Nations Unies

CCPR/C/137/2/Add.1

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

1er mai 2023

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Rapport sur le suivi des observations finales du Comité des droits de l’homme *

Additif

Évaluation des renseignements sur la suite donnée aux observations finales concernant le Bélarus

Observations finales (124 e session) :

CCPR/C/BLR/CO/5, 25 octobre 2018

Paragraphes faisant l ’ objet d ’ un suivi :

12, 28 et 53

Renseignements reçus de l ’ État partie :

CCPR/C/BLR/FCO/5, 12 juillet 2021

Renseignements reçus des parties prenantes :

International Committee for the Investigation of Torture in Belarus, 5 décembre 2022 ; Coalition d’organisations bélarussiennes de défense des droits de l’homme, 9 décembre 2022 ; Human Rights Watch, 14 décembre 2022

Évaluation du Comité:

12 [E], 28 [E][C] et 53 [E]

Paragraphe 12 : Constatations adoptées au titre du Protocole facultatif et mesures provisoires de protection

Résumé des renseignements reçus de l’État partie

L’État partie rappelle la position qu’il a exposée dans son cinquième rapport périodique, à savoir qu’il s’acquitte pleinement des obligations qui lui incombent au titre du Protocole facultatif et qu’il considère que les décisions du Comité concernant les communications ont valeur de recommandation. Toutes les décisions du Comité sont portées à l’attention des autorités publiques compétentes et doivent également être communiquées à la Cour suprême et au Bureau du Procureur général.

La législation nationale prévoit un mécanisme efficace de recours contre les décisions judiciaires qui concernent des infractions administratives ou qui sont rendues dans des affaires pénales et civiles. Les statistiques démontrent l’effectivité et l’efficacité des procédures de recours contre les décisions judiciaires définitives, prévues par la législation nationale.

En outre, des discussions sont en cours sur la question de savoir s’il faudrait améliorer les dispositions du droit de la procédure pénale relatives au réexamen des décisions, jugements et arrêts.

Résumé des renseignements reçus des parties prenantes

Coalition d’organisations bélarussiennes de défense des droits de l’homme

L’État partie ne fait rien pour remédier aux violations des droits recensées par le Comité dans ses constatations et ne suit pas les recommandations de celui-ci concernant la publication des constatations et leur large diffusion dans les langues officielles du pays.

Depuis 2018, l’État partie n’a accédé à aucune demande de mesures provisoires que le Comité avait formulées, y compris s’agissant de l’exécution des peines de mort. Cela s’est vérifié dans les cas de Victor Pavlov, Aleksandr Zhilnikov, Aleksei Mikhalenya, Semyon Berezhnoi et Igor Gershankov, en dépit des demandes de mesures provisoires du Comité, visant à ce que les exécutions soient suspendues tant que les communications seraient à l’examen.

L’État partie a adopté le 27 octobre 2022 une loi (no 217-3) sur le retrait du Bélarus du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Cela est contraire aux principes et aux normes de la Constitution et du Pacte.

Évaluation du Comité

[E]

Le Comité prend note des informations selon lesquelles la législation nationale prévoit un mécanisme de recours contre les décisions judiciaires. Il regrette néanmoins que l’État partie refuserait toujours de coopérer pleinement et de bonne foi à l’examen des communications soumises au titre du Protocole facultatif, notamment en ne se conformant pas aux demandes de mesures provisoires et en ne donnant pas suite aux constatations adoptées par le Comité. Il regrette profondément la décision récemment prise par l’État partie de dénoncer le Protocole facultatif et l’exhorte à revoir sa position. Il renouvelle sa recommandation et demande des renseignements précis sur ce que l’État partie a fait pour se conformer à ses demandes de mesures provisoires de protection et pour donner suite à toutes ses constatations.

Paragraphe 28 : Peine de mort

Résumé des renseignements reçus de l’État partie

La législation nationale n’est pas contraire au droit international. L’article 24 de la Constitution prévoit que toute personne a droit à la vie, qui est protégée contre toute atteinte illicite de quelque nature que ce soit.

Jusqu’à ce qu’elle soit abolie, la peine de mort peut être utilisée comme punition exceptionnelle pour certaines infractions particulièrement graves impliquant une privation intentionnelle de la vie, en présence de circonstances aggravantes, et seulement en application du jugement d’un tribunal. Elle n’est pas infligée en cas de planification et de tentative de commission d’une infraction.

La peine de mort ne peut être imposée lorsque l’auteur(e) de l’infraction a moins de 18 ans ou plus de 65 ans au moment du prononcé de la peine ou est une femme enceinte, ni contre des personnes ayant commis un acte dangereux pour la société alors qu’elles étaient en état d’incapacité mentale.

La peine de mort au titre de punition exceptionnelle a été prononcée contre cinq personnes en 2017, deux en 2018, deux en 2019 et trois en 2020, à raison d’infractions particulièrement graves. I.N. Kostev et S.N. Kostev ont bénéficié d’une mesure de clémence : leurs condamnations à la peine capitale ont été commuées en peines de prison à perpétuité.

Un projet de loi sur une procédure de recours aux fins du réexamen des jugements de première instance et des décisions de la Cour suprême est en cours d’élaboration.

Résumé des renseignements reçus des parties prenantes

Coalition d’organisations bélarussiennes de défense des droits de l’homme et Human Rights Watch

a)En mai 2022 une série de modifications du Code pénal sont entrées en vigueur, qui ont rendu les infractions suivantes passibles de la peine de mort : a) l’attentat terroriste n’ayant pas entraîné la mort ; b) la tentative d’attentat terroriste ; c) l’assassinat ou la tentative d’assassinat d’un représentant d’un État étranger. En décembre 2022, la chambre basse du Parlement a adopté en première lecture de nouvelles modifications du Code pénal, ce qui a encore étendu le champ d’application de la peine capitale à d’autres crimes, tels que la trahison. Des exécutions ont eu lieu en dépit des demandes de mesures provisoires du Comité, visant à ce que les exécutions de la peine capitale soient suspendues tant que les communications seraient à l’examen, comme dans le cas de Victor Pavlov, exécuté en 2021.

b)Dans de nombreux cas, les autorités ont délibérément mis des mois à informer les familles de l’exécution d’une personne condamnée à la peine capitale et ont refusé de divulguer le lieu de l’inhumation. Elles n’ont pas non plus remis la dépouille des personnes exécutées à leurs proches.

c)Aucun renseignement n’est fourni.

Évaluation du Comité

[E] : a) et b)

Le Comité prend note des informations concernant l’élaboration d’un projet de loi sur une procédure de recours aux fins du réexamen des jugements de première instance et des décisions de la Cour suprême mais regrette les modifications qui auraient été apportées à la législation en 2022 et entraînent une application plus étendue de la peine capitale. Il regrette aussi tout particulièrement que la peine de mort soit apparemment imposée en violation du Pacte et que des exécutions aient lieu alors que les victimes ont des communications en instance devant le Comité, comme dans le cas de Victor Pavlov. Il renouvelle ses recommandations.

Le Comité prend note des informations qui lui ont été communiquées mais regrette que l’État partie n’ait fourni aucun renseignement pertinent sur ce qu’il aurait fait pour modifier l’article 175 du Code d’exécution des peines afin de le rendre conforme aux obligations que l’article 7 du Pacte lui impose. Il regrette en particulier la pratique apparemment persistante et délibérée consistant à ne pas informer les condamnés à mort et leurs proches du moment de l’exécution, à ne pas rendre les dépouilles des personnes exécutées à leurs proches et à ne pas divulguer le lieu de l’inhumation. Il renouvelle sa recommandation.

[C] : c)

Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie mais regrette l’absence de renseignements sur les mesures prises pour donner rapidement et pleinement effet aux constatations adoptées dans les affaires concernant Vasily Yuzepchuk, Pavel Selyun, Oleg Grishkovtsov, Andrei Burdyko, Vladislav Kovalev, Andrei Zhuk et Alexandr Grunov. Il renouvelle sa recommandation.

Paragraphe 53 : Liberté de réunion pacifique

Résumé des renseignements reçus de l’État partie

La loi sur les manifestations publiques a été modifiée 13 fois depuis son entrée en vigueur et la Cour constitutionnelle a examiné la constitutionnalité des modifications apportées. Les mesures restrictives appliquées aux droits et libertés individuels en vertu de ladite loi ne sont pas contraires aux normes internationales et ne sont qu’un moyen juridique de protéger l’ordre et la sécurité publics, la santé et la moralité publiques, et les droits et libertés d’autrui. La législation prévoit que les personnes qui ont violé les procédures établies pour l’organisation ou la tenue de manifestations publiques seront tenues pour responsables, notamment en cas de violations répétées et d’appels publics à organiser ou à tenir des réunions, rassemblements, marches, protestations ou piquets illégaux ou de recrutement de participants à de telles manifestations. Les poursuites engagées en cas de commission de ces actes illégaux ne sauraient être considérées comme des persécutions, des punitions ou des actes de harcèlement au regard des articles 19 (par. 3) et 21 du Pacte.

La législation nationale interdit aux organismes publics, aux partis politiques, aux syndicats, aux autres organisations et aux individus d’interférer avec la tenue de manifestations publiques organisées conformément aux modalités prévues par la loi ou d’entraver ces manifestations. Les citoyens et les organisations dont les droits et les intérêts légitimes ont été violés par des actes ou des omissions de fonctionnaires des affaires internes ont le droit de porter plainte devant un organisme ou un fonctionnaire de niveau supérieur, un procureur ou un tribunal.

En octobre 2016, Dzmitry Paliyenka a été reconnu coupable d’avoir promu une vidéo pornographique sur Internet et d’avoir eu recours à la violence pour entraver les activités légitimes d’un fonctionnaire des affaires internes, ce qui atteste du manque de crédibilité des faits sur lesquels le Comité s’est appuyé pour mentionner le cas de l’intéressé dans ses observations finales. Dzmitry Paliyenka a été condamné à deux ans de prison. Les recours qu’il a formés ont été examinés et rejetés pour défaut de fondement et M. Paliyenka a été reconnu coupable. Les tribunaux ont examiné les faits de l’affaire de manière exhaustive, complète et impartiale et les éléments de preuve recueillis ont été dûment appréciés. Le droit que M. Paliyenka tient de l’article 14 du Pacte a été pleinement respecté.

Résumé des renseignements reçus des parties prenantes

International Committee for the Investigation of Torture in Belarus, Coalition d’organisations bélarussiennes de défense des droits de l’homme et Human Rights Watch

Depuis 2018, les autorités ont apporté de nouvelles restrictions légales au droit de réunion et ont brutalement réprimé les tentatives de leurs opposants présumés d’exercer leur droit de réunion pacifique, au moyen de harcèlement, d’intimidation, de détentions arbitraires, de poursuites administratives et pénales, d’un emploi excessif de la force, de mauvais traitements et torture, de fermetures de médias et coupures d’Internet et de liquidations d’organisations non gouvernementales. Le Code des infractions administratives et le Code de procédure et d’application des sanctions administratives ont été modifiés en 2021 : le montant des amendes encourues en cas de violation des règles régissant les rassemblements a considérablement augmenté tout comme la durée de la détention administrative. La loi sur les manifestations publiques a également été modifiée en 2021 : la procédure sélective de notification ciblée a été remplacée par une procédure générale d’autorisation générale, qui subordonne toute manifestation publique à l’autorisation préalable des autorités locales, et permet de facto leur interdiction. Il est désormais interdit aux journalistes de couvrir en direct les manifestations non autorisées. Il est interdit de partager des informations sur des rassemblements avant qu’ils ne soient autorisés.

Entre le 1er avril 2020 et le 31 mars 2021, plus de 35 000 personnes ont été victimes de détention arbitraire pour avoir exercé leur droit de réunion, la plupart dans le cadre de manifestations largement pacifiques. Près de 900 manifestants ont été soit emprisonnés, soit condamnés à des restrictions de leur liberté personnelle (hors établissement pénitentiaire), soit soumis au travail obligatoire. Avant les élections présidentielles d’août 2020, les autorités ont arbitrairement arrêté des centaines de manifestants pacifiques. Certains ont été condamnés à de multiples courtes peines de détention successives, dans le but apparent d’empêcher leur participation à la vie politique. Après les élections, des mouvements de contestation ont vu le jour et, en quatre jours, plus de 7 000 manifestants et passants, parmi lesquels des journalistes, des professionnels de santé, des observateurs et des défenseurs des droits de l’homme, ont été arrêtés puis détenus dans des conditions inhumaines et dégradantes. Des preuves irréfutables révèlent une pratique systématique de la torture et des mauvais traitements sur les personnes soupçonnées d’avoir participé à des manifestations. Des gaz lacrymogènes, des grenades de surpression, des balles souples et des poings électriques ont été utilisés contre des manifestants pacifiques, ce qui a entraîné la mort d’au moins quatre d’entre eux, dont Aliaksandr Tarajkouski, tué d’une balle dans le cœur − une balle supposée être en caoutchouc. L’utilisation d’armes à feu a également été observée, comme dans le cas de Hienadz Shutau, tué par balle pendant un rassemblement pacifique.

Des détenus ont déclaré que des policiers anti-émeutes les avaient menacés de viol, qu’ils avaient été battus et humiliés et maintenus pendant des heures dans des positions douloureuses et dans des cellules ou des bus surpeuplés et étouffants, et qu’ils avaient été privés d’assistance médicale, de médicaments essentiels, de nourriture, d’eau, de serviettes hygiéniques, de papier toilette et d’accès à des toilettes. Certains ont été gravement blessés mais n’ont reçu aucune aide médicale ; presque partout, des femmes ont été victimes de violence sexuelle. Les autorités n’ont pas véritablement enquêté sur des cas solidement étayés de torture et d’autres mauvais traitements infligés à des manifestants pacifiques par des agents des forces de l’ordre en août 2020, à la suite du scrutin présidentiel truqué. De plus, parmi les personnes ayant porté plainte, plusieurs ont été menacées de poursuites pénales infondées.

Des journalistes indépendants couvrant les manifestations ont également été pris pour cible et arrêtés même lorsqu’ils étaient clairement identifiés comme membres de la presse. Des journalistes ont été gravement blessés, victimes d’un emploi excessif de la force. Ils ont été menacés, brutalement battus, privés d’assistance médicale et détenus dans de mauvaises conditions. Certains ont signalé que leur matériel professionnel avait été détruit pendant la détention. Dans le but de réduire au silence les médias indépendants qui dénonçaient les violations des droits de l’homme commises lors de manifestations pacifiques, les autorités ont aussi infligé des amendes à des journalistes, annulé leurs accréditations et fait des descentes à leur domicile et dans leurs bureaux et ont bloqué et fermé leurs médias. En décembre 2022, 32 journalistes et professionnels des médias étaient emprisonnés sur la base d’accusations fallacieuses allant de « insulte au Président » à « trahison » ou « complot pour s’emparer du pouvoir de l’État ».

Évaluation du Comité

[E]

Le Comité prend note des informations fournies concernant la législation en vigueur mais regrette que l’État partie n’ait pas pris de mesures pour réviser ses lois, règlements et pratiques, notamment la loi sur les manifestations publiques, en vue de garantir le plein exercice du droit à la liberté de réunion. Il regrette également que des mesures législatives aient été prises pour limiter davantage les réunions et rassemblements. En outre, il reste préoccupé par le manque d’informations concernant les enquêtes menées sur les cas de recours excessif à la force par des agents de la force publique. Il regrette profondément que la force aurait été employée de manière disproportionnée lors des grands mouvements de protestation qui ont eu lieu en 2020 et 2021, provoquant la mort d’au moins quatre personnes, et déplore les nombreux cas signalés de détention arbitraire et la pratique, qui serait systématique, de la torture et des mauvais traitements sur les personnes soupçonnées d’avoir participé aux manifestations dans le pays. Le Comité renouvelle sa recommandation et demande des informations statistiques sur les enquêtes menées sur les cas de recours excessif à la force par les forces de l’ordre, notamment sur leur issue, et sur le nombre d’arrestations et de détentions arbitraires de manifestants pacifiques au cours de la période considérée.

Mesures recommandées : Une lettre devrait être adressée à l’État partie pour l’informer de l’arrêt de la procédure de suivi. Les renseignements demandés devraient être communiqués par l’État partie dans son prochain rapport périodique.

Prochain rapport périodique attendu en : 2028 (examen du rapport en 2029, conformément au cycle d’examen prévisible).