Nations Unies

CCPR/C/133/D/2458/2014

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

28 janvier 2022

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Décision adoptée par le Comité en vertu du Protocole facultatif, concernant la communication no 2458/2014 * , **

Communication présentée par :

M. N. (représenté par un conseil, Niels-Erik Hansen)

Victime(s) présumée(s) :

L’auteur

État partie :

Danemark

Date de la communication :

31 juillet 2014 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 92 du Règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 9 septembre 2015 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision :

5 novembre 2021

Objet :

Expulsion vers le pays d’origine (non‑refoulement)

Question(s) de procédure :

Défaut de fondement ; irrecevabilité ratione materiae

Question(s) de fond :

Risque pour la vie et risque de torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants ; droit à un procès équitable ; liberté de religion ; non-discrimination

Article(s) du Pacte :

2, 6, 7, 13, 14, 18 et 26

Article(s) du Protocole facultatif :

2 et 3

1.1L’auteur de la communication est M.N., de nationalité afghane, né le 22 mars 1978. Sa demande d’asile a été rejetée par le Danemark le 16 juillet 2014 et il a reçu l’ordre de quitter le pays dans les quinze jours. Il affirme qu’en le renvoyant en Afghanistan, le Danemark violerait les droits que lui garantissent les articles 2, 6, 7, 13, 14, 18 et 26 du Pacte. Il a prié le Comité de demander l’application de mesures provisoires tendant à suspendre son expulsion. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Danemark le 23 mars 1976. L’auteur est représenté par un conseil, Niels-Erik Hansen.

1.2Le 9 septembre 2014, le Comité a enregistré la communication, sans demander l’application de mesures provisoires visant à empêcher l’État partie d’expulser l’auteur vers l’Afghanistan tant que sa communication serait à l’examen. Le 17 septembre 2014, l’auteur a soumis des informations complémentaires et réitéré sa demande aux fins de mesures provisoires. Le 24 octobre 2014 le Comité a confirmé sa décision de ne pas accéder à cette demande de l’auteur.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur est un Hazara, né dans la province de Logar (Afghanistan). De fin juin 2011 à environ octobre 2012, l’auteur a travaillé comme interprète anglais-afghan pour la société International Management Services, par l’intermédiaire de laquelle il a été engagé par l’équipe mixte stationnée dans la province d’Uruzgan (Combined Team Uruzgan, ci-après « Équipe mixte Uruzgan »), pour servir d’interprète aux forces militaires australiennes en Afghanistan.

2.2Selon l’auteur, les soldats australiens avaient l’habitude de mettre les vêtements usagés dont ils n’auraient plus besoin dans des cartons, et les employés afghans pouvaient les ramener chez eux. Parfois, les employés afghans les vendaient. L’auteur a vendu deux fois de tels cartons. Vers la fin de l’été 2012, l’auteur a ramené chez lui un carton de vêtements usagés, avec l’intention d’ensuite le vendre. Ce carton contenait, outre des vêtements, deux exemplaires de la Bible.

2.3En octobre 2012, les autorités afghanes ont fouillé la maison de l’auteur et ont trouvé les deux exemplaires de la Bible dans le carton de vêtements. L’auteur a affirmé qu’il ne savait pas que les Bibles s’y trouvaient et qu’elles appartenaient aux soldats australiens. Les autorités afghanes ont demandé qu’il fournisse un document écrit par les forces militaires australiennes, confirmant que les livres leur appartenaient. Cependant, les forces australiennes ont refusé de lui fournir ce document. Selon l’auteur, elles redoutaient les ennuis que cela pouvait créer, si elles étaient accusées de distribuer des Bibles à la population.

2.4Les autorités afghanes ont laissé les mollahs gérer cet incident, puisqu’ils sont en charge des questions religieuses. L’auteur a été qualifié de « mortad », c’est-à-dire une personne infidèle à l’islam qui devrait être arrêtée et exécutée. Le 31 octobre 2012, les Taliban ont remis au beau-père de l’auteur une lettre de menaces adressée à ce dernier. Les mollahs ont également essayé de persuader la femme de l’auteur de divorcer. Comme elle refusait, des gens lui ont jeté des pierres, ce qui a provoqué une interruption de grossesse, et ils ont brûlé leur maison.

2.5Comme l’auteur ne pouvait pas s’adresser à un tribunal ni demander la protection des autorités afghanes, il a décidé de fuir seul vers Kandahar, où un agent l’a aidé à obtenir des documents de voyage. Son intention était de rejoindre le Canada. Il s’est envolé pour le Danemark, où il a été arrêté par la police à son arrivée le 1er novembre 2013, car elle a vu que ses documents de voyage n’étaient pas valides. L’auteur a demandé l’asile au Danemark le même jour.

2.6Le 12 novembre 2013, l’auteur a été condamné à quarante jours de prison et à une interdiction de revenir dans le pays pendant six ans. En prison, il a commencé à lire la Bible et il a rencontré des chrétiens qui lui ont parlé du christianisme et l’ont emmené à l’église.

2.7En décembre 2013, l’auteur a été libéré de prison. Il a commencé à participer à des cours de préparation au baptême et de catéchisme et avait l’intention de se faire baptiser le 31 août 2014.

2.8Le 30 avril 2014, le service danois de l’immigration a rejeté sa demande de permis de séjour, en application de la loi sur les étrangers (art. 7). Comme motifs d’asile, l’auteur avait affirmé que, s’il était renvoyé en Afghanistan, il serait persécuté ou tué par les Taliban ou par les autorités afghanes, parce qu’il avait été accusé de distribuer des exemplaires de la Bible en Afghanistan avant de fuir au Danemark, et parce qu’il s’était ensuite converti au christianisme, pendant qu’il attendait le traitement de sa demande d’asile au Danemark.

2.9Le 16 juillet 2014, la Commission de recours des réfugiés a rejeté le recours introduit par l’auteur. Elle a jugé qu’il n’était pas crédible et qu’il n’avait pas expliqué de manière convaincante sa conversion au christianisme. L’Équipe mixte Uruzgan a informé les autorités danoises qu’elle n’avait pas de dossier d’emploi au nom de l’auteur. Elle a également expliqué que les uniformes et bottes usagés n’étaient pas donnés dans des cartons aux interprètes employés ; au contraire, les interprètes devaient restituer leurs uniformes et leur équipement lorsque leur emploi prenait fin. La Commission a également noté que l’auteur n’avait pas demandé la protection des autorités australiennes avant son départ, que la carte d’identité qu’il avait fournie comportait une faute d’orthographe (le nom du camp qui l’employait était fautivement orthographié « Camp Holand »), et que sa famille n’avait pas rencontré d’autres problèmes. L’auteur avait également fourni des explications divergentes au sujet de son voyage en Norvège en 2003.

2.10L’auteur a épuisé tous les recours internes disponibles puisque les décisions de la Commission de recours des réfugiés sont définitives. La même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme qu’en l’expulsant vers l’Afghanistan, le Danemark l’exposerait au risque d’être persécuté en raison de ses convictions religieuses et au risque d’être tué ou torturé par les autorités ou par les Taliban, en violation des articles 6 et 7 du Pacte. L’État partie ne peut expulser une personne vers un autre État « s’il existe des motifs sérieux de croire qu’il y a un risque réel de préjudice irréparable, […] tel le préjudice envisagé aux articles 6 et 7 du Pacte ».

3.2L’auteur affirme également que le Danemark a violé les droits qu’il tient de l’article 14 du Pacte, en ce qu’il a seulement bénéficié d’une procédure administrative et s’est vu refuser l’accès à un tribunal, aucun recours contre la décision de la Commission de recours des réfugiés n’étant possible devant les tribunaux danois. Il ajoute que son droit à un procès équitable a été violé du fait que la Commission a rejeté les demandes par lesquelles il la priait d’entendre un témoin qui aurait pu prouver la véracité du motif sur place de sa demande d’asile (conversion au christianisme), et de s’enquérir de ses antécédents professionnels avec International Management Services, l’employeur principal qui l’avait recruté en Afghanistan. Les autorités danoises ont seulement interrogé l’Équipe mixte Uruzgan, qui avait une raison de ne pas vouloir l’aider. En ce qui concerne les interrogations de la Commission, sur la question de savoir pourquoi l’auteur n’avait pas sollicité l’aide des autorités australiennes, celui-ci affirme que les autorités australiennes sont à l’origine de son problème et que, lorsqu’il a sollicité leur soutien, elles ont refusé de l’aider. En rejetant ses demandes, la Commission l’a effectivement empêché de prouver son besoin de protection au Danemark.

3.3L’auteur affirme en outre que son droit à un procès équitable a été violé et qu’il a fait l’objet de discrimination fondée sur son statut de demandeur d’asile. Dans les affaires qui ne concernent pas l’asile, la loi danoise garantit le droit de faire entendre un témoin. Cette situation constitue une violation des article 2 et 26 du Pacte, lus conjointement avec l’article 14.

3.4L’auteur se sent offensé par l’allégation de l’État partie selon laquelle il n’est pas un vrai chrétien. Entre autres choses, la Commission a trouvé étrange que l’auteur ait commencé à écrire et à publier des contenus chrétiens sur Internet. S’il pouvait rester au Danemark, il serait baptisé le 31 août 2014. Il a participé à un camp d’été chrétien et il espère continuer à pratiquer sa nouvelle religion. S’il était expulsé vers l’Afghanistan, il ne pourrait pas pratiquer sa religion, il serait persécuté et risquerait d’être tué ou torturé parce qu’il serait considéré comme un « mortad ». L’expulsion de l’auteur entraînerait une violation de son droit de changer de religion, et une menace pour sa vie et son bien-être.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 10 mars 2015, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication.

4.2Il rappelle que, selon l’auteur, l’État partie violerait les obligations que lui imposent les articles 6 et 7 du Pacte en le renvoyant en Afghanistan et a violé les articles 2, 13, 14 et 26 du Pacte lorsqu’il a examiné sa demande d’asile.

4.3L’État partie affirme que la communication devrait être déclarée irrecevable ou dénuée de fondement.

4.4En ce qui concerne les faits principaux, le 30 avril 2014, le Service danois de l’immigration a refusé l’asile à l’auteur. Le 16 juillet 2014, la Commission de recours des réfugiés a confirmé la décision du Service de l’immigration. Le 31 juillet 2014, l’auteur a saisi le Comité qui, le 9 septembre 2014, a transmis la communication à l’État partie pour observations. Le 22 septembre 2014, l’auteur a écrit à la Commission pour demander qu’elle rouvre la procédure d’asile. Le 25 novembre 2014, il a été informé que sa demande de réouverture du dossier d’asile avait été rejetée. Il avait motivé cette demande par ses activités sur un Weblog, sur lequel son nom et sa photo avaient été publiés à côté de ceux de E. A., une personne qui avait obtenu l’asile parce que ses allégations étaient fondées et que sa conversion avait été jugée sincère. La Commission n’a trouvé aucune raison ni de rouvrir le dossier de l’auteur, ni de prolonger le délai fixé pour son départ. Elle a considéré qu’elle n’avait reçu aucune nouvelle information ou opinion par rapport aux renseignements présentés au cours de l’audience initiale. Le 8 août 2014, l’auteur ne s’est pas présenté au centre Sandholm, un établissement pour demandeurs d’asile. En conséquence, son lieu de résidence a été enregistré comme inconnu. Le 26 février 2015 la police nationale danoise a confirmé que tel était toujours le cas.

4.5Le compte rendu complet des déclarations de l’auteur pendant la procédure d’asile figure dans la décision de la Commission du 16 juillet 2014. La Commission, entre autres choses, n’a pu admettre comme véridiques les déclarations de l’auteur sur les motifs de sa demande d’asile et sur les raisons de son départ d’Afghanistan et les a considérées comme inventées et exagérées. Au vu de la réponse de l’Équipe mixte Uruzgan à la demande du Ministère danois des affaires étrangères, la Commission a établi que les lettres de recommandation produites par l’auteur pour étayer la déclaration selon laquelle il avait travaillé comme interprète pour les forces australiennes en Afghanistan étaient frauduleuses, car aucun interprète du nom de M. N. n’avait été employé pendant les périodes indiquées et les signataires des documents ne connaissaient pas l’auteur et n’étaient pas non plus employés pendant les périodes indiquées. En outre, la carte d’identité produite par l’auteur pour étayer la déclaration selon laquelle il avait travaillé au camp comportait une faute d’orthographe. De surcroît, contrairement à ce qu’affirme l’auteur, les autorités australiennes ont expliqué que les uniformes et bottes mis au rebut n’avaient pas été distribués dans des cartons aux interprètes employés. La Commission a également jugé singulier que l’auteur ait quitté le pays sans son épouse qui avait refusé de divorcer, et que sa famille n’ait plus eu de problèmes dus à son conflit avec les Taliban et avec les autorités, après son départ du pays. Enfin, la Commission a observé que la crédibilité générale de l’auteur avait été mise à mal par sa déclaration selon laquelle, dans le cadre de sa précédente demande d’asile en Norvège en 2003, il avait été payé pour obtenir l’asile pour un tiers, et par les déclarations contradictoires faites aux autorités norvégiennes. La Commission a par ailleurs noté que l’auteur n’avait pas fait de déclaration convaincante permettant d’établir qu’il s’était véritablement converti au christianisme. Lors d’un entretien le 12 décembre 2013, l’auteur a été interrogé sur sa connaissance de la Bible. Il a déclaré qu’il avait lu la Bible en prison, mais n’a pas dit à ce propos qu’il avait déjà commencé à s’intéresser au christianisme. En outre, il est singulier que, dès qu’il a informé les autorités danoises de sa conversion, il ait commencé à communiquer sur Internet son attachement au christianisme. À l’issue d’une évaluation globale, la Commission a conclu que l’auteur n’avait pas démontré qu’il courrait un risque réel de persécution ou de mauvais traitement, au sens de l’article 7 de la loi sur les étrangers, en cas de retour dans son pays d’origine. Par conséquent, étant donné que rien ne justifiait d’ajourner la procédure dans l’attente d’une déclaration de International Mangement Services sur l’emploi de l’auteur, ou aux fins d’une évaluation de l’authenticité du mandat d’arrêt, la Commission a confirmé la décision rendue le 30 avril 2014 par le Service danois de l’immigration.

4.6L’État partie explicite le droit et les procédures internes applicables, y compris l’organisation et la compétence de la Commission et le fondement juridique de ses décisions et des procédures dont elle est saisie, notamment pour la réouverture des procédures d’asile.

4.7L’État partie commente également les informations factuellement incorrectes ou contradictoires figurant dans la communication de l’auteur au Comité.

4.8L’État partie soutient que l’auteur n’a pas démontré à première vue la recevabilité de sa communication concernant les articles 2, 6, 7, 13, 14 et 26 du Pacte et que la communication devrait être déclarée irrecevable. Il soutient en outre que les parties de la communication qui concernent les articles 2, 6, 7, 13 et 26 du Pacte doivent également être considérées comme irrecevables pour défaut manifestement de fondement. En ce qui concerne l’article 14 du Pacte, l’État partie renvoie aux constatations adoptées dans l’affaire X et X. c. Danemark, dans laquelle le Comité a déclaré que les procédures d’expulsion d’étrangers (procédures d’asile) ne relevaient pas de la détermination des « droits et obligations de caractère civil » au sens de l’article 14 (par. 1) du Pacte. Les griefs que l’auteur tire de l’article 14 du Pacte sont par conséquent irrecevables ratione materiae au regard de l’article 3 du Protocole facultatif.

4.9Sur le fond, l’État partie soutient, pour le cas où le Comité déclarerait la communication recevable, qu’il n’a pas été suffisamment établi qu’il y a des motifs sérieux de croire que le renvoi de l’auteur constituerait une violation de l’article 6 ou 7 du Pacte, ou que les articles 2, 13 et 26 du Pacte ont été violés dans le cadre de l’examen de la demande d’asile de l’auteur par les autorités danoises. Dans sa communication, l’auteur n’a apporté aucune nouvelle information concernant sa situation en Afghanistan.

4.10La Commission a conclu dans sa décision du 16 juillet 2014, à l’issue d’une évaluation globale du cas de l’auteur, que celui-ci n’avait pas démontré qu’il courrait un risque réel de persécution ou de mauvais traitement visé à l’article 7 de la loi sur les étrangers s’il était expulsé vers l’Afghanistan. Dans des affaires antérieures, le Comité a indiqué que le risque devait être personnel et qu’il fallait des motifs sérieux pour conclure à l’existence d’un risque réel de préjudice irréparable. La Commission a jugé qu’elle ne pouvait pas considérer comme fait établi la déclaration de l’auteur selon laquelle il avait été persécuté avant son départ d’Afghanistan, car sa déclaration sur les conflits qu’il avait eus avant son départ d’Afghanistan avait dû être écartée parce que non crédible et inventée. Les documents joints à la demande du 22 septembre 2014 de l’auteur aux fins de la réouverture de sa procédure d’asile ont corroboré cette appréciation. Dans la présente communication, l’auteur n’a fourni aucune information nouvelle sur la situation qui était la sienne en Afghanistan avant son départ, et n’a donc pas démontré qu’il avait été ou risquait d’être victime de persécutions en Afghanistan.

4.11En ce qui concerne la conversion de l’auteur sur place, la Commission a fondé sa décision sur les diverses informations fournies au sujet de cette conversion et des activités chrétiennes de l’auteur après son arrivée au Danemark. Après un examen de la crédibilité des informations relatives à la conversion de l’auteur, effectué conformément aux principes directeurs du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, la Commission a conclu qu’elle ne pouvait considérer que la conversion de l’auteur, de l’islam ismaélien au christianisme, était sincère, et qu’elle devait par conséquent rejeter le fait que, s’il était expulsé vers Afghanistan, l’auteur courrait un risque de persécution justifiant l’asile au titre de l’article 7 (par. 1) de la loi sur les étrangers. Dans ce cadre, elle n’a pas pu conclure que l’auteur était devenu ou risquait de devenir une personne à laquelle s’intéresseraient les autorités afghanes, uniquement en raison de ses activités sur un Weblog. Elle a fait référence au fait que l’auteur ne semblait pas avoir été remarqué de quelque manière que ce soit en Afghanistan, ce qui correspondait au fait qu’elle n’avait pu admettre que la conversion alléguée était sincère. Les informations relatives à la participation de l’auteur à un camp d’été chrétien et à son baptême le 12 septembre 2014 n’ont pas amené la Commission à réviser l’appréciation juridique de son droit à l’asile. Dans ce contexte, l’État partie considère que l’auteur n’a pas établi qu’il risquerait l’un des préjudices envisagés à l’article 6 et 7 du Pacte du fait de sa conversion alléguée au christianisme, s’il était renvoyé en Afghanistan.

4.12En ce qui concerne les allégations de violation de l’article 13, l’État partie soutient que l’auteur ne les a nullement étayées. De plus, l’article 13 du Pacte ne garantit pas le droit d’être entendu par un tribunal. Dans l’affaire Anna Maroufidou c. Suède (communication no 58/1979), le Comité n’a pas contesté qu’un simple examen administratif de l’arrêté d’expulsion en cause était compatible avec l’article 13. En outre, cet article ne confère pas un droit de recours. Si un demandeur d’asile, comme l’auteur en l’espèce, affirme que de nouveaux éléments essentiels sont apparus, dont la Commission n’avait pas connaissance lorsqu’elle a rendu sa première décision, et que ces éléments pourraient donner lieu à une décision différente, la Commission examine si ces éléments nouveaux justifient une réouverture de la procédure pour que le cas soit réexaminé. Ainsi, le 25 novembre 2014, la Commission, représentée par le juge même qui la présidait lorsqu’elle avait initialement statué sur le cas de l’auteur, a décidé de refuser la réouverture de la procédure d’asile concernant ce dernier. Dans ces conditions, l’État partie soutient aussi qu’il n’y a pas eu violation de l’article 13 du Pacte dans le cadre de l’examen de la demande d’asile concernant l’auteur par les autorités danoises.

4.13En ce qui concerne les griefs tirés des articles 2 et 26 du Pacte, à savoir que le droit de l’auteur à un procès équitable aurait été violé et que l’auteur aurait fait l’objet de discrimination, l’État partie fait observer que l’auteur n’a pas été traité différemment de n’importe quel autre demandeur d’asile, en raison de sa race, de sa couleur, de son sexe, de sa langue, de sa religion, de ses opinions politiques ou d’autres convictions, de son origine nationale ou sociale, de sa fortune, de sa naissance ou de toute autre situation. En ce qui concerne le refus allégué de la Commission d’autoriser l’audition d’un témoin qui, selon l’auteur, était parfaitement au courant de ses activités chrétiennes et pouvait étayer par des éléments de preuve la demande faite sur place en raison de sa conversion, l’État partie fait observer qu’il incombe à la Commission de s’assurer que tous les faits ont été exposés avant qu’elle ne prenne une décision. La Commission peut entendre des témoins. Dans la procédure concernant l’auteur, elle a toutefois jugé que tous les faits de la cause avaient été exposés car, outre la déclaration de l’auteur lui-même et le mémoire de son conseil, la Commission avait reçu une lettre du pasteur Per Bohlbro, datée du 7 mars 2014, et une déclaration écrite de ce même Per Bohlbro, datée du 10 juillet 2014, toutes deux étant jointes au mémoire du conseil du 11 juillet 2014, sur la participation de l’auteur à des activités chrétiennes. Elle avait dès lors conclu que tous les faits de l’affaire avaient été exposés sur ce point.

4.14En réponse à l’observation de l’auteur selon laquelle le refus de la Commission d’entendre International Management Services, l’ancien employeur allégué de l’auteur étaye le grief de violation des articles 2 et 26, l’État partie fait remarquer que l’auteur a déclaré qu’il avait été employé par International Management Services et qu’on lui avait proposé un emploi au sein de l’Équipe mixte Uruzgan, emploi qu’il avait exercé pendant dix‑huit mois. De ce fait, le Service danois de l’immigration a demandé au Ministère des affaires étrangères de rechercher des informations précises sur l’emploi de l’auteur auprès de l’Équipe mixte Uruzgan en tant qu’interprète pour les forces australiennes au Camp Holland, puisque l’auteur avait déclaré avoir travaillé pour cette équipe et les forces australiennes, lesquelles avaient prétendument signé les deux lettres de recommandation. D’après la lettre du Ministère des affaires étrangères datée du 10 février 2014, l’Équipe mixte Uruzgan et les forces australiennes n’ont pas pu confirmer l’emploi de l’auteur et étaient convaincues que les lettres de recommandation fournies par celui-ci étaient frauduleuses. L’auteur n’apparaissait pas sur le « registre » de l’Équipe mixte Uruzgan pour cette période, les signataires des lettres de recommandation ont dit qu’ils n’avaient pas fourni ces lettres et qu’ils n’avaient jamais rencontré l’auteur, et les dates mentionnées dans les lettres ne correspondaient pas aux dates de déploiement des groupes militaires cités. En outre, la carte d’identité produite par l’auteur comportait une faute d’orthographe, puisqu’elle faisait référence au « Camp Holand ». En conséquence, la Commission a conclu qu’il n’y avait aucune raison d’ajourner la procédure dans l’attente d’une déclaration de International Management Services sur l’emploi de l’auteur. Dans ces conditions, l’État partie soutient qu’il n’y a pas eu violation des articles 2 et 26 du Pacte dans le cadre de l’examen de la demande d’asile de l’auteur par les autorités danoises.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1Le 19 novembre 2018, le conseil de l’auteur a informé le Comité que parce qu’aucune mesure provisoire n’avait été accordée, les autorités danoises avaient expulsé l’auteur vers l’Afghanistan en février 2017.

5.2L’auteur a dit qu’après avoir passé une période dangereuse en Afghanistan en tant que chrétien assidu, il avait pu fuir une nouvelle fois. Le conseil a pu établir un contact avec l’auteur et a appris que celui-ci était enregistré comme réfugié en Turquie. Bien que l’auteur ait bénéficié d’une certaine forme de protection, il craint d’être expulsé de Turquie vers son pays d’origine. En conséquence, il demande toujours au Comité d’examiner la présente affaire en ce qui concerne son expulsion du Danemark vers l’Afghanistan, pour savoir si elle avait donné lieu à des violations du Pacte.

5.3Une référence est faite à la décision du Comité dans l’affaire K. H. c. Danemark, dont l’auteur avait été autorisé à rester au Danemark en raison d’une demande de mesures provisoires. Dans ladite affaire, la procédure d’asile de K. H. avait été rouverte le 8 novembre 2018 et la Commission avait décidé de lui accorder l’asile au Danemark car il avait besoin de protection en raison de sa conversion au christianisme. De l’avis du conseil, les deux affaires présentent certaines similitudes.

5.4Tout d’abord, les deux hommes ont fui leur pays d’origine, ils ont été baptisés alors qu’ils se trouvaient au Danemark, ils ne cachaient pas leur nouvelle foi et étaient des chrétiens assidus. L’auteur de la présente affaire a travaillé comme interprète en Afghanistan pour les forces militaires australiennes, et au Danemark, à l’église, pour un grand nombre de chrétiens. Par conséquent, il est bien connu dans la diaspora afghane au Danemark. En outre, il a professé sa foi publiquement sur Internet (Facebook), ce qui explique qu’il courait en grand danger à son retour en Afghanistan. C’est par pur hasard qu’il a réussi à fuir une nouvelle fois après être retourné en Afghanistan.

5.5La Commission de recours des réfugiés et le Gouvernement danois ont néanmoins rejeté la conversion sur place de l’auteur, la jugeant non crédible. Ce rejet a été effectué de la même manière que dans le cas de K. H. La Commission a seulement cherché à déterminer si, selon elle, l’auteur s’était fait baptiser afin d’obtenir un permis de séjour. En concluant qu’il s’était fait baptiser dans le seul but d’obtenir l’asile, elle a oublié d’examiner les conséquences qu’entraînerait pour lui un retour dans son pays d’origine, ce qui constituait l’argument central dans les constatations adoptées dans l’affaire K. H. c. Danemark. Dans ladite affaire, le Comité a rappelé que les États parties devaient accorder l’importance voulue au risque réel et personnel qu’une personne pouvait courir si elle était expulsée, et a considéré que l’État partie aurait dû effectuer une évaluation personnalisée du risque que l’auteur courrait dans son pays d’origine s’il était considéré comme un chrétien, plutôt que de fonder son raisonnement principalement sur des contradictions dans les déclarations. Le Comité a noté en particulier que la Commission de recours des réfugiés n’avait pas évalué si le comportement du demandeur d’asile et les activités auxquelles il s’était livré en lien avec sa conversion ou pour la justifier, comme son baptême, sa participation active dans la paroisse, sa connaissance de la religion chrétienne et le fait qu’il avait informé sa famille de sa conversion pouvaient avoir des conséquences négatives graves dans son pays d’origine, de nature à créer un risque de préjudice irréparable.

5.6L’auteur joint un rapport établi par des fonctionnaires danois, en date du 15 septembre 2016, au sujet d’un autre citoyen afghan que la police danoise avait tenté d’expulser le 14 septembre 2016, et qui avait déclaré à l’aéroport de Kaboul qu’il était devenu chrétien pendant son séjour au Danemark. Les responsables afghans avaient alors déclaré qu’il n’était pas en sécurité et que la police danoise devait le ramener à Copenhague. Celle-ci avait ensuite tenté de convaincre les responsables afghans que la conversion n’était pas sincère, mais on lui avait expliqué que là n’était pas le problème. Dès lors que cet homme avait crié à l’aéroport qu’il s’était converti au christianisme, sa vie serait menacée parce qu’il avait été entendu par des personnes se trouvant à proximité. Il serait donc tué après avoir quitté l’aéroport.

5.7Ainsi, en février 2017, lorsque l’auteur a été expulsé, les autorités danoises étaient parfaitement conscientes du risque de persécution en Afghanistan, que l’auteur soit ou non un véritable converti. La Commission et le Gouvernement danois doivent donc expliquer comment l’évaluation de ces risques a été faite. Dans la décision de la Commission, il est seulement indiqué que les déclarations de l’auteur sur Internet au sujet de son appartenance au christianisme ont rendu sa conversion encore plus suspecte. En conséquence, l’auteur demande au Comité de conclure que son renvoi par le Danemark a constitué une violation des articles 6 et 7 du Pacte.

Commentaires complémentaires de l’auteur

6.1Le 28 décembre 2018, le conseil de l’auteur a soumis sur les observations de l’État partie, des commentaires datés du 26 octobre 2017. Il explique, entre autres choses, que les allégations de violation de l’article 14 se rapportaient en fait à l’article 13 du Pacte.

6.2L’auteur répète ses allégations de violation des articles 6, 7, 13, 18 et 26 du Pacte, mettant l’accent sur ses activités chrétiennes au Danemark et sur la dégradation de la situation en Afghanistan depuis son expulsion en 2014. L’auteur a demandé l’asile et sa demande a été rejetée par le Service danois de l’immigration en 2011, puis par la Commission de recours des réfugiés en janvier 2012.

6.3En ce qui concerne ses griefs de violation des articles 6 et 7, l’auteur fait valoir qu’il a été baptisé dans une église chrétienne après avoir participé, depuis juin 2013, à des services religieux et à un programme de formation chrétienne. En tant qu’ancien musulman d’Afghanistan, il risque, s’il est renvoyé, d’être persécuté au titre de la charia. Il a donc montré qu’à première vue, sa communication était recevable.

6.4L’auteur conclut que sa communication doit être considérée comme recevable, compte tenu des violations alléguées des articles 6, 7, 13, 18 et 26 du Pacte, parce qu’il n’a pas bénéficié d’un procès équitable en ce qui concerne sa conversion au christianisme, et qu’il craint d’être persécuté pour cette conversion. Dans la mesure où il n’a pas pu faire appel devant une autre instance de la décision de la Commission de recours des réfugiés, il y a eu violation des articles 13 et 26 du Pacte, puisque les décisions de toute autre commission sont susceptibles d’appel devant les tribunaux danois ordinaires. Sur le fond, l’auteur considère que la décision de la Commission de recours des réfugiés du 6 février 2014 constitue une violation des articles 6, 7, 13 et 18 du Pacte, puisqu’il ne peut manifester sa religion en Afghanistan.

Observations complémentaires de l’État partie

7.1Le 23 septembre 2019, l’État partie a rappelé ses arguments initiaux du 10 mars 2015 concernant l’irrecevabilité et le défaut de fondement de la communication.

7.2L’État partie rappelle que, le 27 novembre 2018, le secrétariat lui a transmis les commentaires de l’auteur datés du 19 novembre 2018. Il ajoute que, le 31 décembre 2018, le secrétariat a transmis un autre document émanant du conseil de l’auteur, daté du 26 octobre 2017. Toutefois, ce document ne porte pas sur la communication en question et les observations qui y figurent ne semblent pas provenir de l’auteur. L’État partie limite donc ses observations aux commentaires de l’auteur datés du 19 novembre 2018.

7.3L’État partie fait observer que les commentaires de l’auteur du 19 novembre 2018 ne contiennent aucune nouvelle information sur la situation personnelle de l’auteur. En particulier, il fait observer que rien n’est dit de la situation personnelle de l’auteur après son retour en Afghanistan.

7.4Dans ses commentaires, l’auteur déclare que la Commission n’a pas examiné les conséquences qu’aurait pour lui, à son retour en Afghanistan, sa conversion alléguée au christianisme. Sur ce point, l’État partie fait observer que la Commission, dans ses décisions des 16 juillet et 25 novembre 2014, a explicitement et précisément évalué les conséquences du retour de l’auteur en Afghanistan, y compris les conséquences de sa conversion alléguée.

7.5L’État partie fait également observer que la Commission a jugé improbable le risque que l’auteur soit persécuté à son retour en Afghanistan, car elle a considéré que la conversion de l’auteur de l’islam au christianisme n’était pas sincère.

7.6L’État partie appelle l’attention du Comité sur le rapport intitulé Afghanistan : Situasjonen for kristne og konvertitter (Afghanistan : la situation des chrétiens et des convertis),publié le 4 septembre 2013 par Landinfo et portant sur les « convertis par convenance ». Selon ce rapport, d’après plusieurs sources, même dans les cas où l’on apprend dans le pays d’origine qu’une personne a prétexté une conversion pour justifier sa demande d’asile dans un autre pays, cette personne ne sera pas pour autant vulnérable à son retour car les Afghans témoignent d’une grande compréhension envers leurs compatriotes qui tentent par tous les moyens d’obtenir un titre de séjour en Europe.

7.7L’auteur a également fait référence à la communication no 2423/2014, dans laquelle la procédure devant la Commission a été rouverte en raison de l’apparition d’informations nouvelles et substantielles. À cet égard, l’État partie fait observer qu’aucune nouvelle information n’est apparue dans le cas de l’auteur par rapport à ce que la Commission avait déjà pris en compte dans ses décisions, que l’auteur n’a pas établi en quoi son cas était autrement comparable à celui visé dans la communication no 2423/2014, et qu’il n’a pas montré que des erreurs avaient été commises dans l’évaluation de son cas par la Commission.

7.8L’auteur se réfère enfin à un mémorandum établi le 15 septembre 2016 par la police danoise au sujet de l’expulsion de quatre demandeurs d’asile vers l’Afghanistan. L’État partie fait observer que l’auteur n’a établi aucun lien entre son cas et les affaires mentionnées dans le mémorandum. Il précise que la police a renvoyé l’auteur en Afghanistan le 28 février 2017 et que les autorités afghanes ont accepté son retour.

7.9L’État partie fait observer que, selon les informations figurant dans les commentaires de l’auteur du 19 novembre 2018, celui-ci a depuis lors quitté l’Afghanistan et est entré en Turquie. L’État partie réaffirme que l’auteur n’a fourni aucune information sur sa situation personnelle en général ou sur d’éventuelles persécutions après son retour en Afghanistan. Il ne considère pas que le fait que l’auteur ait depuis lors quitté l’Afghanistan établisse des motifs de croire que l’auteur court un risque réel de persécution et de mauvais traitements en Afghanistan.

7.10L’État partie maintient que la communication devrait être déclarée irrecevable. Pour le cas où le Comité déclarerait la communication recevable, l’État partie soutient qu’il n’y a pas eu violation du Pacte.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

8.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.3Se référant à sa jurisprudence, le Comité rappelle que l’auteur d’une communication doit se prévaloir de tous les recours judiciaires internes pour satisfaire à la condition énoncée à l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif, pour autant que de tels recours semblent utiles dans l’affaire qui le concerne et lui soient de facto ouverts. Il note que l’auteur a fait appel sans succès, devant la Commission de recours des réfugiés, du rejet de sa demande d’asile, et que l’État partie ne conteste pas qu’il ait épuisé les recours internes. Par conséquent, le Comité considère que les dispositions de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif ne l’empêchent pas d’examiner la communication.

8.4Le Comité prend note des allégations de l’auteur selon lesquelles : ses droits à un procès équitable et à l’accès à un tribunal ont été violés du fait qu’un témoin qui aurait pu témoigner en faveur de sa cause n’avait pas été convoqué à l’audience lors de la procédure d’asile et qu’une attestation d’emploi n’a pas été demandée à International Management Services ; il a été victime de discrimination en tant que demandeur d’asile parce que les décisions de la Commission de recours des réfugiés sont les seules décisions qui sont définitives et non susceptibles d’appel devant les tribunaux ; et l’État partie a donc violé les articles 2, 13, 14 et 26 du Pacte. À ce propos, le Comité renvoie à sa jurisprudence et rappelle que les procédures d’expulsion d’étrangers n’impliquent pas de décision sur des « droits et obligations de caractère civil » au sens de l’article 14 du Pacte, mais relèvent de l’article 13 de cet instrument. L’article 13 offre une partie de la protection garantie par l’article 14, mais ne garantit pas en soi le droit de faire appel en justice.

8.5Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel il n’a pas jugé nécessaire de faire comparaître un autre témoin ou d’ajourner la procédure dans l’attente d’une réponse de International Management Services, dans la mesure où les arguments de l’auteur comportaient de nombreuses contradictions et n’étaient pas crédibles. Le Comité observe que la Commission n’a pas pu admettre comme véridiques les déclarations de l’auteur sur les motifs de sa demande d’asile et sur les raisons de son départ d’Afghanistan et les a considérées comme inventées et exagérées. La Commission a également considéré que les lettres de recommandation et les documents d’identité fournis par l’auteur semblaient frauduleux et que la crédibilité générale de celui-ci avait été mise à mal par sa déclaration selon laquelle, dans le cadre de sa précédente demande d’asile en Norvège en 2003, il avait été payé pour obtenir l’asile pour un tiers, et par les déclarations contradictoires qu’il avait faites aux autorités norvégiennes. Le Comité note également que l’auteur n’a fourni à la Commission aucune déclaration convaincante permettant d’établir qu’il s’était effectivement converti au christianisme. Ainsi, le Comité considère que les griefs de l’auteur dénonçant une violation de son droit à un procès équitable dans le contexte de l’article 13 du Pacte, et une discrimination, notamment fondée sur sa qualité de demandeur d’asile, en violation des articles 2 et 26 du Pacte, lus conjointement avec l’article 14, ne sont pas suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et il déclare cette partie de la communication irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif. Renvoyant à sa jurisprudence, le Comité considère que les griefs que l’auteur tire de l’article 14 du Pacte sont irrecevable ratione  materiae au regard de l’article 3 du Protocole facultatif.

8.6Le Comité note aussi que l’État partie conteste la recevabilité de la communication au motif que les griefs tirés des articles 6 et 7 du Pacte sont manifestement dénués de fondement. À cet égard, il prend note de l’argument de l’auteur selon lequel l’existence de motifs sérieux de croire qu’il risquerait d’être soumis à des traitements contraires aux articles 6 et 7 du Pacte s’il était renvoyé en Afghanistan n’a pas été correctement évaluée. Le Comité note également que l’auteur a été renvoyé en Afghanistan en février 2017 et qu’il a ensuite fui en Turquie. Il note en outre que, selon l’État partie, l’existence d’un risque réel et personnel de préjudice irréparable pour l’auteur en cas de renvoi dans son pays d’origine a été correctement évaluée au regard de différentes sources d’information disponibles, y compris de déclarations de témoin. Il observe que les autorités de l’État partie ont considéré que les raisons pour lesquelles l’auteur avait fui l’Afghanistan et les motifs d’asile connexes n’avaient pas été étayés, retenant ainsi les contradictions dans ses arguments et communications et son manque de crédibilité puisque les lettres de recommandation des forces militaires australiennes avaient été jugées frauduleuses et que l’Équipe mixte Uruzgan, son prétendu employeur, n’avait pu confirmer qu’elle avait employé l’auteur comme interprète en Afghanistan. La Commission a conclu qu’elle ne pouvait admettre comme un fait avéré que l’auteur avait été persécuté avant son départ d’Afghanistan parce que sa déclaration au sujet de conflits antérieurs à ce départ n’était pas crédible et avait été inventée de toutes pièces (par. 4.5 et 4.10), et que l’auteur n’avait pas non plus établi qu’il risquait, en cas de renvoi en Afghanistan, l’un des préjudices envisagés à l’article 6 et 7 du Pacte du fait de sa conversion présumée au christianisme (par. 4.11). Le Comité prend note en outre de l’argument de l’État partie selon lequel l’auteur n’a présenté aucune nouvelle information dans sa demande de réouverture de la procédure d’asile, et n’a rien dit d’un éventuel mauvais traitement qu’il aurait subi après son retour en Afghanistan le 28 février 2017.

8.7Le Comité renvoie à sa jurisprudence et rappelle que certains types de violence perpétrés par des particuliers peuvent être d’une ampleur et d’une intensité telles qu’ils équivalent à des persécutions si les autorités ne peuvent pas ou ne veulent pas offrir une protection, mais il considère que l’auteur n’a pas expliqué de manière convaincante, autrement que par son désaccord avec les conclusions factuelles de l’État partie, les raisons pour lesquelles il craignait que son renvoi en Afghanistan ne l’expose au risque de subir des traitements contraires aux articles 6 et 7 du Pacte. Par conséquent, le Comité considère que cette partie de la communication est irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif, faute d’être suffisamment étayée.

8.8En ce qui concerne les griefs indirects selon lesquels l’article 18 du Pacte pourrait être violé si l’auteur était renvoyé vers l’Afghanistan, le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la conversion de l’auteur au christianisme n’était pas sincère, le motif de sa demande d’asile sur place n’a pas été évalué de manière arbitraire et les autorités ont considéré que l’auteur ne présentait pas d’intérêt pour les autorités afghanes et que sa conversion n’était pas de nature à avoir une incidence sur l’exercice, en Afghanistan, des droits garantis par l’article 18 du Pacte. Renvoyant à sa jurisprudence, le Comité rappelle que l’article 18 du Pacte n’a pas d’application extraterritoriale, à moins que le risque de sa violation ne représente un préjudice irréparable tel que ceux envisagés aux articles 6 et 7, et il considère que les griefs que l’auteur tire de l’article 18 sont également irrecevables au regard de l’article 2 du Protocole facultatif, faute d’avoir été suffisamment étayés.

9.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard des articles 2 et 3 du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.