesure d’être autonome financièrement parce que sa condamnation n’a pas été annulée et que la Cour suprême a refusé de l’acquitter et de le réhabiliter.

M. Musaev rappelle que, le 25 septembre 2017, il a saisi la Cour suprême d’une demande d’examen des allégations selon lesquelles il avait été victime d’actes de torture, de mauvais traitement et de méthodes d’enquête illégales. Le 16 octobre 2017, il a saisi la Cour suprême et le Bureau du Procureur général de requêtes parallèles tendant à ce que soient examinées la question de sa réhabilitation partielle et celle d’une indemnisation pour les actes de torture, les mauvais traitements et toutes les autres violations de ses droits dont il avait été victime. L’auteur soutient que ses requêtes sont restées lettre morte.

M. Musaev affirme également qu’il a saisi la Cour suprême et le tribunal militaire et même la Présidence de la République d’Ouzbékistan de nombreuses plaintes visant à obtenir le rétablissement de ses droits, dont un nouveau procès tenu dans le respect des garanties procédurales mises en place par l’État partie. Il ajoute que la Cour suprême a non seulement ignoré ses plaintes mais aussi refusé de lui remettre des copies des documents de procédure qu’il devait joindre à sa requête en révision. Il ressort des explications fournies par le tribunal militaire que M. Musaev ne pouvait prétendre à recevoir les documents en question parce que son dossier avait été classé. M. Musaev soutient toutefois que le tribunal militaire n’a invoqué aucun fondement juridique pour justifier le refus de lui remettre les documents en question. Il ajoute que ce refus allait à l’encontre des explications données par la Cour constitutionnelle et le parquet militaire ouzbek, selon lesquelles le droit d’une personne condamnée d’obtenir des copies de documents judiciaires était prévu par la loi et ne nécessitait aucune autre interprétation. M. Musaev conclut que les décisions prises par le tribunal militaire constituent une violation de son droit de défendre sa cause devant un tribunal.

Compte tenu de ce qui précède, M. Musaev soutient que l’État partie ne s’est pas encore acquitté de ses obligations de mettre en œuvre les constatations du Comité et de lui assurer un recours utile conformément aux orientations détaillées données par le Comité.

Renseignements communiqués par l ’ État partie : 4 juin 2018

L’État partie soutient que l’examen du dossier n’a pas permis de confirmer les allégations de M. Musaev selon lesquelles les tribunaux nationaux auraient refusé d’examiner son dossier pénal et ses plaintes pour actes de torture, de sanctionner les responsables et de lui remettre des copies de décisions judiciaires.

L’État partie rappelle la chronologie des décisions judiciaires qui ont été rendues dans le cadre de l’affaire Musaev avant l’adoption des constatations. Il ajoute que, le 9 août 2017, le dossier pénal de M. Musaev a été examiné par la Chambre juridictionnelle de la Cour suprême au titre de la procédure de contrôle à la suite d’une requête déposée par le Vice‑Président de la Cour suprême. Compte tenu de circonstances atténuantes (à savoir, le repentir sincère, la reconnaissance de culpabilité, la situation familiale, la situation de dépendance des parents et l’attestation positive établie par l’administration du centre de détention dans lequel M. Musaev purgeait sa peine), la durée de la peine infligée à l’intéressé en application du jugement rendu par le tribunal militaire le 13 juin 2006, (premier procès) a été ramenée à dix ans et six mois d’emprisonnement. Le même jour, la Chambre juridictionnelle de la Cour suprême a ramené la durée de la peine infligée en application du jugement rendu par le tribunal militaire le 21 septembre 2007 (troisième procès) à onze ans d’emprisonnement. En vertu du paragraphe 8 de l’article 59 du Code pénal, la durée de la peine cumulée infligée à M. Musaev en application des jugements rendus respectivement le 13 juin 2006 par le tribunal militaire (premier procès), et le 13 juillet 2006 par le tribunal municipal de Tachkent (deuxième procès) a été fixée à onze ans, huit mois et huit jours d’emprisonnement. M. Musaev a été remis en liberté parce qu’il a purgé la totalité de la peine cumulée réduite.

L’État partie soutient que, conformément à l’article 19 du Code de procédure pénale, l’audience tenue dans l’affaire Musaev s’est déroulée à huis clos parce que les pièces du dossier contenaient des informations classifiées, dont des secrets d’État. Il renvoie à cet égard aux prescriptions qu’imposent aux tribunaux militaires les articles 16 et 29 de la Constitution ouzbèke et la loi sur la protection des secrets d’État. Il fait observer toutefois que, conformément à l’article 30 de la Constitution ouzbèke et à l’article 6 de la loi sur la protection des secrets d’État, M. Musaev a le droit de prendre connaissance, dans les locaux du tribunal militaire, des décisions judiciaires rendues dans une affaire le concernant. L’article 376 du Code de procédure pénale autorise M. Musaev à obtenir des extraits de pièces de son dossier, sauf s’ils contiennent des secrets d’État. L’État partie rappelle que M. Musaev a pris connaissance de l’acte d’accusation et du jugement du tribunal et que, le 12 octobre 2017, le tribunal militaire lui a fait parvenir un extrait du jugement ne contenant aucune information classifiée.

Selon les renseignements communiqués par le Ministère de l’intérieur, M. Musaev a fait l’objet d’un examen médical complet à son entrée en prison, ainsi que d’examens médicaux annuels en détention. On lui a diagnostiqué une pyélonéphrite, une bronchite et une gastrite chroniques, et il a bénéficié de soins ambulatoires et hospitaliers au sein de l’infirmerie du centre de détention et de l’hôpital spécialisé dans les soins aux condamnés. M. Musaev n’a pas été soumis à un test de dépistage de l’hépatite virale B, C, ou D et n’a pas demandé à subir des examens pour détecter des pathologies hépatiques.

L’État partie affirme que M. Musaev n’a été victime d’aucun comportement illicite de la part des agents de l’administration pénitentiaire, qui ont agi conformément aux dispositions régissant leurs fonctions officielles ainsi qu’aux normes juridiques relatives au traitement des détenus et aux règles généralement acceptées en la matière.

Renseignements communiqués par M.  Musaev: 9 mai 2019

M. Musaev soutient que l’État partie, dans ses dernières observations au titre du suivi, ne dit rien de ses affirmations à lui concernant les actes de torture dont il aurait été victime au stade de l’enquête préliminaire. Il rappelle que lui-même et d’autres personnes inculpées ou soupçonnées ont subi des violences physiques et psychologiques, un fait corroboré par une déclaration sous serment de son conseil, les recours en cassation déposés par d’autres personnes soupçonnées et les conclusions d’un examen médico-légal pratiqué sur une autre personne inculpée. Il souligne qu’il a déposé plainte à plusieurs reprises pour des violences physiques et psychologiques mais que les juridictions de première instance et d’appel n’en ont tenu aucun compte.

M. Musaev réaffirme également sa position concernant le refus inapproprié du tribunal militaire de lui remettre des copies des décisions rendues dans le cadre des affaires pénales le concernant. Il décrit avec force détails les nombreux vices de procédure qui ont émaillé les audiences dans le procès pénal en première instance comme en appel, et dont il ne peut demander le réexamen au titre de la procédure de contrôle, sauf à joindre à sa requête en réexamen des copies certifiées conformes des décisions judiciaires antérieures.

M. Musaev affirme que les dernières observations formulées par l’État partie au titre du suivi contiennent des informations fausses et peu fiables. En particulier, il rappelle qu’il n’a jamais reconnu sa culpabilité puisqu’il n’a jamais commis les infractions qui lui étaient reprochées et que, partant, sa requête en réexamen au titre de la procédure de contrôle, qui a conduit la Chambre juridictionnelle de la Cour suprême à rendre sa décision du 9 août 2017, ne contenait aucun signe de repentir ou de reconnaissance de culpabilité.

M. Musaev conteste les arguments avancés par l’État partie pour refuser de lui remettre des copies de documents de procédure. Il soutient qu’en application du paragraphe 4 de l’article 19 du Code de procédure pénale, toutes les audiences à huis clos doivent se dérouler dans le strict respect des règles de procédure. Il estime que cette disposition suppose notamment que le tribunal a l’obligation de lui remettre des copies des principales décisions judiciaires.

M. Musaev soutient également que, contrairement à ce qu’affirme l’État partie, il n’a pas eu la possibilité de prendre connaissance des décisions judiciaires rendues dans le cadre des affaires pénales le concernant et n’a pas attesté avoir pris connaissance de ces documents. Il rappelle qu’il a en revanche présenté de nombreuses requêtes tendant à obtenir des copies de documents de procédure, et que les tribunaux nationaux les ont rejetées, violant ainsi son droit à la défense.

En ce qui concerne l’affirmation de l’État partie selon laquelle M. Musaev a reçu une attestation positive de l’administration du centre de détention où il purgeait sa peine, l’intéressé rappelle qu’il a fait l’objet de plus de 15 sanctions disciplinaires pendant son incarcération et que la dernière a été prononcée en mai 2017, soit trois mois avant sa remise en liberté.

Renseignements communiqués par l ’ État partie : 12 août 2019

En ce qui concerne l’ouverture d’une enquête sur les allégations de torture formulées par M. Musaev et l’engagement de poursuites pénales contre les responsables, l’État partie soutient que, le 1er mars 2006, M. Musaev a plaidé coupable et exprimé des remords et un repentir sincères au stade de l’enquête préliminaire. Le 28 avril 2016, M. Musaev a confirmé qu’il reconnaissait sa culpabilité lors de l’interrogatoire mené en présence de son avocat après son inculpation. En conséquence, rien ne porte à croire que M. Musaev a été contraint de faire les aveux susmentionnés, et ni lui ni ses avocats n’ont porté plainte ou soulevé des incidents de procédure dans le cadre de l’instruction ou du procès au sujet du caractère involontaire de ces aveux.

Les autorités de l’État partie ont examiné l’allégation de M. Musaev selon laquelle celui-ci aurait fait l’objet de pressions physiques pendant son interrogatoire du 7 mars 2007. Elles ont établi que, par provocation, M. Musaev s’était mis à cogner sa tête contre le mur et s’était automutilé, en présence de l’enquêteur et des membres des forces de l’ordre. Ce comportement a été immédiatement consigné par les agents du centre de détention et le personnel des services de secours appelé à intervenir. M. Musaev a ensuite été soigné à l’infirmerie. De nombreux agents du département des enquêtes ont été témoins de ce comportement provocateur. Ni M. Musaev ni son avocat n’ont porté plainte au sujet de méthodes d’enquête illégales, d’actes de torture ou de pressions physiques ou psychologiques. Ces allégations de M. Musaev n’étaient pas étayées par des faits et se fondaient sur son propre comportement provocateur.

Le droit à la défense de M. Musaev a été respecté dès son arrestation, et au stade de l’enquête préliminaire il était représenté par ses avocats, à savoir U. A., G. A. et F. K., qui ont pu lui rendre visite sans aucune restriction. Bien que M. Musaev affirme avoir été interrogé le 31 janvier 2006 en l’absence de son avocat, les pièces du dossier prouvent qu’il a toujours été interrogé en présence de ses conseils, ce que confirment les signatures respectives de ces derniers sur tous les rapports relatifs aux devoirs d’enquête. En outre, ni M. Musaev ni ses avocats ne se sont jamais plaints de ne pas avoir la possibilité de se rencontrer.

M. Musaev a eu l’occasion de prendre connaissance de toutes les pièces du dossier et il l’a fait en présence de ses avocats, G. A. et F. K., ce que confirment divers rapports. Le 22 juin 2006, il a reçu copie de la décision du tribunal militaire du 13 juin 2006, comme le confirme son accusé de réception. Il a également bénéficié des facilités nécessaires à la préparation de son appel et a pu consulter son avocat, U. A., à cette fin. Son autre avocat, F. K., a pris connaissance du procès-verbal de l’audience au cours de laquelle le tribunal militaire avait rendu sa décision du 21 septembre 2007, et a par la suite aidé M. Musaev à recourir contre cette décision.

L’État partie soutient qu’à une date non précisée, M. Musaev a refusé de prendre connaissance de la décision du tribunal militaire du 21 septembre 2007, comme l’atteste le rapport établi par le personnel du tribunal militaire et signé par les personnes présentes. Les demandes présentées ultérieurement par M. Musaev pour obtenir une copie de cette décision ont été déposées après sa remise en liberté en septembre 2017 et étaient sans rapport avec son droit de recourir contre cette décision. Étant donné que la décision du 21 septembre 2007 contenait des informations classifiées et protégées en application de l’article 89 du Code de procédure pénale, M. Musaev a reçu un extrait de cette décision le 12 octobre 2017. L’intéressé et son avocat ont bénéficié des facilités nécessaires pour prendre connaissance du dossier pénal et des décisions judiciaires et pour contester celles‑ci.

En ce qui concerne la conclusion du Comité selon laquelle les droits que M. Musaev tient du paragraphe 3 de l’article 9 du Pacte ont été violés, l’État partie fait valoir que la procédure de placement en détention était conforme au droit interne en vigueur à cette époque.

À la lumière de ce qui précède, l’État partie soutient que rien ne justifie de donner suite aux constatations du Comité concernant l’ouverture d’une procédure pénale contre les personnes qui auraient soumis M. Musaev à des actes de torture et des mauvais traitements.

L’État partie rappelle que, le 9 août 2017, la Chambre juridictionnelle de la Cour suprême a examiné le dossier pénal de M. Musaev au titre de la procédure de contrôle et a ramené la durée de la peine cumulée à onze ans, huit mois et huit jours d’emprisonnement, et que M. Musaev a été remis en liberté après avoir purgé l’intégralité de la peine cumulée ayant fait l’objet d’une réduction. M. Musaev a également été informé de son droit de saisir le Président ou le Vice-Président de la Cour suprême d’une demande de réexamen de décisions antérieures au titre de la procédure de contrôle, en application du paragraphe 2 de l’article 515 du Code de procédure pénale.

L’État partie rappelle que M. Musaev a été remis en liberté en application de la décision de la Chambre juridictionnelle de la Cour suprême du 9 août 2017 parce qu’il avait purgé l’intégralité de la peine cumulée ayant fait l’objet d’une réduction. Étant donné qu’il n’a pas été réhabilité en application de l’article 301 du Code de procédure pénale, rien ne justifie le versement d’une indemnité à M. Musaev sur la base de la procédure énoncée à l’article 304 du même Code.

Pour ce qui est des mesures prises par l’État partie pour éviter que des violations analogues ne se reproduisent, l’État partie soutient qu’il applique une politique systématique de respect de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En particulier, l’adoption de la loi du 4 avril 2018 a mis la définition de la torture énoncée à l’article 235 du Code pénal en conformité avec l’article premier de la Convention. Le 30 novembre 2017, le Président ouzbek a promulgué un décret visant notamment à combattre la torture et les méthodes d’enquête illégales. Conformément à l’article 8 de la loi sur les affaires intérieures, les agents des services intérieurs ont l’interdiction de faire usage de la torture, de la contrainte et de tout autre traitement cruel ou inhumain. L’État partie précise que 1 881 affaires pénales ont été clôturées en 2018 pour insuffisance de preuves et que 867 personnes ont été acquittées ; en outre, 263 personnes ont été acquittées en 2017, contre 28 en 2016, et 3 290 personnes ont été remises en liberté directement en cours d’audience.

Afin de prévenir l’emploi de la force, les actes de torture et les comportements illicites à l’égard des personnes privées de liberté, 1 920 caméras de vidéosurveillance ont été installées dans les prisons et 880 dans les centres de détention provisoire. L’Ouzbékistan a mis en place un mécanisme national de prévention de la torture sur la base du modèle « Ombudsman plus » et a renforcé le rôle du Médiateur, du Centre national des droits de l’homme et du Médiateur des entreprises, ainsi que celui des organisations non gouvernementales actives dans la prévention de la torture et autres mauvais traitements. Une nouvelle version du Code d’exécution des peines est également en cours d’élaboration.

Renseignements communiqués par M.  Musaev: 29 janvier 2020

M. Musaev accuse réception des observations formulées par l’État partie au titre du suivi le 12 août 2019 et exprime son vif désaccord avec les arguments et les explications avancés par celui-ci.

En particulier, s’agissant de l’obligation d’enquêter sur les allégations de violences physiques et psychologiques dont il dit avoir été victime, M. Musaev soutient qu’aucune enquête indépendante et impartiale n’a jamais été menée par les autorités de l’État partie. Il ajoute que l’enquête a été menée par le service dans lequel il avait subi des actes de torture ou par une unité directement subordonnée à ce service. En outre, il n’a jamais eu l’occasion de témoigner dans le cadre de cette enquête.

En ce qui concerne l’argument de l’État partie selon lequel il aurait plaidé coupable de son plein gré, M. Musaev affirme qu’il a déposé deux plaintes auprès du chef du Service national de sécurité pour avoir été contraint de plaider coupable. Ces plaintes portent sur le recours à des mesures coercitives pour obtenir la signature d’aveux et peuvent être obtenues auprès de l’État partie et examinées par le Comité. M. Musaev ajoute que, comme il refusait de signer des aveux, les agents du centre de détention lui ont fait subir des violences physiques et ont menacé d’arrêter des membres de sa famille, le contraignant ainsi à s’avouer coupable.

M. Musaev conteste l’argument de l’État partie selon lequel aucune preuve ne vient corroborer ses allégations. Il explique qu’il a été induit en erreur par les agents du Service national de sécurité, qui lui avaient promis une peine plus légère s’il ne disait rien des violences physiques et psychologiques lorsque le tribunal de première instance examinerait son dossier. Il ajoute que c’est devant le tribunal de deuxième instance qu’il s’est plaint d’avoir été victime de violences, notamment d’actes de torture, d’un traitement inhumain et de méthodes d’enquête illégales. En outre, M. Musaev et ses parents ont déposé plus d’une centaine de plaintes à ce sujet auprès du Bureau du Procureur général et de la Cour suprême, ce qui contredit l’argument de l’État partie selon lequel l’intéressé et ses avocats n’ont déposé aucune plainte ni présenté aucune requête concernant les contraintes exercées sur M. Musaev pour l’amener à faire des aveux.

En ce qui concerne les violences physiques ayant causé un traumatisme cérébral à M. Musaev, et dont l’État partie affirme que l’intéressé se les serait infligées lui-même, celui-ci explique que, le 7 mars 2007, il a en fait été agressé par des agents du Service national de sécurité qui l’avaient menacé à plusieurs reprises d’employer la force. Il soutient que l’enquête interne qui a été menée après qu’il a déposé plainte auprès du chef du centre de détention s’est réduite à un simple interrogatoire des agents du Service national de sécurité. Il appelle l’attention sur les conclusions de l’examen médico-légal d’une autre victime d’actes de torture, M. B., qui a été effectué avec l’appui de l’ambassade des États-Unis d’Amérique en République ouzbèke et le soutien personnel de l’Ambassadeur des États-Unis. Cet examen a confirmé que M. B. avait effectivement été agressé physiquement par des agents du Service national de sécurité. M. Musaev affirme que le recours à la violence physique était une pratique systématique des agents en question. Il explique que, contrairement à M. B., il ne bénéficiait du soutien d’aucune organisation internationale ou ambassade étrangère et n’a donc pas pu faire examiner ou faire constater ses lésions. Il affirme par conséquent que l’affirmation de l’État partie selon laquelle il s’est infligé lui‑même son traumatisme crânien est fausse.

M. Musaev soutient en outre que, contrairement à ce qu’affirme l’État partie, il a été privé du droit d’assurer lui-même sa défense devant les tribunaux et de s’entretenir avec l’avocat de son choix. En particulier, il n’a pas pu bénéficier de l’assistance d’un conseil au stade de l’enquête préliminaire, puisque celle-ci a duré moins de trois jours (du 12 au 14 avril 2006) et que son conseil n’a été autorisé à agir en son nom qu’à compter du 14 avril 2006. M. Musaev ajoute que, pendant une longue période en 2007, il ne lui a pas été permis de s’entretenir avec ses avocats, en dépit des nombreuses plaintes et requêtes qu’ils avaient déposées.

M. Musaev affirme qu’il ne s’est vu accorder que cinq minutes pour prendre connaissance de l’acte d’accusation et qu’il n’a pas pu interjeter appel. Le Code de procédure pénale prévoit qu’un jugement peut faire l’objet d’un recours dans un délai de dix jours à compter de sa notification. M. Musaev a saisi le tribunal militaire et la Cour suprême de plusieurs requêtes visant à obtenir le rétablissement de délais de procédure, qui ont toutes été rejetées. Il allègue que seul son avocat a été autorisé à prendre connaissance du jugement du tribunal militaire du 21 septembre 2007. Lui-même a pu le consulter pendant seulement dix minutes et n’a pas été autorisé à prendre des notes. Les plaintes qu’il a déposées à ce sujet auprès du Bureau du Procureur général et de la Cour suprême sont restées lettre morte.

M. Musaev affirme également que la procédure de contrôle juridictionnel ayant débouché sur sa remise en liberté a été engagée uniquement parce que la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme s’était entretenue avec le Président ouzbek, en signe de bonne volonté politique de la part de celui-ci.

M. Musaev ajoute que, selon la nouvelle procédure mise en place, le tribunal qui examine une demande de contrôle juridictionnel est tenu de répondre par une décision motivée à chaque argument avancé dans la requête. Cette obligation n’a toutefois pas été respectée en l’espèce. Selon les explications fournies par la Cour suprême dans son courrier du 23 janvier 2019, une demande de contrôle juridictionnel doit être assortie d’une copie de toutes les décisions judiciaires antérieures, faute de quoi elle est renvoyée à l’expéditeur sans être examinée. Étant donné que toutes les pièces du dossier pénal de M. Musaev sont classifiées, celui-ci ne pourra pas obtenir de la Cour suprême qu’elle examine sa demande de contrôle juridictionnel, à moins que les pièces du dossier ne soient déclassifiées. M. Musaev prie par conséquent l’État partie d’envisager de déclassifier les pièces de son dossier étant donné que plus de quatorze années se sont écoulées depuis que la peine a été prononcée.

M. Musaev fait également part une nouvelle fois de ses besoins en matière de réadaptation, sollicitant l’assistance du Comité sur ce point.

Évaluation du Comité :

a)Enquête : E ;

b)Nouveau procès ou remise en liberté : C ;

c)Réparation, sous la forme d’indemnisation appropriée : E ;

d)Garantie de non-répétition : B.

Décision du Comité : Le dialogue reste ouvert.

6.Ouzbékistan

Communication n o 2555/2015, Allaberdiev

Constatations adoptées le :21 mars 2017

Violation(s) :Art. 7, 9 (par. 1) et 14 (par. 3) b), e) et g)

Réparation :Assurer à l’auteur un recours utile, notamment a) annuler la condamnation de Sirozhiddin Allaberdiev et les conséquences qu’elle a eues, notamment en mettant fin immédiatement à l’incarcération de l’auteur et, au besoin, en menant un nouveau procès qui réponde aux principes d’une procédure équitable et de la présomption d’innocence ainsi qu’à d’autres garanties de procédure ; b) mener une enquête approfondie et diligente sur les allégations de M. Allaberdiev concernant des actes de torture, poursuivre les responsables de ces actes et les sanctionner par des peines proportionnées à la gravité du crime et offrir une indemnisation adéquate et des mesures de réparation appropriées ; c) prendre toutes les mesures voulues pour que des violations analogues ne se reproduisent pas.

Objet :Torture ; détention arbitraire

Renseignements reçus précédemment dans le cadre du suivi : Aucun

Renseignements communiqués par l ’ État partie :3 octobre 2017

L’État partie rappelle les circonstances de l’arrestation et de la détention de l’auteur, et dit que le Comité n’a pas vérifié les renseignements communiqués par le conseil et les proches de l’auteur de façon complète et objective et ne dispose d’aucun élément de preuve fiable attestant que les droits de l’auteur ont été violés.

Pour ce qui est du paragraphe 7.4 des constatations, l’État partie rappelle que le Comité a pris note de l’affirmation de l’auteur selon laquelle celui-ci avait épuisé tous les recours internes utiles qui lui étaient ouverts, et a donc considéré que les conditions énoncées au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif étaient réunies. L’État partie ne conteste pas cette appréciation mais souligne que la culpabilité de l’auteur a été reconnue par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi. Il signale que, dans le cadre des procédures de cassation et de contrôle juridictionnel, engagées à la suite des requêtes déposées par le conseil de l’auteur, les tribunaux compétents n’ont trouvé aucun motif de modifier ou d’annuler la peine infligée à l’auteur.

En ce qui concerne les paragraphes 8.2 et 8.3 des constatations, l’État partie soutient que, pendant le séjour de l’auteur au centre de détention temporaire, celui‑ci ne s’est pas plaint auprès de l’enquêteur ou du tribunal d’avoir été torturé, et que son conseil n’a jamais allégué que l’intéressé avait été victime d’actes de torture ou de mauvais traitements. L’État partie explique que, pendant l’instruction, soit du 8 août 2012 au 6 janvier 2013, ni l’auteur ni son conseil ne se sont plaints de lésions corporelles, d’actes de torture ou d’autre violations, alors que, dans les faits, les lésions corporelles décrites dans les constatations (côtes cassées, etc.) auraient nécessité une intervention médicale et donc rendu impossible tout acte d’instruction. Il conclut que ni le conseil de l’auteur ni aucune autre personne n’ont présenté des documents ou des faits qui étayent les allégations de torture, et fait observer que les responsables de l’enquête préliminaire ne disposaient d’aucune information qui les aurait obligé à procéder à un examen médical et à ouvrir ultérieurement une enquête sur ces allégations.

S’agissant du paragraphe 8.4, l’État partie rappelle que le Comité a considéré le grief de l’auteur, qui s’était plaint d’avoir été illégalement privé de liberté du 3 au 8 août 2012, et fait observer que l’intéressé n’a été arrêté que le 8 août 2012. Il allègue que le dossier pénal et les autres éléments ne contiennent aucune information relative à une détention de l’auteur du 3 au 8 août 2012. L’État partie en déduit que la conclusion du Comité repose exclusivement sur les témoignages des proches de l’auteur, qui souhaitent que les poursuites engagées contre celui-ci trouvent une issue positive, et qu’elle est entièrement contredite par le résultat de l’enquête préliminaire et d’autres éléments.

En ce qui concerne le paragraphe 8.5, l’État partie soutient que si la détention provisoire à titre préventif est en général réservée aux personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions passibles d’une peine d’au moins trois ans d’emprisonnement, le Code de procédure pénale prévoit plusieurs exceptions à la règle générale, notamment lorsque la personne inculpée ou accusée s’est soustraite à l’enquête ou à la justice. En l’espèce, la peine maximale prévue par la disposition pertinente du Code pénal n’excédait pas trois ans d’emprisonnement ; toutefois, comme cela ressort clairement des dépositions des témoins, l’auteur a fui le lieu de l’infraction, s’est soustrait à l’enquête jusqu’à son arrestation et a également tenté d’amener des témoins à faire une fausse déposition. L’État partie soutient que, dans ces conditions et au vu de la nature des accusations portées contre l’auteur, la détention provisoire ordonnée à titre préventif était conforme au Code de procédure pénale, ce qu’a confirmé le tribunal régional de Tachkent dans sa décision du 15 août 2012.

Pour ce qui est du paragraphe 8.6, l’État partie réfute dans les moindres détails les allégations du conseil selon lesquelles l’auteur n’a pas eu accès aux services d’un avocat. Il fait observer en particulier que ni l’auteur ni son conseil n’ont porté plainte au niveau national pour dénoncer les conditions dans lesquelles s’étaient déroulés leurs entretiens. En outre, l’auteur n’a soulevé aucune objection à être représenté par un autre avocat.

L’État partie soutient également que, conformément aux lois d’amnistie de 2012, 2013 et 2014, la peine d’emprisonnement infligée à l’auteur a été remplacée par une peine de redressement par le travail, ce qui a entraîné sa remise en liberté. En application de la loi d’amnistie du 12 octobre 2016, la durée de la peine infligée à l’auteur a également été réduite d’un quart et, le 20 janvier 2017, celui-ci a été exempté du reste de sa peine.

Renseignements communiqués par le conseil : 28 avril 2020

Dans sa réponse aux observations de l’État partie sur certains paragraphes des constatations du Comité, le conseil continue de contester la légalité des poursuites engagées contre l’auteur.

En ce qui concerne le paragraphe 7.4, le conseil soutient que l’enquête préliminaire menée en l’espèce était entachée d’irrégularités. En particulier, les déclarations des témoins n’ont pas été vérifiées sur le lieu de l’infraction et aucune confrontation avec ceux-ci n’a eu lieu. Le conseil ajoute que l’audience d’appel n’a duré que quarante minutes ; la cour a rejeté ses requêtes et mis immédiatement l’affaire en délibéré. Sur proposition de l’accusation de « ne pas modifier la peine », la cour d’appel a confirmé la décision adoptée en première instance en seulement dix minutes.

S’agissant des paragraphes 8.2 et 8.3, le conseil fait valoir qu’à compter du 4 août 2012, lui-même et les proches de l’auteur se sont plaints à de nombreuses reprises des mauvais traitements infligés à l’auteur, mais que toutes leurs requêtes sont restées lettre morte. Il affirme que les traces que les coups et les actes de torture ont laissées sur le corps de l’auteur peuvent être facilement détectées par un médecin, et que l’auteur souffre de convulsions en raison des nombreux coups reçus à la tête. L’auteur est disposé à se soumettre à un examen médical pour faire vérifier ses dires et pourrait présenter une liste de compagnons de cellule susceptibles de les corroborer.

En ce qui concerne le paragraphe 8.4, le conseil soutient que les pièces du dossier montrent que l’auteur a effectivement été arrêté le 3 août 2012, contrairement à ce qu’affirme l’État partie. Il ajoute que plusieurs témoins pourraient attester que cinq personnes, dont l’auteur, ont été placées en détention du 3 au 8 août sans aucun motif légal.

Pour ce qui est des explications données par l’État partie au sujet du paragraphe 8.5, le conseil renvoie à la pratique générale des autorités d’enquête selon laquelle la détention provisoire à titre préventif n’est jamais employée dans des affaires similaires à celle concernant l’auteur et lorsque les personnes ont une attitude positive comme l’auteur. Il allègue par conséquent que l’auteur a été placé en détention provisoire en violation du Code de procédure pénale, et que l’enquête a été indûment prolongée, ce qui a eu pour effet que l’auteur est resté en détention pendant onze mois.

En ce qui concerne le paragraphe 8.6, le conseil rappelle les conditions de détention de l’auteur et affirme qu’il a appris l’arrestation de celui-ci le 3 août 2012, soit plusieurs jours avant que cette arrestation et le placement en détention ne soient officiellement enregistrés. Avant le 8 août 2012, il a tenté sans succès d’entrer en contact avec les autorités compétentes pour obtenir des précisions sur la situation de l’auteur. Le Service national de sécurité, en particulier, a répondu qu’il ignorait où se trouvaient les détenus. Le 8 août 2012, le conseil a été autorisé à rencontrer l’auteur en privé, et c’est en fait la seule fois où il aura pu s’entretenir avec lui en toute confidentialité jusqu’à ce que l’intéressé soit transféré vers le centre de détention du Ministère de l’intérieur une fois l’enquête terminée.

S’agissant des paragraphes 8.7, 8.8 et 8.9, le conseil soutient qu’aucun agent ayant pris part aux « actes de provocation » envers l’auteur n’a été interrogé pour élucider les contradictions constatées en l’espèce. En outre, l’enquêteur n’a pas demandé que l’auteur et les autres détenus soient soumis à un examen médico-légal, alors qu’il aurait dû lui paraître évident qu’ils avaient été roués de coups et torturés. Le conseil ajoute que le tribunal de première instance et les juridictions supérieures n’ont cité à comparaître aucun des agents ayant participé à l’arrestation de l’auteur, et qu’ils ont totalement ignoré les plaintes répétées concernant les actes de torture et les mauvais traitements infligés à l’auteur.

Évaluation du Comité :

a)Annuler la condamnation, libérer l’auteur ou mener un nouveau procès : B ;

b)Mener une enquête, poursuivre les responsables, offrir une indemnisation et des mesures de réparation : E ;

c)Garantie de non-répétition : C.

Décision du Comité : Le dialogue reste ouvert.