Comité des droits de l’homme
Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2840/2016*, **
Communication soumise par : |
Tamara Selyun (représentée par un conseil, Andrei Paluda) |
Victime(s) présumée(s) : |
L’auteure |
État partie : |
Bélarus |
Date de la communication : |
11 août 2016 (date de la lettre initiale) |
Références : |
Décision prise en application de l’article 92 du Règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 25 octobre 2016 (non publiée sous forme de document) |
Date des constatations : |
4 mars 2022 |
Objet : |
traitement inhumain et dégradant ; procès équitable |
Question(s) de procédure : |
non-épuisement des recours internes |
Question(s) de fond : |
peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant ; procès équitable |
Article(s) du Pacte : |
7 et 14 (par. 1), lu conjointement avec l’article 2 (par. 2) |
Article(s) du Protocole facultatif : |
2 et 5 (par. 2 b)) |
1.L’auteure de la communication est Tamara Selyun, de nationalité bélarussienne, née en 1953. Elle affirme que l’État partie a violé les droits qu’elle tient de l’article 7 du Pacte et de l’article 14 (par. 1), lu conjointement avec l’article 2 (par. 2). Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 30 décembre 1992. L’auteure est représentée par un conseil, Andrei Paluda.
Rappel des faits présentés par l’auteure
2.1Le fils de l’auteure, Pavel Selyun, a été condamné à mort en 2013 sur la base d’aveux extorqués par la torture. Il a été exécuté le 17 avril 2014. Le 18 avril 2014, lorsque l’avocate de P. Selyun a voulu lui rendre visite en prison, elle a été informée qu’il avait été « déplacé conformément au jugement ». Rien n’a été dit sur le lieu où il se trouvait. Pendant un mois, l’auteure n’a reçu aucune information sur le lieu où se trouvait son fils, malgré ses nombreux appels au Ministère de l’intérieur, au Département national de l’administration pénitentiaire et à la Cour suprême. Le 16 mai 2014, l’auteure a finalement reçu une lettre du tribunal régional de Grodno, l’informant que la sentence prononcée contre son fils avait été exécutée le 18 avril 2014. La lettre indiquait également que, conformément à l’article 175 du Code d’application des peines, le corps de son fils ne pouvait pas lui être rendu et l’emplacement de la sépulture ne lui serait pas communiqué.
2.2À une date non précisée, l’auteure a reçu du Département de l’administration pénitentiaire un colis qui contenait la tenue et les chaussures de prisonnier que son fils portait dans le quartier des condamnés à mort. Les lettres sur le dos de la veste montraient que son propriétaire était un condamné à mort. L’auteure avait vu son fils avec ces vêtements à plusieurs reprises, lorsqu’elle lui avait rendu visite avant son exécution. Le fait de voir les vêtements du quartier des condamnés à mort a provoqué un choc psychologique chez l’auteure. En état de choc, elle a mis les vêtements et les chaussures en pièces à l’aide d’une hache et les a brûlés près de sa maison. Après de nombreuses années, elle éprouve toujours une grande souffrance psychologique lorsqu’elle se rappelle cette situation.
2.3Le 22 février 2015, l’auteure a déposé plainte devant le tribunal du district Leninsky de Grodno, demandant que le refus du tribunal régional de Grodno de l’informer de l’heure du décès de son fils et de l’emplacement de sa sépulture soit déclaré illégal et constitutif detraitement cruel et inhumain. Elle a également demandé que les actions du Département de l’administration pénitentiaire, qui lui avait envoyé les vêtements que son fils portait dans le quartier des condamnés à mort, soient déclarées illégales et constitutives d’un traitement cruel et inhumain. Enfin, elle a demandé que le tribunal déclare non constitutionnel l’article 175 du Code d’application des peines, en ce qu’il contredit l’article 25 (par. 3) de la Constitution et l’article 7 du Pacte.
2.4Le 5 mars 2015, le tribunal du district Leninsky a rejeté les demandes de l’auteure au motif qu’il n’était pas compétent. Il a jugé qu’en tant que tribunal civil, il n’avait pas compétence pour statuer sur l’objet de la plainte que l’auteure avait déposée contre le refus du tribunal régional de Grodno de l’informer de l’heure du décès de son fils et de l’endroit où il avait été enterré. Il a également jugé qu’il n’avait pas la compétence territoriale pour statuer sur la plainte que l’auteure avait déposée contre le Département de l’administration pénitentiaire parce que celui-ci se trouvait à Minsk et que toute plainte portée contre lui devait être présentée devant un tribunal de district compétent à Minsk. Il a en outre jugé que, puisqu’il avait rejeté les deux premières plaintes de l’auteure, plus rien ne justifiait qu’il examine sa dernière plainte concernant l’article 175 du Code d’application des peines ou qu’il la renvoie devant la Cour suprême pour qu’elle se prononce sur la constitutionnalité de cet article.
2.5Le 12 mars 2015, l’auteure a fait appel de la décision devant la Cour suprême. À une date non précisée, la Cour suprême a transféré l’appel au tribunal régional de Grodno. Le 15 avril 2015, le tribunal régional de Grodno a confirmé la décision du tribunal du district Leninsky.
2.6Le 10 mai 2015, l’auteure a déposé une demande de réexamen au titre de la procédure de contrôle devant le Président de la Cour suprême. Le 11 juin 2015, le Vice-Président de la Cour suprême a rejeté sa demande.
2.7En juin 2015, l’auteure a demandé au Procureur de la région de Grodno de faire appel de la décision rendue le 15 avril 2015 par le tribunal régional de Grodno. Le 7 juillet 2015, le Procureur a envoyé une lettre à l’auteure, l’informant qu’il était d’accord avec cette décision du tribunal régional de Grodno.
2.8Parallèlement à ses recours devant les tribunaux nationaux, l’auteure a déposé des plaintes et requêtes devant la Cour constitutionnelle, le Parlement, le Bureau du Président et le Conseil des ministres, demandant que soit entamé un examen de la constitutionnalité de l’article 175 du Code d’application des peines. Toutes ses demandes ont été rejetées ou ignorées.
2.9L’auteure soutient qu’elle a épuisé tous les recours internes utiles.
Teneur de la plainte
3.1L’auteure soutient que le fait qu’on ait refusé de l’informer de l’heure du décès de son fils et de l’emplacement de sa sépulture, et le fait qu’elle ait reçu par la poste la tenue de prisonnier de son fils lui ont causé et continuent de lui causer une souffrance morale et du stress. Elle considère que le secret qui entoure l’exécution de son fils et le refus de lui remettre le corps de celui-ci constituent une intimidation et une punition pour sa famille, délibérément laissée dans un état d’incertitude, de souffrance et de stress psychologique, et violent, de ce fait, les droits qu’elle tient de l’article 7 du Pacte.
3.2L’auteure soutient également que l’absence de recours utile lui permettant de demander aux tribunaux nationaux des informations sur l’heure de l’exécution de son fils et l’emplacement de sa sépulture constitue une violation de l’article 14 (par. 1) du Pacte, lu conjointement avec l’article 2 (par. 2). Elle considère qu’elle n’a pas pu faire entendre sa cause équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial chargé de se prononcer sur les droits qu’elle tient de l’article 7 du Pacte.
Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond
4.1Dans une note verbale datée du 27 décembre 2016, l’État partie a fait part de ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication. Il fait observer que, le 5 mars 2015, le tribunal du district Leninsky à Grodno a rejeté les demandes de l’auteure au motif qu’il n’était pas compétent. Il fait observer également que la procédure d’une exécution est régie par l’article 175 du Code d’application des peines et relève de la compétence exclusive de l’organe chargé de l’application de la peine de mort. Il affirme que, parce que les exécutions sont régies par des normes impératives du Code d’application des peines, les tribunaux nationaux ont eu raison de rejeter l’action civile intentée par l’auteure. Conformément à l’article 175 du Code d’application des peines, l’administration pénitentiaire responsable de l’exécution doit informer la juridiction qui a prononcé la sentence, lorsque celle-ci a été exécutée, et cette juridiction doit informer un parent proche. Le corps ne peut être remis aux proches et l’emplacement de la sépulture ne peut leur être communiqué.
4.2L’État partie fait observer que, le 8 mai 2014, le tribunal régional de Grodno a informé l’auteure de l’exécution de son fils. Il soutient que, conformément à l’article 18 du Code d’application des peines, les tribunaux supervisent uniquement l’exécution des sentences et ne sont pas informés de l’emplacement des sépultures. Il ajoute que selon la Cour suprême, l’interdiction de remettre un corps en vue de son inhumation ou de communiquer des informations sur l’heure de l’exécution et l’emplacement de la sépulture n’enfreint pas les dispositions de l’article 7 du Pacte.
4.3L’État partie soutient que le droit de l’auteure à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial établi par la loi a été pleinement respecté, ainsi que celui de faire examiner la décision de ce tribunal par une juridiction supérieure. Il considère donc que l’auteure n’a pas étayé le grief qu’elle tire de l’article 14 (par. 1) du Pacte.
4.4L’État partie fait encore observer que l’article 439 du Code de procédure civile du Bélarus permet de présenter une demande de réexamen au titre de la procédure de contrôle au Président de la Cour suprême et au Procureur général et à leurs adjoints. Dans la mesure où l’auteure n’a pas présenté les demandes pertinentes, l’État partie considère que sa communication au Comité devrait être jugée irrecevable pour non-épuisement des recours judiciaires internes disponibles.
Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond
5.1Le 31 janvier 2021, l’auteure a soumis ses commentaires sur les observations de l’État partie. Elle rejette l’argument de l’État partie selon lequel elle n’a pas épuisé les recours judiciaires internes parce qu’elle n’a pas demandé au Président de la Cour suprême ni au Bureau du Procureur général d’ouvrir une procédure de contrôle des décisions rendues par les juridictions internes. Elle soutient que le dépôt devant le président d’un tribunal ou un procureur d’une demande de réexamen au titre de la procédure de contrôle visant des décisions judiciaires devenues exécutoires et dont l’issue dépend du pouvoir discrétionnaire d’un juge ou d’un procureur, constitue un recours extraordinaire, et que l’État partie doit montrer qu’il existe une possibilité raisonnable qu’une telle demande constitue un recours utile dans les circonstances de l’espèce.
5.2L’auteure fait observer que le droit interne régit seulement l’ouverture de la procédure de contrôle. Il ne dit pas quand ni comment cette procédure doit prendre fin. En pratique, cela signifie qu’une personne qui se trouve dans le quartier des condamnés à mort apprend généralement quelques minutes seulement avant son exécution que sa demande de réexamen au titre de la procédure de contrôle a été rejetée. L’avocat et les membres de la famille ne sont pas non plus informés de l’issue de ce recours avant l’exécution. Les exécutions se font dans le plus grand secret et personne, pas même la personne condamnée à mort, ne connaît à l’avance la date de l’exécution.
5.3Enfin, l’auteure appelle l’attention du Comité sur le fait que, en dépit des décisions antérieures dans lesquelles, au sujet d’affaires similaires, celui-ci a conclu à une violation de l’article 7 du Pacte, l’État partie n’a modifié ni sa législation ni sa pratique concernant l’exécution des condamnés à mort et le traitement des membres de leur famille.
5.4L’auteure redit qu’elle a épuisé tous les recours internes utiles disponibles. Elle affirme qu’aucun recours judiciaire utile ne lui permet de demander des informations sur l’heure exacte de l’exécution de son fils et sur l’emplacement de sa sépulture. Elle soutient qu’elle continue de subir un traitement cruel et inhumain et considère que le droit d’accéder à un tribunal, consacré par l’article 14 (par. 1) du Pacte, devrait s’appliquer aux procédures qui concernent l’article 7 du Pacte.
Délibérations du Comité
Examen de la recevabilité
6.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.
6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.
6.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel l’auteure n’a pas épuisé tous les recours internes. Il prend également note de l’argument de l’auteure qui affirme qu’elle a épuisé tous les recours internes utiles à sa disposition et que lui-même ne considère pas le réexamen de la procédure de contrôle comme un recours utile. Le Comité note que, le 10 mai 2015, l’auteure a déposé une demande de réexamen au titre de la procédure de contrôle devant le Président de la Cour suprême, qui l’a rejetée le 11 juin 2015. Dans ce contexte, le Comité rappelle sa jurisprudence, selon laquelle les demandes de réexamen aux fins de contrôle de décisions judiciaires devenues exécutoires, adressées au président d’un tribunal et subordonnées au pouvoir discrétionnaire d’un juge, constituent un recours extraordinaire, et l’État partie doit montrer qu’il existe des chances raisonnables que ces demandes constituent un recours utile dans les circonstances de l’espèce. Faute d’éléments de preuve en ce sens présentés par l’État partie, le Comité considère que les dispositions de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif ne l’empêchent pas d’examiner la communication.
6.4Dans le même temps, le Comité observe que l’auteure a intenté une action en justice devant le tribunal du district de Leninsky contre différentes autorités de l’État, dont le Département de l’administration pénitentiaire qui lui avait envoyé par la poste la tenue et les chaussures que son fils portait dans le quartier des condamnés à mort et aurait, de ce fait, contribué à sa souffrance et à son stress psychologique. Cette partie de l’action intentée par l’auteure a été rejetée au motif que le tribunal saisi n’avait pas la compétence territoriale, et rien de ce qui figure au dossier n’indique que l’auteure a essayé d’engager une autre action contre le Département national de l’administration pénitentiaire devant une juridiction différente. De ce fait, le Comité considère que cette partie du grief que l’auteure tire de l’article 7 est irrecevable pour non-épuisement des recours internes.
6.5Le Comité prend note de l’argument de l’auteure selon lequel l’État partie a violé les droits qu’elle tient de l’article 2 (par. 2) du Pacte, lu conjointement avec l’article 14 (par. 1). Il rappelle que, dans une communication soumise en vertu du Protocole facultatif, les dispositions de l’article 2 ne peuvent pas être invoquées en conjonction avec d’autres articles du Pacte, sauf lorsque le non-respect par l’État partie des obligations que lui impose cet article est la cause immédiate d’une violation distincte du Pacte portant directement préjudice à la personne qui se dit victime. Il note toutefois que l’auteure a déjà allégué une violation des droits qu’elle tient de l’article 14 (par. 1), qui résulte de l’interprétation et de l’application des lois en vigueur dans l’État partie, et il considère que l’examen de la question de savoir si l’État partie a également violé les obligations générales que lui impose l’article 2 (par. 2) du Pacte, lu conjointement avec l’article 14 (par. 1), n’est pas distinct de l’examen de la violation des droits que l’auteure tient de l’article 14 du Pacte. Il considère donc que cette partie de la communication est incompatible avec l’article 2 du Pacte et, dès lors, irrecevable au regard de l’article 3 du Protocole facultatif.
6.6Le Comité considère qu’aux fins de la recevabilité, l’auteure a suffisamment étayé ses autres griefs concernant le secret entourant l’heure de l’exécution de son fils et l’emplacement de sa sépulture, qui soulèvent des questions au regard des articles 7 et 14 (par. 1) du Pacte. Il les déclare donc recevables et passe à leur examen au fond.
Examen au fond
7.1Conformément à l’article 5 (par. 1) du Protocole facultatif, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.
7.2Le Comité prend note de l’argument de l’auteure qui se dit victime d’une violation de l’article 7 du Pacte en raison des souffrances et du stress psychologique découlant du refus des autorités de l’informer de l’heure du décès de son fils et de l’endroit où il est enterré. Il prend également note de l’observation de l’État partie selon laquelle la loi en vigueur prévoit que la famille d’un condamné à mort n’est pas informée à l’avance de la date de l’exécution, que le corps ne lui est pas remis et que l’emplacement de la sépulture du prisonnier exécuté n’est pas divulgué.
7.3Le Comité rappelle que, comme le dit l’observation générale no 36 (2018), le fait de ne pas donner aux proches d’une personne des informations sur les circonstances de sa mort peut constituer une violation de leurs droits au titre de l’article 7 du Pacte, de même que le fait de ne pas les informer du lieu où se trouve le corps et, lorsque la peine de mort est appliquée, de la date prévue pour l’exécution. Les proches d’une personne privée de sa vie par l’État doivent se voir restituer sa dépouille si telle est leur volonté. Le Comité comprend l’angoisse et le stress psychologique constants causés à l’auteure, mère du prisonnier condamné, par l’incertitude qui persiste quant aux circonstances entourant son exécution, ainsi qu’à l’emplacement de sa tombe. Il considère que le secret absolu entourant la date de l’exécution et le lieu de sépulture ainsi que le refus de remettre le corps pour l’inhumation ont pour effet d’intimider et de punir la famille en la laissant intentionnellement dans un état d’incertitude et de détresse morale. Dès lors, il conclut que ces éléments constituent un traitement inhumain à l’égard de l’auteure, en violation de l’article 7 du Pacte.
7.4Par ailleurs, le Comité prend note de l’argument de l’auteure selon lequel l’absence de recours utile lui permettant de demander aux tribunaux nationaux des informations sur l’heure de l’exécution de son fils et l’emplacement de sa sépulture constitue une violation de l’article 14 (par. 1) du Pacte. Il prend également note de l’argument de l’État partie selon lequel le droit de l’auteure à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial établi par la loi a été pleinement respecté. Il observe toutefois que le tribunal du district Leninsky a rejeté l’action civile intentée par l’auteure au motif qu’il n’était pas compétent. Dans le même temps, l’État partie n’a fourni, en réponse à l’argument de l’auteure, aucune information sur un quelconque autre recours judiciaire utile, dont celle-ci aurait pu se prévaloir. Le Comité rappelle que, comme il est dit dans son observation générale no 32 (2007), l’État partie qui n’établit pas un tribunal compétent pour statuer sur des droits ou obligations de caractère civil ou qui ne permet pas à une personne de saisir un tel tribunal dans une affaire donnée déroge à l’article 14 si les restrictions en question ne sont pas fondées dans le droit interne, si elles ne sont pas nécessaires à la poursuite de buts légitimes tels que la bonne administration de la justice ou fondées sur des exceptions d’incompétence au sens du droit international telles que les immunités, ou si elles limitent l’accès à la justice au point de porter atteinte à l’essence même du droit. En l’absence d’explications de l’État partie à ce sujet, le Comité conclut que les faits tels qu’ils sont présentés font apparaître une violation des droits que l’auteure tient de l’article 14 (par. 1) du Pacte.
8.Le Comité, agissant en vertu de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie des droits que l’auteure tient des articles 7 et 14 (par. 1) du Pacte.
9.Conformément à l’article 2 (par. 3 a)) du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteure un recours utile. Il a l’obligation d’accorder une réparation intégrale aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. En l’espèce, l’État partie est tenu, entre autres, a) d’indemniser comme il convient l’auteure pour les violations dont elle a été victime, b) de lui donner des informations sur l’emplacement de la sépulture de son fils, et c) de lui remettre la dépouille de son fils. L’État partie est également tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour que des violations analogues ne se reproduisent pas, en particulier en modifiant le Code d’application des peines afin de le rendre conforme aux obligations que l’article 7 du Pacte lui impose.
10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et une réparation exécutoire lorsque la réalité d’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans sa langue officielle.