Nations Unies

CCPR/C/134/D/3589/2019

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

7 septembre 2022

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 3589/2019 * , * *

Communication présentée par :

M. A. S. et I. E. J. (représentés par un conseil, Davide Galimberti)

Victimes présumées:

Les auteurs

État partie :

Italie

Date de la communication:

3 mai 2018 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 92 (par. 2) du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 15 avril 2019 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision:

25 mars 2022

Objet :

Rejet de la demande de nationalité en raison de liens familiaux

Question ( s ) de procédure :

Non-épuisement des recours internes ; absence de fondement des griefs

Question ( s ) de fond :

Droit à un procès équitable ; droit à la vie privée ; égalité de protection devant la loi (non‑discrimination)

Article ( s ) du Pacte:

14 (par. 2), 17 et 26

Article ( s ) du Protocole facultatif:

2 et 5 (par. 2 b))

1.1Les auteurs de la communication sont M. A. S., née le 5 février 1964, et I. E. J., né le 14 novembre 1959, tous deux de nationalité jordanienne. Ils affirment que le rejet de leurs demandes de nationalité italienne par le Ministère de l’intérieur constitue une violation par l’Italie des droits qu’ils tiennent des articles 14 (par. 2), 17 et 26 du Pacte. Le premier Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 23 mars 1976. Les auteurs sont représentés par un conseil, Davide Galimberti.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Les auteurs vivent en Italie et ont demandé la nationalité italienne. I. E. J. est arrivé en Italie en 1979 pour faire des études de médecine et il travaille actuellement comme médecin et directeur d’hôpital. Leurs enfants vivent et étudient en Italie.

2.2Le 12 mars 2010, M. A. S. a soumis une demande de nationalité italienne. Le 3 février 2014, elle a reçu une lettre du Ministère de l’intérieur datée du 13 novembre 2013 lui notifiant que sa demande avait été rejetée à cause de « procédures pénales particulièrement graves » visant son mari et indiquant que celui-ci n’était « pas digne de confiance » et n’était pas « complètement intégré dans la société ». Cette décision faisait référence à des « avis négatifs » concernant la famille émis par la police de Bergame en date du 15 avril 2013 et par la préfecture de Bergame en date du 23 avril 2013. Elle ne mentionnait aucun fait concernant M. A. S. personnellement. M. A. S affirme n’avoir été ni consultée ni interrogée à quelque stade de la procédure que ce soit.

2.3Le 9 mai 2014, M. A. S. a fait appel de la décision du Ministère de l’intérieur auprès du Tribunal administratif régional pour le Latium-Rome, au motif que le rejet de sa demande, qui se fondait sur la situation de son mari, était discriminatoire. Elle attend toujours qu’il soit statué sur ce recours.

2.4M. A. S. indique que la procédure de recours contre les décisions du Ministère se fait en deux étapes − la première auprès du tribunal administratif, la seconde auprès du Conseil d’État − et que le passage d’une étape à l’autre peut prendre quatre ans. Si M. A. S. était déboutée de son appel auprès du Tribunal administratif régional, il pourrait donc s’écouler jusqu’à huit ans entre la date de la décision initiale du Ministère de l’intérieur et celle de la décision définitive du Conseil d’État : M. A. S. n’obtiendrait pas de décision définitive avant 2022. M. A. S. dit qu’un tel délai n’est pas raisonnable, au sens de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, et qu’elle ne dispose d’aucun autre recours interne.

2.5Le 23 décembre 2004, I .E. J. a soumis une demande de nationalité italienne. Le 22 juin 2015, il a reçu une lettre du Ministère de l’intérieur datée du 5 mai 2015 indiquant que sa demande avait été rejetée parce que ses activités avaient « des buts incompatibles avec la sécurité de la République ». Le 27 octobre 2015, il a contesté cette décision auprès du Président italien. Le 19 octobre 2017, il a reçu une notification du Président italien indiquant que son recours avait abouti.

2.6Le 14 décembre 2017, le Ministère de l’intérieur a envoyé une lettre I. E. J. lui refusant la nationalité pour deux motifs : premièrement, il avait été reconnu coupable d’exercice illégal de la médecine ; deuxièmement, il faisait l’objet d’une procédure pénale pour « détournement de fonds » devant le tribunal de Bergame. Le 3 janvier 2018, I. E. J. a répondu à cette lettre en contestant ces deux motifs. Il a déclaré qu’il n’avait pas été reconnu coupable d’exercice illégal de la médecine puisque la cour d’appel de Brescia l’avait acquitté de cette accusation. Il a affirmé que fonder le rejet de sa demande sur une procédure pénale en cours revenait à bafouer le principe de la présomption d’innocence, ce qui constituait une discrimination. En outre, il a demandé que le Ministère de l’intérieur respecte et exécute la décision du Président italien.

2.7Le 28 juillet 2018, le Ministère de l’intérieur a envoyé à I. E. J. une lettre lui refusant la nationalité pour les deux mêmes motifs que ceux énoncés dans la lettre du 14 décembre 2017. Le 20 septembre 2018, I. E. J. a répondu à cette lettre en contestant ces deux motifs, comme il l’avait fait dans sa réponse du 3 janvier 2018. Par la suite, le Ministère de l’intérieur a envoyé une autre lettre à I. E. J., dans laquelle il admettait s’être trompé en considérant que celui‑ci avait été reconnu coupable d’exercice illégal de la médecine et en fondant le rejet de la demande de nationalité sur le seul motif de la procédure pénale en instance. I. E. J. n’a pas fait appel de cette décision puisqu’on lui avait notifié, le 19 octobre 2017, que son recours auprès du Président italien avait abouti.

2.8I. E. J. affirme qu’il ne dispose pas d’autres recours internes utiles.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs affirment que le rejet par le Ministère de l’intérieur de leurs demandes de nationalité italienne constitue une violation par l’Italie des articles14 (par.2), 17 et 26 du Pacte.

3.2M.A.S. affirme que le rejet de sa demande de nationalité italienne est contraire au droit de ne pas être l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa réputation, énoncé à l’article 17 du Pacte.

3.3M.A.S. affirme également que le refus de lui accorder la nationalité italienne pour des faits concernant son mari et non elle-même équivaut à une discrimination fondée sur le genre et constitue une violation par l’Italie de l’article 26 du Pacte. Elle soutient que le principe d’égalité énoncé à l’article 26 n’autorise pas l’État partie à lui refuser la nationalité pour le seul motif qu’elle est mariéeà I.E.J.. Elle considère que ce refus est d’autant plus arbitraire que le recours introduit par I.E.J. auprès du Président italien a abouti. Elle affirme que, si elle n’avait pas été mariée avec I.E.J., le Ministère de l’intérieur lui aurait accordé la nationalité italienne, car elle satisfait à toutes les autres conditions.

3.4M.A.S.considère que le fait de devoir attendre jusqu’à huit ans avant d’obtenir une décision définitive en appel «excède des délais raisonnables» au sens de l’article 5 (par.2 b)) du Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Elle indique qu’elle a déposé sa demande de nationalité italienne le 12 mars 2010 et qu’elle attend depuis le 9 mai 2014 que le Tribunal administratif régional se prononce sur son recours.

3.5I.E.J.estime que le fait que sa demande de nationalité italienne a été rejetée alors que son recours auprès du Président italien avait abouti constitue une violation par l’Italie de l’article 17 du Pacte.

3.6I.E.J. ajoute que le refus de lui accorder la nationalité au seul motif qu’une procédure pénale était en cours contre luiest contraire à son droit d’être «présumé[e] innocent[e] jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie » énoncé à l’article 14 (par.2) du Pacte. Il soutient que le Ministère de l’intérieur aurait dû le considérer comme innocent aux fins de l’adoption d’une décision sur sa demande de nationalité.

3.7Les auteurs se plaignent également de la durée des procédures de recours et dénoncent des délais excessifs, en violation de l’article 26 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 9 octobre 2019, l’État partie a fait part de ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication, rappelant le cadre constitutionnel italien, notamment le respect de l’état de droit, des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

4.2Le mécanisme de garanties établi par la Constitution italienne repose aussi sur le « principe du double degré de juridiction », mis en application au moyen de différents recours pouvant comporter trois étapes, chacune correspondant à un degré de juridiction. S’ils offrent de nombreuses garanties, le système des recours et les trois degrés potentiels de juridiction peuvent retarder le règlement du différend examiné. En plus de consacrer le principe d’une procédure régulière, la Constitution de l’État partie définit le rôle du Conseil d’État et de la Cour constitutionnelle.

4.3En ce qui concerne les faits, l’État partie indique que M. A. S. a saisi le Tribunal administratif régional le 9 mai 2014 pour contester le rejet de sa demande de nationalité (RG 6314/14), qui se fondait principalement sur ses liens matrimoniaux avec une personne considérée comme « proche de mouvements ayant des buts incompatibles avec la sécurité de la République ». Il n’a toujours pas été statué sur ce recours à ce jour. L’audience est prévue pour mai 2020. Selon la législation de l’État partie, la procédure devant chaque instance peut durer jusqu’à trois ans.

4.4La demande de nationalité présentée par I. E. J., qui est médecin, a également été rejetée. I. E. J. a contesté ce rejet en formant un recours extraordinaire auprès du Président italien. Ce recours a abouti deux ans plus tard, en 2017, mais le Ministère de l’intérieur a rejeté une nouvelle fois la demande de nationalité d’I. E. J. au motif qu’une procédure pénale pour détournement de fonds était en cours contre lui devant le tribunal de Bergame.

4.5En ce qui concerne les griefs soulevés par les auteurs au titre de l’article 17 du Pacte et de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif, l’État partie note que les auteurs mentionnent les procédures administratives et judiciaires, notamment leur durée, allèguent une violation du principe de la présomption d’innocence, et dénoncent la non-exécution de la décision du Président italien annulant le rejet de la demande de nationalité d’I. E. J.. En ce qui concerne la durée de la procédure de recours contre la décision administrative, les dispositions applicables sont énoncées dans la loi no 89/2001. Selon cette loi, le délai raisonnable est considéré comme respecté « quand la procédure n’excède pas une durée de trois ans en premier ressort, de deux ans en appel, et d’un an pour les décisions de légalité. Aux fins du calcul de la durée, la procédure est réputée commencer à compter du dépôt de la plainte ou de la notification de l’acte introductif d’instance ». Le plaignant est en particulier tenu d’agir rapidement pour demander la détermination de l’objet de la procédure, notamment en formant un recours préventif sous la forme d’une demande d’examen urgent. L’inaction du plaignant qui n’active pas les recours préventifs en ne sollicitant pas une audience exonère l’État de sa responsabilité. En fait, la loi dispose qu’« une personne qui n’a pas exercé les recours préventifs ne peut pas prétendre à une satisfaction équitable en cas de durée excessive de la procédure ».

4.6En ce qui concerne la procédure de recours intentée par M. A. S. à la suite du rejet de sa demande de nationalité en 2014, qui était toujours en cours devant le Tribunal administratif régional, l’État partie dit que ce recours n’a pas été accompagné d’une demande expresse de suspension, qui aurait permis la tenue d’une audience à très brève échéance, sous quelques semaines. Après avoir introduit son recours le 9 mai 2014 et déposé une demande d’audience le 29 mai 2014, l’auteure est restée totalement inactive, n’accomplissant aucun autre « acte de procédure » jusqu’au 29 novembre 2017, date à laquelle un nouvel avocat de la défense a soumis une demande d’audience. Cette demande a été renouvelée le 8 mai 2019, à l’invitation expresse du secrétariat du tribunal. La date de l’audience publique a été fixée au 19 mai 2020. Ce délai s’explique par l’inaction de l’auteure, qui n’a pas requis de mesures conservatoires et a présenté une demande d’audience bien après l’expiration du délai fixé par la loi no 89/2001 (art. 1-ter 3)), à savoir plus de trois ans et demi après l’introduction de son recours.

4.7Le rejet de la demande de nationalité fondé sur des éléments liés à l’époux de M. A. S. ne dénote ni traitement discriminatoire ni atteinte aux intérêts protégés par l’article 17 du Pacte (et l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales). En effet, l’administration est parfaitement en droit, dans l’exercice du large pouvoir discrétionnaire dont elle dispose in subj ecta materia, d’apprécier les liens matrimoniaux et la situation de communion matérielle et spirituelle qui en découle naturellement, dans l’intérêt supérieur de la sécurité et de l’ordre publics lorsqu’il s’agit de refuser la nationalité italienne à l’épouse d’une personne jugée « socialement peu fiable ou dangereuse » ou « proche » de mouvements et de groupes « ayant des buts incompatibles » avec la coexistence civile pacifique et libre en Italie.

4.8En ce qui concerne la procédure visant I. E. J., eu égard au recours que celui-ci a introduit auprès du Président italien pour contester le premier rejet de sa demande de nationalité, l’État partie dit qu’à la suite de l’aboutissement de ce recours, l’auteur n’a pas dûment motivé sa deuxième demande de nationalité, laquelle a donc elle aussi été rejetée au motif qu’une procédure pénale était en cours contre lui. Il appartiendrait à l’auteur de contester dans les délais ce second rejet par le Ministère de l’intérieur en invoquant son caractère contradictoire ou peu clair compte tenu de la décision du Président italien. En effet, le décret présidentiel autorisant les recours extraordinaires s’apparente aux jugements définitifs en matière administrative (res judicata). Il est donc exécutoire, soit par l’activation de la voie de recours particulière qu’est la procédure de conformité devant le Conseil d’État, soit, au cas où l’administration réexaminerait le dossier, par la contestation par I. E. J. du nouveau refus pour vices de légitimité « autonomes » devant le juge de première instance du Tribunal administratif régional, ou une nouvelle saisine du Président italien.

4.9L’État partie affirme que l’allégation de violation de l’article 17 du Pacte, s’agissant de l’octroi de la nationalité italienne, est dénuée de fondement. L’octroi de la nationalité italienne suppose qu’il a été établi qu’il n’existe pas d’éléments ou de circonstances susceptibles de mettre en danger les valeurs de coexistence civile libre et pacifique. La sécurité de la République italienne, de fait, prime sur l’intérêt individuel que représente l’obtention de la nationalité italienne. Étant donné son caractère irrévocable, il est impératif qu’il n’y ait pas le moindre doute, la moindre incertitude, même dans le cadre d’une évaluation prospective, quant à la pleine adhésion du demandeur aux valeurs constitutionnelles sur lesquelles la République italienne est fondée. L’appréciation de l’administration revêt un caractère éminemment préventif et conservatoire, au-delà et indépendamment de l’établissement de la responsabilité pénale de l’auteur. En effet, l’appréciation des éléments portant atteinte à la sécurité du pays ne peut se réduire à la détermination des faits pertinents en matière pénale, mais doit concerner la prévention de tout risque pouvant affecter la sécurité publique. À cet égard, la Cour constitutionnelle italienne a considéré que le principe de l’intérêt supérieur de la sécurité de l’État‑communauté à sa propre intégrité et indépendance trouvait son expression dans l’article 52 de la Constitution italienne. L’État partie ajoute que la recrudescence alarmante du terrorisme et de l’extrémisme à laquelle on assiste actuellement rend d’autant plus compréhensibles la prudence et la précaution particulières qui inspirent la pratique administrative en matière d’’octroi de la nationalité.

4.10L’administration jouit d’un pouvoir discrétionnaire important en matière d’octroi de la nationalité, en ce qu’elle doit établir non seulement que l’étranger est capable de s’intégrer au mieux dans la société nationale, par son travail et son insertion économique et sociale, mais aussi que la sécurité de l’État n’est pas menacée. Cela étant, la prudence particulière avec laquelle une demande de nationalité doit être traitée, dans un souci de prévention et de précaution, est contrebalancée par la possibilité qui est offerte au demandeur de soumettre une nouvelle demande lorsque les conditions objectives sur lesquelles était fondé le rejet initial ont changé ou, plus généralement, d’obtenir de l’administration qu’elle réévalue la situation après cinq ans. Enfin, l’État partie dit que les auteurs disposaient de recours utiles contre le rejet de leurs demandes et qu’il n’y a pas eu déni de justice en l’espèce.

4.11Compte tenu de ce qui précède, l’État partie demande au Comité de déclarer la communication irrecevable pour non-épuisement des recours internes et absence d’éléments de preuve suffisants, ou pour défaut de fondement.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1Le 27 novembre 2019, les auteurs ont fait part de leurs commentaires sur les observations de l’État partie. Ils soutiennent que l’État partie n’a fourni aucune nouvelle information concernant sa plainte. Au contraire, les observations soumises peuvent être considérées comme valant reconnaissance des violations alléguées.

5.2La communication initiale des auteurs en date du 3 mai 2018 fait état de violations de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif et de l’article 17 du Pacte. Elle a été complétée par des mémoires en date du 11 juin 2018 (pour étayer les allégations des auteurs selon lesquelles il y avait eu violation des droits qui leur sont garantis aux articles 17 et 26 du Pacte), du 20 novembre 2018 (pour dénoncer une violation de l’article 14 du Pacte en raison de la durée excessive des procédures), du 17 juin 2019 (pour exposer la discrimination visant M. A. S.) et du 10 juillet 2019 (pour dénoncer une violation des articles 26 et 14 du Pacte, en raison du non-respect du principe de la présomption d’innocence à l’égard d’I. E. J.).

5.3M. A. S. rappelle que la procédure de recours qu’elle a intentée contre le rejet de sa demande de nationalité s’est prolongée de manière excessive. Son appel remonte à 2014 et la date de l’audience a été fixée au 19 mai 2020, soit six ans plus tard. L’auteure rappelle qu’elle a en outre fait l’objet de discrimination, car son droit à ce que son affaire soit jugée dans un délai raisonnable n’a pas été respecté. Elle fait observer que la loi no 89/2001 prévoit un délai de trois ans pour la procédure en premier ressort. Or, dans son cas, la procédure a duré deux fois plus longtemps. La longueur de la procédure de recours a aggravé la discrimination fondamentale dont elle a fait l’objet puisqu’elle a été jugée en fonction des activités supposées de son mari, en violation de l’article 26 du Pacte. L’auteure conteste les accusations d’inertie que porte contre elle l’État partie. C’est au contraire l’État partie qui a mis six ans à fixer la date de l’audience d’appel. C’est à l’État qu’il revient, dans le cadre de l’administration de la justice, de fixer la date des audiences en temps utile, et il n’a pas à faire porter la responsabilité des délais au demandeur. M. A. S. fait observer que le Tribunal administratif régional n’a toujours pas statué sur sa demande du 29 novembre 2017 concernant la fixation d’une date d’audience. Un an et demi plus tard, le Tribunal administratif régional lui a adressé une communication l’avertissant que son recours serait classé sans suite si elle ne lui adressait pas une demande expresse d’audience confirmant son intérêt à poursuivre l’affaire. M. A. S. considère que c’est le tribunal qui n’a pas pris de décision sur sa demande d’audience. En Italie les procédures de recours sur les demandes de nationalité durent entre dix et douze ans. Une telle pratique peut être considérée comme discriminatoire, car elle risque de porter les requérants à croire qu’il ne vaut pas la peine d’attendre si longtemps et les décourager de contester en justice le rejet de leur demande de nationalité.

5.4En ce qui concerne les griefs soulevés au titre des articles 17 et 26 du Pacte, M. A. S. répète qu’elle a été jugée pour des circonstances qui concernaient son mari, ce qui constitue une discrimination. Le fait que sa propre situation a été ignorée constitue en outre une violation de son droit à la protection de sa vie privée et de sa vie familiale.

5.5M. A. S. conteste les affirmations inexactes énoncées sur le compte de son mari, qui ont eu pour elle des conséquences négatives. Elle fait valoir que de tels « liens » entre époux n’ont pas été approuvés par la Cour constitutionnelle italienne, qui a considéré dans son arrêt no 78/2019 que les époux ne sont pas des parents et n’ont pas de liens de sang. Ce principe contredit l’assertion « inexacte et infondée » par laquelle l’administration a jugé l’auteure en fonction de son mari. Le 29 octobre 2019, l’auteure a demandé à l’administration de réévaluer le rejet de sa demande de nationalité en se fondant sur l’arrêt de la Cour constitutionnelle mais n’a encore reçu aucune réponse. Elle dénonce en outre les références faites par l’État partie à la montée du terrorisme, qu’elle juge offensantes, et demande des excuses.

5.6M. A. S. affirme que le Tribunal administratif régional l’a empêchée d’accéder à certains documents, alors que, dans l’affaire A. Y. O. AQ c. Italie  , qui portait sur la même question, il avait autorisé la requérante à accéder au dossier. Il s’agit, selon elle, d’un signe supplémentaire de discrimination. Enfin, M. A. S. considère que l’argument de l’État partie selon lequel son recours ne s’est pas accompagné d’une demande expresse de suspension, qui aurait permis la tenue d’une audience à très brève échéance, sous quelques semaines, n’est pas recevable et constitue en fait un nouvel élément de discrimination. Il n’est jamais arrivé que le tribunal suspende une décision de rejet d’une demande de nationalité en attendant qu’il soit définitivement statué sur la question.

5.7En ce qui concerne I. E. J., l’État partie n’a donné aucune explication sur les griefs de violation des articles 14, 17 et 26 du Pacte. La demande de nationalité d’I .E. J. a été rejetée pour des raisons soi-disant de sécurité. I. E. J. s’est pourvu contre ce rejet auprès du Président italien et a eu gain de cause parce qu’aucune raison de sécurité ne justifiait le rejet de sa demande. Or, l’État partie n’a pas examiné l’affaire de M. A. S., ce qui est un autre signe de discrimination à l’égard des auteurs. Au lieu de se voir octroyer la nationalité, I. E. J. a essuyé un nouveau refus, au motif qu’il avait un casier judiciaire. Ce motif n’a pas lieu d’être, car I. E. J. n’a jamais été déclaré coupable d’une quelconque infraction. Quand il a déposé sa première demande de nationalité, la procédure pénale dont il faisait l’objet était en cours, et il n’aurait donc pas dû être considéré comme ayant un casier judiciaire. I. E. J. a été acquitté par une décision définitive de la cour d’appel de Brescia. Par conséquent, l’État partie a commis une discrimination à l’égard d’I. E. J. pour deux raisons : a) il n’a pas mis à exécution la décision favorable concernant le recours d’I. E. J. contre le rejet de sa première demande de nationalité ; b) il a rejeté la seconde demande de nationalité d’I. E. J. sur la base de faits non avérés. I. E. J. a fait appel de ce nouveau rejet et attend la décision du Tribunal administratif régional. Il a demandé au Tribunal administratif régional de se prononcer sur son pourvoi le 19 mai 2020, au cours de la même audience où il sera statué sur le recours interjeté par son épouse. Cette demande est restée sans réponse. Le délai qui s’est écoulé depuis peut être considéré comme une discrimination.

5.8En outre, les remarques de l’État partie concernant la recrudescence du terrorisme sont discriminatoires et arbitraires à l’égard des auteurs et de leur famille. Elles ne correspondent pas à la réalité, car les auteurs mènent une vie rangée, comme le montre la lettre initiale. I. E. J. a contesté l’affirmation selon laquelle, dans son cas, des recours internes utiles étaient disponibles.

5.9En matière de réparation, les auteurs demandent au Comité : a) de constater une violation des articles 17 et 26 du Pacte à l’égard de M. A. S., et des articles 14, 17 et 26 du Pacte à l’égard de I. E. J. ; b) de prier l’État partie de reconsidérer le rejet des demandes de nationalité des auteurs à la lumière de la décision no 78/2019 de la Cour constitutionnelle ; c) de présenter officiellement des excuses aux auteurs et à leur famille pour les avoir associés à un risque de terrorisme.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Le 12 mars 2020, l’État partie a rappelé ses observations précédentes en date du 9 octobre 2019 et réaffirmé que les auteurs disposaient de recours internes utiles.

6.2L’État partie renvoie à la décision no 78/2019 de la Cour constitutionnelle, qui a considéré comme « non fondées les questions de la légitimité constitutionnelle de l’article 18 (par. 1 b)) de la loi no 240 du 30 décembre 2010 (Dispositions relatives à l’organisation des universités, au personnel académique et au recrutement, ainsi qu’au pouvoir octroyé au Gouvernement pour promouvoir la qualité et l’efficacité du système universitaire) soulevées par le Conseil de la justice administrative pour la région de la Sicile, en référence aux articles 3 et 97 de la Constitution ».

6.3Il est fait également référence à la décision du 28 juillet 2018 du Ministère de l’intérieur, par laquelle celui-ci a rejeté la nouvelle demande de nationalité déposée par I. E. J., en application de l’article 9 de la loi no 91 du 5 février 1992. L’État partie indique que, le 20 août 2019, le Garant de la vie privée, à la suite d’une plainte d’I. E. J., a invité le Ministère de l’intérieur à s’assurer de la bonne utilisation des informations relatives aux soi‑disant antécédents judiciaires de l’auteur, étant donné que, le 13 octobre 2015, celui-ci avait été acquitté en appel de l’accusation de violation de l’article 348 du Code pénal (exercice abusif d’une profession). Sous réserve de quelques modifications de forme, les attendus et le dispositif de la décision du Ministère de l’intérieur en date du 28 juillet 2018 ont été confirmés. Réaffirmant ses observations d’octobre 2019, l’État partie conclut que les griefs des auteurs sont infondés.

Observations complémentaires de l’État partie

7.1Le 7 juillet 2021, l’État partie a rappelé ses observations datées d’octobre 2019 et de mars 2020.

7.2Sur le plan judiciaire, le 9 mai 2014, M. A. S. a saisi le Tribunal administratif régional d’un recours (NRG 6314/2014), dont l’examen a été confié à la section 1-ter, pour demander l’annulation de la décision du Ministère de l’intérieur (K10/220307) du3 février 2014, par laquelle sa demande de nationalité avait été rejetée. Pour ce recours, considéré comme ordinaire et sans demande de mesure conservatoire, une demande d’audience a été déposée le 29 novembre 2017.

7.3Le 4 juin 2019, les parties ont été invitées à solliciter une audience, à la suite de laquelle, le 6 juin 2019,M. A. S. a déposé une nouvelle demande. Le 12 juin 2019, il a été décidé qu’une audience sur le fond se tiendrait le 19 mai 2020. À l’issue de cette audience, la Chambre a adopté l’ordonnance collégiale no 5630/2020, publiée le 27 mai 2020, ordonnant l’achèvement des investigations préliminaires, conformément à la demande de M. A. S., et prévoyant la tenue d’une audience publique, le 24 novembre 2020, pour la poursuite de la procédure. Lors de cette audience, le Tribunal administratif régional a pris acte que le Ministère de l’intérieur avait mené à bonne fin les investigations préliminaires, sans observer les conditions de la défense, ainsi qu’il ressort de l’ordonnance no 12782/2020 publiée le 1er décembre 2020, et a fixé la date de l’audience suivante au 7 avril 2021.

7.4La procédure s’est terminée par l’adoption de la décision no 5269/2021, publiée le 6 mai 2021, par laquelle le recours est rejeté. À la date de la soumission des observations de l’État partie, il était encore temps de former un pourvoi en deuxième instance.

7.5Le recours no NRG 3374/2019 intenté par I. E. J. le 21 mars 2019 demandait l’annulation de la décision du Ministère de l’intérieur (K10/800006), notifiée le 11 septembre 2018, par laquelle la demande de nationalité italienne était rejetée. Ce recours, classé comme ordinaire, a été introduit auprès du Tribunal administratif régional après que le Président italien avait été saisi d’un recours extraordinaire contre la décision défavorable du Ministère de l’intérieur. Outre son pourvoi du 21 mars 2019 devant le Tribunal administratif régional, qui renvoyait aux conclusions de ce recours extraordinaire, I. E. J. a déposé une déclaration de renonciation aux mesures conservatoires.

7.6Le 26 avril 2019, après avoir demandé l’accès à son dossier administratif le 20 mars 2019, I. E. J. a déposé auprès de la préfecture de Bergame une demande spéciale d’enquête, en application de l’article 116 du Code de justice administrative, au sujet des éléments préliminaires défavorables que ladite préfecture avait communiqués le 6 novembre 2007 et sur lesquels le Ministère de l’intérieur s’était appuyé pour rejeter sa demande de nationalité, rejet qui avait été notifié à I.E.J. le 11 septembre 2018.

7.7Le 21 juin 2019, l’auteur a déposé une nouvelle demande d’enquête. Le 31 octobre 2019, il a soumis une demande de suspension et, parallèlement, une demande d’examen conjoint du recours enregistré sous le numéro R.G. 6134/2014. L’audience a été fixée au 19 mai 2020. Le 27 mai 2020, l’ordonnance collégiale no 5628/2020, ordonnant l’achèvement des investigations et prévoyant la tenue d’une audience publique le 24 novembre 2020 pour la poursuite de la procédure, a été publiée. Lors de cette audience, le Tribunal administratif régional a pris acte, par l’ordonnance no 12795/2020 publiée le 1er décembre 2020, de la fin des investigations ministérielles. La date de l’audience suivante a été fixée au 7 avril 2021. À l’issue de cette audience, le Tribunal administratif régional a rendu sa décision no 5261/2021, publiée le 5 mai 2021, par laquelle l’auteur est débouté de son appel et condamné à payer à l’administration une somme de 1 500 euros au titre des frais de procédure, outre les intérêts légaux. À la date de la soumission des observations de l’État partie, il était encore temps de se pourvoir en deuxième instance.

7.8L’État partie rappelle que, conformément aux dispositions du Code de justice administrative, le Tribunal administratif régional enregistre les demandes d’audiences publiques, y compris pour les affaires de nationalité, par ordre chronologique. Il peut être dérogé à cette règle pour des raisons d’urgence particulières et importantes, comme indiqué dans les demandes de retrait.

7.9Les procédures renvoyées à la section compétente du Tribunal administratif régional sont les procédures accélérées au titre de l’article 119 du Code de justice administrative, les litiges sensibles et les demandes de mesures de protection qui, bien que relevant de la procédure ordinaire, ont préséance pour l’examen au fond.

7.10En 2020, quelque 1 009 procédures de recours ordinaire concernant des affaires de nationalité ont été renvoyées à la section 1-ter, ce qui confirmait la tendance des années précédentes. Une recherche dans la base de données effectuée en janvier 2021 a montré que cette section s’était prononcée en audience publique sur 625 recours formés contre des rejets de demandes de nationalité depuis le 1er janvier 2016 et que la durée moyenne des procédures dépassait 1 800 jours, autrement dit, était de près de cinq années.

7.11S’agissant des allégations de discrimination formulées par les auteurs, aucun élément de discrimination n’a été constaté mais, en tout état de cause, les autorités judiciaires administratives ne sont pas compétentes pour examiner au fond les décisions rendues par le collège des juges, qui pouvaient être contestées par les voies de recours légales ordinaires.

7.12Enfin, l’État partie réitère ses observations précédentes et réaffirme que les griefs des auteurs ne sont pas étayés, que le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales est un élément central de l’action judiciaire interne et que le Gouvernement réaffirme sa volonté de poursuivre une coopération large et entière avec les organes conventionnels des Nations Unies et les autres mécanismes relatifs aux droits de l’homme.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

8.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.3Le Comité relève que l’État partie a contesté la recevabilité de la communication au motif que les recours internes disponibles n’avaient pas été épuisés, puisque la procédure de recours devant le Tribunal administratif régional était en cours au moment de la soumission de la lettre initiale, le 3 mai 2018, et que les griefs des auteurs n’étaient pas suffisamment étayés.

8.4Le Comité rappelle sa jurisprudence, selon laquelle les auteurs doivent exercer tous les recours judiciaires internes pour satisfaire à la condition énoncée à l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif, pour autant que de tels recours semblent utiles en l’espèce et leur soient ouverts de facto. Le Comité note que les griefs que M. A. S. tire de la violation des droits qui lui sont garantis par les articles 17 et 26 du Pacte (au motif que sa demande de nationalité a été rejetée pour des considérations ayant trait à son mari, sans qu’elle-même ait été entendue, et que la procédure de recours a subi un retard excessif) ont été soulevés devant les juridictions internes. Il note également que les griefs que I. E. J. tire de la violation des droits qui lui sont garantis par les articles 14 (par. 2), 17 et 26 du Pacte (au motif que sa demande de nationalité a été rejetée sur la base d’un casier judiciaire présumé, alors qu’il avait été acquitté en appel, et que la procédure de recours a subi un retard excessif) ont été soulevés devant les juridictions internes. Dans ce contexte, le Comité constate que les auteurs ont pour l’essentiel contesté les faits et les éléments de preuve devant les autorités nationales et dénoncé le fait que le Ministère de l’intérieur se serait fondé sur des informations confidentielles et vagues pour l’appréciation de leur demande d’obtention de la nationalité par la résidence, au titre de laquelle la législation nationale confère à l’État un pouvoir discrétionnaire important.

8.5Le Comité prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle, à la suite des recours introduits par les auteurs devant le Tribunal administratif régional le 9 mai 2014 et le 21 mars 2019 contre le rejet de leurs demandes de nationalité, M. A. S. est restée en partie inactive entre mai 2014 et novembre 2017 (c’est-à-dire qu’elle n’a pas déposé de requête expresse en suspension ni de demande d’audience). Néanmoins, à la suite des demandes répétées des deux auteurs, des dates d’audience ont été fixées, en mai 2020, en novembre 2020 et en avril 2021. Le Comité relève que le Tribunal administratif régional a statué sur les appels en première instance le 7 avril 2021, après des retards qui pouvaient s’expliquer en partie par les exceptions de procédure soulevées par les auteurs et par la charge de travail importante du tribunal, en raison du grand nombre de recours formés contre des rejets de demandes de nationalité. Dans ce contexte, le Comité prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle, en octobre 2019, M. A. S. a présenté au collège des juges une demande d’accès, à titre conservatoire, à toutes les informations figurant au dossier, et une audience publique a été fixée au 19 mai 2020 pour examiner l’appel au fond. Le Comité prend note également de l’affirmation de l’État partie selon laquelle I. E. J. n’a pas suffisamment étayé ses deux demandes de nationalité, même s’il était admis que les autorités s’étaient initialement trompées sur son casier judiciaire. Le Comité prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle les recours sont traités selon l’ordre chronologique dans lequel ils sont soumis et leur examen ne peut pas être accéléré, et la durée de la procédure est en partie due à l’examen des demandes que les auteurs ont présentées à titre conservatoire et à d’autres évaluations préliminaires. Le Comité relève que, le 3 mai 2018, lorsqu’il a été saisi de la communication, la procédure de recours interne était en cours. Il prend note que, selon les auteurs, la procédure de recours en première instance n’aurait pas été achevée dans les trois ans réglementaires et que le Tribunal administratif régional a adopté sa décision les déboutant de leurs appels le 7 avril 2021, c’est-à-dire dans un délai de plus de six ans (dans le cas de M. A. S.) et dans un délai de deux ans (dans le cas d’I. E. J.). Cependant, l’État partie affirme que les auteurs pouvaient se prévaloir de recours internes qui étaient à la fois disponibles et utiles. Compte tenu de ce qui précède, l’État partie a considéré que la durée des procédures de recours n’était pas excessive et qu’il était encore loisible aux auteurs de se pourvoir en deuxième instance auprès du Conseil d’État contre la décision du Tribunal administratif régional.

8.6À la lumière de ce qui précède, le Comité considère que les auteurs n’expliquent pas de façon convaincante pourquoi les recours judiciaires que l’État partie cite comme leur étant ouverts pour contester le rejet de leurs demandes de nationalité n’auraient pas été utiles dans leur cas, étant donné qu’ils ont tous deux soulevé plusieurs exceptions de procédure auxquelles il a été donné suite, que des jugements définitifs sur leurs recours en première instance ont été rendus, même si cela s’est fait tardivement dans le cas de M. A. S., et qu’ils avaient encore la possibilité de saisir le Conseil d’État. Il rappelle sa jurisprudence, selon laquelle de simples doutes quant à l’efficacité d’un recours interne ne dispensent pas les auteurs de l’obligation de le former. En conséquence, il considère que les dispositions des articles 2 et 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif l’empêchent d’examiner les griefs que les auteurs tirent des articles 14 (par. 2), 17 et 26 du Pacte, car les recours internes disponibles n’ont pas été épuisés.

9.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard des articles 2 et 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et aux auteurs de la communication.