Nations Unies

CCPR/C/135/2/Add.2

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

20 septembre 2022

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Rapport sur le suivi des observations finales du Comité des droits de l’homme *

Additif

Évaluation des renseignements sur la suite donnée aux observations finales concernant El Salvador

Observations finales (122 e session):

CCPR/C/SLV/CO/7, 28 et 29 mars 2018

Paragraphes faisant l’objet d’un suivi:

16, 18 et 22

Renseignements reçus de l’État partie:

CCPR/C/SLV/FCO/7, 5 octobre 2020

Renseignements reçus des parties prenantes:

Coalition d’organisations non gouvernementales, 7 septembre 2020 ; Coalition d’organisations de la société civile (1), 21 avril 2022 ; Coalition d’organisations de la société civile (2), 26 avril 2022 ; Center for Reproductive Rights, 14 avril 2022

Évaluation du Comité:

16[C][B], 18[C][E] et 22[C]

Paragraphe 16 : Interruption volontaire de grossesse et droits liés à la procréation

Résumé des renseignements reçus de l’État partie

Entre 2014 et juillet 2019, 147 femmes ont été poursuivies pour avoir commis des actes liés à des urgences obstétricales. Ces poursuites ont donné lieu à 61 déclarations de culpabilité (27 pour avortement), 6 acquittements, 3 suspensions de procédure, 9 commutations de peine, 1 grâce, 3 libérations anticipées et 1 réexamen de jugement.

La Constitution garantit le droit à l’honneur, à la protection de la vie privée et de la vie familiale, et à l’intégrité physique et morale. Le Code de procédure pénale prévoit une exception à l’obligation de signaler les infractions commises dans des cas couverts par le secret professionnel. Le traitement des complications obstétricales ne constitue pas une infraction à la loi, et les directives du Ministère de la santé n’obligent pas le personnel médical à signaler les cas de complications obstétricales. Le Ministère a élaboré une formation sur le traitement sans risques des fausses couches et mis en place des programmes de sensibilisation et de formation fondés sur les droits à l’intention du personnel chargé de prodiguer des soins après une fausse couche.

La Stratégie nationale intersectorielle de prévention des grossesses précoces (2017‑2027) entend prévenir les grossesses chez les filles et les adolescentes. Le Plan stratégique national de prise en charge intégrale des soins de santé maternelle et infantile (2015‑2019) visait à promouvoir la santé sexuelle et procréative, à réduire la mortalité maternelle et à garantir l’accès aux services de santé. Plusieurs autres mesures ont également été adoptées aux fins de la prise en charge des femmes en âge de procréer.

Le taux de mortalité maternelle a considérablement diminué entre 2009 et 2019. Plusieurs programmes et politiques traitent des soins préconceptionnels et des conseils et de l’information sur les droits en matière de santé sexuelle et procréative. El Salvador dispose d’un système d’information en ligne sur la morbidité et la mortalité, et une analyse des données sur la mortalité est réalisée chaque année pour évaluer l’effet des stratégies adoptées.

Les personnes handicapées ne sont pas soumises à une stérilisation chirurgicale et il ne leur est pas prescrit de contraception sans qu’elles aient au préalable reçu des conseils adéquats et donné leur consentement éclairé, par écrit. Les patients dont la fonction cognitive est détériorée peuvent avoir accès de leur plein gré à la contraception dans le cadre d’une consultation avec un professionnel de santé et d’une évaluation effectuée par celui-ci. L’article 147 du Code pénal prévoit que le consentement est une circonstance atténuante et un motif d’exonération de la responsabilité pénale. Le personnel de santé reçoit une formation sur la santé sexuelle et procréative, les droits de l’homme et les critères médicaux concernant l’utilisation de méthodes contraceptives, adoptés par l’Organisation mondiale de la Santé.

Résumé des renseignements reçus des parties prenantes

Center for Reproductive Rights

Au moins six femmes continuent d’être privées de liberté pour des motifs liés à une situation d’urgence obstétricale ; de nombreuses autres femmes sont toujours poursuivies et risquent d’être privées de liberté. Berta Arana est toujours en détention, bien que le Groupe de travail sur la détention arbitraire ait demandé sa remise en liberté en 2019.

Coalition d’organisations de la société civile (2) et Center for Reproductive Rights

Dans l’arrêt rendu le 2 novembre 2021 dans l’affaire Manuela et al. vs. El Salvador, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a estimé que El Salvador était responsable, entre autres, de détention arbitraire et de violation du secret médical et des garanties d’une procédure régulière. Selon le Center for Reproductive Rights, à la suite de cet arrêt, plusieurs femmes qui avaient été placées en détention pour avortement ont été remises en liberté. Toutefois, elles l’ont été dans le cadre de la procédure relative à la commutation de peine, qui ne permet pas d’annuler la déclaration de culpabilité, d’effacer la mention d’une condamnation au casier judiciaire ou d’accorder une réparation.

Évaluation du Comité

[C]

Le Comité regrette qu’aucune mesure législative n’ait été prise pour garantir l’accès effectif, en toute légalité et dans des conditions sûres, à l’interruption volontaire de grossesse. Il note que des femmes placées en détention pour des infractions liées à l’avortement ont été remises en liberté, mais reste préoccupé par le fait que l’avortement demeure réprimé pénalement et continue de donner lieu à des poursuites et à des placements en détention, et par l’absence d’informations sur les mesures particulières prises pour garantir aux femmes le droit de bénéficier de l’assistance d’un conseil juridique ainsi que des garanties d’une procédure régulière et pour respecter le secret médical. Le Comité renouvelle sa recommandation et souhaite obtenir des statistiques sur le nombre de femmes qui ont été poursuivies au pénal et placées en détention, au cours de la période considérée, pour des infractions liées à l’avortement, dont fait partie Berta Arana, ainsi que des renseignements sur les mesures prévues pour remettre ces femmes en liberté.

Le Comité prend note des garanties mises en place contre la pratique de la stérilisation forcée des personnes handicapées ainsi que de la formation dispensée au personnel de santé, mais regrette qu’aucun renseignement ne lui ait été communiqué sur les mesures prises, depuis l’adoption des observations finales, pour garantir le consentement plein et éclairé des personnes handicapées et pour dispenser au personnel de santé une formation sur les effets préjudiciables et les conséquences de la stérilisation forcée. Il renouvelle sa recommandation.

[B]

Le Comité accueille avec satisfaction les renseignements sur la baisse du taux de mortalité maternelle et les stratégies appliquées dans tout le pays pour améliorer l’accès aux services de santé sexuelle et procréative, notamment les conseils et les soins préconceptionnels. Il souhaite obtenir des renseignements sur l’effet de ces stratégies.

Paragraphe 18 : Droit à la vie et sécurité de la personne

Résumé des renseignements reçus de l’État partie

a)L’unité spéciale chargée d’enquêter sur les violations graves des droits de l’homme commises durant le conflit armé est financée au titre du budget ordinaire du Bureau du Procureur général. Son plan de travail est soutenu par l’Unité des droits de l’homme et plusieurs bureaux de procureurs. L’unité a bénéficié d’une assistance technique et d’une formation assurées par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) et a participé à l’élaboration de la politique de poursuite pénale des crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis dans le contexte du conflit armé. Elle est légalement habilitée à demander des informations pour ses enquêtes, y compris auprès des archives de l’armée.

b)Le Gouvernement a appliqué les mesures conservatoires ordonnées par la Commission interaméricaine des droits de l’homme à l’intention de l’ancien procureur général, conformément à l’accord qui avait été conclu avec le bénéficiaire et dont la Commission assure le suivi. Le Bureau du Procureur général enquête sur les cas présumés d’intimidation de fonctionnaires et de membres de la société civile, et les organisations de la société civile coopèrent en qualité d’alliés stratégiques.

c)En décembre 2019, la Commission nationale de recherche des enfants disparus durant le conflit armé interne avait résolu 103 des 346 cas enregistrés et engagé 16 procédures d’exhumation. À cette même date, la Commission nationale de recherche des adultes disparus dans le cadre du conflit armé avait enregistré 193 cas et dénombré 1 229 dossiers ; elle s’emploie actuellement à établir un registre des personnes disparues. Elle a fait procéder à une exhumation. Il n’y a pas eu de regroupements familiaux, de localisation de personnes disparues ni d’affaires classées.

Des modules sur le droit international humanitaire et les techniques d’enquête sur les disparitions forcées ont été intégrés dans le programme de l’École de la magistrature. Le Bureau du Procureur général a coopéré avec le HCDH et l’Institut interaméricain des droits de l’homme et bénéficié d’une assistance technique en matière de recherche de personnes disparues. Des enquêtes sont en cours sur les cas de disparition forcée, d’homicide, de massacre, d’attentat contre des bureaux syndicaux, de recrutement forcé et les autres crimes survenus pendant le conflit armé.

Résumé des renseignements reçus des parties prenantes

a)Selon la coalition d’organisations non gouvernementales et la coalition d’organisations de la société civile (1), les ressources humaines, financières et techniques allouées à l’unité spéciale ne sont pas garanties, et le soutien juridique dont l’unité bénéficie est insuffisant pour assurer sa pérennité. La coalition d’organisations non gouvernementales note que l’unité n’est composée que de cinq procureurs, chargés d’instruire quelque 182 affaires. Les enquêtes menées par le Bureau du Procureur général sur les 160 affaires soumises par le Groupe de travail contre l’impunité de El Salvador n’auraient abouti à aucun résultat. La politique de poursuite pénale des crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis dans le contexte du conflit armé, adoptée par le Bureau du Procureur général en décembre 2018, n’a pas été mise en œuvre, et le Procureur général a déclaré publiquement qu’il désapprouvait l’arrêt rendu par la Chambre constitutionnelle concernant la loi générale d’amnistie de 1993.

Selon la coalition d’organisations non gouvernementales, bien que le Président ait fait part publiquement de sa volonté d’ouvrir les archives de l’armée, les demandes d’accès aux dossiers de l’armée formulées par les juges d’instruction et l’Institut pour l’accès à l’information publique n’ont pas été accueillies favorablement. Selon la coalition d’organisations de la société civile (1), aucune législation visant à régir l’accès aux archives de l’armée n’a été adoptée et, dans la pratique, l’État bloque l’accès aux archives pertinentes de l’armée. Selon la coalition d’organisations non gouvernementales, les commissaires de l’Institut ont fait l’objet d’actes d’intimidation, sous la forme d’une surveillance, alors qu’ils attendaient de pouvoir entrer dans des installations militaires pour consulter les archives centrales.

b)Selon la coalition des organisations de la société civile (1), le 1er mai 2021, l’État a révoqué le Procureur général et les juges de la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice sans respecter les procédures régulières. En août 2021, l’État a approuvé des modifications apportées à la loi sur le service judiciaire et à la loi organique relative au Bureau du Procureur général de la République qui permettent de révoquer des juges, y compris ceux qui sont chargés des affaires de violations des droits de l’homme commises pendant le conflit armé. En outre, le Gouvernement a soutenu la démarche visant à adopter une loi sur les agents étrangers qui restreindrait l’action des défenseurs des droits de l’homme et des organisations de la société civile.

c)Selon la coalition des organisations de la société civile (1), l’État continue de ne pas allouer de ressources financières et humaines suffisantes à la recherche des personnes disparues. Selon la coalition d’organisations non gouvernementales, le budget des deux commissions nationales a été réduit en 2020. L’État partie n’a pas ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. L’arrêt effectif du programme public de réparation en faveur des victimes de violations graves des droits de l’homme commises dans le contexte du conflit armé interne et l’absence de dialogue avec les victimes et de transparence à cet égard sont préoccupants.

Bien que la Cour interaméricaine des droits de l’homme ait ordonné de suspendre la procédure législative, une nouvelle loi d’amnistie à peine voilée (la loi spéciale sur la justice transitionnelle, la réparation et la réconciliation nationale) a été adoptée en février 2020 ; le Président y a par la suite opposé son veto.

Évaluation du Comité

[C] : a) et c)

Le Comité prend note des renseignements sur le budget ordinaire de l’unité spéciale, l’assistance technique et la formation assurées par le HCDH et l’accès à l’information, mais demeure préoccupé par le fait que l’unité ne disposerait pas de ressources suffisantes pour traiter les affaires dont elle est saisie et se verrait empêchée d’accéder aux dossiers de l’armée. Il renouvelle sa recommandation et souhaite obtenir des renseignements sur : a) l’avancée des enquêtes et des poursuites pénales concernant les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis dans le contexte du conflit armé ; b) les actes d’intimidation dont feraient l’objet les commissaires de l’Institut pour l’accès à l’information publique.

Le Comité prend note des renseignements sur les travaux des deux commissions nationales et le nombre de cas résolus, ainsi que sur la mise en place d’un registre des personnes disparues. Il regrette toutefois le peu de progrès réalisés depuis l’adoption de ses observations finales et l’absence d’informations sur les ressources allouées à ces organismes et sur les mesures prises en vue de ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Il renouvelle sa recommandation et souhaite obtenir des renseignements complémentaires sur : a) les budgets alloués aux deux commissions nationales pendant la période considérée ; b) la mise en œuvre du programme public de réparation en faveur des victimes de violations graves des droits de l’homme commises dans le cadre du conflit armé interne.

[E] : b)

Le Comité prend note de la mise en œuvre de mesures conservatoires, mais regrette d’apprendre que des mesures contraires à ses recommandations ont été prises, telles que la révocation du Procureur général et des juges de la Chambre constitutionnelle et les modifications apportées à la loi sur le service judiciaire et à la loi organique relative au Bureau du Procureur général de la République, qui permettent de révoquer des juges. Il renouvelle sa recommandation.

Paragraphe 22 : Exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées et torture

Résumé des renseignements reçus de l’État partie

Depuis juin 2019, le Gouvernement met en œuvre le Plan de contrôle territorial, qui vise à récupérer les territoires dominés par des bandes criminelles, à couper les sources de financement de ces bandes et à intervenir dans les centres pénitentiaires. Le Plan prévoit des mesures de prévention, notamment des programmes de formation technique, de bourses universitaires et de création d’emplois en faveur des jeunes, auxquels participent l’ensemble des administrations.

Le Gouvernement est déterminé à lutter contre les violations des droits de l’homme, que les auteurs soient des bandes criminelles ou des individus qui font un usage abusif de leurs fonctions en matière de sécurité. En 2017, un cadre régissant l’emploi de la force et l’utilisation des armes meurtrières par la Police nationale civile a été mis en place, et une campagne d’information sur ce cadre a été menée en 2018. Le Comité de l’action policière et des droits de l’homme a mis au point des indicateurs permettant d’assurer un contrôle conjoint de l’emploi de la force par les forces de sécurité. Les parquets spécialisés ont enquêté sur des cas présumés d’exécutions extrajudiciaires et obtenu des résultats positifs. Les mécanismes de contrôle interne chargés de surveiller le comportement de la police ont été renforcés.

Résumé des renseignements reçus des parties prenantes

Coalition d’organisations de la société civile (1)

L’État partie a pris des mesures contraires à la recommandation en mettant en œuvre le Plan de contrôle territorial, qui a considérablement augmenté les ressources financières et humaines allouées à l’armée, au détriment de celles qui sont accordées à la Police nationale civile, et étendu les fonctions de maintien de l’ordre public exercées par l’armée.

Entre 2015 et 2020, les 2 497 affrontements armés qui auraient opposé la police et des groupes d’individus ont entraîné la mort de 1 824 personnes et de 36 policiers ou militaires, ce qui démontre clairement que la police continue de faire un usage abusif de la force létale impunément.

Le nombre de cas de disparition forcée a augmenté de 19,4 % entre 2020 et 2021. Les autorités n’œuvrent toujours pas efficacement à la recherche des personnes disparues, qualifiant ces cas d’« absences volontaires », même lorsque la personne disparue est décédée.

La proclamation de l’état d’urgence, le 27 mars 2022, en réaction à l’augmentation du nombre d’homicides a donné lieu à des réformes du droit pénal et à des violations du droit à une procédure régulière et permis d’ordonner des mesures allant jusqu’à quinze jours d’internement administratif.

Évaluation du Comité

[C]

Le Comité prend note de la mise en œuvre du Plan de contrôle territorial et des informations sur le cadre relatif à l’usage de la force, mais regrette de n’avoir pas reçu de renseignements sur les mesures prises pour renforcer le rôle de la Police nationale civile et donner à celle-ci les moyens d’assumer les fonctions de maintien de l’ordre public exercées par l’armée. Il renouvelle sa recommandation et souhaite obtenir des renseignements complémentaires sur : a) les budgets alloués à l’armée par comparaison à ceux accordés à la Police nationale civile pour la période considérée, ainsi que sur l’effet que le plan de contrôle territorial a eu sur les budgets ; b) la question de savoir si le plan de contrôle territorial s’applique à la fois à l’armée et à la Police nationale civile ; c) les cas d’usage abusif de fonctions en matière de sécurité pendant la période considérée, les enquêtes menées et les résultats obtenus.

Le Comité prend note des informations sur les parquets spécialisés qui enquêtent sur les exécutions extrajudiciaires. Il regrette toutefois qu’aucun renseignement détaillé ne lui ait été communiqué sur ces cas et sur les cas de détention arbitraire et de disparition forcée. Il renouvelle avec insistance sa recommandation et souhaite obtenir des statistiques sur les plaintes pour exécution extrajudiciaire, disparition forcée et détention arbitraire, en particulier les plaintes qui ont été reçues après la proclamation de l’état d’urgence le 27 mars 2022, y compris des informations sur les enquêtes menées et les résultats obtenus, notamment les mesures de réparation accordées aux victimes.

Mesures recommandées : Une lettre devrait être adressée à l’État partie pour l’informer de l’arrêt de la procédure de suivi. Les renseignements demandés devraient être communiqués par l’État partie dans son prochain rapport périodique.

Prochain rapport périodique attendu en : 2027 (examen du rapport en 2028, conformément au cycle d’examen prévisible).