Nations Unies

CCPR/C/133/D/2978/2017

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

20 février 2023

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2978/2017 * , ** , ***

Communication soumise par :

Navya Sheriffdeen

Victime(s) présumée(s) :

L’auteure

État partie :

Sri Lanka

Date de la communication :

26 janvier 2017 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 92 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 19 mai 2017 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

19 octobre 2021

Objet :

Discrimination dans l’accès à l’école publique sur le fondement de l’appartenance ethnique et religieuse supposée

Questions de procédure :

Défaut de fondement

Questions de fond :

Discrimination fondée sur l’appartenance ethnique et la religion ; accès aux tribunaux

Article(s) du Pacte:

2 (par. 3), 14, 16, 17, 18, 25 et 26

Article(s) du Protocole facultatif :

2 et 3

1.L’auteure de la communication est Navya Sheriffdeen, de nationalité sri‑lankaise, née le 30 juillet 2009 ; elle est représentée par son père, Jehangir Sheriffdeen. Elle affirme qu’en rejetant sa demande d’inscription dans une école financée par des fonds publics pour des motifs discriminatoires, l’État partie a violé les droits qu’elle tient des articles 2, 14, 16, 17, 18, 25 et 26 du Pacte. Elle n’est pas représentée par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteure

2.1Le 19 juin 2014, la mère de l’auteure a présenté pour sa fille une demande d’inscription auprès de Visakha Vidyalaya, une école publique. Selon la circulaire gouvernementale régissant le processus d’admission, l’auteure pouvait être admise dans cette école compte tenu de son lieu de résidence. Elle aurait donc obligatoirement dû être convoquée pour un entretien. N’ayant reçu aucune nouvelle à ce sujet, le père de l’auteure a obtenu un rendez-vous avec la directrice adjointe de l’école afin de discuter du rejet de la demande. La directrice adjointe a déclaré que l’auteure n’avait pas été convoquée à un entretien parce que les documents joints à la demande n’étaient pas en règle. Après avoir examiné le dossier avec le père de l’auteure, elle a reconnu que les documents étaient en règle et qu’il y avait eu erreur. Elle a promis d’aborder la question avec la directrice de l’école.

2.2Le 26 septembre 2014, le père de l’auteure a déposé une plainte auprès de la Commission des droits de l’homme de Sri Lanka. Le 4 novembre 2014, il a également déposé un recours auprès de la commission d’appel de l’école contre le rejet de la demande d’inscription de sa fille. Dans son recours, il faisait observer que des enfants ayant obtenu des notes inférieures à celles de sa fille avaient été admis dans cet établissement.

2.3Le 25 novembre 2014, la Commission des droits de l’homme a convoqué les parties à l’affaire afin de les interroger. À cette occasion, la directrice de l’école a déclaré que la seule raison pour laquelle elle n’avait pas donné suite à la demande d’inscription et n’avait pas convoqué l’auteure à un entretien était que le grand-père paternel de l’auteure était un Malais de Ceylan, et que par conséquent l’auteure et son père étaient également malais de Ceylan et portaient un nom musulman. De plus, elle avait apporté le dossier de demande d’inscription de l’auteure. Sur la première page figurait l’annotation « musulmane ». Un enseignant qui accompagnait la directrice à la réunion a déclaré qu’il s’agissait de la procédure habituelle et que si un enfant chrétien avait demandé à être admis à l’école, l’annotation « chrétien » aurait aussi été apposée sur le dossier, qui aurait été écarté du processus de sélection. La directrice a déclaré que seuls les candidats portant un nom bouddhiste singhalais étaient sélectionnés et que le Ministre de l’éducation et le Secrétaire à l’éducation lui avaient demandé de maintenir sa décision et de ne pas admettre l’auteure dans son école. Elle a ajouté qu’elle savait que la famille concernée était bouddhiste mais que son patronyme lui posait problème, et précisé que si la famille changeait de nom, elle pourrait reconsidérer sa décision. Le 3 décembre 2014, la Commission des droits de l’homme a conclu que l’école avait violé le droit interne et lui a ordonné de procéder à l’inscription de l’auteure. La directrice ne s’est pas conformée à cette décision. Qui plus est, elle a fait annuler le recours de l’auteure devant la commission d’appel afin qu’il ne soit pas examiné.

2.4Le 2 janvier 2015, le père de l’auteure a saisi la Cour suprême d’une plainte pour violation des droits de sa fille. L’auteure affirme qu’un Solicitor General adjoint a représenté l’école devant la Cour suprême et qu’il a intentionnellement retardé de vingt mois la procédure devant la Cour.

2.5Le 12 janvier 2015, la Commission des droits de l’homme de Sri Lanka a convoqué la directrice de l’école pour un deuxième entretien d’enquête. Un représentant du Secrétariat à l’éducation était également présent. La directrice a informé la Commission qu’elle n’avait aucune intention d’admettre l’auteure dans son école.

2.6Le 21 janvier 2015, le père de l’auteure a été menacé par des inconnus. Il affirme que ceux-ci avaient l’apparence et le comportement de militaires. Ces hommes l’ont menacé de violence physique, ainsi que sa famille, en lui disant qu’il devait retirer sa plainte auprès de la Commission des droits de l’homme. Le père de l’auteure fait observer que la directrice de l’école est colonelle dans l’armée sri-lankaise et qu’elle disposait donc des moyens et des hommes qui lui auraient permis de nuire à sa famille. Il a porté plainte auprès de la police au sujet de l’incident mais il n’a été informé d’aucune mesure d’enquête. Le 26 février 2015, la mère de l’auteure a reçu deux appels sur son téléphone portable d’un inconnu qui l’a menacée et a exigé que sa famille retire la plainte déposée devant la Cour suprême, sans quoi la famille serait tuée.

2.7Le 11 juillet 2016, la Cour suprême a rejeté la requête de l’auteure. Dans son raisonnement, la Cour a estimé que l’argument de l’auteure selon lequel elle n’avait pas été sélectionnée en raison de son nom musulman n’avait pas été suffisamment étayé et que sa demande d’inscription avait été rejetée parce que ses notes n’étaient pas assez élevées. L’auteure indique qu’à ce stade, sept juges de la Cour suprême avaient déjà pris part à l’examen de l’affaire en raison du retard pris dans la procédure. Tous avaient exprimé des opinions favorables à la famille. Cependant, en juillet, l’affaire a été examinée par un collège de juges qui ont fait preuve de partialité et se sont prononcés en faveur de l’école. L’auteure affirme que les juges se sont appuyés uniquement sur des documents obtenus après l’achèvement de la procédure d’admission à l’école, qui n’avaient pas pu être pris en compte au moment de la décision contestée. Elle soutient que les preuves présentées par sa famille n’ont pas été prises en compte et que la Cour suprême n’a pas tenu compte de ses arguments concernant le caractère discriminatoire du rejet de sa demande.

Teneur de la plainte

3.1L’auteure affirme qu’elle n’a pas été admise dans l’école de son choix en raison de son appartenance ethnique et religieuse supposée. Elle fait observer qu’il s’agit d’une école prestigieuse, dont des anciens élèves travaillent comme juges dans les tribunaux sri-lankais et dans les administrations publiques. Elle affirme que, bien que cette école soit publique, la priorité est donnée aux enfants bouddhistes singhalais, qui représentent 99 % des élèves. Elle précise que sa famille est bouddhiste mais qu’en raison de son nom de famille, elle est perçue comme étant de confession musulmane. Elle affirme que son nom de famille est la seule raison pour laquellesa demande d’inscription a été rejetée.

3.2L’auteure invoque les articles 2, 14, 16, 17, 18, 25 et 26 du Pacte. Elle affirme que son droit à une égale protection de la loi a été violé et qu’elle a été victime de discrimination en violation de la Constitution de Sri Lanka, qui interdit toute discrimination fondée sur la race, la religion, la langue, la caste, le sexe, l’opinion politique, le lieu de naissance ou tout autre motif similaire. Son nom, qui a donné l’impression qu’elle n’était pas une bouddhiste singhalaise, est la seule raison pour laquelle on lui a refusé l’admission dans une école nationale, alors qu’elle remplissait les conditions requises par la réglementation nationale. Elle affirme en outre que l’arrêt de la Cour suprême est arbitraire et a constitué un déni de justice, car la Cour a pris en compte des éléments non pertinents et fait délibérément abstraction des éléments pertinents.

Défaut de coopération de l’État partie

4.Le Comité note que l’État partie n’a pas fait part de ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication. Il regrette que l’État partie n’ait apporté aucune information sur la recevabilité ou sur le fond des griefs de l’auteure. Il rappelle que l’article 4 (par. 2) du Protocole facultatif oblige implicitement les États parties à examiner de bonne foi toutes les allégations portées contre eux et à communiquer au Comité toutes les informations dont ils disposent. En l’absence de réponse de l’État partie, il y a lieu d’accorder le crédit voulu aux allégations de l’auteure, pour autant qu’elles aient été suffisamment étayées.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

5.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

5.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

5.3Le Comité note que l’auteure affirme avoir épuisé tous les recours internes disponibles et utiles. Bien que l’État partie n’ait fourni aucune information à ce sujet, il estime que rien ne s’oppose à ce qu’il examine la communication conformément à l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif.

5.4En ce qui concerne les griefs que l’auteure tire de l’article 2 du Pacte, le Comité rappelle qu’il est établi dans sa jurisprudence que les dispositions de l’article 2 énoncent une obligation générale incombant aux États parties et ne peuvent être invoquées isolément dans une communication présentée en vertu du Protocole facultatif. En conséquence, le Comité déclare cette partie de la communication irrecevable au regard de l’article 3 du Protocole facultatif.

5.5Le Comité prend note des griefs que l’auteure tire des articles 16, 17, 18 et 25 du Pacte. Il constate que l’auteure n’a pas fourni d’explications sur la manière dont ces droits ont été violés par l’État partie. Il considère, par conséquent, que l’auteure n’a pas suffisamment étayé ses griefs aux fins de la recevabilité et que cette partie de la communication doit donc être déclarée irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

5.6Le Comité note que l’auteure affirme que la procédure devant la Cour suprême a été arbitraire et a constitué un déni de justice, en violation de l’article 14 du Pacte. Il observe que les allégations de l’auteure à ce sujet sont assez sommaires et portent essentiellement sur l’évaluation des faits et des preuves par la Cour suprême. Il rappelle qu’il appartient généralement aux juridictions des États parties d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée, sauf s’il peut être établi que cette appréciation a été manifestement arbitraire ou a représenté un déni de justice. Le Comité n’exerce son pouvoir de réexamen que s’il a été établi que l’évaluation ou l’interprétation ont été manifestement arbitraires ou ont constitué un déni de justice. Les documents dont le Comité est saisi en l’espèce ne font apparaître aucun élément permettant de conclure que les procédures judiciaires concernant l’auteure ont été entachées de telles irrégularités. Dans ces circonstances, le Comité considère que l’auteure n’a pas suffisamment étayé le grief tiré de l’article 14 du Pacte aux fins de la recevabilité et le déclare irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

5.7Le Comité constate que l’auteure a fourni des informations suffisantes à l’appui des griefs qu’elle tire de l’article 26 du Pacte. En conséquence, il déclare cette partie de la communication recevable et passe à son examen au fond.

Examen au fond

6.1Conformément à l’article 5 (par. 1) du Protocole facultatif, le Comité a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties. Il rappelle qu’en ne faisant pas parvenir de réponse au sujet d’une communication, ou en envoyant une réponse incomplète, l’État qui fait l’objet de la communication se place en situation désavantageuse parce que le Comité est alors contraint d’examiner la communication en l’absence de toute l’information nécessaire concernant la plainte. En l’absence d’explications de l’État partie sur le fond, il convient d’accorder tout le crédit voulu aux allégations de l’auteure, dès lors qu’elles ont été suffisamment étayées (voir par. 4).

6.2Le Comité prend note du grief de l’auteure qui affirme qu’en lui refusant l’admission à l’école publique Visakha Vidyalaya en raison de son appartenance ethnique et religieuse, l’État partie a violé l’article 26 du Pacte. Selon la circulaire gouvernementale régissant le processus d’admission, l’auteure pouvait être admise dans cette école compte tenu de son lieu de résidence. La Cour suprême a estimé que les arguments de l’auteure concernant la décision de ne pas retenir son dossier n’étaient pas suffisamment étayés et a conclu, en juillet 2016, que la demande d’admission de l’auteure avait été rejetée parce que ses résultats scolaires n’étaient pas suffisamment bons. L’auteure affirme à ce sujet que d’autres enfants qui avaient obtenu des notes inférieures aux siennes ont été admis à l’école en question. Le Comité ne peut cependant pas négliger le fait que, comme il ressort des documents fournis, l’appartenance ethnique et religieuse de l’auteure a effectivement joué un rôle important dans la décision de non-admission. Il constate que la directrice de l’école Visakha Vidyalaya a expressément confirmé, lors de la procédure devant la Commission des droits de l’homme, que la demande d’admission de l’auteure avait été refusée uniquement en raison de son nom de famille, qui était un nom musulman, et de l’appartenance ethnique supposée de son grand‑père paternel, qui était considéré comme Malais de Ceylan. La directrice a en outre déclaré que ladite école était une école bouddhiste singhalaise qui, traditionnellement, n’admettait que des enfants bouddhistes singhalais, 0,5 % seulement des élèves étant d’une autre religion, conformément au plafond autorisé. La Commission des droits de l’homme de Sri Lanka est parvenue à la conclusion que l’école avait violé les dispositions de la législation nationale régissant les processus d’admission ens’attachant à déterminer les croyances religieuses et l’appartenance ethnique présumées des ancêtres de l’auteure. Le Comité considère que, même en admettant que l’évaluation globale de la demande d’inscription de l’auteure et, finalement, le rejet de son dossier reposaient sur plusieurs critères, l’illégitimité de l’un de ces critères a pour effet de contaminer l’ensemble de la décision. Par conséquent, en l’absence d’explications de l’État partie, le Comité estime que les faits de l’espèce font apparaître une violation de l’article 26 du Pacte.

7.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constate que l’État partie a violé les droits que l’auteure tient de l’article 26 du Pacte.

8.Conformément à l’article 2 (par. 3 a)) du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteure un recours utile. Il a l’obligation d’accorder une réparation intégrale aux personnes dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. En conséquence, l’État partie est tenu, entre autres, de prendre des mesures appropriées pour accorder à l’auteure une indemnisation adéquate et de veiller à ce que sa demande d’inscription dans une école publique soit examinée dans le plein respect des dispositions du Pacte. Il est également tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas.

9.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et une réparation exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement.

Annexe

Opinion individuelle (partiellement dissidente) de Gentian Zyberi

1.Je partage l’avis du Comité qui constate une violation de l’article 26 du Pacte. Je pense néanmoins que les faits de l’espèce font également apparaître une violation de l’article 24 (par. 1) du Pacte, étant donné que l’auteure est une enfant à qui l’on a refusé de manière discriminatoire, sur la base de sa religion et de son appartenance ethnique supposées, les mesures nécessaires à la protection de son droit à l’éducation.

2.Même si l’auteure ne dénonce pas expressément une telle violation, celle-ci aurait pu être examinée par le Comité. Bien que je ne plaide pas en faveur d’une interprétation large du principe de jura novit curia, en particulier lorsque l’auteur est représenté par un avocat, ce n’est pas le cas ici et la communication soulève manifestement des questions au regard de l’article 24. J’en veux pour preuves le traitement discriminatoire subi par l’auteure, son âge et la nécessité de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant.

3.Le nom de l’auteure, qui a donné l’impression qu’elle n’était pas une bouddhiste singhalaise, est la seule raison pour laquelle on lui a refusé l’admission dans une école publique, alors qu’elle remplissait les conditions requises par la réglementation nationale (par. 3.2). En 2014, la Commission des droits de l’homme de Sri Lanka a jugé que l’école avait enfreint le droit interne et lui a ordonné de procéder à l’inscription de l’auteure (par. 2.3). Cependant, non seulement la directrice ne s’est pas conformée à cette décision, mais elle a fait annuler le recours de l’auteure devant la commission d’appel afin qu’il ne soit pas examiné (ibid.).

4.Plusieurs conventions internationales relatives aux droits de l’homme consacrent le droit à l’éducation. L’article 24 (par. 1) du Pacte dispose que « [t]out enfant, sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’origine nationale ou sociale, la fortune ou la naissance, a droit, de la part de sa famille, de la société et de l’État, aux mesures de protection qu’exige sa condition de mineur ». Ces mesures de protection comprennent l’accès à l’éducation sans discrimination et le Comité s’est déjà penché, dans ses observations finales, sur la question de l’éducation au regard de l’article 24. Dans le contexte du droit à l’éducation, le terme « discrimination » devrait être interprété de la même manière que dans l’article premier de la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement, où il est entendu comme comprenant « toute distinction, exclusion, limitation ou préférence qui, fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la condition économique ou la naissance, a pour objet ou pour effet de détruire ou d’altérer l’égalité de traitement en matière d’enseignement et, notamment [...] d’écarter une personne ou un groupe de l’accès aux divers types ou degrés d’enseignement ». Le droit à l’éducation peut également être interprété à la lumière de l’article 28 (par. 1) de la Convention relative aux droits de l’enfant, qui prévoit, de la même manière, que « [l]es États parties reconnaissent le droit de l’enfant à l’éducation, et en particulier, en vue d’assurer l’exercice de ce droit progressivement et sur la base de l’égalité des chances », prennent des mesures particulières. Il importe de noter que le droit à l’éducation est inscrit dans la Constitution sri-lankaise, dont l’article 27 (par. 2 h)) dispose que l’État s’attache notamment à « éradiquer complètement l’analphabétisme et à garantir à toutes les personnes le droit à l’accès universel et égal à l’éducation à tous les niveaux ».

5.Dans son observation générale no 17 (1989) sur les droits de l’enfant, notamment le droit au repos et aux loisirs, le droit de se livrer au jeu et à des activités récréatives et le droit de participer à la vie culturelle et artistique, le Comité des droits de l’homme a estimé que « [d]ans le domaine culturel, tout devrait être fait pour favoriser l’épanouissement de la personnalité des enfants et leur assurer un degré d’instruction qui leur permette d’exercer les droits visés par le Pacte, notamment la liberté d’opinion et d’expression » (par. 3). Dans son observation générale no 13 (1999) sur le droit à l’éducation, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a souligné que l’éducation devait être accessible à tous, en particulier aux groupes les plus vulnérables, en droit et en pratique, sans discrimination fondée sur l’un quelconque des motifs interdits (par. 6 b) et 31 à 37). La Rapporteuse spéciale sur l’éducation a souligné l’importance de l’équité et de l’inclusion dans l’éducation en affirmant que « [l] ’interdiction de la discrimination vis[ait] à éliminer, en droit et en fait, les obstacles qui empêch[ai]ent certains élèves d’accéder à l’éducation, ou de réussir une fois qu’ils [étaient] scolarisés ». Son prédécesseur avait quant à lui souligné que « la question d’un accès juste et égal à l’éducation a[vait] fait l’objet de nombreuses décisions ». En l’espèce, les autorités nationales n’ont pas respecté leurs obligations au titre de l’article 24 du Pacte.

6.Lus conjointement, les articles 26 et 24 du Pacte obligent les États parties non pas à interdire simplement la discrimination, mais à concrétiser le principe de l’égalité des chances en matière d’éducation. Dans cette communication, le Comité aurait dû constater une violation de l’article 24 (par. 1) en plus de la violation de l’article 26.