Nations Unies

CCPR/C/132/D/2365/2014

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

14 janvier 2022

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2365/2014 * , **

Communication présentée par :

A. K. et consorts (représentés par un conseil, Katherine Wrigley, du Refugee Advice and Casework Service)

Victime(s) présumée(s) :

Les auteurs

État partie :

Australie

Date de la communication :

13 mars 2014 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 92 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 21 mars 2014 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

8 juillet 2021

Objet :

Détention de mineurs dans des centres pour migrants

Question(s) de procédure :

Défaut de fondement des griefs

Question(s) de fond :

Peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant ; liberté et sécurité de la personne ; dignité humaine ; droits de l’enfant ; droit à un recours utile

Article(s) du Pacte :

2 (par. 3), 7, 9 (par. 1 et 4), 10, 17, 23 et 24

Article(s) du Protocole facultatif :

2 et 3

1.1Les auteurs de la communication sont A. K., né le 31 décembre 1998, A. R., né le 11 février 1997, G. Z., né le 31 décembre 1998, B. A. A., né le 31 décembre 1998, E. E., né le 31 décembre 1997, H. M., né le 31 décembre 1996, S. H., né le 31 décembre 1997 et K. M., né le 25 avril 1999, tous de nationalité afghane, A. Z., né le 12 février 1997, S. M., né le 1er juin 1996, H. I., né le 31 décembre 1994 et A. M., né le 1er janvier 1998, tous de nationalité pakistanaise, et D. D., né le 15 février 1997, de nationalité iraquienne. En 2013, les auteurs sont arrivés en Australie en tant que mineurs non accompagnés et ont été placés dans un centre de détention. Dans un premier temps, ils ont soutenu que l’État partie violerait les droits qu’ils tiennent de l’article 24 (par. 1) du Pacte s’il les transférait aucentre régional de traitement des dossiers d’asile à Nauru. Par une communication suivante datée du 24 mars 2014, le Comité a appris que les auteurs dénonçaient également des violations des articles 2 (par. 3), 7, 9 (par. 1 et 4), 10, 17 et 23 du Pacte. Le 10 septembre 2015, les auteurs ont présenté des griefs complémentaires relevant des articles 17, 23 et 24 du Pacte, au sujet des conditions de leur détention en Australie continentale. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’Australie le 25 décembre 1991. Les auteurs sont représentés par un conseil, Katherine Wrigley, du Refugee Advice and Casework Service.

1.2Le 13 mars 2014, lorsqu’ils ont soumis la communication au Comité, les auteurs lui ont demandé qu’en application de l’article 94 de son règlement intérieur, il demande à l’État partie de surseoir à leur transfert ou expulsion d’Australie tant que leur communication serait à l’examen. Le 21 mars 2014, le Comité, par l’intermédiaire de son rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a décidé de ne pas accéder à cette demande.

1.3Le 10 septembre 2015, le conseil a informé le Comité que deux des auteurs, S. H., né le 31 décembre 1997, et K. M., né le 25 avril 1999, avaient décidé de retirer leur plainte.

Exposé des faits

2.1Entre juillet et novembre 2013, les auteurs sont arrivés en Australie en tant que mineurs non accompagnés. Ils ont été placés dans un centre de détention sur l’île Christmas (Australie), réservé aux migrants illégaux et demandeurs d’asile, en application de l’article 189 (par. 3) de la loi australienne sur les migrations. Les parents des auteurs étaient soit restés dans leur pays d’origine soit décédés.

2.2Après leur arrivée et leur placement en détention sur l’île Christmas, conformément à la loi sur les migrations, les auteurs couraient le risque d’être transférés à Nauru pour la suite du traitement de leur dossier. La politique de l’État partie à l’époque était de placer en détention tous les individus arrivés de manière irrégulière par voie maritime puis de les transférer vers un pays hébergeant un centre de traitement régional, sous réserve de la disponibilité de logements vacants et d’installations adaptées aux besoins des personnes concernées. En mars 2014, le conseil des auteurs a écrit au Ministère australien de l’immigration et de la protection des frontières et au Ministre lui-même, demandant que les auteurs ne soient pas transférés à Nauru, en raison de leur statut de mineurs non accompagnés. Elle a également écrit aux responsables du centre de traitement de l’île Christmas pour demander des garanties que certains des mineurs ne seraient pas transférés. Les auteurs n’ont reçu de réponse à aucune des lettres susmentionnées. Ils n’ont pas demandé un contrôle judiciaire de la situation, car ils pensaient qu’il n’existait pas de recours judiciaire effectif qui pourrait empêcher leur transfert. Par la suite, le conseil des auteurs a indiqué qu’elle ne savait pas si certains recours permettaient d’empêcher le transfert.

2.3En septembre et en décembre 2014, le Ministre de l’immigration et de la protection des frontières a annoncé que tous les migrants maritimes non autorisés, qui étaient arrivés en Australie entre le 19 juillet et le 31 décembre 2013 et n’avaient pas encore été transférés vers un pays hébergeant un centre de traitement régional, ne seraient pas transférés vers des centres de traitement situés à l’extérieur du continent australien. En décembre 2014, tous les mineurs, dont six auteurs, ont été transférés de l’île Christmas vers le continent. Ils ont tous été placés dans des logements collectifs. Les autres auteurs ont également été ramenés sur le continent entre décembre 2014 et février 2015.

2.4A. K. est arrivé sur l’île Christmas en août 2013 et a passé environ quinze mois dans le centre de détention de l’île. Il a été transféré dans un centre de détention communautaire à Geelong, dans le Victoria. En mai 2016, il se trouvait dans un centre de détention communautaire dans le Queensland. À une date ultérieure, il a reçu un visa relais. Il a déposé une demande aux fins d’un visa de protection, qui a été refusée. Il a contesté ce refus devant les tribunaux. En juillet 2019, la procédure le concernant était toujours en cours.

2.5A. Z. est arrivé sur l’île Christmas en août 2013 et a passé environ seize mois dans le centre de détention de l’île. Il a été transféré dans un centre de détention communautaire à Geelong, dans le Victoria. À une date non précisée, il a reçu un visa relais et a été remis en liberté. Il vivait dans le Victoria et a obtenu, le 17 mars 2017, un visa de refuge (Safe Heaven Enterprise Visa).

2.6E. E. est arrivé sur l’île Christmas en novembre 2013. Il avait auparavant été transféré dans un centre de traitement régional, et a été renvoyé sur le continent australien en février 2014. Au total, il a passé environ quatorze mois dans le centre de détention de l’île Christmas. Il a ensuite été transféré dans un centre de détention communautaire à Geelong, dans le Victoria. À une date non précisée, il a reçu un visa relais et a été remis en liberté. Il vivait dans le Victoria et a obtenu, le 2 janvier 2018, un visa de refuge.

2.7A. R. est arrivé sur l’île Christmas en août 2013 et a passé environ quinze mois dans le centre de détention de l’île. À une date non précisée, il a été transféré dans un centre de détention communautaire à Geelong, dans le Victoria. En juin 2015, en raison de problèmes de comportement, il a été transféré au centre de détention d’immigrants de Maribyrnong. Il est volontairement retourné en Afghanistan le 19 septembre 2016.

2.8D. D. est arrivé sur l’île Christmas en septembre 2013 et a passé environ quinze mois dans le centre de détention de l’île. À une date non précisée, il a été transféré dans un centre de détention communautaire à Brisbane, dans le Queensland. Trois mois plus tard, lorsqu’il a eu 18 ans, il a reçu un visa relais et a été libéré du centre de détention. Il vivait à Sydney, en Nouvelle-Galles du Sud. En juillet 2019, sa demande aux fins d’un visa de refuge était toujours en suspens.

2.9S. M. est arrivé sur l’île Christmas en août 2013 et a passé environ seize mois dans le centre de détention de l’île. En décembre 2014, il a obtenu un visa relais et a été libéré. Il vivait à Melbourne, dans le Victoria, et a obtenu le 5 juillet 2018 un visa de refuge.

2.10G. Z. est arrivé sur l’île Christmas en août 2013. Il avait auparavant été transféré dans un centre de traitement régional. Il a ensuite été renvoyé sur le continent australien en décembre 2013. Au total, il a passé environ quinze mois dans le centre de détention de l’île Christmas. En janvier 2015, il a obtenu un visa relais et a été libéré. Il vivait à Adélaïde, en Australie méridionale. Sa demande aux fins d’un visa de refuge a été rejetée. En juillet 2019, son statut juridique était à l’examen devant l’Autorité d’évaluation de l’immigration.

2.11B. A. A. est arrivé sur l’île Christmas en octobre 2013 et a passé environ treize mois dans le centre de détention de l’île. Il a été transféré dans un centre de détention communautaire à Sydney, en Nouvelle-Galles du Sud. Le 28 octobre 2016, sa demande aux fins d’un visa de refuge a été acceptée. L’auteur a un frère en Australie, qui se trouvait dans un centre de détention communautaire sur le continent australien au moment où B. A. A. est arrivé. À un certain moment après son arrivée, B. A. A. a demandé à être pris en charge par son frère, mais, parce que ce dernier était mineur à l’époque, cette demande a été rejetée.

2.12H. M. et H. I. sont arrivés sur l’île Christmas en juillet 2013 et ont passé, respectivement, environ dix-sept et dix-huit mois dans le centre de détention de l’île. En janvier 2015, ils ont obtenu un visa relais et ont été libérés. Ils vivaient à Melbourne, dans le Victoria. Le 6 août 2018, H. I. a obtenu un visa de refuge. La demande de H. M. aux fins d’un tel visa a été acceptée le 21 juin 2019.

2.13A. M. est arrivé sur l’île Christmas en août 2013 et a passé environ quinze mois dans le centre de détention de l’île. Il a été transféré dans un centre de détention communautaire à Geelong, dans le Victoria. Le 10 mars 2017, il a obtenu un visa de refuge.

Teneur de la plainte

3.1Au moment de la lettre initiale, les auteurs ont affirmé que, s’il les transférait à Nauru, l’État partie violerait les obligations de non-refoulement que lui impose l’article 7 du Pacte. Ils affirment que leurs conditions de détention à Nauru auraient été inadéquates et contraires aux dispositions des articles 7, 10, 9 (par. 1 et 4), 17, 23 et 24 du Pacte. Ils affirment qu’à Nauru, ils auraient été détenus arbitrairement et privés des services éducatifs, médicaux et sociaux nécessaires. Ils ajoutent que l’État partie serait responsable de ces violations potentielles dans le cas de leur transfert.

3.2Les auteurs affirment également avoir été détenus arbitrairement pendant des périodes excessivement longues sur l’île Christmas, en violation des dispositions de l’article 9 (par. 1) du Pacte. Ils rappellent la jurisprudence du Comité et avancent que leur détention n’était ni nécessaire ni proportionnée. Ils affirment en outre que l’État partie a violé l’article 9 (par. 4), dans la mesure où ils ne disposaient d’aucun moyen de contester leur détention.

3.3Les auteurs affirment que les établissements et services auxquels ils avaient accès pendant leur détention sur l’île Christmas étaient inadéquats et non conformes aux dispositions des articles 7, 10, 17, 23 et 24 du Pacte. Ils affirment que les autorités nationales ne leur ont pas fourni les services et le soutien nécessaires. Plus précisément, ils affirment qu’ils n’ont pas eu un accès suffisant aux services de santé physique et mentale.

3.4Les auteurs avancent que les conditions de détention communautaire sur le continent australien ne respectaient pas les dispositions des articles 17, 23 et 24 du Pacte. Ils affirment que certains d’entre eux ont été séparés de membres de leur famille se trouvant en Australie. Ils précisent que B. A. A. n’a pas été autorisé à vivre avec son frère, qui était arrivé en Australie douze mois auparavant et se trouvait dans un centre de détention communautaire sur le continent. Ils ajoutent que le centre de détention communautaire n’offrait pas les services dont ils avaient besoin.

3.5Les auteurs font référence à l’article 2 (par. 3) du Pacte, sans formuler de grief précis. À titre de réparations, ils demandent que l’État partie reconnaisse les violations du Pacte, leur présente des excuses et leur accorde une indemnisation et un dédommagement adéquats.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une note verbale du 22 juin 2016, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication.

4.2Après avoir rappelé les faits concernant les griefs des auteurs, sur lesquels repose la présente communication, l’État partie soutient que la communication devrait être déclarée irrecevable. Pour le cas où elle serait déclarée recevable par le Comité, l’État partie avance que les griefs des auteurs sont dénués de fondement.

4.3L’État partie affirme que les griefs que les auteurs tirent des articles 2 (par. 3), 7, 9, 10, 17, 23 et 24, au sujet de leur transfert potentiel de l’île Christmas à Nauru sont soit irrecevables ratione materiae, soit insuffisamment étayés. Il indique que les griefs visant les conditions de vie à Nauru relèvent de la compétence du Gouvernement souverain de cet État. Par ailleurs, il n’y a eu aucune intention de transférer les auteurs à Nauru. L’État partie soutient que, même s’il avait été décidé de transférer les auteurs, les obligations de non‑refoulement découlant des articles 6 et 7 du Pacte ne seraient pas déclenchées, puisqu’il n’y a pas de risque réel de préjudice irréparable. Les auteurs n’ont pas donné suffisamment de détails pour étayer les éventuels risques qu’ils courraient personnellement à Nauru. Ils ont fait des affirmations générales et vagues, sans mentionner la situation personnelle propre à chacun d’entre eux.

4.4L’État partie soutient également que les griefs que les auteurs tirent des articles 2 (par. 3), 7, 9, 10, 17, 23 et 24 du Pacte, au sujet de leur détention sur l’île Christmas sont, insuffisamment étayés.

4.5S’agissant des griefs tirés de l’article 7 du Pacte, l’État partie fait observer que les auteurs n’ont apporté aucun élément de preuve pour corroborer leur allégation selon laquelle les conditions de détention sur l’île Christmas n’étaient pas adéquates. Il fait également observer qu’entre 2009 et 2014, des acteurs privés sous contrats ont fourni une aide sociale individuelle aux mineurs non accompagnés qui se trouvaient dans des centres de détention d’immigrants. Ils ont fourni de la nourriture et des vêtements adaptés et organisé des programmes et activités. Ils ont également désigné un référent unique pour chaque mineur non accompagné ; ces agents rencontraient régulièrement les enfants dont ils avaient la responsabilité et leur apportaient une aide personnelle. Tous les programmes et formations ont été adaptés à l’âge, au sexe, au contexte religieux d’origine et aux besoins de chacun. Les autorités nationales ont minutieusement contrôlé la qualité des services fournis par les entreprises privées.

4.6L’État partie fait observer en outre que les auteurs se sont contentés, en invoquant l’article 10 du Pacte, de formuler des allégations générales au sujet de leurs conditions de détention sur l’île Christmas, sans les étayer par des éléments de preuves ou des informations. Il soutient que toutes les personnes détenues dans des centres d’immigration sont traitées avec respect et que les conditions de détention sont appropriées. Plusieurs acteurs privés sous contrats veillent au bien-être des personnes en détention. Ils fournissent des services de communication (comme un accès à des ordinateurs, à Internet, à la télévision, à des bibliothèques), des programmes éducatifs (notamment l’enseignement primaire et secondaire), des activités destinées à améliorer la santé mentale, des possibilités de pratique religieuse, des conseils juridiques, des soins de santé et d’autres services. L’État partie souligne que toutes les personnes en détention, et en particulier les mineurs, ont la possibilité de consulter des professionnels qualifiés de la santé mentale qui surveillent leur état mental et veillent à ce qu’il ne se détériore pas. Toutes les personnes qui entrent dans un centre de détention d’immigrants sont soumises à un examen de santé mentale dans les soixante-douze heures suivant leur arrivée. Des évaluations médicales ont ensuite lieu après six, douze, dix‑huit mois et périodiquement par la suite. Des programmes spéciaux sont mis en place pour les personnes vulnérables (dont les victimes de torture). L’État partie ajoute que, pendant leur séjour sur l’île Christmas, les auteurs ont été hébergés dans d’autres lieux que les centres de détention classiques, plus précisément dans ce qu’on appelle des camps de construction. Ces camps servent à répondre à des besoins personnels particuliers, qui ne peuvent être satisfaits dans les centres habituels de détention d’immigrants ou dans le cadre de la détention communautaire. Il s’agit de formes de détention liées à certaines installations (par exemple, hébergement en résidence pour immigrants) et de lieux désignés à cette fin dans la communauté. L’État partie note en outre qu’il fait régulièrement évaluer la détention d’immigrants afin de s’assurer que les conditions de détention de ces personnes restent convenables. Compte tenu des éléments susmentionnés, l’État partie conclut que les conditions de détention des auteurs étaient adéquates et conformes aux dispositions de l’article 10 du Pacte.

4.7L’État partie fait observer que les auteurs n’ont pas étayé les griefs qu’ils tirent de l’article 9 (par. 1) du Pacte. Ils n’ont pas présenté d’éléments de preuve suffisants pour montrer que leur détention était incompatible avec le droit national ou arbitraire d’une quelconque façon. L’État partie fait observer que tous les auteurs ont été placés en détention conformément à la procédure établie par la loi sur les migrations. Leur détention sur l’île Christmas a été aussi brève que possible. Les mesures de substitution à la détention, la durée et les conditions de la détention ont fait l’objet d’une évaluation administrative périodique. L’État partie fait valoir que l’évaluation de la détention des immigrants (y compris des conditions de détention) est effectuée par des agents du Ministère de l’immigration et de la protection des frontières et par le Médiateur du Commonwealth. Ce dernier a l’obligation d’enquêter sur le cas de toute personne qui a passé deux ans en détention d’immigration. Les agents du ministère qui sont chargés de la gestion de ces dossiers examinent chaque mois des cas individuels de placement en détention, y compris leur légalité. L’État partie note que les cas individuels des auteurs ont été traités par des agents du Ministère de l’immigration et de la protection des frontières, dans le plein respect de la législation nationale et dans les meilleurs délais.

4.8L’État partie signale que les griefs que les auteurs tirent de l’article 9 (par. 4) du Pacte sont dénués de fondement et, de ce fait, irrecevables. Se référant aux travaux préparatoires du Pacte, l’État partie indique que la « légalité de la détention » suppose le respect du droit national d’un État. Toute interprétation plus large, incluant le respect des normes du droit international, aurait sans nul doute été reflétée par les rédacteurs. L’État partie note que les auteurs ont eu la possibilité de demander un contrôle judiciaire de la légalité de leur détention conformément à l’article 256 de la loi sur les migrations et à l’article 75 iii) de la Constitution australienne.

4.9L’État partie fait valoir que les auteurs n’ont fourni aucune information précise pour étayer les griefs qu’ils tirent des articles 17, 23 et 24 du Pacte, au sujet des conditions non adéquates sur le continent. En outre, comme indiqué ci-dessus, toutes les mesures possibles de protection leur ont été fournies, conformément aux dispositions du Pacte.

4.10L’État partie en vient ensuite à la situation de B. A. A. qui, selon le conseil, a été séparé de son frère qui était arrivé en Australie douze mois plus tôt, en violation des articles 17 et 23 du Pacte. L’État partie rappelle que B. A. A. a été transféré de l’île Christmas en décembre 2014. Il est d’abord resté huit jours dans un lieu de substitution au centre de détention classique. Il a ensuite été transféré dans un centre de détention communautaire où il a retrouvé son frère. Lorsque son frère a eu 18 ans et a obtenu un visa relais, il a été libéré du centre de détention. Il vit non loin du centre de détention. Ils ont des contacts téléphoniques réguliers et de brèves visites ont lieu. À plusieurs reprises, l’auteur a été autorisé à rester chez son frère pour de courtes périodes. Selon la loi, pour pouvoir assumer la tutelle de B. A. A. à la place des services sociaux, le frère de l’auteur doit avoir 21 ans. Par conséquent, les droits que B. A. A. tient des articles 17 et 23 du Pacte n’ont pas été violés.

4.11S’agissant des griefs que les auteurs tirent de l’article 24 du Pacte, l’État partie rappelle les dispositions pertinentes du droit interne et affirme que tous les auteurs bénéficient d’une aide sociale complète pendant leur détention ou lorsqu’ils sont libérés et obtiennent un visa relais. Plusieurs organisations non gouvernementales sont engagées pour apporter aide et assistance aux migrants. Les mineurs non accompagnés sont confiés à un tuteur. Comme indiqué ci-dessus, les personnes qui se trouvent dans des centres de détention ont accès à un large éventail de services. Les personnes libérées à l’obtention d’un visa relais reçoivent un revenu et une aide pour payer le loyer, une aide au logement, des conseils, des formations, des informations pratiques ainsi que des services de santé. L’État partie signale aussi que A. R. a été transféré du centre de détention communautaire au centre de détention d’immigrants de Maribyrnong, en raison de problèmes de comportement et d’actes relevant du droit pénal. Son maintien au centre de détention est régulièrement réexaminé. Au moment de son transfert, l’auteur était considéré comme majeur.

4.12S’agissant des griefs tirés de l’article 2, l’État partie soutient une nouvelle fois que les auteurs n’ont pas étayé les allégations de violation d’une autre disposition de fond du Pacte. Il signale par ailleurs que la réparation initiale demandée par les auteurs, à savoir l’interdiction de leur transfert à Nauru, a déjà eu lieu puisque la politique nationale a changé. Tous les auteurs sont invités à présenter une demande aux fins d’un visa de protection temporaire ou d’un visa de refuge en Australie.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1Les auteurs ont fait part de leurs commentaires le 25 octobre 2016.

5.2Les auteurs soutiennent que leurs allégations relatives aux conditions de détention sur l’île Christmas comme sur le continent, ainsi que celles qui touchent aux obligations de non‑refoulement de l’État partie sont suffisamment étayées par des éléments de preuve. Ils rappellent également les dispositions législatives nationales pertinentes en l’espèce. Ils affirment que le risque qu’ils soient transférés dans un lieu où leurs droits humains peuvent être violés existait et existe toujours.

5.3Les auteurs affirment que l’article 7 du Pacte empêche l’Australie de les transférer à Nauru, où ils seraient détenus dans des conditions qui ont été abondamment décrites. Les ressources et installations n’y sont pas suffisantes pour fournir protection et assistance aux mineurs et répondre à leurs besoins. Les auteurs font référence aux conclusions du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) au sujet de Nauru, décrivant des conditions très dures pour les enfants demandeurs d’asile. Le risque de transfert pèse lourdement sur leur santé mentale. Tous souffrent d’angoisse psychique, et certains sont devenus suicidaires.

5.4Les auteurs signalent que la détention prolongée sur l’île Christmas leur a causé une grande souffrance mentale. Leur détention était une humiliation et un avilissement. Les observations de l’État partie sur les conditions de détention sur l’île sont générales et n’indiquent pas les dispositions précises mises en place pour les auteurs. Les programmes culturels, éducatifs et récréatifs sont insuffisants pour atténuer les effets de mauvaises conditions de détention.

5.5Les auteurs soutiennent en outre que leur détention prolongée sur l’île Christmas a constitué une violation de l’article 10 du Pacte. Ils font observer que les mineurs non accompagnés sont extrêmement vulnérables et ont besoin d’un traitement spécial de la part des autorités nationales. Les migrants viennent souvent d’environnements dangereux, ils ont souvent des problèmes de santé mentale. Les auteursrappellent qu’ils n’ont pas eu accès à des installations médicales et sanitaires suffisantes, qu’ils manquaient de vêtements appropriés. L’État partie n’a pas expliqué comment les auteurs ont personnellement bénéficié des programmes et services disponibles sur l’île Christmas.

5.6Les auteurs avancent que leur détention était arbitraire, en violation de l’article 9 (par. 1 et 4) du Pacte. Ils font remarquer qu’il existait des moyens moins restrictifs de faire respecter les lois nationales sur l’immigration que de les détenir aussi longtemps sur l’île Christmas. Leur détention était peut-être conforme au droit national mais elle n’était ni nécessaire ni proportionnée. Les auteurs affirment que toute détention supérieure à six mois est à première vue arbitraire. En avril 2014, les auteurs étaient détenus sur l’île Christmas depuis cinq à huit mois, une période de détention prolongée qui n’a pas été dûment évaluée. Les auteurs font observer que l’État partie ne présente pas les motifs individuels de leur détention. Ils ajoutent qu’ils n’ont pas eu la possibilité de faire examiner leur détention. Ils n’étaient pas en mesure de contester la légalité de leur détention devant les tribunaux australiens. Même s’ils avaient eu accès à un contrôle judiciaire, celui-ci aurait été inutile car il n’aurait pas permis de faire ordonner leur libération au motif d’une violation des dispositions du Pacte.

5.7Les auteurs répètent les griefs qu’ils tirent des articles 17, 23 et 24 du Pacte. Ils indiquent que certains d’entre eux avaient des membres de leur famille vivant en divers lieux d’Australie. Contrairement à ce qu’exige l’article 17 du Pacte, ils ont été séparés de ces proches. De plus, séparer B. A. A. de son frère a relevé d’une décision arbitraire. Des appels téléphoniques et de brèves visites ne suffisent pas à ce que les normes internationales soient respectées. Par ailleurs, le retour de A. R. dans un centre de détention était inadapté, compte tenu de la nécessité de répondre à ses problèmes mentaux et à ses besoins. Les auteurs réaffirment que les allégations de violations des dispositions de fond du Pacte sont suffisamment étayées. L’État partie a violé l’article 2 du Pacte. Les auteurs sont toujours vulnérables et doivent être protégés contre un éventuel transfert vers un centre de traitement régional.

5.8Enfin, les auteurs fournissent des documents médicaux, des déclarations personnelles et d’autres informations.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Dans une note verbale datée du 31 juillet 2019, l’État partie a transmis des observations complémentaires au Comité. Il soutient que, dans leurs commentaires du 25 octobre 2016, les auteurs ne fournissent aucune information permettant de corroborer leurs allégations. Ils s’appuient sur des affirmations vagues et générales, sans aucune référence à des faits et circonstances particuliers. L’État partie réaffirme donc les positions générales déjà exprimées dans ses observations du 22 juin 2016. En outre, il donne des informations actualisées sur le statut juridique des auteurs. Ces informations ont été ajoutées dans l’exposé des faits, au début des présentes constatations.

6.2L’État partie fait observer que six auteurs ont obtenu un visa de refuge et que quatre auteurs sont titulaires d’un visa relais. Un auteur est retourné volontairement en Afghanistan. Il n’est pas prévu de transférer l’un quelconque des auteurs vers un centre de traitement régional.

6.3L’État partie note que les auteurs ont indiqué que les installations disponibles sur l’île Christmas étaient insuffisantes et que les conditions de leur détention n’avaient pas été dûment évaluées. Toutefois, ils n’ont fourni aucun fait précis ou élément de preuve permettant de corroborer ces affirmations. L’État partie soutient que les auteurs ont tenté de faire porter la charge de la preuve sur le Gouvernement en lui demandant de réfuter des affirmations non fondées.

6.4S’agissant des allégations que les auteurs font au sujet de violations commises en Australie continentale, l’État partie rappelle ses observations précédentes et fait observer qu’aucune de ces allégations n’est étayée par des éléments de preuve.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3Le Comité note que les auteurs affirment avoir épuisé tous les recours internes qui leur étaient ouverts. Il note également que selon l’État partie, pour ce qui est des griefs tirés de l’article9 du Pacte, les auteurs avaient la possibilité de demander un contrôle judiciaire de la légalité de leur détention, conformément à la loi sur les migrations et à la Constitution australienne. Cependant, il considère que l’État partie n’a pas démontré que ce recours était vraiment ouvert aux auteurs ni que les juridictions nationales avaient compétence pour statuer individuellement sur les motifs justifiant la détention de chaque auteur. Faute d’objection de l’État partie sur ce point, au sujet des autres griefs soulevés par les auteurs, le Comité considère que les conditions énoncées à l’article5 (par.2b)) du Protocole facultatif sont réunies.

7.4En ce qui concerne l’argument de l’État partie, selon qui les griefs relatifs à un possible transfert à Nauru, que les auteurs tirent de l’article 7 mais aussi des articles 9 (par. 1 et 4), 10, 17, 23 et 24 du Pacte, devraient être déclarés irrecevables pour défaut de fondement, le Comité constate que dès la fin de 2014, l’État partie n’avait aucune intention de transférer les auteurs dans un centre à Nauru ou un autre centre extraterritorial. Dans ces conditions, il estime que les auteurs n’ont pas suffisamment étayé leurs griefs et déclare donc cette partie de la communication irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.5Le Comité prend note des allégations des auteurs selon qui les conditions de leur détention sur l’île Christmas et sur le continent australien étaient inadéquates et contraires aux dispositions des articles 7, 10, 17 et 23 du Pacte. Il constate que les auteurs se sont contentés de faire des déclarations générales à l’appui de leurs affirmations. Il considère, par conséquent, qu’ils n’ont pas suffisamment étayé leurs griefs aux fins de la recevabilité et que cette partie de la communication doit être déclarée irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.6Le Comité note, s’agissant des griefs que les auteurs tirent des articles 17, 23 et 24 du Pacte et selon lesquels certains d’entre eux ont été séparés de membres de leur famille vivant sur le continent australien, qu’il a seulement reçu des explications sur la situation familiale de B. A. A. Il considère que les griefs de B. A. A. ont été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et les déclare recevables. Les griefs similaires présentés au nom des autres auteurs n’ont pas été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et doivent donc être déclarés irrecevables au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.7En ce qui concerne les griefs que les auteurs tirent de l’article2 (par.3) du Pacte, le Comité rappelle qu’il est établi dans sa jurisprudence que les dispositions de l’article2 énoncent une obligation générale incombant aux États parties et ne peuvent être invoquées isolément dans une communication présentée en vertu du Protocole facultatif. Partant, il déclare cette partie de la communication irrecevable au regard de l’article3 du Protocole facultatif.

7.8En ce qui concerne les griefs tirés des articles 9 (par. 1 et 4) et 24 du Pacte au sujet de la détention des auteurs sur l’île Christmas, le Comité considère qu’ils ont été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et les déclare recevables.

7.9Le Comité décide donc que la communication est recevable en ce que la détention sur l’île Christmas semble soulever des questions au regard des articles 9 (par. 1 et 4) et 24 du Pacte pour tous les auteurs, et au regard des articles 17, 23 et 24 du Pacte pour B. A. A.

Examen au fond

8.1Conformément à l’article 5 (par. 1) du Protocole facultatif, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

8.2Le Comité prend note de l’allégation de B. A. A. selon laquelle il n’a pas été autorisé à vivre avec son frère qui était arrivé en Australie douze mois avant lui, en violation des articles 17, 23 et 24 du Pacte. Le Comité rappelle que, d’après les informations communiquées par les parties, l’auteur est arrivé sur l’île Christmas en octobre 2013. À cette époque, son frère était dans un centre de détention communautaire sur le continent. À une date non précisée, l’auteur a demandé à être pris en charge par son frère, mais, comme ce dernier était mineur à l’époque, la demande a été rejetée. En décembre 2014, l’auteur a été transféré de l’île Christmas et a été initialement placé pendant huit jours dans un lieu de substitution au centre de détention classique. Il a ensuite été transféré dans un centre de détention communautaire où il a retrouvé son frère. À une date non précisée, lorsque son frère a eu 18 ans et a obtenu un visa relais, il a été libéré du centre de détention. Pendant qu’il se trouvait sur l’île Christmas, B. A. A. a eu des contacts téléphoniques réguliers avec son frère qui vivait à proximité du centre de détention. Des visites de courte durée ont également eu lieu. Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel il n’était pas possible de transférer la tutelle de B. A. A. à son frère, alors que ce dernier était encore mineur. Lorsque le frère de l’auteur a eu 18 ans, les autorités nationales ont décidé qu’il était dans l’intérêt supérieur de B. A. A. de rester dans un centre de détention communautaire, car son frère n’était pas en mesure de lui fournir tous les services nécessaires et des conditions de vie appropriées. Dans le même temps, elles ont tenté de faciliter autant que possible les contacts familiaux. Le Comité considère qu’il existait des motifs raisonnables de ne pas transférer la tutelle de B. A. A. à son frère. L’auteur n’apporte aucun élément de preuve ou argument pour démontrer que son frère était en mesure de lui fournir l’assistance et les soins nécessaires. En outre, le Comité note que l’auteur n’a pas précisé à quel moment précis, après son arrivée, il avait demandé à être pris en charge par son frère. Compte tenu de ces éléments, et ayant remarqué les efforts faits par les autorités nationales pour établir et maintenir des contacts personnels entre B. A. A. et son frère, le Comité ne peut pas conclure que les autorités de l’État partie n’ont pas agi en ayant à l’esprit l’intérêt supérieur de l’auteur ni qu’elles ont manqué aux obligations que leur imposent les articles 17, 23 et 24 du Pacte.

8.3Pour ce qui est des articles 9 (par. 1) et 24 du Pacte, le Comité prend note de l’allégation des auteurs selon laquelle leur détention sur l’île Christmas par les services d’immigration a été arbitraire et d’une durée déraisonnable, et les conditions de détention et les installations sur l’île Christmas étaient inadaptées à leurs besoins. Il prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la détention des auteurs était conforme à la procédure établie par la loi sur les migrations ; a été aussi courte que possible et a régulièrement été réévaluée sur une base individuelle.

8.4Le Comité note en outre que les auteurs ne soutiennent pas que la détention sur l’île Christmas était illégale au regard du droit australien. Cela étant, l’adjectif « arbitraire » n’est pas synonyme de « contraire à la loi » mais doit recevoir une interprétation plus large, intégrant le caractère inapproprié, l’injustice, le manque de prévisibilité et le non-respect des garanties judiciaires. La détention pendant une procédure aux fins de contrôle de l’immigration n’est pas en soi arbitraire mais elle doit être justifiée, raisonnable, nécessaire et proportionnée compte tenu de toutes les circonstances, et la mesure doit être réévaluée si elle se poursuit. Il faut étudier les éléments utiles au cas par cas et ne pas fonder la décision sur une règle obligatoire applicable à une vaste catégorie de personnes ; il faut tenir compte de moyens moins drastiques d’obtenir le même résultat, comme l’obligation de se présenter à une autorité, le versement d’une caution ou d’autres moyens d’empêcher le demandeur de passer dans la clandestinité ; il faut en outre que la décision fasse l’objet d’un réexamen périodique et d’un contrôle juridictionnel.

8.5En outre, le Comité rappelle son observation générale no 35, dans laquelle il déclare que les enfants ne peuvent être privés de liberté qu’en dernier ressort et pour une durée aussi brève que possible et leur intérêt supérieur doit être une considération primordiale pour ce qui est de la durée et des conditions de la détention, de même qu’il faut tenir compte de l’extrême vulnérabilité et du besoin de prise en charge des mineurs non accompagnés. Il rappelle que les auteurs sont arrivés sur l’île Christmas à diverses dates entre juillet et novembre 2013 en tant que mineurs non accompagnés. Conformément à la politique nationale de l’époque, ils ont tous été placés dans des centres de détention d’immigrants. Ils y ont passé entre treize et dix-huit mois avant d’être transférés dans des centres de détention communautaires sur le continent australien. Le Comité considère que l’État partie n’a pas démontré, sur une base individuelle, que la détention continue et prolongée des auteurs était justifiée pour une période aussi longue. L’État partie n’a pas non plus démontré que d’autres mesures moins intrusives n’auraient pu également satisfaire au besoin de l’État partie de s’assurer que les auteurs seraient disponibles pour un éventuel renvoi. Plus précisément, il n’a pas été démontré que les auteurs, qui étaient mineurs à l’époque, n’auraient pas pu être transférés plus tôt dans des centres de détention communautaires, qui sont plus adaptés aux besoins particuliers des personnes vulnérables. Pour toutes ces raisons, le Comité conclut que le placement des auteurs, en tant que mineurs non accompagnés, dans un centre de détention d’immigrants était arbitraire et contraire aux articles 9 (par. 1) et 24 du Pacte.

8.6Le Comité note également que les auteurs affirment qu’ils ne disposaient d’aucun recours interne utile pour contester la légalité de leur détention devant les juridictions nationales, contrairement aux dispositions de l’article 9 (par. 4) du Pacte. Il considère l’argument de l’État partie selon lequel les auteurs avaient la possibilité de demander un contrôle judiciaire de la légalité de leur détention, conformément au droit interne. Dans le même temps, l’État partie soutient que l’examen de la « légalité de la détention » au sens de l’article 9 (par. 4) du Pacte suppose uniquement le respect de la législation nationale d’un État.

8.7Le Comité rappelle qu’un contrôle judiciaire de la légalité de la détention au sens de l’article 9 (par. 4) du Pacte ne doit pas consister uniquement à vérifier si la détention est compatible avec le droit national mais doit inclure la possibilité d’ordonner la libération du détenu si sa détention est incompatible avec les dispositions du Pacte, en particulier celles de l’article 9 (par. 1). Il rappelle également sa jurisprudence relative à l’examen de la détention d’étrangers sans documents d’entrée valides en Australie. En particulier, il a établi que l’examen judiciaire interne de la détention d’immigrants ne permettait pas un examen individuel au fond de la détention d’une personne. En outre, la jurisprudence nationale a montré que même quand un requérant contestant la légalité de sa détention obtenait gain de cause, cela ne mettait pas nécessairement fin à la détention arbitraire. L’État partie n’a pas fourni de précédents juridiques qui démontrent l’efficacité d’une requête devant les tribunaux nationaux dans des situations similaires. Il n’a pas non plus démontré qu’un tel recours était ouvert aux auteurs et que les juridictions nationales avaient compétence pour rendre des décisions individuelles concernant les motifs qui justifiaient la détention de chaque auteur. Par conséquent, le Comité ne voit pas de raison de s’écarter de son approche établie et considère que les faits de l’espèce font apparaître une violation de l’article 9 (par. 4) du Pacte.

9.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constate que l’État partie a violé les droits que les auteurs tiennent des articles 9 (par. 1 et 4) et 24 du Pacte.

10.Conformément à l’article 2 (par. 3 a)) du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer aux auteurs une réparation effective. Il a l’obligation d’accorder une réparation intégrale aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. Il est donc notamment tenu en l’espèce d’accorder une indemnisation adéquate aux auteurs. Il est également tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas. À cet égard, l’État partie devrait revoir sa législation et ses politiques en matière de migrations en vue de les mettre en conformité avec les dispositions des articles 9 et 24 du Pacte.

11.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et une réparation exécutoire lorsque la réalité d’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans ses langues officielles.