Nations Unies

CCPR/C/130/D/2639/2015

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

31 mars 2021

Original : français

Comité des droits de l ’ homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no2639/2015 * , **

Communication p résentée par :

Tassadit Berkaoui (représentée par un conseil de la Fondation Alkarama)

Victime(s) présumée(s) :

L’auteure et Achour Berkaoui (frère de l’auteure)

État partie :

Algérie

Date de la communication :

4 juin 2015 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 92 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 5 juillet 2015 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

19 octobre 2020

Objet :

Disparition forcée

Question(s) de procédure :

Épuisement des recours internes

Question(s) de fond :

Droit à un recours utile ; peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant ; liberté et sécurité de la personne ; dignité humaine ; reconnaissance de la personnalité juridique ; droit à la vie familiale

Article(s) du Pacte :

2 (par. 3), 6 (par. 1), 7, 9, 10 (par. 1), 16 et 23 (par. 1)

Article(s) du Protocole facultatif :

2, 3 et 5 (par. 2)

1.1L’auteure de la communication est Tassadit Berkaoui, de nationalité algérienne. Elle fait valoir que son frère, Achour Berkaoui, né le 10 juillet 1961, de nationalité algérienne, est victime d’une disparition forcée imputable à l’État partie, en violation des articles 2 (par. 3), 6 (par. 1), 7, 9, 10, 16 et 23 (par. 1) du Pacte. L’auteure soutient par ailleurs que sa famille et elle ont été victimes de violation des articles 2 (par. 3), 7 et 23 (par. 1) du Pacte. Le Pacte et le Protocole facultatif s’y rapportant sont entrés en vigueur pour l’État partie le 12 décembre 1989. L’auteure est représentée par un conseil de la Fondation Alkarama.

1.2Le 28 janvier 2016, le Comité, agissant par l’intermédiaire du Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a décidé de ne pas séparer l’examen de la recevabilité de celui du fond de la communication.

Rappel des faits présentés par l’auteure

2.1Achour Berkaoui, père d’un enfant, exerçait la profession d’agent des impôts et était membre de l’Assemblée populaire communale (conseil municipal) d’Alger, élu sur la liste du Front islamique du salut. Il a été arrêté le 20 novembre 1994 − alors qu’il se trouvait à la station de bus en face du palais présidentiel d’Alger − par un groupe d’agents des forces de sécurité, dont certains étaient en civil et d’autres en uniforme. Les agents − dont certains portaient des cagoules noires − étaient venus à bord de deux voitures de police et d’une voiture banalisée. Ils ont menotté Achour Berkaoui, l’ont introduit de force dans le coffre de l’un des véhicules et l’ont emmené vers une destination inconnue. Depuis, la famille d’Achour Berkaoui n’a plus reçu de ses nouvelles, malgré tous les efforts entrepris pour le retrouver.

2.2Immédiatement après l’arrestation d’Achour Berkaoui, rapportée le jour même par des témoins présents sur les lieux, l’auteure s’est rendue au commissariat de police du quartier pour savoir si la victime s’y trouvait. L’agent de service lui a répondu qu’il ignorait tout de cette arrestation. Elle s’est également rendue à l’hôpital Mustapha, dans le centre d’Alger, pour s’enquérir du sort de son frère, craignant qu’il ait été exécuté sommairement par la police, comme cela était particulièrement courant à cette période.

2.3L’auteure s’est ensuite rendue au tribunal de Bir Mourad Raïs, duquel dépend le quartier d’El Mouradia, pour savoir si Achour Berkaoui avait été déféré devant le Procureur du tribunal. Le magistrat a refusé de la recevoir, et le service du parquet l’a renvoyée au tribunal d’Alger, lui affirmant que le parquet général était seul compétent. L’auteure a renouvelé sa démarche plusieurs fois et a également saisi le parquet général d’Alger, où elle s’est rendue de nombreuses fois, et ce, durant plusieurs mois, dans l’espoir d’obtenir des nouvelles de son frère, mais toujours sans résultat.

2.4Une semaine après l’arrestation d’Achour Berkaoui, sa famille a été informée par deux personnes récemment libérées du centre de détention du commissariat de police d’Al Madina que le jour de leur libération, Achour Berkaoui s’y trouvait toujours. Les deux témoins ont également rapporté avoir été sévèrement torturés. Quelques semaines après son enlèvement, la famille a reçu la confirmation par une source proche de la police qu’Achour Berkaoui se trouvait au centre de détention de l’école de police de Châteauneuf, à Ben Aknoun, l’un des centres de détention au secret les plus importants de la capitale.

2.5Le lendemain de l’enlèvement d’Achour Berkaoui, son épouse s’est rendue au commissariat d’Al Madina pour s’enquérir de son sort, mais les agents ont prétendu n’avoir aucune information à son sujet. Devant l’insistance de l’épouse, revenue demander des nouvelles une semaine plus tard, les policiers d’Al Madina ont fini par reconnaître qu’Achour Berkaoui avait bien été détenu au commissariat, mais qu’il avait été remis à un autre service.

2.6Le 10 juillet 1996, l’auteure a saisi l’Observatoire national des droits de l’homme d’une plainte pour la disparition d’Achour Berkaoui. Le 15 mars 1998, soit près de deux années plus tard, l’Observatoire lui a adressé un courrier par lequel il accusait réception du courrier du 10 juillet 1996, tout en ajoutant que « selon les informations parvenues des services de sécurité, la victime avait été conduite par deux inconnus armés en tenue officielle lesquels, après avoir contrôlé son identité, l’avaient emmenée vers une destination inconnue ». L’Observatoire a précisé que l’affaire avait fait l’objet d’un procès-verbal officiel établi par la brigade de gendarmerie nationale (Dark Al Watani) d’El Mouradia en date du 11 janvier 1997 et transmis au tribunal d’Alger. Cette réponse de l’institution ne faisait notamment part d’aucune réelle enquête ouverte par les autorités, malgré le fait que l’enlèvement avait eu lieu en plein centre de la capitale, en face du siège de la présidence de la République. La famille d’Achour Berkaoui n’a d’ailleurs jamais pu obtenir copie dudit procès-verbal officiel qui aurait été établi par la brigade de gendarmerie nationale. La famille s’est donc adressée une nouvelle fois à l’Observatoire, qui lui a répondu par courrier en date du 5 juin 1999 que les recherches sur le sort d’Achour Berkaoui étaient restées vaines, précisant cette fois-ci qu’une prétendue enquête aurait été ouverte.

2.7Par procès-verbal du 7 juin 1997, le commissaire de police de la sûreté urbaine d’El Mouradia a informé l’auteure que son frère n’avait « jamais été déféré devant la justice » et « qu’il ne détenait aucune information à son sujet », laissant ainsi la famille dans l’incertitude la plus totale sur son sort. Par procès-verbal du 15 juillet 1997, l’officier de police de la sûreté urbaine d’Alger Centre a à son tour avisé l’auteure − à la requête du Procureur de la République d’Alger − que la prétendue enquête ouverte sur la disparition d’Achour Berkaoui s’était révélée vaine.

2.8Le 11 novembre 2003, une nouvelle plainte pour détention arbitraire a été adressée au Procureur de la République d’Alger. Le 19 novembre 2003, la famille a adressé une lettre au Chef du Gouvernement, l’informant de toutes les démarches entreprises pour retrouver Achour Berkaoui, de l’absence de prise en compte de ses plaintes pénales, et lui demandant de donner les instructions nécessaires pour qu’une solution soit trouvée afin de mettre un terme au drame vécu par la famille. Le 3 janvier 2004, une réponse des services du Chef du Gouvernement à ce courrier se contentait d’indiquer « que le dossier avait été transféré à la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme, compétente dans ces affaires » et conseillait à la famille « de prendre directement contact avec cette institution ».

2.9Parallèlement à ces démarches, la mère d’Achour Berkaoui a saisi le Ministre de la justice pour l’informer de la situation et requérir son intervention, sans jamais obtenir de réponse de sa part. Le 14 février 2006, à la suite de l’entrée en vigueur de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, la famille a envoyé une demande de constat de disparition aux autorités, afin de pouvoir entreprendre la procédure légale instaurée par la loi. Le Ministère de la défense a accusé réception de cette demande le 30 avril 2006, en affirmant qu’elle avait été enregistrée. Cependant, aucune suite n’a été donnée à cette démarche.

2.10Malgré tous les efforts de l’auteure, aucune enquête sérieuse n’a été ouverte. L’auteure souligne qu’il lui est aujourd’hui impossible légalement de recourir à une instance judiciaire, après la promulgation de l’ordonnance no 06-01 du 27 février 2006 portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Les recours internes, qui ont été inutiles et inefficaces, sont donc en plus devenus totalement indisponibles. La Charte pour la paix et la réconciliation nationale dispose que « nul, en Algérie ou à l’étranger, n’est habilité à utiliser ou à instrumentaliser les blessures de la tragédie nationale pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l’État, nuire à l’honorabilité de tous ses agents qui l’ont dignement servie, ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international » et rejette « toute allégation visant à faire endosser par l’État la responsabilité d’un phénomène délibéré de disparition ». La Charte indique en outre que « les actes répréhensibles d’agents de l’État, qui ont été sanctionnés par la justice chaque fois qu’ils ont été établis, ne sauraient servir de prétexte pour jeter le discrédit sur l’ensemble des forces de l’ordre qui ont accompli leur devoir, avec l’appui des citoyens et au service de la Patrie ».

2.11Selon l’auteure, l’ordonnance no 06-01 interdit sous peine de poursuites pénales le recours à la justice, ce qui dispense les victimes de la nécessité d’épuiser les voies de recours internes. Cette ordonnance interdit en effet toute plainte pour disparition ou autre crime, son article 45 disposant qu’« [a]ucune poursuite ne peut être engagée, à titre individuel ou collectif, à l’encontre des éléments des forces de défense et de sécurité de la République, toutes composantes confondues, pour des actions menées en vue de la protection des personnes et des biens, de la sauvegarde de la Nation et de la préservation des institutions de la République algérienne démocratique et populaire ». En vertu de cette disposition, toute dénonciation ou plainte doit être déclarée irrecevable par l’autorité judiciaire compétente. De plus, l’article 46 de la même ordonnance prévoit ce qui suit : « Est puni d’un emprisonnement de trois (3) ans à cinq (5) ans et d’une amende de 250 000 à 500 000 [dinars algériens], quiconque qui, par ses déclarations, écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l’État, nuire à l’honorabilité de ses agents qui l’ont dignement servie, ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international. Les poursuites pénales sont engagées d’office par le ministère public. En cas de récidive, la peine prévue au présent article est portée au double. ».

2.12L’auteure ajoute que cette loi amnistie de fait les crimes commis durant la décennie passée, y compris les crimes les plus graves comme les disparitions forcées. Elle interdit aussi, sous peine d’emprisonnement, le recours à la justice pour faire la lumière sur le sort des victimes. Les autorités algériennes, y compris judiciaires, refusent manifestement d’établir la responsabilité des services de sécurité, dont les agents seraient coupables de la disparition forcée d’Achour Berkaoui. Ce refus fait obstacle à l’efficacité des recours exercés par sa famille.

Teneur de la plainte

3.1L’auteure allègue que son frère est victime d’une disparition forcée, telle que la définissent l’article 7 (par. 2 i)) du Statut de Rome de la Cour pénale internationale et l’article 2 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. En dépit du fait qu’aucune disposition du Pacte ne fait expressément mention des disparitions forcées, la pratique implique des violations du droit à la vie, du droit de ne pas être soumis à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et du droit à la liberté et à la sécurité de la personne. En l’espèce, l’auteure invoque des violations par l’État partie des articles 6 (par. 1), 7, 9 (par. 1 à 4), 10 (par. 1), 16 et 23 (par. 1), lus seuls et conjointement avec l’article 2 (par. 3) du Pacte.

3.2L’auteure rappelle le caractère suprême du droit à la vie et l’obligation de l’État partie non seulement de s’abstenir de priver arbitrairement un individu de son droit à la vie, mais également de prévenir et de punir tout acte impliquant une violation de l’article 6 du Pacte, y compris lorsque l’auteur ou les auteurs de tels actes sont des agents de l’État. Elle rappelle également l’obligation de l’État partie de protéger la vie des personnes en détention et d’enquêter sur tout cas de disparition, l’absence d’enquête pouvant constituer en soi un manquement à l’article 6, y compris dans les cas où la disparition n’est pas le fait d’agents de l’État. L’auteure affirme que son frère a été enlevé le 20 novembre 1994 par des agents des forces de sécurité et reste disparu depuis cette date. Sa disparition fait incontestablement suite à une opération menée sous le contrôle de l’État dans le cadre d’une campagne de répression généralisée et de neutralisation de tous les militants et membres élus des assemblées communales et des députés du Front islamique du salut. Les autorités algériennes auraient dû prendre toutes les mesures nécessaires afin que l’arrestation d’Achour Berkaoui ne se convertisse pas en enlèvement, que ses droits fondamentaux soient respectés et qu’il ne soit pas détenu au secret, afin, entre autres, de permettre à sa famille de lui rendre visite régulièrement et de lui reconnaître le droit d’avoir accès à un avocat pour l’assister et contester la légalité de sa détention. En privant Achour Berkaoui de l’ensemble de ses droits et en le plaçant hors de la protection de la loi, les autorités algériennes ont violé leur obligation de garantir son droit à la vie. Ces éléments attestent des défaillances de l’État partie quant à ses obligations et constituent une violation de l’article 6 (par. 1) du Pacte.

3.3L’auteure rappelle par ailleurs que le droit de ne pas être soumis à des actes de torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est un droit absolu auquel il ne peut être dérogé. La détention au secret crée systématiquement un environnement propice à la pratique de la torture, dans la mesure où l’individu est soustrait à la protection de la loi. Selon la jurisprudence du Comité, cette pratique peut en elle-même constituer une violation de l’article 7 du Pacte. L’État partie a l’obligation d’ouvrir une enquête dès lors qu’une allégation de détention au secret est portée à sa connaissance. Le Comité a déjà souligné par le passé que les lois d’amnistie étaient généralement incompatibles avec le devoir des États d’enquêter et de punir tout individu responsable d’une détention au secret. L’auteure affirme qu’en l’absence d’enregistrement ou de toute autre procédure qui aurait pu être portée à la connaissance de la famille, la détention d’Achour Berkaoui revêt un caractère secret. Depuis qu’il a été arrêté sans mandat de justice et sans jamais être informé des motifs de son arrestation, sa famille n’a jamais pu communiquer avec lui et aucune information utile n’a été fournie quant à son sort et au lieu où il se trouve. L’État partie n’a rien fait pour s’assurer qu’Achour Berkaoui ne soit pas détenu au secret et aucune enquête n’a été diligentée. Aucune explication sur son sort n’a été fournie par l’État partie depuis l’arrestation d’Achour Berkaoui le 20 novembre 1994. L’impossibilité, inhérente à la détention au secret, de communiquer avec le monde extérieur représente pour le détenu une souffrance psychologique immense, assez grave pour entrer dans le champ d’application de l’article 7 du Pacte. L’auteure affirme donc qu’Achour Berkaoui est victime d’une violation dudit article 7. Concernant la famille d’Achour Berkaoui, l’angoisse, la détresse et l’incertitude provoquées par la disparition, le déni des autorités et l’absence d’enquête pendant plus de vingt-cinq ans constituent un traitement inhumain et, par conséquent, une violation de l’article 7, lu seul et conjointement avec l’article 2 (par. 3) du Pacte.

3.4L’auteure rappelle ensuite que le droit à la liberté et à la sécurité de la personne, reconnu par l’article 9 du Pacte, proscrit les arrestations et détentions arbitraires et impose à l’État partie un certain nombre de garanties procédurales. En ce qui concerne l’article 9 du Pacte, l’auteure allègue que son frère est victime de violations imputables à l’État partie : a) du paragraphe 1, du fait qu’Achour Berkaoui a fait l’objet d’une arrestation et d’une détention sans titre légal et a été détenu au secret ; b) du paragraphe 2, du fait que les agents ayant procédé à l’arrestation d’Achour Berkaoui n’ont ni exposé les motifs de son arrestation ni présenté de mandat à cet effet, et qu’il n’a jamais reçu de notification officielle depuis son arrestation ; c) du paragraphe 3, du fait qu’Achour Berkaoui n’a été, à la suite de son arrestation, ni présenté à un magistrat compétent, ni jugé, ni libéré, et que les vingt-cinq ans écoulés depuis son arrestation excèdent largement le délai maximal de douze jours de garde à vue prévu par le Code de procédure pénale en matière d’infractions liées au terrorisme ; et d) du paragraphe 4, du fait qu’Achour Berkaoui, soustrait au régime de la loi, n’a jamais pu contester la légalité de sa détention.

3.5L’auteure rappelle de plus le caractère fondamental et universel du principe selon lequel toute personne privée de sa liberté doit être traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine, défini par l’article 10 (par. 1) du Pacte. Achour Berkaoui a été privé de tout contact avec le monde extérieur. La détention au secret est de nature à causer au détenu des souffrances suffisamment graves pour être qualifiées d’actes de torture, mais favorise également la pratique d’actes inhumains. Dans la mesure où Achour Berkaoui a fait l’objet de traitements cruels, inhumains ou dégradants, en violation de l’article 7 du Pacte, il a a fortiori été victime d’une violation de l’article 10 (par. 1), les traitements cruels, inhumains ou dégradants étant par nature incompatibles avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine.

3.6L’auteure indique également que tout individu a droit à la reconnaissance de sa personnalité juridique. Elle renvoie à cet effet aux observations finales du Comité sur le deuxième rapport périodique de l’Algérie au titre de l’article 40 du Pacte, dans lesquelles le Comité a établi que les personnes disparues toujours en vie et détenues au secret voyaient leur droit à la reconnaissance de leur personnalité juridique, tel que consacré par l’article 16 du Pacte, violé. En conséquence, la détention au secret d’Achour Berkaoui constitue une violation imputable à l’État partie de l’article 16 du Pacte.

3.7Rappelant que l’article 23 (par. 1) du Pacte prévoit le droit à la protection de la famille, l’auteure soutient que la disparition d’Achour Berkaoui a privé sa famille d’un père et d’un époux, et constitue par là même une violation dudit article.

3.8L’article 2 (par. 3) du Pacte garantit l’accès à des voies de recours effectives pour toute personne alléguant une violation de l’un de ses droits protégés par le Pacte. L’auteure considère qu’Achour Berkaoui, victime d’une disparition forcée, est de faitdans l’impossibilité d’exercer une quelconque voie de recours. En s’appuyant sur la jurisprudence du Comité, l’auteure rappelle l’obligation de l’État partie de mener des enquêtes sur les violations alléguées de droits de l’homme ainsi que de poursuivre les responsables présumés et de les punir, et estime que l’absence de réaction des autorités algériennes aux requêtes de la famille de la victime est constitutive d’un manquement de l’État partie aux obligations qui lui incombent au titre de l’article 2 du Pacte. L’ordonnance no 06-01, et plus particulièrement son article 45, constitue un manquement à l’obligation de l’État partie d’assurer un recours effectif. En conséquence, l’auteure demande au Comité de reconnaître une violation de l’article 2 (par. 3), lu seul et conjointement avec les articles 6, 7, 9, 10, 16 et 23 du Pacte.

3.9L’auteure demande en premier lieu au Comité de reconnaître la violation des articles 6 (par. 1), 7, 9 (par. 1 à 4), 10 (par. 1), 16 et 23 (par. 1), lus seuls et conjointement avec l’article 2 (par. 3) du Pacte à l’égard d’Achour Berkaoui. En deuxième lieu, elle lui demande de reconnaître la violation des articles 7 et 23 (par. 1), lus seuls et conjointement avec l’article 2 (par. 3) du Pacte, à son égard et à l’égard de sa famille. L’auteure demande en outre au Comité de prier l’État partie : a) de remettre en liberté Achour Berkaoui si ce dernier est toujours en vie ; b) de lui assurer un recours utile en menant une enquête approfondie et diligente sur la disparition forcée de son frère, et de l’informer des résultats de l’enquête ; c) d’engager des poursuites pénales contre les responsables présumés de la disparition d’Achour Berkaoui, de les traduire en justice et de les punir conformément aux engagements internationaux de l’État partie ; et d) d’indemniser de manière appropriée l’auteure et les ayants droit d’Achour Berkaoui pour les violations subies.

Observations de l’État partie

4.Le 3 novembre 2015, l’État partie a invité le Comité à se référer au Mémorandum de référence du Gouvernement algérien sur le traitement de la question des disparitions à la lumière de la mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, et a demandé, d’une part, que la recevabilité de la requête soit examinée séparément du fond et, d’autre part, que la requête soit déclarée irrecevable. Le Comité ayant refusé cette demande d’examen séparé, l’État partie a, le 3 avril 2017, invité à nouveau le Comité à se référer audit mémorandum de référence et, par conséquent, à ne pas se pencher sur le fond.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie

5.1Le 20 janvier 2016, l’auteure a soumis des commentaires sur les observations de l’État partie sur la recevabilité. Elle souligne que lesdites observations sont inadaptées, car elles s’adressent à un autre organe de promotion et de protection des droits de l’homme − le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires −, et obsolètes, car elles datent de juillet 2009. En outre, elles ne font nullement mention de la recevabilité de la communication, des spécificités de l’affaire ou des recours introduits par la famille de la victime, démontrant le manque de sérieux et le mépris des autorités algériennes pour cette procédure.

5.2Rappelant qu’aucun recours n’a abouti à l’ouverture d’une enquête diligente ou à des poursuites pénales, et que les autorités algériennes n’ont apporté aucun élément tangible laissant penser que des recherches effectives aient été engagées pour retrouver Achour Berkaoui et identifier les responsables de sa disparition, l’auteure conclut que les voies de recours internes ont été épuisées et que la requête doit être considérée comme recevable par le Comité.

5.3En se référant à la jurisprudence du Comité selon laquelle la Charte pour la paix et la réconciliation nationale ne peut être opposée aux individus soumettant une communication individuelle, l’auteure rappelle que les dispositions de la Charte ne représentent en rien une prise en charge adéquate du dossier des disparus.

Défaut de coopération de l’État partie

6.Les 5 juillet 2015, 28 janvier 2016, 3 février 2017 et 11 décembre 2018, l’État partie a été invité à présenter ses observations concernant le fond de la communication. Le Comité note qu’il n’a reçu aucune réponse et regrette le refus de l’État partie de communiquer toute information à cet égard. Conformément à l’article 4 (par. 2) du Protocole facultatif, l’État partie est tenu d’examiner de bonne foi toutes les allégations de violations du Pacte portées contre lui et ses représentants, et de transmettre au Comité les renseignements qu’il détient.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3Le Comité prend note des allégations de l’auteure, qui estime avoir épuisé toutes les voies de recours disponibles à l’égard de la disparition de son frère. Il note que pour contester la recevabilité de la communication, l’État partie se contente de renvoyer au Mémorandum de référence du Gouvernement algérien sur le traitement de la question des disparitions à la lumière de la mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. À cet égard, le Comité rappelle qu’en 2018, il avait exprimé ses préoccupations de ce qu’en dépit de ses demandes répétées, l’État partie continuait de faire systématiquement référence au document général type, dit « aide-mémoire », sans répondre spécifiquement aux allégations soumises par les auteurs des communications. En conséquence, le Comité invitait de manière urgente l’État partie à coopérer de bonne foi avec le Comité dans le cadre de la procédure de communications individuelles en cessant de se référer à l’« aide-mémoire » et en répondant de manière individuelle et spécifique aux allégations des auteurs de communications.

7.4Le Comité rappelle ensuite que l’État partie a non seulement le devoir de mener des enquêtes approfondies sur les violations supposées des droits de l’homme portées à l’attention de ses autorités, en particulier lorsqu’il s’agit d’atteintes au droit à la vie, mais aussi celui de poursuivre quiconque est présumé responsable de ces violations, de procéder à son jugement et de prononcer une peine à son égard. La famille d’Achour Berkaoui a alerté à de nombreuses reprises les autorités compétentes de l’État partie de sa disparition forcée. Toutefois, les autorités n’ont pas procédé à une enquête effective et approfondie à cet égard. L’État partie n’a par ailleurs apporté aucun élément permettant de conclure qu’un recours efficace et disponible était ouvert à ce jour. S’ajoute à cela le fait que l’ordonnance no 06-01 continue d’être appliquée, en dépit du fait que le Comité a souligné la nécessité de sa mise en conformité avec les principes du Pacte. À cet égard, le Comité rappelle que dans ses observations finales sur le quatrième rapport périodique de l’État partie, il déplorait en particulier l’absence de recours efficace pour les personnes disparues et/ou leurs familles et l’absence de mesures prises en vue de faire la lumière sur les personnes disparues, de les localiser et, en cas de décès, de restituer leurs dépouilles aux familles. Dans ces circonstances, le Comité estime que rien ne s’oppose à ce qu’il examine les allégations à l’égard d’Achour Berkaoui, conformément à l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif.

7.5Par ailleurs, le Comité note − compte tenu du changement de cadre légal survenu en 2006 − que l’auteure a été dans l’impossibilité de faire valoir son droit à un recours utile pour dénoncer la disparition de son frère en 1994, puisqu’aucun recours n’est disponible à cet effet. Le Comité note également que la présente communication lui a été soumise en 2015. Il rappelle que selon l’article 99 (al. c)) de son règlement intérieur, il peut y avoir abus du droit de plainte si la communication est soumise cinq ans après l’épuisement des recours internes par son auteur. Le libellé de cette disposition accorde une marge de discrétion au Comité, qui est en mesure de déterminer les cas pour lesquels elle ne saurait s’appliquer strictement. Par le passé, le Comité a déjà examiné des affaires de disparition forcée à l’encontre de l’État partie. Par exemple, le cas de Mahmoud Boudjema a été porté à la connaissance du Comité en 2013, alors que sa disparition avait eu lieu en 1996. Le Comité note que dans l’affaire Boudjema c. Algérie − comme dans le cas d’espèce −, l’État partie n’a pas soulevé le caractère abusif de la communication. De plus, le Comité a déjà eu l’occasion de constater en 2007 et en 2018 que l’ordonnance nº 06-01 interdisait toute poursuite contre des éléments des forces de défense et de sécurité, et semblait ainsi promouvoir l’impunité. Le Comité considère que ce climat d’impunité, corroboré par l’interdiction légale de recourir à une instance judiciaire, a un impact négatif indiscutable sur la possibilité pour les victimes de faire valoir leur droit à un recours utile non seulement au plan national, mais aussi au plan international. Déclarer la présente communication irrecevable pour abus de droit pourrait avoir pour effet d’encourager l’État partie à continuer d’entraver le droit à un recours effectif pour les victimes d’atteinte au droit à la vie. Le Comité rappelle également qu’une disparition forcée est une action de nature continue et que, de ce fait, la nature de l’obligation d’enquête est elle-même continue, ce qui dans le cas d’espèce est annihilé par la loi et ses effets. Le Comité ne considère donc pas que dans les circonstances spéciales de l’espèce, la présente communication constitue un abus de droit.

7.6Le Comité estime que l’auteure a suffisamment étayé ses allégations aux fins de la recevabilité, et procède donc à l’examen quant au fond des griefs formulés au titre des articles 2 (par. 3), 6 (par. 1), 7, 9, 10 (par. 1), 16 et 23 (par. 1) du Pacte.

Examen au fond

8.1Conformément à l’article 5 (par. 1) du Protocole facultatif, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées.

8.2Le Comité note que l’État partie s’est contenté de faire référence à ses observations collectives et générales qui avaient été transmises antérieurement au Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires et au Comité en lien avec d’autres communications, afin de confirmer sa position selon laquelle de telles affaires ont déjà été réglées dans le cadre de la mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Le Comité renvoie à sa jurisprudence et à ses observations finales sur le quatrième rapport périodique de l’Algérie, et rappelle que l’État partie ne saurait opposer les dispositions de ladite Charte à des personnes qui invoquent les dispositions du Pacte ou qui ont soumis ou pourraient soumettre des communications au Comité. Le Pacte exige de l’État partie qu’il se soucie du sort de chaque personne et qu’il traite chacune d’elle avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine. En l’absence des modifications recommandées par le Comité, l’ordonnance no 06-01 contribue dans le cas présent à l’impunité et ne peut donc, en l’état, être jugée compatible avec les dispositions du Pacte.

8.3Le Comité note par ailleurs que l’État partie n’a pas répondu aux allégations de l’auteure sur le fond et rappelle sa jurisprudence selon laquelle la charge de la preuve ne doit pas incomber uniquement à l’auteur d’une communication, d’autant plus que celui-ci et l’État partie n’ont pas toujours un accès égal aux éléments de preuve et que, souvent, seul l’État partie dispose des renseignements nécessaires. Conformément à l’article 4 (par. 2) du Protocole facultatif, l’État partie est tenu d’enquêter de bonne foi sur toutes les allégations de violations du Pacte portées contre lui et ses représentants, et de transmettre au Comité les renseignements qu’il détient. En l’absence d’explications de la part de l’État partie à ce sujet, il convient d’accorder tout le crédit voulu aux allégations de l’auteure, dès lors que ces dernières sont suffisamment étayées.

8.4Le Comité rappelle que, si l’expression « disparition forcée » n’apparaît expressément dans aucun article du Pacte, la disparition forcée constitue un ensemble unique et intégré d’actes représentant une violation continue de plusieurs droits consacrés par cet instrument, tels que le droit à la vie, le droit de ne pas être soumis à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et le droit à la liberté et à la sécurité de la personne.

8.5Le Comité note qu’Achour Berkaoui a été vu par des témoins pour la dernière fois quelques semaines après son arrestation le 20 novembre 1994, alors qu’il était en détention au commissariat de police d’Al Madina, puis au centre de détention de l’école de police de Châteauneuf, à Ben Aknoun. Il prend par ailleurs note de ce que l’État partie n’a fourni aucune information permettant de déterminer ce qu’il est advenu d’Achour Berkaoui et n’a même jamais confirmé sa détention. Le Comité rappelle que, dans le cas des disparitions forcées, le fait de priver une personne de sa liberté, puis de refuser de reconnaître cette privation de liberté ou de dissimuler le sort réservé à la personne disparue revient à soustraire cette personne à la protection de la loi et fait peser sur sa vie un risque constant et grave, dont l’État est responsable. En l’espèce, le Comité constate que l’État partie n’a fourni aucun élément susceptible de démontrer qu’il s’était acquitté de son obligation de protéger la vie d’Achour Berkaoui. En conséquence, il conclut que l’État partie a failli à son obligation de protéger la vie d’Achour Berkaoui, en violation de l’article 6 (par. 1) du Pacte.

8.6Le Comité reconnaît par ailleurs le degré de souffrance qu’implique une détention sans contact avec le monde extérieur pendant une durée indéfinie. Il rappelle son observation générale no 20 (1992), dans laquelle il recommande aux États parties de prendre des dispositions pour interdire la détention au secret. Il note en l’espèce que la famille d’Achour Berkaoui n’a jamais eu accès à la moindre information sur son sort ou son lieu de détention, malgré ses demandes réitérées d’information aux autorités compétentes de l’État partie. Le Comité estime donc qu’Achour Berkaoui, disparu le 20 novembre 1994, serait potentiellement toujours détenu au secret par les autorités algériennes. En l’absence de toute explication de la part de l’État partie, le Comité considère que la disparition d’Achour Berkaoui constitue une violation de l’article 7 du Pacte à son égard.

8.7Au vu de ce qui précède, le Comité n’examinera pas séparément les griefs tirés de la violation de l’article 10 du Pacte.

8.8Le Comité prend également acte de l’angoisse et de la détresse que la disparition d’Achour Berkaoui, depuis plus de vingt-cinq ans, a causées à l’auteure et à sa famille. Il considère à cet égard que les faits dont il est saisi font apparaître une violation de l’article 7 lu seul et conjointement avec l’article 2 (par. 3) du Pacte à leur égard.

8.9En ce qui concerne les griefs de violation de l’article 9 du Pacte, le Comité prend note des allégations de l’auteure selon lesquelles Achour Berkaoui a été arrêté arbitrairement, sans mandat, et n’a été ni inculpé ni présenté devant une autorité judiciaire auprès de laquelle il aurait pu contester la légalité de sa détention. L’État partie n’ayant communiqué aucune information à ce sujet, le Comité considère qu’il convient d’accorder le crédit voulu aux allégations de l’auteure. Le Comité conclut donc à une violation de l’article 9 du Pacte à l’égard d’Achour Berkaoui.

8.10Le Comité rappelle également que la soustraction délibérée d’une personne à la protection de la loi constitue un déni du droit de cette personne à la reconnaissance de sa personnalité juridique, en particulier si les efforts déployés par ses proches pour exercer leur droit à un recours effectif ont été systématiquement entravés. Dans le cas présent, le Comité note que l’État partie n’a fourni aucune explication sur le sort d’Achour Berkaoui, ni sur le lieu où il se trouve, en dépit des démarches de ses proches et du fait qu’il était entre les mains des autorités de l’État partie la dernière fois qu’il a été vu. Le Comité conclut que la disparition forcée d’Achour Berkaoui depuis plus de vingt-cinq ans a soustrait celui-ci à la protection de la loi et l’a privé de son droit à la reconnaissance de sa personnalité juridique, en violation de l’article 16 du Pacte.

8.11Au vu de ce qui précède, le Comité n’examinera pas séparément les griefs tirés de la violation de l’article 23 (par. 1) du Pacte.

8.12L’auteure invoque également l’article 2 (par. 3) du Pacte, qui impose aux États parties l’obligation de garantir à toute personne des recours accessibles, utiles et exécutoires pour faire valoir les droits garantis par le Pacte. Le Comité rappelle qu’il attache de l’importance à la mise en place, par les États parties, de mécanismes juridictionnels et administratifs appropriés pour examiner les plaintes faisant état de violations des droits garantis par le Pacte. Il rappelle son observation générale no 31 (2004), dans laquelle il indique notamment que le fait pour un État partie de ne pas mener d’enquête sur des violations présumées pourrait en soi donner lieu à une violation distincte du Pacte.

8.13En l’espèce, l’auteure a alerté à plusieurs reprises les autorités compétentes de la disparition de son frère sans que l’État partie procède à une enquête approfondie et rigoureuse sur cette disparition, et sans que l’auteure soit informée de l’évolution des démarches de recherche et d’enquête entreprises, ou du sort d’Achour Berkaoui. En outre, l’impossibilité légale de recourir à une instance judiciaire après la promulgation de l’ordonnance no 06-01 continue de priver Achour Berkaoui et l’auteure de tout accès à un recours utile, puisque cette ordonnance interdit le recours à la justice pour faire la lumière sur les crimes les plus graves, comme les disparitions forcées. Le Comité conclut que les faits dont il est saisi font apparaître une violation de l’article 2 (par. 3) lu conjointement avec les articles 6, 7, 9 et 16 du Pacte à l’égard d’Achour Berkaoui, et de l’article 2 (par. 3) lu conjointement avec l’article 7 du Pacte à l’égard de l’auteure.

9.Le Comité, agissant en vertu de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie des articles 6, 7, 9 et 16 du Pacte, ainsi que de l’article 2 (par. 3) lu conjointement avec les articles 6, 7, 9 et 16 du Pacte à l’égard d’Achour Berkaoui. Il constate en outre une violation par l’État partie de l’article 7 lu seul et conjointement avec l’article 2 (par. 3) du Pacte à l’égard de l’auteure.

10.Conformément à l’article 2 (par. 3 a)) du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteure un recours utile. Il a l’obligation d’accorder une réparation intégrale aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. En l’espèce, l’État partie est tenu : a) de mener sans délai une enquête effective, approfondie, rigoureuse, indépendante, impartiale et transparente sur la disparition d’Achour Berkaoui et de fournir à l’auteure des informations détaillées quant aux résultats de cette enquête ; b) de libérer immédiatement Achour Berkaoui s’il est toujours détenu au secret ; c) dans l’éventualité où Achour Berkaoui serait décédé, de restituer sa dépouille à sa famille dans le respect de la dignité, conformément aux normes et aux traditions culturelles des victimes ; d) de poursuivre, de juger et de punir les responsables des violations commises ; et e) de fournir à l’auteure ainsi qu’à Achour Berkaoui s’il est en vie une indemnité adéquate et des mesures de satisfaction appropriées. Nonobstant l’ordonnance no 06-01, l’État partie devrait également veiller à ne pas entraver le droit à un recours effectif pour les victimes de crimes tels que la torture, les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées. Il est en outre tenu de prendre des mesures pour empêcher que des violations analogues se reproduisent à l’avenir. À cet effet, le Comité est d’avis que l’État partie devrait revoir sa législation conformément à l’obligation issue de l’article 2 (par. 2) du Pacte, et en particulier abroger les dispositions de ladite ordonnance qui sont incompatibles avec le Pacte, afin que les droits consacrés par le Pacte puissent être pleinement exercés dans l’État partie.

11.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans ses langues officielles.