Nations Unies

CCPR/C/135/2/Add.1

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

20 septembre 2022

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Rapport sur le suivi des observations finales du Comité des droits de l’homme *

Additif

Évaluation des renseignements sur la suite donnée aux observations finales concernant Bahreïn

Observations finales(123 e  session):

CCPR/C/BHR/CO/1, 19 juillet 2018

Paragraphes faisant l ’ objet d ’ un suivi :

14, 32 et 54

Renseignements reçus de l ’ État partie :

CCPR/C/BHR/FCO/1, 14 juin 2021

Renseignements reçus des parties prenantes :

Alwefaq National Islamic Society, 14 avril 2022 ; Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain, 12 avril 2022 ; Bahrain Forum for Human Rights, 15 avril 2022 ; International Center for Supporting Rights and Freedoms, 15 avril 2022 ; Salam for Democracy and Human Rights, 14 avril 2022

Évaluation du Comité :

14[C], 32[C] et 54[E][C]

Paragraphe 14 : Tribunaux militaires

Résumé des renseignements reçus de l’État partie

La modification constitutionnelle d’avril 2017 a été adoptée dans le cadre des mesures prises par l’État pour lutter contre les opérations terroristes et la menace croissante qu’elles représentent. Le Code de justice militaire a ainsi été modifié dans le but d’introduire une exception en vertu de laquelle le Procureur général peut saisir les tribunaux militaires, avec leur accord, de toute infraction parmi celles qui sont prévues dans la loi sur la protection de la société contre les actes de terrorisme et de toute infraction contre la sûreté de l’État parmi celles qui sont énoncées aux chapitres I et II du titre I de la section spéciale du Code pénal ou de toute infraction connexe (art. 17 ter). Ces infractions demeurent généralement de la compétence des tribunaux ordinaires, à moins que le Procureur général ne décide, à titre exceptionnel, de renvoyer l’affaire correspondante devant une instance militaire. Les tribunaux militaires tiennent des audiences publiques, et leurs décisions sont susceptibles de faire l’objet d’un recours en appel ou en cassation. Les mêmes garanties s’appliquent devant les juridictions militaires et devant les juridictions civiles. Selon la loi qui régit son fonctionnement, l’institution nationale des droits de l’homme est habilitée à assister aux audiences des tribunaux.

Résumé des renseignements reçus des parties prenantes

Selon Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain, l’amendement de 2017 n’a fait l’objet d’aucune procédure d’examen officielle. Les mesures prises par le Gouvernement ont aggravé les irrégularités et le manque de transparence au sein du système de justice pénale. Aucun renseignement n’a été communiqué au sujet de civils déférés devant un tribunal militaire depuis 2018.

Le Bahrain Forum for Human Rights tient une liste des violations du droit à un procès équitable que les civils peuvent subir s’ils sont jugés par un tribunal militaire ; la liste renvoie à des dispositions précises du Code de justice militaire.

Évaluation du Comité

[C]

Le Comité prend note des renseignements concernant la modification apportée à la Constitution en 2017 et les garanties offertes par la procédure devant les tribunaux militaires. Il regrette toutefois qu’aucun renseignement ne lui ait été communiqué sur les mesures prises, après l’adoption de ses observations finales, en vue de revoir l’amendement de 2017 pour faire en sorte que les tribunaux militaires ne puissent pas juger des civils. Il renouvelle sa recommandation.

Paragraphe 32 : Peine de mort

Résumé des renseignements reçus de l’État partie

La peine de mort n’est pas interdite en tant que telle par le droit international, et la pratique de l’État à cet égard est conforme aux garanties relatives à la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort qui sont énoncées dans la résolution 1984/50 du Conseil économique et social. La peine de mort ne peut sanctionner que les crimes les plus graves commis contre la société, et l’accusé doit être assisté d’un avocat ou bénéficier des services d’un conseil commis par l’État. Toute condamnation à mort est prononcée dans le respect des garanties fondamentales d’un procès équitable et donne lieu obligatoirement à une procédure d’appel. La peine capitale ne peut être prononcée que si la décision des juges saisis de l’affaire est unanime et n’est exécutée qu’avec l’approbation du Roi. Celui-ci peut, dans certains cas, annuler la peine capitale ou la commuer. Elle peut faire l’objet d’un réexamen devant la Cour de cassation, ce qui donne lieu à un sursis à exécution dans l’attente d’un jugement définitif. La peine de mort ne peut être prononcée contre une femme enceinte ou contre un mineur. Dans les affaires susceptibles d’aboutir à une condamnation à la peine de mort, les aveux de l’accusé ne peuvent être pris en compte. La peine capitale est rarement appliquée. Dans l’éventualité où d’autres États, notamment des États de la région, décideraient de réexaminer le sujet de la peine de mort ou d’abolir cette sentence, Bahreïn reconsidérerait sérieusement la question.

Résumé des renseignements reçus des parties prenantes

Selon Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain et Salam for Democracy and Human Rights, le nombre de condamnations à mort, de personnes détenues dans les quartiers des condamnés à mort dont l’exécution est imminente et d’exécutions effectives a augmenté au cours de la dernière décennie, tout comme le taux d’exécution par habitant. Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain affirme que la peine de mort a été infligée pour des crimes autres que les crimes les plus graves, notamment des infractions à la législation sur les stupéfiants n’ayant pas entraîné la mort, et qu’elle a été prononcée de manière discriminatoire contre des étrangers, en particulier des ressortissants bangladais. L’organisation affirme également que l’augmentation du nombre de condamnations à la peine de mort est directement liée à l’adoption d’une loi antiterroriste de portée trop générale.

Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain indique que 26 personnes sont actuellement détenues dans le quartier des condamnés à mort. Selon Salam for Democracy and Human Rights, 12 personnes ont été condamnées à mort entre janvier 2018 et juillet 2020. Les deux organisations indiquent qu’Ali al-Arab, Ahmed al-Malali et un ressortissant bangladais non identifié ont été exécutés le 26 juillet 2019, malgré des allégations de sévices, de mauvais traitements et d’actes de torture infligés aux fins de l’obtention d’aveux, et que Mohammed Ramadhan et Husain Ali Moosa ont été condamnés à mort sur la base d’aveux faits sous la torture et sous la menace de représailles contre des membres de leur famille. Americans for Democracy&Human Rightsin Bahrainindique également que dans les cas de Maher al-Khabbaz et Salman Isa Salman, des violations des garanties du droit à un procès équitable et des actes de torture ont été commis.

Selon le Bahrain Forum for Human Rights, les affaires susceptibles d’aboutir à une condamnation à mort en application du Code pénal, du Code pénal militaire ou de la loi sur la protection de la société contre les actes de terrorisme sont passées sous la compétence de la justice militaire, ce qui a accru le risque pour les membres de l’opposition et les militants des droits de l’homme d’être condamnés à la peine capitale.

Évaluation du Comité

[C]

Le Comité prend note des renseignements concernant les garanties offertes dans les affaires de condamnation à la peine de mort et de l’intention qu’exprime l’État partie d’envisager d’abolir la peine de mort si d’autres États le faisaient. Il regrette toutefois qu’aucun renseignement ne lui ait été communiqué sur toutes mesures prises pour rétablir le moratoire sur la peine de mort et faire en sorte que cette peine ne sanctionne que les crimes les plus graves et ne soit pas prononcée par les tribunaux militaires.

Le Comité renouvelle sa recommandation et souhaite obtenir : a) des renseignements sur les enquêtes menées sur les cas de recours à la torture aux fins de l’obtention d’aveux et les cas de violation des garanties procédurales dans les affaires susceptibles d’aboutir à une condamnation à la peine de mort, ainsi que sur l’issue de ces enquêtes ; b) des statistiques sur les condamnations à la peine de mort prononcées et les exécutions réalisées au cours de la période considérée, ventilées par âge, sexe, nationalité et type d’infraction.

Paragraphe 54 : Liberté d’expression

Résumé des renseignements reçus de l’État partie

Les autorités ne prennent aucune mesure pour enquêter ou engager des poursuites pour participation à des activités politiques, sociales ou de défense des droits. Nul n’est poursuivi à moins d’avoir commis un acte constituant manifestement une infraction au regard de la loi. Le militantisme politique et l’exercice public de la liberté d’expression ne constituent pas des infractions au regard de la loi. La législation interne et les mécanismes de recours sont suffisants pour prévenir la violation des droits en question. Toutes les directives en vigueur au niveau national visent à faire progresser les droits de l’homme et à en promouvoir l’exercice grâce aux dispositifs nationaux qui les régissent.

Dans les modifications apportées à la loi régissant la presse, l’impression et les publications, actuellement soumises au Conseil législatif pour examen et approuvées par le Conseil des ministres le 5 avril 2021, il est souligné que les journalistes ne doivent pas être placés en détention pour avoir publié des informations concernant des affaires. Un chapitre sur les médias électroniques et la réglementation des sites Web et des comptes des organisations de médias a également été ajouté à cette loi, et de nouvelles définitions y ont été introduites afin d’adapter la législation à l’évolution des médias.

Résumé des renseignements reçus des parties prenantes

a)Selon Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain, il est clair que la critique du Gouvernement n’est pas tolérée. Alwefaq National Islamic Society fait savoir que son Secrétaire général, cheik Ali Salman, a fait l’objet de représailles pour avoir critiqué des représentants de l’État et des organismes publics. Selon Salam for Democracy and Human Rights, la formulation imprécise des dispositions de la loi sur la nationalité pourrait être utilisée par le Roi contre ses détracteurs, y compris des journalistes. Par exemple, l’artiste Qahtan al-Qahtani a été inculpé d’outrage à un organisme de réglementation et d’utilisation abusive d’outils de télécommunications pour avoir transféré, sur les médias sociaux, un message critique concernant la reconduction dans ses fonctions du Ministre de l’information.

b)Aucun renseignement n’est fourni concernant la diffamation.

c)Salam for Democracy and Human Rights signale que les défenseurs des droits de l’homme Abdulhadi al-Khawaja, Abduljalil al-Singace et Naji Fateel se trouvent toujours en détention.

d)Salam for Democracy and Human Rights indique que, malgré la modification apportée en 2021 à la loi régissant la presse, l’impression et les publications, qui prévoyait de commuer les peines d’emprisonnement en amendes, le Code pénal continue d’autoriser le placement en détention et le Gouvernement se fonde sur ces dispositions pénales pour sanctionner des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes. Alwefaq National Islamic Society note que l’article 165 du Code pénal est appliqué d’une manière qui porte atteinte à la liberté d’opinion et d’expression.

Selon Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain, la modification apportée en 2021 à la loi régissant la presse, l’impression et les publications a eu pour effet que l’utilisation d’Internet et des contenus numériques a été placée sous l’autorité du Gouvernement. Les articles 19, 20, 70 et 78 de cette loi sont utilisés pour intimider et poursuivre les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme qui travaillent en ligne ou à l’étranger. La critique en ligne peut également être sanctionnée en application de la loi sur la cybercriminalité. Le Ministère de l’intérieur a déclaré en 2019 que quiconque publiait sur des comptes de médias sociaux des messages incitant à la sédition et menaçant la paix civile s’exposait à des poursuites. Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain et Salam for Democracy and Human Rights mentionnent des affaires dans lesquelles des militants et des journalistes ont été inculpés pour avoir critiqué les autorités sur Internet, par exemple le cas du Directeur du Centre bahreïnien des droits de l’homme, Nabeel Rajab, qui a été condamné pour ses messages critiques diffusés sur les médias sociaux.

e)Selon Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain, les journalistes Nazeeha Syeed et Moosa Abd-Ali ont subi des actes de torture et des mauvais traitements pour avoir dénoncé des violations des droits de l’homme. En août 2021, des médias indépendants ont découvert que neuf militants avaient été pris pour cible en 2020 et 2021 par des logiciels espions achetés par le Gouvernement.

Selon l’International Center for Supporting Rights and Freedoms, en janvier 2019, Bahreïn a commencé à se servir de son statut de membre du Comité chargé des organisations non gouvernementales pour exercer des représailles contre les organisations de défense des droits de l’homme qui avaient soumis aux organes du système des Nations Unies des rapports concernant les violations persistantes des droits de l’homme à Bahreïn. L’État partie a toujours empêché le centre d’obtenir un statut consultatif auprès du Conseil économique et social.

Évaluation du Comité

[E] : a)

Le Comité regrette que l’État partie juge sa législation et ses mécanismes de recours suffisants pour prévenir la violation de la liberté d’expression. Il renouvelle sa recommandation.

[C] : b), c), d) et e)

Le Comité regrette qu’aucun renseignement ne lui ait été communiqué sur les mesures prises pour dépénaliser la diffamation, appliquer la législation pénale uniquement aux cas les plus graves et libérer quiconque a été incarcéré uniquement pour avoir exercé pacifiquement ses droits. Il renouvelle ses recommandations et demande des renseignements sur ce qui a été prévu pour remettre en liberté trois défenseurs des droits de l’homme, à savoir Abdulhadi al‑Khawaja, Abduljalil al-Singace et Naji Fateel.

S’il se félicite de la modification apportée à la loi régissant la presse, l’impression et les publications, qui interdit de placer des journalistes en détention, le Comité regrette qu’aucun renseignement ne lui ait été communiqué sur les autres mesures prises pour revoir et modifier les dispositions du Code pénal, du décret-loi no 47 et de la réglementation sur les droits numériques. Il renouvelle ses recommandations et demande des renseignements sur : a) les restrictions imposées à la liberté d’expression sur Internet, notamment en application de la modification apportée en 2021 à la loi régissant la presse, l’impression et les publications et de la déclaration faite en 2019 par le Ministère de l’intérieur concernant l’utilisation des médias sociaux ; b) le ciblage accru des activités menées sur Internet par les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme, notamment grâce à l’utilisation de logiciels espions de surveillance.

Le Comité regrette l’absence de renseignements sur les mesures prises pour protéger les journalistes, les militants et les défenseurs des droits de l’homme, enquêter sur les violations dont ces personnes sont victimes et traduire les responsables en justice. Il renouvelle sa recommandation et demande des renseignements sur les représailles qui seraient exercées contre les organisations de défense des droits de l’homme qui ont soumis des rapports aux organes du système des Nations Unies.

Mesures recommandées : Une lettre devrait être adressée à l’État partie pour l’informer de l’arrêt de la procédure de suivi. Les renseignements demandés devraient être communiqués par l’État partie dans son prochain rapport périodique.

Prochain rapport périodique attendu en : 2027 (examen du rapport en 2028, conformément au cycle d’examen prévisible).