Nations Unies

CCPR/C/137/2/Add.2

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

1er mai 2023

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Rapport sur le suivi des observations finales du Comité des droits de l’homme *

Additif

Évaluation des renseignements sur la suite donnée aux observations finales concernant l’Estonie

Observations finales (125 e  session) :

CCPR/C/EST/CO/4, 21 mars 2019

Paragraphes faisant l ’ objet d ’ un suivi :

14, 24 et 28

Renseignements reçus de l ’ État partie :

CCPR/C/EST/FCO/4, 22 mars 2021

Évaluation du Comité :

14 [B][C], 24 [C] et 28 [C][A]

Paragraphe 14 : Discours et crimes de haine

Résumé des renseignements reçus de l’État partie

a) et b)En février 2021, le Ministère de la justice a entrepris une révision des dispositions du Code pénal concernant les atteintes à l’égalité ; il prévoit de rédiger des projets de modification, qu’il soumettra en temps voulu. La société civile et d’autres parties prenantes seront invitées à prendre part à ce processus.

c)Le Code pénal ne mentionne pas expressément le motif de haine parmi les circonstances aggravantes mais bien d’« autres motifs crapuleux », une notion qui peut englober les crimes de haine. L’appréciation du tribunal en ce qui concerne la présence d’un motif crapuleux dépend des circonstances de l’infraction. Les forces de l’ordre sont tenues d’appliquer la loi en se conformant aux obligations internationales de l’État.

d)Aucun renseignement n’est fourni.

e)Les membres des forces de l’ordre ont reçu une formation sur la façon d’appliquer les dispositions du Code pénal en se conformant aux obligations internationales de l’État. Des représentants de l’Estonie participent régulièrement aux activités de groupes de travail internationaux sur le signalement et l’enregistrement des crimes de haine. Depuis 2016, chaque année, les crimes de haine enregistrés sont analysés, et des orientations sur l’enregistrement de ces crimes ont été élaborées à l’intention de la police. Les enquêtes de victimation menées au cours des dernières années ont montré qu’un à deux pour cent des personnes interrogées pensent que des individus ont été victimes d’infractions au motif de leur nationalité, de leur race, de leur couleur, de leur religion, de leur handicap ou de leur orientation sexuelle.

f)Aucun renseignement n’est fourni.

Évaluation du Comité

[B] : a), b) et e)

Le Comité note qu’une révision du Code pénal est en cours en ce qui concerne les atteintes à l’égalité et que des modifications sont prévues. Il demande des précisions sur le calendrier et les résultats de cette révision et sur la teneur des modifications qu’il est prévu d’apporter aux articles concernés du Code. Il note également qu’une formation est dispensée aux membres des forces de l’ordre et que des orientations sur l’enregistrement des crimes de haine ont été élaborées. Il demande des informations complémentaires sur le contenu de cette formation, en particulier en ce qui concerne les crimes de haine, sur sa fréquence et sur son caractère obligatoire. Il regrette n’avoir reçu aucun renseignement au sujet de formations dispensées aux procureurs et aux juges, d’activités de sensibilisation menées auprès du public et de l’exécution du plan visant à augmenter le nombre de policiers chargés de la surveillance du Web. Il renouvelle ses recommandations à ce sujet.

[C] : c), d) et f)

Le Comité prend note du fait que d’« autres motifs crapuleux » constituent une circonstance aggravante, mais regrette qu’aucune mesure concrète n’ait été prise pour que les motivations haineuses soient reconnues comme des circonstances aggravantes pour toutes les infractions. Il renouvelle sa recommandation.

Le Comité regrette de ne pas disposer de renseignements sur les mesures législatives prises par l’État partie pour interdire les actes consistant à nier, à justifier ou à tolérer publiquement les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre ou la propagande raciste ou discriminatoire à d’autres égards. Il renouvelle sa recommandation. Il regrette également l’absence d’informations sur les mesures prises pour que les crimes de haine fassent l’objet d’enquêtes efficaces et que leurs auteurs soient reconnus coupables et sanctionnés. Il renouvelle sa recommandation et demande que des statistiques couvrant la période considérée lui soient communiquées à cet égard.

Paragraphe 24 : Traitement psychiatrique sans consentement

Résumé des renseignements reçus de l’État partie

Traitement sans consentement dans un contexte civil

Selon la loi sur la santé mentale, un traitement est administré ou prolongé sans le consentement du patient uniquement si les conditions suivantes sont réunies : a) la personne souffre d’un problème de santé mentale grave qui limite sa capacité de comprendre ou de contrôler son comportement ; b) si elle n’était pas internée, la personne mettrait en danger sa vie, sa santé ou sa sécurité ou celles d’autrui en raison d’un problème de santé mentale ; c) les autres soins psychiatriques sont insuffisants. La loi dispose qu’un traitement psychiatrique ne peut être administré sans le consentement de l’intéressé que sur décision d’un tribunal.

La procédure d’internement et de traitement sans consentement est définie dans le Code de procédure civile. Le tribunal désigne quelqu’un qui représente la personne dans le cadre de procédure concernant le placement en établissement fermé. Celle-ci, ses proches, son tuteur et son curateur, ainsi que les membres de l’équipe de réadaptation et le directeur de l’établissement, doivent être entendus en personne. L’avis d’un expert tel qu’un psychiatre est requis. Le tribunal ne peut ordonner un internement de plus d’un an, à moins que la loi n’en dispose autrement, et il doit motiver sa décision sur ce point. Ces décisions judiciaires peuvent faire l’objet d’un appel, et l’arrêt d’une cour d’appel est susceptible de recours devant la Cour suprême. En cas d’annulation d’une ordonnance judiciaire de traitement sans consentement, une indemnisation peut être demandée pour le préjudice subi. Le tribunal peut suspendre le placement d’une personne en établissement fermé.

Traitement psychiatrique coercitif dans un contexte pénal

Selon la loi sur la santé mentale, un traitement psychiatrique coercitif vise à remédier aux problèmes de santé mentale, à réduire les risques associés et à rétablir chez les personnes concernées les moyens de gérer ces problèmes. Un tel traitement est administré en vertu du Code pénal et conformément au Code de procédure pénale. Selon le Code pénal, le tribunal peut imposer un traitement psychiatrique coercitif uniquement si les conditions suivantes sont réunies : a) l’intéressé a commis un acte illégal ; b) l’intéressé n’avait pas toute sa capacité au moment où il a commis un tel acte, ou il a développé une maladie mentale ou un grave problème de santé mentale après que le jugement a été prononcé mais avant que lui-même ait terminé de purger sa peine, ou il a été établi pendant l’enquête préliminaire ou à l’audience qu’il souffre d’un grave problème de santé mentale et que, de ce fait, son état mental au moment de la commission de l’acte illégal ne peut être établi ; c) l’intéressé représente un danger pour lui-même et la société en raison de l’acte illégal qu’il a commis et de son état mental ; d) l’intéressé a besoin d’un traitement. Le traitement peut être administré de manière ambulatoire si la personne qui en fait l’objet ne représente pas un danger pour elle-même ou autrui et s’il est probable qu’elle adhère au traitement.

Le Code de procédure pénale régit l’administration d’un traitement psychiatrique coercitif ; il dispose que la personne concernée doit participer à certains actes de procédure et exercer les droits énoncés dans le Code si sa santé mentale le permet. La participation d’un avocat est obligatoire pendant toute la procédure pénale si la personne concernée est incapable de se défendre en raison d’un handicap mental ou physique ou si ce handicap complique sa défense. Le tribunal ordonne la fin du traitement dès lors que celui-ci a entraîné le rétablissement de la personne concernée, ou si un psychiatre ou un comité médical détermine qu’il n’est pas nécessaire de le poursuivre. La personne concernée a le droit de faire appel de l’ordonnance de traitement ou de modification de traitement, d’abord devant une cour d’appel, puis devant la Cour suprême.

Une personne adulte placée sur décision de justice dans un établissement de soins pour une durée maximale d’un an bénéficie de soins spéciaux vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Unepersonne adulte est placée et traitée dans un tel établissement sans son consentement si : a) elle souffre d’un grave problème de santé mentale qui limite sa capacité de comprendre ou de contrôler son comportement ; b) elle constituerait un danger pour elle-même ou pour autrui si elle n’était pas placée dans un établissement de protection sociale où elle recevrait des soins spéciaux vingt-quatre heures sur vingt-quatre ; c) les mesures prises jusque-là n’ont pas suffi ou aucune autre mesure n’est possible. Si une personne adulte n’est pas capable d’exprimer sa volonté, on considère qu’elle n’a pas donné son consentement à ce type de soins. Le prestataire de soins doit garantir les soins infirmiers, les services d’un médecin de famille et ceux d’un psychiatre. Le personnel des établissements de soins est tenu de suivre une formation spéciale. Des formations complémentaires sont organisées sur divers sujets tels que la gestion des comportements difficiles et agressifs et l’accompagnement des personnes alcooliques.

Évaluation du Comité

[C]

Le Comité prend note des renseignements fournis sur le cadre juridique relatif à l’administration d’un traitement psychiatrique sans consentement dans les contextes pénal et civil. Cependant, il regrette de n’avoir reçu aucune information sur les mesures prises par l’État partie après l’adoption des observations finales afin de mettre en place des procédures détaillées pour l’obtention du consentement des patients avant l’administration d’un traitement psychiatrique et de veiller à ce que les membres de la famille et tout autre représentant légal des patients soient suffisamment informés de la procédure à suivre pour demander l’arrêt du traitement coercitif en vertu de l’article 403 du Code de procédure pénale. Il renouvelle ses recommandations.

Paragraphe 28 : Réfugiés et demandeurs d’asile

Résumé des renseignements reçus de l’État partie

a)Le principe de non-refoulement est pleinement respecté. Le droit des demandeurs d’asile de demander une protection internationale et de bénéficier d’une procédure équitable et rapide est garanti. Les demandes d’asile peuvent être déposées aux postes frontaliers et aux points de service du Conseil de la police et des gardes frontière. La coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés est fructueuse et se poursuit, notamment concernant la qualité des procédures et la prise de décisions.

b)L’Estonie applique pleinement les lois de l’Union européenne relatives à l’asile et s’acquitte notamment de l’obligation de fournir gratuitement une aide judiciaire et les services d’un avocat pendant la phase d’appel de la procédure d’asile. Les demandeurs d’asile reçoivent des conseils pendant la phase administrative et une aide judiciaire ainsi que les services d’un avocat pendant la phase d’appel et durant les procédures judiciaires, le tout gratuitement.

c)Les candidats à une protection internationale ne sont pas sanctionnés pour avoir franchi illégalement la frontière. Conformément à l’article 6 du Code de procédure pénale, des poursuites sont engagées s’il apparaît que des faits constitutifs d’une infraction ont été commis. Selon l’article 199 du même code, le dépôt d’une demande de protection internationale n’exclut pas automatiquement l’ouverture d’une procédure pénale. Une telle procédure est engagée non pas aux fins de sanction mais d’enquête sur les circonstances pertinentes, notamment celles visées à l’article 31 de la Convention relative au statut des réfugiés.

d)Le 24 octobre 2017, le Parlement a achevé la première lecture du projet de loi 472 SE ; plus rien n’a été fait depuis. Conformément à la loi sur le règlement intérieur et les règles internes du Parlement, à la fin d’une législature, tous les projets de loi et de résolution qui n’ont pas été adoptés sont abandonnés. Les débats concernant le projet de loi 472 SE se sont arrêtés en 2017.

e)Le Conseil de la police et des gardes frontière assure régulièrement la formation continue des agents. Avec l’appui d’un projet du Fonds Asile, Migration et Intégration pour 2019-2021, et sur la base des normes et du programme de formation du Bureau européen d’appui en matière d’asile, le Conseil a élaboré huit modules de formation sur les normes internationales, qui ont été suivis par au moins 250 agents.

Évaluation du Comité

[C] : a), b), c) et d)

Le Comité prend note des informations concernant le plein respect du principe de non‑refoulement, mais regrette qu’aucun renseignement ne lui ait été communiqué sur les mesures prises par l’État partie pour effectivement garantir, dans la pratique, le droit des demandeurs d’asile de déposer des demandes d’asile et pour établir un système de contrôle indépendant aux postes frontaliers. Il renouvelle sa recommandation et demande des précisions sur la coopération entretenue avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

Le Comité prend note des informations sur la fourniture gratuite d’une aide judiciaire et des services d’un avocat, mais regrette l’absence de renseignements sur les mesures prises pour offrir aux demandeurs d’asile des conseils et une assistance judiciaires. Il renouvelle sa recommandation et demande que des statistiques lui soient communiquées sur le nombre de demandeurs d’asile qui ont reçu une telle assistance à la frontière pendant la période considérée.

Le Comité prend note des renseignements fournis au sujet de la responsabilité pénale, mais regrette qu’aucune information ne lui ait été communiquée sur les mesures prises afin d’inclure dans le Code pénal des garanties suffisantes pour que les demandeurs d’asile soient exonérés de toute responsabilité pénale pour entrée ou séjour illégal. Il renouvelle sa recommandation et demande que des statistiques lui soient fournies sur le nombre de demandeurs d’asile qui ont été accusés et déclarés coupables d’entrée ou de séjour illégal.

Le Comité prend note des renseignements selon lesquels les débats sur le projet de loi 472 SE se sont arrêtés en 2017, à la fin de la législature. Cependant, il regrette de ne pas disposer d’informations qui lui permettraient de savoir si une loi similaire relative à l’annulation du statut de réfugié a été adoptée au cours de la période considérée ou est envisagée, et il demande des informations complémentaires.

[A] : e)

Le Comité accueille avec satisfaction les informations selon lesquelles le Conseil de la police et des gardes frontière a élaboré et organisé des formations à l’intention des agents. Il demande des informations complémentaires sur le contenu des modules, en particulier ceux qui portent sur les normes internationales, et aimerait savoir s’ils sont obligatoires pour tous les agents qui entrent en contact avec des migrants et des demandeurs d’asile.

Mesures recommandées : Une lettre devrait être adressée à l’État partie pour l’informer de l’arrêt de la procédure de suivi. Les renseignements demandés devraient être communiqués par l’État partie dans son prochain rapport périodique.

Prochain rapport périodique attendu en : 2028 (examen du rapport en 2029, conformément au cycle d’examen prévisible).